• 1 Wheeler, Brannon, « Gift of the Body in Islam: The Prophet Muhammad’s Camel Sacrifice and Distribu (...)

2L’ouvrage, très informatif, est organisé en six chapitres. Le premier (p. 39-79) recense les différents sacrifices d’animaux que la tradition musulmane attribue au Prophète, notamment avant sa prédication. L’A. montre que les sources musulmanes conviennent d’un déroulé du pèlerinage d’adieu inspiré de rituels préislamiques. Dans le deuxième chapitre (p. 80-149), Wheeler s’interroge sur l’instruction du chef militaire ʿAmr ibn al-ʿĀṣ (m. 43/663) de sacrifier un camélidé et d’en distribuer le produit à sa mort. Fort de témoignages archéologiques, Wheeler souligne le caractère courant de l’inhumation des guerriers avec leurs montures dans l’espace méditerranéen et plus particulièrement avec des camélidés dans la péninsule Arabique. Il s’agirait de célébrer le rôle joué par ʿAmr dans la fondation d’un empire musulman à dominante culturelle arabe. Le troisième chapitre (p. 150-197) revient sur les origines païennes du sacrifice effectué à l’occasion du pèlerinage. Ce dernier ferait la synthèse de deux rites préislamiques, l’un consistant à présenter des animaux domestiques aux déesses de la fertilité en guise de reconnaissance pour la prospérité des troupeaux et l’autre à offrir des animaux chassés à des divinités masculines. Puisque le monothéisme coranique synthétise en un seul Dieu ces deux types de divinités, le sacrifice est mutualisé également. L’islam donne toutefois un pédigrée biblique à ces rituels païens, exprimé à travers l’association du rituel sacrificiel à la figure tutélaire d’Abraham, ainsi qu’énoncé dans le quatrième chapitre (p. 198-238). Les biographes qui content l’histoire musulmane du salut présentent le Prophète comme son successeur attitré en lui attachant une capacité à restaurer la fertilité, qui s’incarne dans la pratique transculturelle préislamique consistant, pour un aspirant patriarche, à s’approprier des pièces de troupeau et à les redistribuer. Le cinquième chapitre (p. 239-281), dérivé d’un précédent article1, porte plus particulièrement sur la distribution de parties du corps du Prophète comme un moment fondateur à mettre en relation avec l’offrande concomitante de camélidés à la fin du pèlerinage d’adieu. Dans le dernier chapitre (p. 282-329), l’A. s’intéresse au sacrifice de soi par les martyrs et considère des échos au sacrifice primordial dans le djihadisme contemporain. Enfin, dans la conclusion, Wheeler propose une caractérisation de l’acte sacrificiel du Prophète en en identifiant les variables (p. 341-342). En le comparant avec des pratiques sacrificielles hawaïennes et russes, il repère des principes structurels et des éléments plus particuliers à l’islam. Il soutient que le sacrifice, alors passé de mode chez les juifs et les chrétiens, a servi à cimenter une identité musulmane. L’islam a repris à son compte la pratique préislamique du sacrifice dans sa déclinaison païenne, mais l’a dépouillée de toutes sortes de contaminations. Contrairement aux autres pratiques sacrificielles antiques, l’islam rejette l’idée qu’une portion soit réservée aux prêtres. Une composante essentielle réside en ce que cette religion réaffirme le rôle du sacrifice comme moyen de distribuer de la nourriture au sein de la communauté. D’après Wheeler, la mise à mort serait somme toute secondaire dans l’acte sacrificiel.