Navigation – Plan du site

AccueilNuméros37-3/4Pour une prise en compte géograph...

Pour une prise en compte géographique de la commande publique dans l’analyse des dynamiques d’innovation territoriale

Le cas de la scène toulousaine
For a geographical consideration of public procurement in the analysis of territorial innovation dynamics. The case of the Toulouse scene.
Pascal David

Résumés

La commande publique constitue, en géographie et en aménagement, un objet peu considéré par la communauté scientifique française et internationale. Ce constat est à mettre en relation avec l’abondante littérature scientifique provenant d’autres disciplines connexes (droit, économie, sciences de gestion). En France, aucune thèse portant sur le sujet n’a jamais été soutenue, peu ou pas d’articles ou de livres ont été publiés sur cette rencontre entre « la commande publique » et « les territoires ». Ce constat interroge alors même que la commande publique participe directement à la mise en œuvre des politiques publiques. Ce travail de recherche s'intéresse précisément à sa prise en compte dans l’analyse des dynamiques d’innovation territoriale. A la croisée de la science régionale, de la géographie et de la recherche en aménagement du territoire, il vise à enrichir la compréhension des processus d’intermédiation en analysant comment, à l'échelle des territoires, la commande publique permet la coordination et l'appariement entre des acteurs aux temporalités différentes et aux objectifs divergents. La perspective de la ville intelligente et durable est introduite comme cadre d'analyse pertinent pour étudier la fabrique de l’innovation urbaine. Le texte décrit une méthodologie de recherche axée sur l'étude de cas de la scène toulousaine engagée depuis 2014 dans des programmes de soutien à l’innovation, le protocole intégrant une revue de littérature, une analyse systémique, la collecte de données via des entretiens semi-directifs, une approche comparative avec d’autres scènes territoriales similaires.

Haut de page

Texte intégral

Introduction : appréhender la commande publique comme objet de recherche en géographie et en aménagement

  • 1 La commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur p (...)
  • 2 Dès 1936, Harold Laswell, politologue américain, posait la question : « who gets what, when and how (...)

1La commande publique1 a toujours été au cœur de l’action publique2 rythmant sa mise en œuvre et la matérialisant. En achetant des biens, des services ou en réalisant des travaux afin de répondre à leurs besoins, les acheteurs « publics » jouent un rôle important dans le développement des territoires et leurs dynamiques.

  • 3 L’article R 2196-2, modifié par le Décret n°2022-767 du 2 mai 2022 - art. 4, stipule qu’un observat (...)
  • 4 Les données, collectées et traitées, excluent les marchés inférieurs à 40000 euros que les organism (...)
  • 5 En 2020, la Banque mondiale présente la première base de données mondiale sur les marchés publics.
  • 6 Ce chiffre (source : https://www.oecd.org/fr/gov/commande-publique/) est à considérer avec précauti (...)

2Le 15 novembre 2023, l’Observatoire Économique de la Commande Publique3 (OECP) a dévoilé les résultats du dernier recensement des marchés publics conclus par l’Etat (administrations centrales et déconcentrées, opérateurs de l’Etat au sens de la Loi Organique relative aux Lois de Finances), le secteur hospitalier, les collectivités territoriales et divers organismes (Universités, Offices Publics pour l’Habitat, Chambres de Commerce et d’Industrie…), soumis au code de la commande publique en France. En 2022, 235 600 contrats de marchés publics ont été recensés pour un montant cumulé supérieur à 160 milliards d’euros. Bien que ces chiffres ne reflètent pas complètement la réalité économique de la commande publique4, ils démontrent cependant son poids significatif dans l’économie française. Ce dernier est confirmé par les estimations des organisations internationales5. Ainsi, selon l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économiques (OCDE), la commande publique représenterait, en moyenne, 12% du PIB de ses Etats membres6.

  • 7 Entré en vigueur le 1er avril 2019, le code de la commande publique est organisé selon la chronolog (...)
  • 8 Une startup est une entreprise proposant un modèle d’affaires à fort potentiel de croissance, const (...)
  • 9 Un écosystème entrepreneurial peut être défini comme un ensemble d'acteurs interconnectés et de pro (...)

3Longtemps considérée comme une fonction essentiellement administrative et juridique (passer et sécuriser des commandes selon des procédures fixées par le code des marchés publics7 à la demande des services « support » et opérationnels), elle est désormais perçue comme un instrument majeur de l’action publique. De nombreuses Métropoles, et Agglomérations, ont pris conscience de la nécessité d'impliquer les entreprises, notamment les startups8, dans le développement de solutions innovantes pour relever les défis urbains en facilitant les échanges et les expérimentations d’une part et d’autre part en exploitant les ressources des écosystèmes entrepreneuriaux9. La commande publique a, ainsi, pris une place prépondérante dans les agendas de l’action publique urbaine, alimentant le débat sur son rôle dans le soutien à l’innovation sous toutes ses formes (OCDE, 2003).

4En dépit de ce poids économique et de ce rôle clé dans les dynamiques d’innovation territoriale, la commande publique ne constitue pas un objet de recherche très repéré par la science régionale, les géographes, les chercheurs en aménagement. Or, la réduire aux seules approches normatives et/ou économiques prive d'éléments clés pour expliquer leurs succès ou leurs échecs. Après avoir pointé cette absence de prise en compte (I), le texte interroge son rôle dans les dynamiques d'innovation territoriale en prenant appui sur les projets de ville intelligente et durable (II). Il expose une méthodologie de recherche axée sur l'étude de cas de la scène toulousaine pour l’analyser et l’expliquer sans toutefois renoncer à une approche comparative avec des contextes urbains similaires (III).

