Les années amères de l’Amérique « Farm Security Administration », Laboratoire Photon et Galerie du Château d’Eau, Toulouse, du 5 avril au 28 mai 2024
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American ArtPersons mentioned:
Jean Dieuzaide, Franklin D. Roosevelt, Edward Steichen, Roy Striker, Dorothea Lange, Walker Evans, Ben Shahn, Carl Mydans, Theodor Jung, Arthur RothsteinOutline
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Muriel Adrien remercie chaleureusement la Galerie du Château d’Eau et le laboratoire Photon pour leur collaboration et l’autorisation à reproduire les images.
Chantier de la Galerie du Château d’eau et poursuite de la programmation
1Le bâtiment de la Galerie Le Château d'Eau a fermé ses portes le 22 avril 2024, après les expositions d’Arno Brignon « Us » et de Philémon Barbier, « Rien à perdre ». En effet, la Galerie mène d’importants travaux de rénovation de l'édifice. Le chantier prévoit un agrandissement du lieu avec l’ouverture d’une arche du Pont Neuf, ainsi qu’une mise aux normes pour favoriser l’accès de tous les publics. Les bureaux y seront déménagés afin d’élargir les surfaces d’exposition et de faciliter la circulation du public.
2Pendant les travaux, la programmation de la Galerie du Château d’eau se poursuit dans les locaux du MATOU (Musée de l'Affiche de Toulouse) dès fin mai 2024. A partir du 10 octobre, une grande exposition aura lieu au musée Les Abattoirs, à l'occasion des 50 ans de la Galerie Le Château d'Eau, et fera dialoguer les deux collections photographiques de ces deux institutions culturelles. Entre la fermeture et l’investissement du MATOU, la Galerie du Château d’Eau a présenté une sélection d’images réalisées lors de la campagne photographique menée dans les années 1930 par la FSA (Farm Security Administration) au Laboratoire Photon de Toulouse. En cette période de transition et de renouveau pour la Château d’Eau, cette exposition avait un petit air de retour aux sources, comme pour marquer le nouveau départ en faisant référence aux origines de la Galerie.
Figure 1
L’exposition « Les années amères de l’Amérique ‘Farm Security Administration’ » de la Galerie du Château d’Eau au laboratoire Photon
3La collection du Château d’Eau a débuté en 1974 avec l’achat de trois photographies de Robert Doisneau. Depuis cette date, elle s’est enrichie de nouvelles œuvres, comptant, en 2023, 5 500 tirages, plaques de verre et documents. Ce fonds recouvre une grande diversité de nationalités d’artistes (français, allemands, scandinaves, américains ou encore japonais) et de tendances artistiques : photographie plasticienne, documentaire ou humaniste, images scientifiques (premières images du satellite Spot) ou encore historiques.
4La constitution de cette collection se fait dans les années 1970-1980 à une période où la photographie tente de s’imposer comme art exposable. Jean Dieuzaide, fondateur de la Galerie du Château d’Eau, contribua fortement à la reconnaissance de la photographie dans le champ de l’art. Il choisit d’y exposer en 1980 des images réalisées dans le cadre de la FSA, une commande photographique de grande ampleur réalisée dans les années 1930 aux États-Unis, comme pour frapper fort, et montrer précisément la force de frappe de l’art photographique. Dieuzaide n’expose pas les tirages originaux mais les reproductions réalisées par l’atelier Dieuzaide, grâce au fonds de la Librairie du Congrès de Washington DC et de la Bibliothèque publique d’Information au Centre Georges Pompidou.
5Dans l’exposition de mai 2024 au Laboratoire Photon, étaient représentés neuf des quinze photographes ayant participé au projet de la FSA. Exposer ces images à nouveau était matériellement pratique car elles existaient déjà dans le fonds du Château d’Eau : l’exposition était déjà prête « clé en mains ». Christian Caujolle, le directeur artistique et commissaire de l’exposition, faisait état de la volonté de faire sortir les riches collections des réserves, dans le cadre du partenariat avec Photon :
- 1 Christian Caujolle : « Ce serait parfaitement inimaginable aujourd’hui. Parce qu’il prévoyait de pr (...)
- 2 Courriel du 8 juillet 2024 adressée à l’autrice de l’article.
