1La production artistique de Chine Populaire continue d’exercer sur l’Occident une fascination que confirment les récents succès de traductions littéraires et la fréquentation de salles de cinéma donnant des films chinois. La peinture chinoise est aussi l’objet d’un intérêt croissant, de la part du public comme de celle des spécialistes.

2Taiwan, l’autre Chine, suscite elle aussi une certaine curiosité dans les domaines du cinéma et de la littérature ; en revanche, sa peinture semble relativement peu connue. Ainsi, tandis que de nombreux ouvrages se penchent sur la peinture chinoise continentale, peu se préoccupent d’explorer l’art pictural taiwanais. Pourtant la peinture de l’île n’est pas sans intérêt. Si elle prend sa source dans la pure tradition chinoise, elle a développé dans le temps une spécificité nourrie de multiples influences : tout d’abord, celle du Japon qui, durant sa présence de 1895 à 1949, marqua de son sceau la production artistique de ce qui était alors une colonie ; celle du retour à la tradition, lié à la reprise en main politique et culturelle, considérée comme « nécessaire » au processus de re-sinisation de l’île, après l’installation du gouvernement nationaliste en 1949 ; celle qui marqua les artistes de l’immédiat Après-guerre et reflète les mutations sociales accélérées, la rapide croissance urbaine, l’industrialisation et l’occidentalisation de la société, dont la perception donna une nouvelle matière à l’art ; celle, enfin, qu’exprime la recherche identitaire associée au développement de la littérature de terroir, qui trouve son écho dans le domaine de la production picturale.

3Les artistes contemporains, dont certains ont été présentés en marge de la Biennale de Venise en 1995, témoignent également de cette source d’inspiration hybride combinant techniques et matériaux classiques et modernes, occidentaux et orientaux, pour signifier leurs interrogations.

4Si l’approche historique, choisie pour souligner les différents stades du développement de la peinture taiwanaise, supporte efficacement une « explication » globale, il est dommage, en revanche, que l’auteur ne fasse que très peu allusion aux artistes aborigènes (indigènes) et au développement de leur production durant la période concernée. Par ailleurs, le fait de reléguer au chapitre des remarques de conclusion la ­production de l’art contemporain durant la dernière décennie (quatre pages seulement) prive cette approche d’une partie de la qualité « historique » que l’on trouve au livre.

5Sur le plan technique enfin, malgré de bonnes reproductions, le choix du noir et blanc et d’un petit format pour les photographies ne permet pas la pleine appréciation de la qualité picturale des œuvres présentées. Mais il s’agit, après tout, d’un ouvrage plus didactique que monstratif et, en ce sens, son auteur, qui enseigne au département d’Histoire de l’art et d’Archéologie de l’Université du Maryland, a fait un travail remarquable.