I - La commande publique, un impensé de la recherche en géographie et aménagement

5Une récente revue de la littérature internationale (Lenderink, Halman, Voordijk, 2019) identifie deux approches de l’achat public intelligent « smart public procurement » et de l’achat public durable « Sustainable Public Procurement ». Dans la première approche, le processus d'innovation est au centre des préoccupations, l’achat étant considéré comme un outil de la politique d’innovation (on parle de Public Procurement for Innovation, PPoI ou PPI). La seconde approche considère le contrat public comme l’outil permettant de fournir des services publics nouveaux ou améliorés, mettant ainsi l'accent sur le résultat des activités de passation des marchés publics.

  • 10 Publiée aux éditions LGDJ et préfacée par Stéphane Braconnier (Président de l’Université Paris - Pa (...)
  • 11 Op. Cit.

6Les sciences juridiques s’inscrivent dans cette seconde approche. Elles produisent une littérature abondante sur le droit qui encadre la commande publique et ses évolutions, sur l’analyse des contrats et du contentieux qu’ils génèrent. Soutenue le 20 janvier 2017, une thèse de doctorat de droit public10 a suscité une attention particulière en proposant la première synthèse juridique des rapports entre innovation et droit de la commande publique en France. Sophie Meslin-Lière tente de démontrer qu’« instruments d’anticipation, les contrats publics constituent un promoteur efficace de l’innovation ». Cette démonstration repose sur une lecture minutieuse du droit communautaire, des directives « marchés publics » et « concessions » du 26 février 2014, désormais transposées dans le Code de la commande publique. Elle constate qu’on assigne désormais des objectifs multiples aux contrats publics, parmi lesquels la promotion de l’innovation tout en rappelant qu’ils doivent favoriser une libre concurrence. Elle en conclut que ce paradoxe les empêche d'être des vecteurs efficaces d’innovation. Elle défend donc l’idée que « les instruments dédiés à l'innovation, notamment les partenariats d'innovation, les variantes, ou les dérogations liées à l'achat innovant, voient leur potentiel entravé par une application stricte des principes de la commande publique qui sous-tendent la mise en concurrence (égalité de traitement, liberté d'accès et transparence) »11. Il appartient donc aux parties de construire leur relation contractuelle en tenant compte des caractéristiques de l'innovation, telles que l'évolutivité et la performance, ceci à travers le contrat (Meslin-Lière, 2017).

  • 12 La Chaire EPPP est le résultat d'une coopération entre acteurs publics et privés d’une part et d’au (...)
  • 13 Le « sourcing » (terme anglais) consiste pour un acheteur à « effectuer des consultations ou réalis (...)

7Créée en 2009, la chaire d’Economie des Partenariats Public Privé12, qui regroupe une vingtaine de chercheurs autour de Stéphane Saussier, étudie les dimensions socio-économiques des principaux contrats relevant du champ de la commande publique (concessions, marchés de partenariat, marchés publics). Son ambition est de répondre aux questions suivantes : doit-on privatiser des services publics ? les marchés de partenariat sont-ils efficaces ? Comment mieux gérer la commande publique ? Doit-on développer à grande échelle les contrats dits à impact ? Les contrats de Partenariats Public Privé permettent-ils une meilleure gestion de la donnée dans les projets « ville intelligente » ? En 2014, à la demande du Conseil d’Analyse Économique, Stéphane Saussier et Jean Tirole (Prix Nobel d'Économie en 2014) proposent des pistes d’amélioration de l’efficacité de la commande publique. Leur rapport est construit autour de la double approche théorique de l’asymétrie d’information entre acteurs de la commande publique (l’entreprise connaît mieux ses coûts et l’environnement économique que la partie publique) et celui de « l’incomplétude contractuelle » (il est impossible de prévoir tous les événements pouvant survenir durant l’exécution du contrat). Dès lors, « l’analyse économique recommande d’utiliser autant que possible les forces concurrentielles dans la phase de sélection des partenaires et de mettre en place des mécanismes incitatifs pour constituer de véritables engagements des parties » (Saussier, Tirole, 2015). Suite à ce rapport, le Gouvernement fera inscrire le « sourcing » fournisseurs dans le code de la commande publique13.

8Préparée au sein du Laboratoire grenoblois d’Économie Appliquée et soutenue en 2017, une thèse s’est attachée à analyser l’utilisation stratégique de l’achat public pour l’innovation (API) à travers une description des logiques des acteurs impliqués, des instruments mobilisés et des pratiques de déploiement mises en œuvre. S’inscrivant dans la continuité des nombreux travaux menés par la recherche internationale, Julien Chicot pose trois questions : dans quelle mesure les API peuvent-ils être raisonnablement considérés comme des instruments de politique publique appropriés pour la résolution de grands défis ? (1), les API peuvent-ils soutenir, tout au long de la procédure d’achat public, la création et la coordination de connaissances pour la création de marché d’innovation ? (2), quels sont les facteurs freinant les collaborations entre acheteurs publics et fournisseurs pour le développement de nouveaux produits et services ? (3). Il tente de démontrer qu’acheteurs publics, utilisateurs et (potentiels) fournisseurs doivent interagir tout au long de la procédure d’achat public pour échanger et coordonner connaissances et informations. Selon lui, l’API, nouvel instrument au service de l’innovation territoriale, doit être pensé de manière dynamique et ne se suffit pas à lui-même (Chicot, 2017).