Nous voulons rendre visible le plus possible la collection du Château d'Eau et permettre au public d'y avoir accès, à Toulouse comme ailleurs. Par ailleurs le laboratoire Photon, qui est un de nos partenaires, organise chaque année l'exposition d'une collection ou d'un fonds patrimonial.
Depuis l'an passé où nous avons présenté chez eux Zola photographe1, nous tentons de montrer une fois par an dans leur galerie des tirages extraits de notre collection.2
6Il ajoutait :
- 3 Idem
Notre fonds de la FSA était constitué et avait un sens pour nos deux établissements, Photon ayant rarement l'occasion de montrer de la photographie américaine et nos tirages, qui sont relativement récents, ne présentant pas de souci particulier en termes de conservation.3
7Une telle exposition profitait à la fois au laboratoire Photon et au Château d’Eau. Photon était montré s’ouvrant à la photographie américaine d’il y a 100 ans, lui donnant par là également une caution historique. Quant au Château d’Eau, tout en bénéficiant de l’espace d’exposition du lieu, le fait d’exposer ces images dans un laboratoire professionnel qui réalise des tirages faisait écho au travail de reproduction des images de la FSA par l’atelier Dieuzaide.
8Quand il lui est demandé les critères de sélection qui ont présidé au choix des images, Christian Caujolle répond de manière générale :
- 4 Ibid
J'ai essayé de donner un aperçu assez large, quelques icônes — sans être redondant avec une exposition Dorothea Lange déjà présentée par Photon — et des images beaucoup moins connues.4
9Que des images peu connues jouxtent des images iconiques (le portrait frontal et quasi allégorique du Migrant Mother, la foule d’hommes aux visages cachés par leurs chapeaux dans White Angel Breadline de Dorothea Lange, pour ne nommer que celles-là…) est sans doute pour satisfaire à la fois un public averti et un public plus large qui l’est moins. Les images les plus connues accrochent l’attention du spectateur et l’achemine vers d’autres images qui autrefois les accompagnaient mais qui sont restées dans l’ombre. Le spectateur peut lui-même constituer sa propre photothèque personnelle, avec ses propres images iconiques, loin des figures imposées.
10Christian Caujolle a maintes fois démontré son goût pour la culture américaine — il a amorcé sa direction artistique au Château d’Eau avec les portraits des sœurs Brown par Nicholas Nixon — et expose régulièrement des images de l’Amérique vues par des Européens : l’Italien Francesco Jodice avec « West », la Française Marion Gronier avec « Nous n’étions pas censés survivre » et le Français Arno Brignon avec « Us », pour ne citer que ceux-là. L’on retrouve aussi, dans cette exposition, son tropisme pour les portraits et pour la route américaine.
- 5 Ibid
La thématique de la route, du déplacement, ont été privilégiés pour rappeler qu'il s'est agi de l'une des plus grandes migrations intérieures dans un pays à l'époque.5
11De la disposition scénographique, il écrit :
- 6 Ibid
La disposition s'est faite de façon visuelle, avec un panneau centré sur la route et ensuite, comme toujours, en tentant de trouver des rythmes de lecture, des séquences, des arrêts.6
12Tout se passe comme si Christian Caujolle voulait faire vivre aux spectateurs eux-mêmes, en miroir, l’expérience d’un déplacement migratoire « hors les murs », avec son rythme, ses séquences et ses arrêts. Cette aventure décalée géographiquement dans la ville décale également dans le temps, tel un flashback, la photographie américaine à laquelle la Galerie du Château d’Eau nous avait habituée.
Les photographies de la FSA : bref rappel7
- 7 Voir, entre autres, le livre suivant : Mora Gilles, Brannan Beverly, Les photographies de la FSA. A (...)
