Le monde mental et social des paysans du Don dans les années 1920-1930. – Cet article est une analyse critique des sources fournies par les archives aux historiens qui étudient les mentalités de la population pendant les premières décennies du régime bolchevik. Il apparaît que les documents en provenance des soviets ruraux (sel’sovety) ou des arrondissements (rajony) offrent les gisements les plus complets, les plus vrais et les moins contestables de sources émanant du peuple et ceci quel que soit le lieu où ils sont conservés aujourd’hui. L’auteur étudie en particulier les svodki de l’OGPU et les interventions à des conférences (brèves remarques faites à l’improviste, réfutations ou questions après les discours solennels des représentants de l’État ou du parti). Les incidents notés par l’OGPU au niveau du rajon et compilés de préférence par un agent de l’arrondissement, du district (okrug) ou du territoire (kraj) se prêtent de façon unique aux deux types de comparaisons, verticale et horizontale. Les descriptions de conversations et d’incidents que l’on trouve dans les svodki de l’OGPU sont nécessairement plus complètes au niveau du rajon, où même les réactions de la foule à des discours « incendiaires » sont consignées. Les interventions aux conférences offrent une perspective inestimable sur les esprits et les mentalités d’individus pour qui, dans l’ensemble, l’expression écrite est difficile. En dernier lieu, l’auteur décrit la richesse des sources apparemment ordinaires conservées dans de lointains fonds d’archives de province qui fournissent les matériaux nécessaires à l’élaboration d’une base de données sur l’histoire des villages. En conclusion, l’article montre les vastes possiblités d’exégèse à laquelle peuvent se prêter les lettres émanant du peuple quand on prend en compte le contexte social, révolutionnaire et historique de leur auteur.