9Les économistes de l’innovation se sont concentrés sur l’analyse des systèmes d’innovation (Lundvall, 1992). Leurs travaux ont contribué à mieux analyser la place et le rôle des différents acteurs dans les processus d’innovation, d’identifier les facteurs clés de succès des politiques publiques de soutien à l’innovation. De la (co) création de nouvelles connaissances à leur application dans un domaine spécifique, en passant par la construction de prototypes d’invention et la diffusion sur les marchés, l’innovation est le résultat d’un système d’interactions et de rétroactions entre des acteurs à différentes étapes de sa genèse, de son développement et de sa mise en oeuvre (Laperche, Lima, Seulliet, Trousse, 2019).

10Depuis le milieu des années 90, la science régionale (Torre, Talbot, 2018 ; Torre, Zimmermann, 2015) a également démontré l'importance de l'analyse des systèmes d'acteurs et de leurs relations dans la compréhension des dynamiques d'innovation et des mutations territoriales. Elle a développé un appareil théorique complet permettant de mieux comprendre les mécanismes de gouvernance territoriale, d’appréhender les formes et les effets des proximités (géographique, organisée et institutionnelle). Elle s'est particulièrement attachée à étudier le rôle des espaces, des lieux, des instances, des scènes de dialogue (clubs, associations, réseaux, etc.) et de développement (programmes, dispositifs, agences, etc.) dans les processus de rapprochement entre les acteurs (publics, privés, associatifs, citoyens, habitants) mais également entre ces acteurs et leurs environnements (Nadou, Talandier, 2020).

  • 14 Le Laboratoire de Démographie et d’Histoire Sociale est un laboratoire scientifique de l’Ecole des (...)

11Conduite par deux chercheurs du LaDéHiS14, une étude des chantiers royaux piémontais, dans la première moitié du XVIIIe siècle, s’est intéressée à l’impact de la commande publique sur les temporalités de différents acteurs liées au « cours (politique) de la commande publique », aux « séquences opératoires de chaque chantier qui interpellent les différentes spécialisations des contrats et des contractants », aux « trajectoires relationnelles des entrepreneurs (leurs profils d’interventions et leurs rôles qui changent à chaque contrat), les parcours biographiques et migratoires de ces individus ». L’étude propose notamment une cartographie relationnelle et spatiale des contrats conclus dans la période 1711-1716, soulignant les liens entre contrats partageant au moins deux signataires en commun et les liens de chaque contrat avec le lieu du chantier auquel il participe. Elle constate qu’à l’intérieur d’un ensemble « complexe d’interactions, aux temporalités divergentes, s’organisent les logiques d’actions des protagonistes, en fonction de ce qu’ils en perçoivent ». Les deux chercheurs constatent que « les pratiques qui en découlent ont façonné le milieu professionnel des entrepreneurs du bâtiment à Turin de la première moitié du XVIIIe siècle » (Cristofoli, Rolla, 2018).

  • 15 « L’interaction spatiale désigne à la fois la mise en contact et la friction de l’éloignement. C’es (...)
  • 16 On doit le concept d’intermédiation territoriale à Claude Lacour qui, au milieu des années 90, a tr (...)
  • 17 Le mot système dérive du grec "systema" qui signifie « ensemble organisé ». Selon Joël de Rosnay (1 (...)
  • 18 Utilisé par Michel Foucault dans ses séminaires au Collège de France en 1978, le dispositif est déf (...)
  • 19 Certains géographes (Gwiazdzinski, 2013) lui préfèrent le concept de territoires apprenants « défin (...)

12Les interactions15 au sein des écosystèmes territoriaux et les dynamiques d’apprentissage (Koenig, 2006), qui en découlent, génèrent des espaces de coopération et des échanges producteurs de connaissances (Torre, 2018). Elément clé expliquant la coordination des acteurs, le concept d’intermédiation territoriale16 permet de comprendre ces processus et ces dynamiques grâce à une approche systémique17 : système de lieux, système de liens, système d’acteurs, système de dispositifs18 et d’outils qui les relient. « Les différents dispositifs, explicites ou informels, institutionnels ou non, participent aux formes opérationnelles d’une intermédiation sur le territoire et dans le processus de régulateur dans la relation entre acteurs. Ces dispositifs techniques ou outils opérationnels entraînent des processus relationnels entre acteurs et permettent aux acteurs locaux de pouvoir faciliter leur échange, leur rencontre, leur connaissance au sein d’une structure ou d’une instance de dialogue. Ils servent également de base à la mise en place d’actions susceptibles d’accroître ou de développer une activité, un marché, ou de favoriser des innovations. » (Fabien Nadou et Bernard Pecqueur, GES, 2020). Si la géographie19 a adopté cette approche en retenant le terme d'intermédiarité pour dépasser le modèle centre-périphérie (Commenges et Riera, Merle, 2011), la notion d'intermédiation, définie comme « une dynamique relationnelle et organisationnelle entre acteurs locaux, variable dans le temps et dans l'espace, le territoire agissant comme un véritable révélateur de leurs comportements, de leurs pratiques et des processus qui les animent », est rarement utilisée dans les travaux scientifiques en aménagement (Nadou, 2013).