13La FSA (Farm Security Administration, originellement Resettlement Administration), agence gouvernementale chargée des problèmes agricoles, a été créée dans les années 1930 aux États-Unis dans le cadre du New Deal du président Franklin D. Roosevelt. La Division de l’Information de l’administration Roosevelt commande à la FSA un reportage afin de documenter les conditions de vie précaires des agriculteurs et des travailleurs migrants pendant la Grande Dépression. D’autant plus précaires que la crise est aggravée par une série de tempêtes qui provoquent des catastrophes agricoles et écologiques, notamment dans les régions du Sud des États-Unis, le « Dust Bowl » (comprenant l’Oklahoma, le Kansas et le Texas). Ces tempêtes ravagent les cultures et recouvrent de poussière les champs et les bâtiments. En plus de documenter la pauvreté rurale, ces photographies avaient pour objectif de sensibiliser l’opinion à la misère des paysans, afin de promouvoir les programmes de soutien et de relance économique pour améliorer leurs conditions de vie. Ainsi les photographies produites par la FSA sont non seulement des témoignages visuels de cette époque, mais aussi des outils de communication qui ont joué un rôle crucial dans la formation de l'opinion publique.
14Cette mission documentaire est menée en 1935 par Roy E. Stryker, économiste de l'Université de Columbia de New York passionné de l’image, qui confie ce projet à de jeunes photographes. Il les envoie parcourir le pays afin de documenter l'exode rural, les conditions de vie des travailleurs migrants, ainsi que le quotidien des petites localités isolées et les panneaux le long des routes. Durant sept ans, quinze photographes arpentent le territoire américain, avec en tête, la mission de documenter la situation économique et écologique du pays et de créer de la compassion. Les compositions sont souvent centrées sur les expressions des sujets, dignes mais marqués par la fatigue et l'inquiétude. Les éléments contextuels, avec l'accent mis sur les détails de leur environnement immédiat — les maisons délabrées, les vêtements usés, les champs arides — ajoutent une profondeur narrative.
15La Château d’Eau distingue trois périodes :
16• 1935 - 1937 : Dorothea Lange, Ben Shahn, Walker Evans, Carl Mydans, Theodor Jung, Arthur Rothstein
17• 1937 - 1942 : Edwin & Louise Rosskam, Marion Post Wolcott, Jack Delano, John Vachon, Russell Lee
18• 1942 - 1943 : Marjory Collins, John Collier Jr., Gordon Parks, Esther Bubley.
19La FSA constitue, tout au long de ces huit années, une archive d’environ 270 000 photographies et négatifs. En 1938, commencent les publications d’ouvrages, articles et expositions. La section photographique de la FSA disparait en 1943 et la collection est déposée à la Bibliothèque du Congrès de Washington en 1944, entrant ainsi dans le domaine public et la postérité. L'ensemble a marqué la mémoire collective visuelle de la Grande Dépression.
Circulation des photographies de la FSA : le rôle de Steichen
20Edward Steichen joua un rôle de passerelle culturelle entre les États-Unis et l'Europe, que ce soit en tant que galeriste, éditeur de revues ou encore conservateur au Museum of Modern Art à New York (MoMA). Il découvre les photographies de la FSA lors de la First International Photographic Exhibition au Grand Central Palace à New York en 1938. Très impressionné, il choisit d’en exposer un certain nombre dans la revue US Camera Annual en 1939. Vingt-trois ans plus tard, en 1962, en forme de conclusion à sa carrière, il leur consacre sa dernière exposition en tant que Directeur du Département de la photographie au MoMA, « The Bitter Years ». Cet hommage rassemble plus de 200 images parmi les plus sombres du fonds de la FSA, celles qui illustrent la misère afin de rallier le soutien public en faveur de l’intervention du gouvernement et des réformes du New Deal. La scénographie de l’exposition fait des Américains un peuple brave et stoïque.
- 8 Steichen, Edward (ed). The Bitter Years: 1935-1941. Rural America as seen by the photographers of t (...)
21Dans le catalogue du MoMA de 19628, Steichen passe sous silence les contraintes idéologiques données aux photographes de la FSA, et surenchérit sur le biais patriotique initial en érigeant les Américains de la Grande Dépression en modèles de courage et de force morale :
- 9 The Bitter Years, p.iii.
I believe it is good at this time to be reminded of those "Bitter Years" and to bring them into the consciousness of a new generation which has problems of its own, but is largely unaware of the endurance and fortitude that made the emergence from the Great Depression one of America's victorious hours.9
- 10 Images de l’Amérique en crise - Photographies de la Farm Security Administration 1935-1942, 19 déce (...)
