2Habituellement, l’anthropologue se veut observateur, soit-il observateur participant. Quand il choisit son terrain, il le situe dans une civilisation qui n’est pas la sienne. Au contraire, le psychologue clinicien, même s’il se prétend neutre, intervient surtout dans sa société d’origine et cherche à obtenir un changement. Toutefois, ce schéma courant est nuancé par le grand nombre de personnes qui vivent en dehors de leur contexte culturel et posent des problèmes ­psychologiques liés à ce fait ; inversement, de plus en plus d’anthropologues et d’ethnologues trouvent leur terrain dans leur propre société. Notre pari est que nous pouvons mutuellement éclairer nos pratiques et notre théorisation et nous compléter tout en relativisant nos approches respectives.

3De la problématique de l’empathie, abordée par notre précédente journée, il n’y a qu’un pas ­jusqu’aux préoccupations que peuvent inspirer l’obéissance et la désobéissance. En effet, la ­question de l’empathie de l’acteur se pose à l’occasion de toute conduite qui agit sur un autre sujet et notamment lorsque l’acte est jugé inhumain. Comment l’acte d’obéissance et de désobéissance se situe-t-il par rapport à l’acteur, à l’objet de l’acte, à l’ordre donné ou à la norme ambiante, au contexte socioculturel et historique, référé aux Droits Humains ? Nos intervenants se sont proposé de répondre. Nous ne pouvons évidemment pas résumer deux journées d’exposés et de débats souvent denses. Nous éditerons un volume collectif pour les rendre accessibles.

4Les interventions se sont ordonnées en deux ensembles : « Actes et témoignages », d’une part, « Commentaires et théories », de l’autre. Dans la première série, nous avons pu notamment voir la Résistance française durant la deuxième guerre mondiale (Raymond Aubrac, Général Georges Roidot) se mettre en parallèle avec la dissidence chinoise (Michel Cartier) ou l’engagement-désengagement xuat-xu du lettré vietnamien (Trinh Van Thao). Dans la deuxième série, nous avons entendu le développement de l’identité attribué à la désobéissance (Michael J. Apter), en probable convergence avec l’idée que la désobéissance n’est concevable que dans les sociétés à contrôle social fort et à l’autonomie élevée (Charles Macdonald).

5S’il est vrai que dans les conduites sociales – dont l’obéissance et la désobéissance font partie – le pouvoir des déterminants situationnels l’emporte sur les dispositions personnelles, la rencontre de l’anthropologie et de la psychologie promet une meilleure compréhension des génocides, voire une possibilité d’intervention et de prévention accrue. Mais nous sommes restés loin du compte  : la ­principale autocritique suggérée par ce colloque – il n’est point le seul concerné – pourrait porter sur le fait qu’il n’a pas été préparé par une collaboration suffisamment approfondie par les chercheurs pour dégager des intersections conclusives. Pour ­organiser le prochain colloque, qui sera consacré à la problématique de l’autonomie en sciences humaines, nous veillerons à l’articulation préalable de certaines de nos recherches.