13Cette approche s’inscrit en cohérence avec celles traditionnellement proposées par la science politique en matière d’analyse des instruments de l’action publique (Lascoumes, 2011). La première s’attache au choix et à l’adéquation entre les objectifs poursuivis par une politique publique et les moyens mis en œuvre pour les atteindre. La seconde, typologique, se focalise sur la multiplication voire la superposition des dispositifs et les problèmes de coordination qui en découlent. La troisième envisage les instruments comme des institutions sociologiques centrées sur les dynamiques de construction permanente et d’appropriation par les acteurs se rapprochant de la sociologie de l’action et des organisations. Cette dernière considère que l’action publique peut être analysée à partir de cinq variables, reliées entre elles : acteurs, représentations, institutions, processus, résultats (Lascoumes, 2018). « Une large part de ce qui se joue dans cette séquence tient au choix et aux effets des instruments (de l’action publique), qui conditionnent, au-delà des stratégies d’acteurs, la trajectoire d’une politique publique – de son « échec » à ses effets non désirés. » (Ribémont, Bossy, Evrard, Gourgues, Hoeffler, 2018).

  • 20 Professeur de géographie humaine à l’Université de Genève de 1969 à 2000, il est l’auteur d’un ouvr (...)

14Dans la continuité des travaux de Claude Raffestin20, une géographie de l’action publique s’est développée s’intéressant aux dimensions spatiales et territoriales de certaines formes d’actions collectives (Mele, 2006). Sous le terme d’action publique, elle désigne non plus l’ensemble des actions des pouvoirs publics, mais précisément certaines modalités de constitution de sphères publiques locales au sein desquelles sont mises en débat les procédures, les objectifs et les finalités de l’intervention des pouvoirs publics. Le terme « territoire » renvoie à l’idée d’un espace délimité, sur lequel se concrétise (ou cherche à se concrétiser) un projet d’acteur en position d’appliquer une stratégie. Elle évoque ainsi des territoires de l’action publique ou des projets territoriaux pour exprimer les projets des échelons institutionnels sur des espaces délimités eux-mêmes animés et traversés par des échelles diverses (Debrie, 2010).

  • 21 Ces deux articles ont été publiés dans la Revue d’Economie Régionale et Urbaine.

15Alors que les instruments de la politique contractuelle ont été largement pris en compte, il est donc surprenant de constater que la commande publique n’a pas fait l’objet de publications, de travaux en géographie, en aménagement et en science régionale à l'exception de contributions très récentes, qui méritent d'être soulignées (Morand, Maréchal, 2023 ; Mazin, Da Cunha, 202421).

II - La commande publique au service des dynamiques d’innovation territoriale : démonstration sur les projets de ville intelligente

16Pour répondre aux défis majeurs (sociétaux, sociaux et environnementaux), l’innovation territoriale est généralement définie comme une réponse nouvelle (ou transférée dans un contexte nouveau) à une problématique et/ou à un besoin identifié collectivement dans un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-être et un développement local durable (Carassus, 2015). La capacité à mobiliser les acteurs locaux et notamment les citoyens dans une logique de co-construction et de co-production de solutions dites « innovantes » est au cœur de leur design et de leur mise en œuvre, reposant sur la mobilisation de ressources multiples : l’innovation pour, et par, le territoire.

  • 22 Les définitions de la ville intelligente varient, selon les pays, les courants de pensée et les org (...)
  • 23 Le « transhumanisme » est un courant de pensée qui, observant les progrès combinés de la biologie, (...)
  • 24 L'innovation participative désigne un système qui permet aux différentes parties prenantes d’une or (...)
  • 25 Les Tiers-lieux ont, en commun, de mutualiser des espaces et des compétences, d’hybrider des activi (...)

17La ville intelligente22 (Dupuy, 1992) est au centre de nombreux ouvrages, rapports, travaux et débats desquels trois approches se dégagent. La première approche, qu’on pourrait baptiser de solutionniste (ou fonctionnaliste), valide à priori l’idée que l’innovation technologique est porteuse de progrès sociétaux et humains dans une forme de vision « transterritorialiste »23. La seconde approche (interprétative et participative24) place l’association des habitants (ou usagers finaux) au cœur des démarches d’innovation (Tiers-lieux, Living Labs, Fab Labs25…), les méthodes et les pratiques de design collectif au cœur des projets. La troisième approche repose sur une analyse critique de la ville intelligente (saturation ou burn-out numérique, progrès technique versus progrès humain). Elle porte un regard distancié sur la technologie entre le « souhaitable » et le « désirable », avec l’ambition de construire et de proposer des contre-modèles d’innovation territoriale (Vidal, 2020).

  • 26 « Le référentiel d’une politique est constitué d’un ensemble de prescriptions qui donnent du sens à (...)
  • 27 Harold D. Lasswell (1956) est aussi le premier à « avoir pris en compte et analyser une politique o (...)

18Ce concept de « ville intelligente » a fait émerger un nouveau référentiel26 pour les politiques urbaines en matière d’innovation. Il s’est substitué à celui pensé à la fin des années 90 pour accompagner la révolution numérique et lutter contre les fractures qu’elle était susceptible de générer. Dans une vision relativement « défensive », l’objectif était alors de décliner, selon une vision déterministe et une approche séquentielle27, des stratégies d’aménagement numérique autour du triptyque « infrastructures - services - usages » en focalisant les politiques publiques sur l’accès au haut débit et la couverture mobile. Il repose, a contrario, sur une vision offensive de l’innovation au service d’un développement urbain durable et inclusif. Il propose un mode opératoire orienté usages, susceptible d’apporter des réponses efficaces et immédiates : « La ville intelligente serait celle qui ferait bon usage de ses réseaux numériques pour les mettre au service d’un meilleur fonctionnement urbain, une métropole plus innovante, moins énergivore, mieux gouvernée, moins incertaine, plus fluide, durable, collaborative et citoyenne » (Vidal, 2017).

  • 28 Nous faisons référence aux pratiques qui visent « à repenser tantôt les services publics, tantôt le (...)