22De 1962 à 1967, cette exposition circule aux Etats-Unis et en Europe. En 1967, le MoMA fait don de la collection au Grand-Duché de Luxembourg, suivant le souhait d’Edward Steichen qui était luxembourgeois de naissance. Cette exposition itinérante contribua à faire connaître cette collection. Elle fut exposée en France en 1979 dans un musée qui se voulait avant-gardiste et précurseur en exposant, entre autres, de la photographie : Le Centre Pompidou à Beaubourg, ouvert en 1977. L’exposition de Beaubourg (19 décembre 1979 - 24 mars 1980), qui se fit avec le concours du service iconographique de la bibliothèque, s’intitulait « Photographies de la Farm Security Administration 1935-1942 »10 et comportait une centaine de tirages photographiques. Des critiques de l’époque, Isabelle Giannattasio, également du service iconographique de la Bibliothèque de Beaubourg, et Claude Collard (in Le Bulletin, n°15, décembre 1979-janvier 1980) déclaraient :
- 11 https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cd6k6M Consulté le 20 septembre 2024.
Cette exposition est un portrait multiple d’un peuple de toutes origines. Elle est aussi un hommage rendu à une Amérique qui s’efface, celle du « rêve américain ».11
Figure 7
Œuvre reproduite : Arthur Rothstein, Fleeing a dust storm, 1936 © Library of Congress ; Conception graphique : Pierre-Louis Hardy
© Centre Pompidou, 1979 ;
23Plusieurs questions se posent à la lecture de cette dernière phrase. En 1979, l’Amérique est encore à l’apogée de son influence. De quoi parlent-ils donc ? De la guerre du Vietnam, et des crises pétrolières des années 1970 ? Certes, les commissaires français ont eu l’occasion de prendre connaissance de ces images à l’occasion des expositions des années 1960, mais pourquoi exposer les photographies de la FSA à ce moment-là ? Pourquoi vouloir mettre en images l’Amérique rurale en crise, alors que l’Amérique continue de rayonner dans les pays occidentaux ? Y-a-t-il, à la fin des années 1970, une raison géopolitique à vouloir montrer l’Amérique dans une des phases les plus misérables de son histoire, et une Amérique qui s’est néanmoins glorieusement sortie de cet épisode malheureux ? Ces questions mériteraient une petite enquête en tant que telle.
Pourquoi Jean Dieuzaide choisit-il de les exposer ?
24Jean Dieuzaide rencontra Steichen à New York en 1964, d’après Jean-Claude Gautrand. Dieuzaide dit à son sujet :
- 12 https://fresques.ina.fr/europe-des-cultures-fr/fiche-media/Europe00204/edward-steichen-commissaire- (...)
Apprendre l'homme à l'homme et l'homme à lui-même était la grande idée de ce photographe d'une dimension colossale qu'était Edward Steichen, un grand humaniste, à la fois peintre et musicien. Je crois que son souci a été de vouloir faire à la fin de sa vie une grande symphonie.12
25Jean Dieuzaide avait un penchant fort pour la photographie humaniste : lui-même en était un représentant. Il dira, toujours à propos de Steichen, mais cette fois-ci au sujet de l’exposition The Family of Man, également exposée à Toulouse par la Galerie du Château d’eau dans le réfectoire des Jacobins :
- 13 Ibid.
Il se passe un phénomène extrêmement curieux, c'est que quarante ans après, cette exposition [The Family of Man] a autant d'impact sur le visiteur que ce qu'elle en a eu dans les années 1950. C'est une exposition qui est démodée, qui n'est pas présentée comme on a l'habitude de faire dans les grandes expositions à Paris ou à Toulouse. Mais c'est une exposition dont les images gardent tout à fait leur fraîcheur et leur émotion.13
26Ainsi Dieuzaide croit en la capacité de la photographie humaniste à traverser les époques. Il aime les grandes fresques humaines. C’est pourquoi il expose, avant même The Family of Man en 1985, la FSA en 1980. Il évoque les travaux des photographes de la FSA en s’autorisant à leur égard de nombreux termes subjectifs et jugements de valeur, à la fois des photographes et des photographiés, dans ces extraits des cartels d’exposition :
- 14 Fiche pédagogique de l’exposition de 2024, p.3.
