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Après la smart city

Nouveaux enjeux urbains et nouvelles générations d’expérimentations, d’acteurs et de technologies en Europe et en Asie

Appel

Initiée par Cisco à la demande de Bill Clinton en 2005, puis approfondie par IBM en 2008 (Courmont et Le Galès, 2019), la smart city comptabilise, au tournant des années 2020, une quinzaine d’années d’existence. Initialement adossée à l’irruption des acteurs du numérique dans la fabrique et la gestion urbaines (Aurigi, 2005 ; Baraud-Serfaty, 2011), ainsi qu’à la mise en données numériques des flux urbains (Batty, 2013), la smart city constitue sans doute la proposition industrielle ayant le plus capitalisé sur la diffusion urbaine des produits de la révolution numérique, tant au niveau des infrastructures, des systèmes d’information, des services, que des régimes d’aménagement ou encore des modes de gouvernance (Eveno, 2014 ; Picon, 2015). La diversité des expérimentations mêlées à leur aspect souvent partiel ou circonscrit à des territoires restreints, ainsi que la grande variété des régimes de diffusion du numérique, ont toutefois conduit à fortement relativiser l’idée d’un modèle unique (Henriot et al., 2018 ; Anthopoulos, 2019), conduisant à plutôt faire émerger des tendances et des grandes caractéristiques, voire des grammaires d’aménagement (Languillon et al, 2016).

La crise sanitaire de la covid en 2020 apparaît toutefois à bien des égards comme une rupture majeure éclairant la nature et le devenir des smart cities. A l’échelle internationale, elle conduit à faire émerger une alternative radicale au potentiel autoritaire à la smart city nord-américaine (Klauser et al., 2014 ; Vanolo, 2014 ; Van Holstein, 2018), sous la forme d’une safe city essentiellement déployée dans le monde chinois et ses territoires d’influence (Languillon, 2020). Ce faisant, elle mettrait en exergue une dimension géopolitique (Beroche et al, 2023) participant de l’identification possible de modèles ou de régime de déploiement urbain du numérique. A une échelle intra-urbaine, la crise sanitaire révèle des enjeux biopolitiques qui rencontrent l’arrivée à maturité de nouvelles technologies de mesure biométrique des individus et des populations (Courmont, 2020), issues du déploiement d’une nouvelle génération d’intelligence artificielle et de capteurs mobiles résultant des progrès de la robotique (Parker, 2020).

Après une quinzaine d’années d’expérimentations, de circulation et d’évolution, les diverses initiatives de smart city appellent à la fois un bilan critique et une réflexion sur leur dépassement et leur bifurcation. Après la smart city, quels sont les initiatives, les grammaires et les modèles d’aménagement et de gouvernance imputables au déploiement urbain des dernières innovations numériques ? Quels en sont les acteurs, et quelles relations ces acteurs entretiennent-ils aux échelles locales, nationales et internationales ? Quelles technologies apparaissent progressivement dans les espaces urbains, leur fabrique et leur gestion, et quelles en sont les impacts sur l’urbain au sens large ? Enfin, quels sont les enjeux urbains du digital et les enjeux digitaux de l’urbain succédant aux différentes générations de smart cities d’avant covid ?

Dans le sillage de la démarche de Graham au tournant des années 2000 concernant ce que l’on pourrait considérer à postériori comme l’avant smart-city (Graham, 1998), ce numéro spécial s’intéresse à l’après smart city, c’est-à-dire aux modèles, aux initiatives, aux acteurs, aux technologies, aux imaginaires et aux enjeux imputables au déploiement urbain de la dernière génération des innovations numériques en contexte post-covid. Cet appel invite en particulier les contributeurs et contributrices à réfléchir à six grands axes :

  • Les technologies et les données :

Quelles sont les nouvelles technologies numériques apparues au tournant des années 2020, et comment impactent-elles l’évolution des smart cities, voire conduisent-elles à faire émerger de nouveaux modèles ou régimes de diffusion urbaine du numérique ? En quoi ces technologies impactent-elles la datafication de l’urbain, c’est-à-dire la production et l’usage des données numériques ? Les données produites ou utilisées par ces technologies sont-elles de même nature que celles utilisées ou produites au sein des smart cities d’avant covid ?