19L’analyse de la littérature très abondante sur la ville intelligente permet précisément de dégager plusieurs postulats. La transformation digitale et les innovations technologiques doivent être mobilisées pour résoudre des problèmes majeurs auxquels nos sociétés urbanisées sont confrontées (1). Cherchant à réduire son empreinte carbone et maîtriser sa consommation énergétique, la ville ambitionne d’optimiser les mobilités, de réduire les nuisances et les pollutions en utilisant pleinement les potentialités offertes par les nouveaux outils de captation de données et les systèmes de gestion en temps réel (2). Les interactions entre les parties prenantes jouent un rôle essentiel dans la construction de réponses « innovantes » qui reposent sur l’intelligence collective, le partage de l’information et la collaboration (3), l’apprentissage par l’expérience (4). Mobilisant les outils et méthodes du design28, Il implique la co-construction de politiques publiques avec les citoyens, le tissu associatif, les entreprises (5) et donc l’adoption de solutions cohérentes avec une vision partagée du devenir du territoire (6). La mise en œuvre de la ville intelligente suppose le basculement vers des approches intégrées plaçant l’innovation au cœur de la gouvernance, de la planification et des investissements dans la ville (7).

  • 29 Source : European Commission (2016). Guideline - Public procurement for smart cities, 2013, Analysi (...)
  • 30 Source : World Economic Forum in collaboration with Deloitte. (2021) Governing Smart Cities: Policy (...)
  • 31 Source : https://www.entreprises.gouv.fr/fr/actualites/territoires-connectes-durables-rapport-Minis (...)

20Elle est directement associée avec la question de l'efficacité de la dépense publique à tous les niveaux de gouvernance (Frucquet, Carassus, Chabaud, Marin, 2022). Sa construction nécessite la mobilisation des acteurs privés et les institutions afin de renforcer les capacités de financement aux niveaux national et infra-national : « Les pratiques contractuelles à l'ère numérique doivent évoluer vers des contrats plus globaux, une meilleure maîtrise de leur utilisation et une évaluation socio-économique plus systématique. Alors que les secteurs public et privé fonctionnaient auparavant en silos, il est désormais urgent d'adopter des contrats transversaux et globaux pour adopter une approche multi-services. En plus d'inclure davantage d'obligations de performance dans les contrats, le secteur public doit également renforcer sa capacité à contrôler son partenaire privé. » (OECD, 2014). La Commission Européenne29 et la Banque Mondiale30 affirment également ce rôle majeur de la commande publique dans la construction de la ville intelligente et durable estimant qu’elle impose aux acteurs publics de redéfinir le rôle et la place de la fonction achat non seulement dans leur organisation mais aussi dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation de leurs politiques publiques en matière d’innovation et de développement durable. Lors de la 7ème édition de l’Université du Très Haut Débit à Bourges (12 et 13 octobre 2023), Valérie Nouvel, vice-présidente Transition et Adaptation au changement climatique du Département de la Manche, présentait les conclusions de son rapport de mission au Gouvernement E. Borne (16 mai 2022 - 9 janvier 2024) sur le thème des territoires connectés et durables31. Quatre chantiers ont été identifiés pour accélérer le déploiement d’usages numériques concertés entre l’Etat, les collectivités locales et les industriels, dans un dialogue renouvelé autour des défis de la transition écologique. L’un d’entre eux consiste à « développer une commande publique performante portée par des financements propices à un engagement dans le temps ».

  • 32 Henry Chesbrough est le premier à avoir théorisé l'expression "innovation ouverte" dans un ouvrage (...)
  • 33 Rigoureusement défini, un protocole a pour objectif de faire coopérer des acteurs aux profils hétér (...)

21La ville intelligente et durable renvoie à des termes comme évolution, changement, transition, transformation. Elle suppose implicitement d’inscrire la démarche d’innovation urbaine dans la durée, d’agir dans le présent pour construire un futur urbain durable. La fabrique des villes est un mouvement perpétuel, obéissant à des cycles dans lesquels les démarches des acteurs se différencient en fonction des échelles et de leurs temporalités propres (Tsiomis, 2007). Raisonner ainsi ramène à cette nécessaire intelligence collective dont l’une des formes est cette idée de plate-forme d’innovation ouverte32, de nouveaux protocoles d’innovation33 (Gwiazdzinski, 2018). L’étude des interactions entre les acteurs de l’innovation territoriale amène naturellement à identifier et prendre en compte différents types de temporalités avant d’en étudier les multiples relations, les influences que les uns exercent sur les autres. Ainsi, les temporalités de la ville intelligente sont étroitement liées à celles des acteurs qui participent à sa construction et aux instruments qui y contribuent.

  • 34 Cristofoli, P., Rolla, N. (2018) Op. Cit.

22Cette dimension temporelle constitue un aspect essentiel pour comprendre les dynamiques urbaines (Levy, 2018), largement sous-estimée par la recherche urbaine qui a consacré peu de travaux au temps, à la relation espace-temps et à ses représentations (Gwiazdzinski, 2020). Aux côtés des dispositifs traditionnels de contractualisation territoriale, la commande publique pourrait donc offrir un cadre favorisant la convergence de temporalités (entrepreneuriale, sociétale, politique34), la synchronisation des rythmes et des cycles d’innovation. Le démontrer suppose de répondre à de multiples questions : comment la commande publique favorise-t-elle ces dynamiques collaboratives d’innovation ? en quoi ses temporalités particulières les impactent-elles ? comment s’accordent-elles ? quels rôles joue la commande publique dans cette mise en cohérence ? existe-t-il des tensions ou des synergies se construisant progressivement entre les temporalités des différents acteurs grâce à (ou en dépit de) celles de la commande publique ?

