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Varia

Compte rendu. Le Néolithique, Anne Lehoërff, coll. « Que sais-je ? » n° 4 188 Paris, 2020, 128 p.

Marc-Antoine Kaeser
p. 49

Texte intégral

1Dans mes souvenirs d’étudiant, la série « Que sais-je ? » constituait un précieux soutien pour la préparation des examens : on y trouvait, dans un format pratique, adapté à la lecture dans le bus, le train ou le métro, une masse considérable de données compilées et bien condensées, offrant un résumé utile du savoir établi. L’idéal, en somme, pour potasser les thématiques auxquelles on avait renoncé à s’intéresser…

2En considérant le présent volume sur le Néolithique, on constate que les éditeurs de cette fameuse série se sont manifestement adaptés, tant au développement foisonnant des perspectives de la recherche qu’à l’évolution des besoins et des attentes de la population estudiantine. Car, avec l’essor des contenus de référence accessibles en ligne, l’érudition en livre de poche a manifestement perdu sa pertinence. De fait, si Anne Lehoërff réunit ici un certain nombre de données scientifiques permettant d’esquisser une description du Néolithique tel qu’il a été défini au sein de notre discipline, son ouvrage est aussi et surtout plus que cela. Comme le montre déjà un simple coup d’œil à la table des matières, l’autrice s’est en effet fixé un objectif programmatique, qui vise plutôt à appréhender la nature, la portée et la signification du tournant majeur que constitue la néolithisation.

3On pourrait bien sûr reprocher à Anne Lehoërff l’audace, voire même la prétention de traiter du Néolithique, alors qu’elle est plutôt reconnue pour ses travaux sur l’âge du Bronze. Or, à notre sens, l’autrice relève clairement le défi, en tirant justement avantage du recul que lui offre son statut de protohistorienne. Élargissant la perspective, son ouvrage de « vulgarisation » réussit en effet la gageure d’accorder une place importante à la réflexion épistémologique et aux enseignements de l’histoire de l’archéologie – cela afin de clarifier, à l’attention des profanes, le développement des concepts et donc la terminologie présente des études néolithiques.

4Sur ces bases solides et didactiquement efficaces, le livre dresse ensuite un rapide panorama des différents foyers et des formes très variées de la néolithisation, suivi de considérations éclairantes sur l’impact de la domestication, de l’agriculture et de la transformation de la matière. En des termes très simples, grâce à la finesse et à la grande qualité d’écriture de cet ouvrage, on prend la mesure du bouleversement qu’a constitué le tournant néolithique dans le rapport qu’entretiennent les sociétés humaines avec la temporalité et l’espace. Et, ici encore, ces considérations épistémologiques s’avèrent précieuses lorsque le lecteur aborde le chapitre suivant, qui traite des « Croyances et rituels ».

5Avant un dernier chapitre dédié à des « Regards sur le Néolithique », dans lequel Anne Lehoërff évoque les enseignements rétrospectifs potentiels de l’archéologie face à certains enjeux contemporains (productivité, consumérisme, progrès, etc.), son parti pris didactique se révèle encore de manière assez provocatrice par la présentation des données matérielles, rejetée presque tout à la fin de l’ouvrage dans un chapitre dédié à « Des sociétés en voie de spécialisation », où elle traite successivement du lithique, de la céramique, des métaux et des matières organiques.

6Sur le fond, un dernier point nous paraît mériter une mention particulière : la place très large accordée à la description et à l’examen des « autres Néolithiques », sur les cinq continents. Cette perspective globalisante permet en effet de relativiser la prégnance du modèle proche-oriental en mettant en évidence la grande diversité des scénarios de la néolithisation. Elle permet surtout de souligner l’importance des dynamiques environnementales dans ces processus. Concrètement et dans le détail, la variété des formes empruntées par le tournant néolithique illustre en effet l’extrême plasticité avec laquelle les communautés humaines ont su s’adapter aux spécificités, aux contraintes et aux potentiels propres de leurs écosystèmes respectifs. Or, en donnant au lecteur les clés d’appréciation de l’impact des conditionnements climatiques et environnementaux, la mise en évidence de l’extraordinaire pluralité des formes de la néolithisation sert in fine, nous semble-t-il, un propos foncièrement humaniste. Entre hasard et nécessité, elle illustre en effet le rôle capital et l’impact des choix culturels – et, partant, l’extraordinaire capacité d’adaptation de l’espèce humaine. Face aux terribles défis environnementaux auxquels nos sociétés sont confrontées aujourd’hui, un tel propos confirme de manière éloquente la pertinence renouvelée de la recherche préhistorique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marc-Antoine Kaeser, « Compte rendu. Le Néolithique, Anne Lehoërff, coll. « Que sais-je ? » n° 4 188 Paris, 2020, 128 p. »Les nouvelles de l'archéologie, 163 | 2021, 49.

Référence électronique

Marc-Antoine Kaeser, « Compte rendu. Le Néolithique, Anne Lehoërff, coll. « Que sais-je ? » n° 4 188 Paris, 2020, 128 p. »Les nouvelles de l'archéologie [En ligne], 163 | 2021, mis en ligne le , consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/nda/12017 ; DOI : https://doi.org/10.4000/nda.12017

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Auteur

Marc-Antoine Kaeser

Directeur du Laténium - Parc et musée d’archéologie. Professeur titulaire à l’Institut d’archéologie, Université de Neuchâtel. marc-antoine.kaeser@unine.ch

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