Walker Evans, homme intègre, très éveillé, photographie statiquement hommes et gens dans leur isolement. Sa vision de l’Amérique est simple et sans détour.
Dorothea Lange, 40 ans, portraitiste, s’est révélée une très grande humaniste. Peu fortunée, elle demande à sa mère de lui acheter le modeste « Folding», lui facilitant l’approche des aspects significatifs et humains dans ses sujets. [...]
Ben Shahn est un peintre engagé, d’une très grande culture et apprécié de Striker. Son influence rejaillit sur la presque totalité des membres du groupe. Il achète pour 25 dollars un Leica équipé d’un objectif angle droit qui le fascine par sa vision, il voyage avec sa femme devenue son chauffeur. Elle photographie elle aussi, émue et passionnée par le sujet, comme son mari.
Russell Lee : ce jeune étudiant de 25 ans plonge avec un certain courage dans tous ces foyers désolés, photographiant les gens chez eux, parfois, comme à Pie Town, en train de boucher les fissures des planches avec des bouses de vache.
Arthur Rothstein, à 22 ans est très influencé par les sentiments de justice sociale de Shahn, et l’œuvre de Dorothea Lange ; il leur doit son enthousiasme, se dédie à ce travail pendant cinq ans et s’attarde dans les régions du « dust bowl ». Il fait les plus belles photographies, connues dans le monde entier, dans les tempêtes de poussière [...].
Jack Delano, Paul Strand envoie deux de ses images à Stricker qui l’engage vers 1940. Il se dirige vers les mineurs de Pennsylvanie ; ces hommes vivent dans des conditions horribles : pendant la nuit ils volent le charbon dans la mine obscure ; on les appelle les « boots legs ».14
27Plus que la représentation de l’Amérique, ce qui retient Jean Dieuzaide, ce sont les valeurs humaines, les vertus morales qu’il leur prête et l’engagement social de ces photographes. Outre les sentiments humanistes qu’il partageait avec ces photographes, cette envie de mettre la photographie à l’honneur l’incita ainsi à se tourner vers cette collection, issue d’une commande de vaste envergure, qui plus est de la plus grande puissance économique et culturelle de l’époque.
Les grandes commandes collectives
28En tant qu'initiative fédérale guidée par un esprit universaliste, toutes les photographies de la FSA sont désormais disponibles en ligne, en haute définition, sur le site de la Library of Congress. Témoins visuels de la Grande Dépression et des efforts pour y remédier, ces images constituent une mémoire sur la vie quotidienne durant cette période et sont aujourd'hui considérées comme des exemples emblématiques de la photographie documentaire et sociale. Cependant, ce grand projet collectif n'a pas été suivi d'autres commandes similaires, malgré le vœu de Steichen dans le catalogue du MoMA :
- 15 Steichen, The Bitter Years, p.iii.
It is also my hope that the exhibition of an incisive fragment of a vast undertaking may lead the Federal Government to establish and sponsor a permanent photographic organization for the continuing record of every phase and activity of the United States and its people. This idea might be in line with that of The National Council on the Arts and Government, which has included photography in its list of the arts.15
29A la différence de la France, où la pratique se poursuit depuis les débuts de la photographie lors de la Mission héliographique de 1851, les États-Unis n'ont pas renouvelé l'expérience. En France, de nombreuses commandes institutionnelles ont été lancées, notamment la Mission photographique de la DATAR en 1984, qui réalisa, avec 28 photographes français et étrangers, plus de 200 000 images, soit l’équivalent de la production de la FSA. Quarante ans plus, du 19 mars au 23 juin 2024, la BNF exposait dans « La France sous leurs yeux » les résultats de la grande commande photographique nationale de 2020-2021 intitulée Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire, soutenant aussi par la même le photojournalisme. Juste avant (6 sept. 2023 - 25 mars 2024), le centre Pompidou, dans une ambition totalisatrice également, réunissait dans une exposition intitulée « Corps à corps » plus de 500 photographies et documents sur le genre humain du XIXème jusqu’au XXI siècle, dont des images de Walker Evans, Dorothea Lange ou Gordon Parks.