23A partir d’une analyse des secteurs culturel et musical, Will Straw propose une approche reposant sur le concept de scènes ouvertes et de scènes restreintes. Les scènes ouvertes sont des espaces publics où différentes expressions artistiques peuvent se développer librement, sans contraintes ni jugements. Cela peut aller de concerts improvisés dans des parcs, des festivals de rue ou même des expositions artistiques dans l'espace public. D'un autre côté, les scènes restreintes sont des espaces contrôlés où l'art est généralement encadré par des règles et des normes. Par exemple, les galeries d'art, les salles de concert ou les musées. Ces scènes offrent un cadre plus professionnel et structuré pour l'expression artistique. Il souligne l'importance des acteurs locaux dans les dynamiques d'innovation territoriale et insiste sur la nécessité de favoriser la collaboration, et la co-création entre les acteurs locaux et les autorités publiques, afin de mieux aligner les politiques publiques avec les besoins et les priorités des acteurs locaux (Straw, 2014). Dans cette perspective, de nouvelles scènes « ville innovante » pourraient être considérées comme émergentes. Elles présenteraient des agencements et des formes nouvelles de collaboration entre les acteurs du projet urbain (Ingallina 2008) qui recherchent des solutions pour s’émanciper des contraintes imposées par le droit. La commande publique pourrait y jouer un rôle plus complexe que la seule fourniture d’un cadre normatif et financier, dictant le scénario de production de l’innovation territoriale. Avec cette dernière hypothèse de recherche, il s’agira d’explorer des voies nouvelles d’appréhension de la complexité des interactions entre acteurs de l’innovation territoriale et des facteurs qui les influencent (Silver, Clark, T. N. , 2014).

III - Méthodes et terrains d’investigation : le cas de la scène toulousaine

24Malgré l’absence de travaux notables en géographie et en aménagement sur la commande publique, la première étape de notre travail consiste en une revue de la littérature scientifique, notamment internationale. Sans prétendre à l’exhaustivité, elle visera à analyser les travaux réalisés sous les angles qui nous intéressent. Comprendre l’impensé permettra de mieux fixer le cadre conceptuel, d’affiner le protocole méthodologique lié à notre choix de l’étude de cas comme méthode de recherche privilégiée.

25En centrant sur une scène territoriale particulière (Toulouse), l’étude de cas offrira une contextualisation riche, permettant une exploration approfondie du rôle de la commande publique dans les dynamiques d’innovation urbaine. Le caractère novateur de cette recherche et ses aspects multidimensionnels nécessitent une approche souple, et rigoureuse, pour répondre aux questions posées. L’unicité du contexte territorial offre la possibilité d'intégrer les perspectives variées des acteurs locaux, des entreprises, des autorités publiques et d'autres parties prenantes. Ce choix de terrain permettra une double approche synchronique et diachronique. Elle favorisera une compréhension holistique des interactions et des interdépendances. Les enseignements tirés du cas étudié pourront être comparés et contrastés avec d'autres contextes territoriaux similaires ayant fait l’objet de travaux dans d’autres disciplines des sciences humaines et sociales (Van Winden, Carvalho, 2019).

26Le choix de la scène toulousaine repose sur l’identification de caractéristiques distinctives qui en font un terrain propice à l'exploration des interactions entre la commande publique et les dynamiques d'innovation territoriale.

  • 35 https://www.insee.fr/fr/statistiques/1894476?sommaire=1894478&q=aire+urbaine+toulouse
  • 36 Créé en 2017, le baromètre Arthur Lloyd « Attractivité et résilience des Métropoles en France » mes (...)
  • 37 Source : https://www.smeat-agglotoulouse.fr/
  • 38 Le PIA a été mis en place suite au rapport JUPPE-ROCARD « Investir pour l’Avenir » de 2009. Engag (...)
  • 39 Doté de trente millions d’euros, cet appel à projets « Territoires intelligents et durables » s’ins (...)
  • 40 Appel à projets gouvernemental sur le thème de l’Intelligence Artificielle frugale au service de la (...)
  • 41 Le projet High Connectivity 5G vient d’être sélectionné dans le cadre de l’appel à projets européen (...)

27Bastion européen de l'industrie aérospatiale autour duquel s’est construit « un système local de compétences aux dimensions intersectorielles » (Zuliani, 2008), l’aire urbaine Toulousaine est un territoire très vaste (plus de 5.400 km2) qui réunit 453 communes, principalement regroupées autour de trois intercommunalités (Métropole de Toulouse, SICOVAL, Agglomération du Muretain). Son attractivité est remarquable sur le plan démographique (croissance continue et très importante de sa population estimée par l’INSEE à 180.000 habitants sur la période 2010-203035) et sur le plan économique. Pour la première fois, elle vient d’être classée Métropole la plus attractive de France en 2023, devant celle de Lyon36. Les différentes parties prenantes du développement de l’aire urbaine de Toulouse doivent relever plusieurs défis37 : maîtriser l’étalement urbain, désengorger les réseaux de communication, trouver des réponses équilibrées en matière de mobilités, apporter des réponses à la crise du logement, maintenir une qualité de vie et de bien-être dans la ville, offrir des services à forte valeur ajoutée pour ses habitants et les entreprises. Poumon institutionnel de l’aire urbaine, la Métropole de Toulouse s’est très rapidement appropriée le concept de ville intelligente. Dès décembre 2014, la Métropole de Toulouse propose de faire l’innovation le moteur de la construction de réponses collectives à ces défis. L’initiative « Toulouse Smart City » est retenue le 4 février 2016 par le Gouvernement M. Valls dans le cadre du programme « Ville de demain »38. En 2019, un appel à projets est lancé, par la Métropole de Toulouse, pour soutenir des produits et/ou services innovants dans les domaines de la ville intelligente, de l’open data et de la mobilité durable. Le 28 octobre 2022, Toulouse Métropole Occitanie est retenue par le Gouvernement E. Borne parmi les cinq premiers lauréats de l’appel à projets « Territoires intelligents et durables »39. Toulouse Métropole vient également d’être sélectionnée pour designer et conduire un projet visant à améliorer la gestion des bâtiments grâce à l’exploitation de données territoriales (efficacité énergétique, efficacité opérationnelle dans l'exploitation des ouvrages, conformité réglementaire, planification et suivi des travaux)40 ainsi que pour son initiative en faveur du déploiement de la connectivité mobile 5G (projet HI541) en partenariat avec l’opérateur privé Alsatis.