  • Les business models, les logiques économiques et les nouveaux enjeux juridiques :

Quels sont les business models et les logiques économiques derrière la diffusion des nouvelles générations d’innovations numériques dans les espaces urbains ? Ces business models entrent-ils en concurrence avec ceux leur préexistant, ou s’ajoutent-ils à des enjeux et des logiques économiques déjà matures ? Dans quelles mesures les logiques économiques des dernières générations d’innovations numériques génèrent-elles de nouveaux enjeux juridiques, en particulier au regard du brouillage croissant entre espaces publics et espaces privés ?

  • Les acteurs et les régimes politiques :

Quels acteurs portent les dernières générations d’innovation numérique ? Constituent-ils une nouvelle vague d’entrants dans le champs de la fabrique et de la gouvernance urbaines ? Comment ces acteurs se comportent-ils vis-à-vis de catégories déjà existantes ? Existe-t-il une dimension culturelle ou géopolitique dans la façon dont semblent évoluer les coalitions d’acteurs issus des dernières générations d’innovations numériques à l’échelle intra-urbaine comme à l’échelle internationale ? Quelles relations ces groupements d’acteurs entretiennent-ils avec les régimes politiques dans lesquels ils évoluent ?

  • Les espaces et les logiques d’aménagement :

Quels sont les espaces de déploiement privilégiés des nouvelles technologies (IA, robotiques, métavers…), des dernières innovations et des nouveaux acteurs du numérique ? En quoi les régimes post-covid de déploiement urbain du numérique transforme-t-il les logiques de l’aménagement, de la fabrique et de la gouvernance urbaines ? Existe-t-il des angles morts spatiaux ou des espaces de résistance au déploiement des dernières générations d’acteurs et de technologies numériques ?

  • Les grammaires, les modèles, les imaginaires et les nouveaux référentiels :

Quels sont les imaginaires, les grammaires et les référentiels des dernières générations d’innovations, de technologies et d’acteurs du numérique ? Comment les imaginaires, les grammaires et les référentiels des générations précédentes sont-ils incorporés, recontextualisés ou au contraire rejetés ? Quelle place occupe la covid dans cet éventuel bascule des discours, des représentations et des mises en narration du numérique urbain ? Comment ont évolué les régimes de présence du futur au sein des grammaires post-covid du numérique urbain ?

  • Les usages, les services et les comportements :

Quels usages et comportements apparaissent ou au contraire disparaissent à la suite du déploiement urbain des dernières générations d’innovations, de technologies et d’acteurs numériques ? Comment les populations et les individus se positionnent-ils ? Existent-ils des dynamiques d’adhésion, de collaboration ou au contraire d’opposition aux nouvelles technologies numériques, à leur régime de diffusion ou à leurs impacts politiques ou socio-économiques ?

Cet appel concerne toutes les sciences humaines, économiques et sociales, y compris dans une approche transdisciplinaire mobilisant les sciences de l’information, de la communication ou de l’ingénierie.

Calendrier

Date limite d’envoi des propositions d’article : 15 juillet 2023

Date limite d’envoi des articles : 15 janvier 2024

La publication du numéro spécial est prévue pour novembre 2024.

Instructions aux auteurs

Les propositions d’article seront envoyées par e-mail, sous forme de fichier attaché (.doc ou .docx), aux adresses suivantes : rlanguillon@gmail.com et languillon@mfj.gr.jp

Elles seront composées d’un titre provisoire, d’un résumé de 800 signes maximum, d’une biographie de chaque contributeur et contributrice accompagnée de leur nom, leur rattachement institutionnel et leurs adresses électronique et postale. Elles devront également faire figurer la liste des sources de financement de la recherche et une bibliographie indicative.