30A sa mesure, la Galerie du Château d’Eau répondit à l’exposition de la BNF non seulement par l’exposition de Philémon Barbier, lauréat toulousain de cette commande, mais aussi, comme pour boucler la boucle, en rappelant aux mémoires toulousaines l’exposition de la FSA qui avait lancé la Galerie du Château, et par la même promu la photographie tout en en faisant la première galerie en France exclusivement consacrée à cet art.
Notes
1 Christian Caujolle : « Ce serait parfaitement inimaginable aujourd’hui. Parce qu’il prévoyait de présenter dans la Galerie du Château d’Eau qu’il avait ouverte en 1974 une exposition des photographies d’Emile Zola, Jean Dieuzaide emprunta les négatifs aux héritiers de l’écrivain, les emporta à Toulouse, réalisa les tirages dans son atelier de la rue Erasme et l’exposition eut lieu, après restitution des originaux, en janvier 1982. Et l’ensemble a rejoint la collection de ce que « Yan » rêvait comme un futur musée de la photographie à Toulouse. La présentation d’un extrait de ce copieux ensemble dans les locaux de Photon est un premier exemple de ce que nous voulons entreprendre avec la collection du Château d’Eau : la faire vivre et la faire rayonner en l’exposant hors les murs. » https://chateaudeau.toulouse.fr/exposition-emile-zola-photographe/ Consulté le 20 septembre 2024.
2 Courriel du 8 juillet 2024 adressée à l’autrice de l’article.
3 Idem
4 Ibid
5 Ibid
6 Ibid
7 Voir, entre autres, le livre suivant : Mora Gilles, Brannan Beverly, Les photographies de la FSA. Archives d’une Amérique en crise. 1935 – 1943. Paris : Seuil, 2006Ou encore : Poos, Françoise (ed). The Bitter Years : Les années amères : la grande dépression vue par Edward Steichen au travers des photographies de la Farm Security Administration; avec des textes de Jean Black, Gabriel Bauret, Antoinette Lorang, Miles Orvell et Ariane Pollet ; poèmes traduits de l'anglais par Gilles Berton. Paris: Thames & Hudson, 2012.
8 Steichen, Edward (ed). The Bitter Years: 1935-1941. Rural America as seen by the photographers of the Farm Security Administration. N.Y.: The Museum of Modern Art: Distributed by Doubleday, Garden City, 1962.
9 The Bitter Years, p.iii.
10 Images de l’Amérique en crise - Photographies de la Farm Security Administration 1935-1942, 19 décembre 1979 - 24 mars 1980. Paris : Centre Georges Pompidou, 1979.
11 https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/cd6k6M Consulté le 20 septembre 2024.
12 https://fresques.ina.fr/europe-des-cultures-fr/fiche-media/Europe00204/edward-steichen-commissaire-de-l-exposition-the-family-of-man.html Présentation en musique des photographies de l'exposition The Family of Man qu'Edward Steichen avait organisée en 1955 pour le Musée d'Art moderne de New York. L'exposition est par la suite présentée à Toulouse, avant de s'installer définitivement dans le musée de Clervaux, au Luxembourg. 26 mai 1993. Consulté en juillet 2024.
13 Ibid.
14 Fiche pédagogique de l’exposition de 2024, p.3.
15 Steichen, The Bitter Years, p.iii.
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| Title | Figure 1 |
| Caption | L’exposition « Les années amères de l’Amérique ‘Farm Security Administration’ » de la Galerie du Château d’Eau au laboratoire Photon |
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| Title | Figure 2 |
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| Title | Figure 4 |
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| Title | Figure 5 |
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| Title | Figure 6 |
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| Title | Figure 7 |
| Caption | Œuvre reproduite : Arthur Rothstein, Fleeing a dust storm, 1936 © Library of Congress ; Conception graphique : Pierre-Louis Hardy |
| Credits | © Centre Pompidou, 1979 ; |
| URL | http://journals.openedition.org/miranda/docannexe/image/61960/img-7.jpg |
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References
Electronic reference
Muriel Adrien, “Les années amères de l’Amérique « Farm Security Administration », Laboratoire Photon et Galerie du Château d’Eau, Toulouse, du 5 avril au 28 mai 2024”, Miranda [Online], 30 | 2024, Online since 21 October 2024, connection on 13 November 2025. URL: http://journals.openedition.org/miranda/61960; DOI: https://doi.org/10.4000/12hwp
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