  • 42 Afin d’encourager les acheteurs publics dans la voie des achats responsables, l’article 13 de la lo (...)
  • 43 Inspiré du modèle américain, il s’agit de faciliter l’accès des PME aux marchés publics et de mieux (...)

28Il s’agira d’analyser ces différents outils et programmes dans toutes leurs dimensions, de comprendre leur contribution à la connexion des acteurs territoriaux aux dynamiques d’innovation et à la commande publique, la place de cette dernière dans les processus d’intermédiation. Cette analyse reposera sur un travail exhaustif d’entretiens semi-directifs avec leurs promoteurs, les animateurs techniques, les dirigeants d’entreprises candidates et sélectionnées, les accompagnateurs, les acteurs associatifs impliqués dans leur mise en œuvre. Cette collecte de données primaires sera complétée par une analyse approfondie de sources secondaires qui comprendra l'examen des documents officiels tels que les délibérations de la métropole et les dossiers de candidature, les comptes rendus des différentes réunions, les supports de communication, le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables42 (SPASER) de la Métropole, le Small Business Act Métropolitain lancé en 201443.

  • 44 Le paradigme systémique est un courant de pensée transdisciplinaire partageant des principes d’anal (...)

29La variété des acteurs impliqués, allant des grandes entreprises aux startups, en passant par les organismes publics, les établissements d’enseignement supérieur et de formation, les pôles de compétitivité, les relais associatifs nombreux, les centres de recherche, offre une distribution complète permettant d’examiner le(s) rôle(s) de la commande publique sur la scène innovante urbaine. C’est pourquoi l'analyse systémique44 revêt une importance cruciale dans la réussite de ce travail de recherche. Elle prendra, notamment, la forme d’une cartographie des acteurs et lieux impliqués dans la commande publique et l’innovation urbaine, créant ainsi une représentation visuelle des relations et des interactions entre les différents acteurs. Qu'il s'agisse de collaborations, de partenariats, ou de relations plus informelles, cette approche dévoilera les liens et les moments qui façonnent les cycles, les rythmes et les temporalités de l'innovation urbaine et la manière avec laquelle la commande publique les impacte. L’objectif est d’identifier les “ points nodaux ” générés par la commande publique et comprendre leur influence sur les dynamiques globales de l'innovation. Elle permettra d'explorer les modes de circulation de l'information liée à la commande publique au sein des écosystèmes : comment les décisions de la commande publique se propagent-elles au sein des différentes parties prenantes ? Comment ces informations influencent-elles les processus d'innovation des différentes parties prenantes ? En portant une attention particulière aux différentes initiatives de la Métropole de Toulouse, elle cernera le rôle joué par les dispositifs et les outils pour connecter les acteurs à la commande publique.

30Dans un souci d'approfondissement de notre compréhension des relations entre les dynamiques d'innovation territoriale et la commande publique, la mise en perspective contribuera à élargir notre champ d'analyse en confrontant les résultats obtenus à Toulouse avec d'autres contextes territoriaux. L'objectif est de saisir l’influence des particularismes locaux tout en identifiant les tendances générales et de dégager des enseignements transférables à d'autres scènes urbaines. Pour ce faire, nous sélectionnerons quelques terrains de recherche caractérisés par des similitudes ou des différences marquantes avec la scène toulousaine. Ils pourraient inclure des métropoles françaises et étrangères ayant développé des initiatives similaires dans le domaine de la ville intelligente et durable. Nous accorderons une attention particulière aux différences structurelles, culturelles et institutionnelles qui peuvent influencer la manière dont la commande publique interagit avec les dynamiques d'innovation urbaine. En concluant notre travail de recherche par cette perspective comparative, nous visons à contribuer de manière significative au champ plus large des études sur l'innovation territoriale, à offrir des enseignements pratiques pour les décideurs publics et les acteurs locaux engagés dans des initiatives similaires et à contribuer aux réflexions et débats autour du rôle et de la place de la commande publique dans l’action publique.

31En guise de synthèse, notre travail de recherche pointera le constat selon lequel la commande publique est négligée par les géographes, les aménageurs, la science régionale. Il cherchera à identifier et expliquer les raisons de cet impensé (1). Il s'attachera à démontrer l’importance de sa prise en compte dans la compréhension des dynamiques d'innovation territoriale en examinant son impact sur la capacité des acteurs locaux à innover et à établir des synergies au service du développement des territoires (2). L'analyse du cas de la scène toulousaine fournira une méthodologie et un terrain de recherche adaptés, en raison de la diversité des initiatives lancées dans le domaine de la ville intelligente et durable d’une part et d’autre part, de la pluralité des acteurs impliqués (3). Son ambition est d'établir les bases d'une reconnaissance sérieuse de la commande publique dans les domaines de la géographie et de l'aménagement.

