1Ce nouveau volume de Géographie et Cultures regroupe sous le titre Les marges culturelles du territoire chinois une série d’articles, tous passionnants, qui présentent à un large public des aspects particuliers de régions souvent peu connues, hormis des spécialistes de ces régions.

2En guise d’introduction, Thierry Sanjuan traite des destins multiples des marges culturelles et politiques de la Chine. Fabienne Jagou explore un sujet historique peu connu, le contrôle des marches sino-tibétaines à l’époque de la Chine républicaine et, en particulier, le rôle joué par le sixième (pour les Tibétains, le neuvième) Panchen Lama (1883-1937) et son entourage. Katia Buffetrille présente un panorama des diverses autorités religieuses du Tibet face au pouvoir chinois, en les intégrant dans leur contexte historique et géographique. Zongxia Cai et Thierry Sanjuan étudient les causes ­historiques et économiques de la pauvreté dans la province méridionale du Guizhou (à forte composante minoritaire : 37 % de la population) et les moyens mis en œuvre pour la réduire.

3Dans un long article, Marie-Lise Beffa et Marie-Dominique Even présentent les Mongols de Chine et analysent les effets de la colonisation han et les mutations des modes de vie. La frontière sino-russe et les nouveaux équilibres régionaux en Extrême-Orient, un sujet essentiellement traité à partir de sources occidentales et russes, constitue l’article de Marie-Astrid Chauviré, qui dépeint le commerce frontalier sino-russe et la diaspora chinoise en Extrême-Orient russe. Quant à l’article de Laure Altman, il s’attache à comprendre les formes et les adaptations du fengshui à Hong Kong, ainsi que de la naissance d’une « mentalité fengshui ». Enfin, selon l’usage, la revue présente des notes de lectures sur des livres récents, mais sans rapport avec le thème du volume.

4Tous ces articles, bien documentés, illustrés de cartes et de photos et enrichis d’une bibliographie, présentent des facettes peu connues des marges du territoire chinois. Si l’unité géographique annoncée par le titre est plus ou moins respectée, on peut ­toutefois s’interroger sur la pertinence d’un article sur Hong-Kong, ou sur l’Extrême-orient russe (même s’il est traité dans une perspective sino-russe). En revanche, l’absence de sujets sur le Xinjiang ou sur les « minorités » du Yunnan, en particulier les Tai, est incompréhensible et regrettable. La brève introduction de T. Sanjuan, mentionnant les ­Ouighours et le Xinjiang, souligne involontairement cette contradiction interne.

5Malgré son titre, ce volume, manquant d’une thématique fédératrice, est donc décevant. Les sujets de ses articles – qui, pris individuellement, sont fort intéressants – sont trop disparates pour en faire un ouvrage collectif de référence sur les marges culturelles du monde chinois. On peut donc se demander quelle ligne éditoriale a présidé au choix des articles. Il est impossible de saisir, dans un contexte de marges culturelles, la relation entre une étude de la pauvreté au Guizhou, l’importance du fengshui à Hong-Kong et les relations sino-russes. De plus, les approches méthodologiques sont trop différentes pour que l’ouvrage soit porteur d’une réflexion fructueuse. Les articles apparaissent ­simplement comme des supports d’information, ce qui n’est pas rendre justice à leurs auteurs.

6Le manque de problématique bien définie est, semble-t-il, un défaut de plus ou en plus commun dans les volumes collectifs où, sous un titre ­alléchant, sont rassemblés des articles dont les problématiques sont tellement éloignées les unes des autres qu’elles ne peuvent conduire à une réflexion générale sur le thème annoncé.