Les articles seront d’une longueur maximale de 50 000 signes. Lire attentivement les consignes éditoriales indiquées ci-dessous : https://journals.openedition.org/netcom/956

Au sujet de la revue 

Netcom est une revue à comité de lecture fondée en 1987. Elle est la revue officielle de la commission “Géographie de la société de l’information” du Comité National Français de Géographie (CNFG) et de la commission “Geography of Information, Innovation and Technology, C16.13” de l’Union Géographique Internationale (UGI). Elle traite essentiellement de l’articulation entre les réseaux de communication électronique et les territoires. Elle est entièrement dématérialisée depuis 2020. Pour plus d’information, voir son site Internet : https://journals.openedition.org/netcom/

Au sujet du responsable du dossier

Raphaël LANGUILLON-AUSSEL est chercheur à l’Institut français de recherche sur le Japon, à Tokyo, ainsi que chercheur associé à l'université de Genève et à l’université de Strasbourg. Normalien, agrégé de géographie et docteur en aménagement, il mène des travaux en économie politique critique de l’aménagement sur les relations entre les dynamiques d’urbanisation, la nature des régimes politiques et l’évolution des régimes capitalistiques qui président aux logiques d’accumulation. Il conduit à ce titre des recherches sur les effets urbains de la révolution du numérique.

Bibliographie

Anthopoulos L., 2019, Smart City Emergence: Cases from around the World, Elsevier, 482 p.

Aurigi A., 2005, Making the Digital City. The Earky Shaping of Urban Internet Space, London: Routledge, 236 p.

Baraud-Serfaty I., 2011. La nouvelle privatisation des villes. Esprit, 2011-3-4, pp. 149-167.

Batty M., 2013, Big Data, Smart Cities and City Planning, Dialogues in Human Geography, 3-3, pp. 274-279.

Beroche H., Chubinidze A., and Goelzer L., Geopolitics of Smart Cities: Expression of Soft Power and New Order, Report, Urban AI, 46 p.

Courmont A., 2020, Coronoptiques, Report series, French National Commission of Informatics and liberties (CNIL). URL : https://linc.cnil.fr/fr/coronoptiques-14-dispositifs-de-surveillance-et-gestion-de-lepidemie

Courmont A. and Le Galès P., 2019, Gouverner la ville numérique, Paris : PUF, 120 p.

Eveno E., 2014, Comment l’intelligence vînt aux villes, Urbanisme, 394, pp. 26-27.

Graham S., 1998, Spaces of surveillant simulation: new technologies, digital representations, and material geographies, Environment and Planning D: Society and Space, 16, pp. 483–504.

Henriot C., Douay N., Granier B., Languillon R. et Leprêtre N., 2018, Perspectives asiatiques sur la smart city, FLUX, 114. URL : https://www.cairn.info/revue-flux-2018-4-page-1.htm

Klauser F., Paasche T. and Söderström O., 2014, Michel Foucault and the smart city: power dynamics inherent in contemporary governing through code, Environment and Planning D: Society and Space, 32, pp. 869-885.

Languillon R., 2020, De la smart à la safe city, un basculement de (géo)politique imputable à la COVID-19 ?, Edito, La Fabrique de la Cité. URL : https://www.lafabriquedelacite.com/publications/de-la-smart-a-la-safe-city-un-basculement-de-geopolitique-imputable-a-la-covid-19/

Languillon R., Leprêtre N. et Granier B., 2016, La stratégie de la smart city au Japon : expérimentations nationales et circulations globales, Echogéo, 36. URL : https://echogeo.revues.org/14598

Parker P., 2020, The 2021-2026 World Outlook for Smart City Technologies, ICON Group International, 299 p.

Picon A., 2015, Smart Cities: A Spatialised Intelligence, Wiley, 168 p.

Van Holstein E., 2018, Digital geographie of grassroots securitization, Social & Cultural Geography, 19-8, pp. 1097-1105.

Vanolo A., 2014, Smartmentality: The smart city as disciplinary strategy, Urban Studies, 51, pp. 883-898.

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