Haut de page

Bibliographie

ALTER, N. (2015). L'innovation ordinaire. PUF, Quadrige, Paris, 212 p.

AUBRY, N., TORRE, A., BIOTEAU, E., VIGROUX, P., & VÉRITÉ, O. (2022). Les trajectoires de développement des territoires : les dynamiques relationnelles comme horizon de recherche renouvelé. Géographie Économie Société, 24(3‑4), 239‑260. https://doi.org/10.3166/ges.2022.0015

LENDERINK, B., HALMAN, J. I., & VOORDIJK, H. (2019b). Innovation and public procurement : from fragmentation to synthesis on concepts, rationales and approaches. Innovation : The European Journal Of Social Science Research, 35(4), 650‑674. https://doi.org/10.1080/13511610.2019.1700101

BOURDEAU-LEPAGE, L. & HURIOT, J. (2009). Proximités et interactions : une reformulation. Géographie, économie, société, 11, 233-249. https://www.cairn.info/revue--2009-3-page-233.htm.

BOURDIN, S., NADOU, F., & OBERMÖLLER, A. (2020). Comment les politiques publiques favorisent-elles les dynamiques collaboratives d’innovation ? Revue D’économie Régionale et Urbaine, Février(2), 311‑335. https://doi.org/10.3917/reru.202.0311

BPI FRANCE. (2018). Innovation, nouvelle génération. https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/innovation-nouvelle-generation-un-nouveau-regard-sur-linnovation

CARASSUS, D. (2015, 28 avril). Bilan et perspectives des recherches en innovation locale sur la relation public/privé. https://univ-pau.hal.science/hal-02141937

CARAYANNIS, E. G., & CAMPBELL, D. F. J. (s. d.). Les systèmes d’innovation de la quadruple et de la quintuple hélice. Cairn.info. https://www.cairn.info/revue-innovations-2017-3-page-173.htm?ref=doi

CHICOT, J. (2017). Strategic use of public procurement for innovation : rationales, instruments and practices. https://theses.hal.science/tel-01848784

COMMENGES H., RIERA E. M. (2011). Définir l’intermédiarité par le système des mobilités spatiales In Giroud M., Mainet-Valleix H., Édouard J. C., Les mobilités spatiales dans les villes intermédiaires. Territoires, pratiques, régulations, Presses universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 155-178.

CRISTOFOLI, P., & ROLLA, N. (2018). Temporalities at work on building sites. Professional networks and the multifarious circulation of entrepreneurs in Piedmont during the Eighteenth century. Temporalités, 27. https://doi.org/10.4000/temporalites.4456

DEBRIE, J. (2010). Contribution à une géographie de l’action publique : le transport entre réseaux et territoires. Géographie. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, HDR.

DELAHAIS, T., GOUACHE, C., & VINCENT, S. (2019). Le design de l’action publique : vers une hybridation entre culture design et culture de l’évaluation. Sciences du Design, n° 10(2), 83‑89. https://doi.org/10.3917/sdd.010.0083

DUNLOP, J. (2016). Chapitre III. Les structures et les dynamiques spatiales. Dans : Jérôme Dunlop éd., Les 100 mots de la géographie (pp. 38-53). Paris cedex 14: Presses Universitaires de France.

FEUILLET, T., COSSART, É. & COMMENGES, H. (2019). Chapitre 6. Caractériser l’interaction spatiale. Dans : T. FEUILLET, É. COSSART & H. COMMENGES (Dir), Manuel de géographie quantitative: Concepts, outils, méthodes (pp. 134-153). Paris: Armand Colin.

FRUCQUET, P., CARASSUS, D., CHABAUD, D., & MARIN, P. (2022). Villes et Territoires Intelligents : Repenser la gouvernance locale pour maximiser la création de valeur publique. https://hal.science/hal-03911835v1

GWIAZDZINSKI, L. (2020). Il est temps. Petit plaidoyer pour une approche spatio-temporelle et rythmiques des villes et des territoires. https://shs.hal.science/halshs-03142397

GWIAZDZINSKI, L., & CHOLAT, F. (2021). Conclusion. Territoires apprenants. Un concept à l’épreuve du terrain et une aventure pour demain. https://shs.hal.science/halshs-03119484

GWIAZDZINSKI, L., & DREVON, G. (2018). Les ateliers d’innovation territoriale Protocoles et dispositifs géographiques de désorientation et de réassurance. https://shs.hal.science/halshs-01953439

INGALLINA, P. (2008). Le projet urbain. Presses Universitaires de France. https://doi.org/10.3917/puf.ingal.2008.01

JACQUOT, S. (2019). Approche séquentielle. Dans Presses de Sciences Po eBooks (p. 81‑87). https://doi.org/10.3917/scpo.bouss.2019.01.0081

KŒNIG, G. (2015). L’apprentissage organisationnel. Revue Française de Gestion, 41(253), 83‑95. https://doi.org/10.3166/rfg.160.293-328

LAPERCHE, B., LIMA, M. C., SEULLIET, É., & TROUSSE, B. (2019). Introduction générale. Les écosystèmes : espaces d’émergence d’innovations. Dans L’Harmattan eBooks (p. 17‑27). https://doi.org/10.3917/har.laper.2019.01.0017

LASCOUMES, P. & LE GALÈS, P. (2018). Une sociologie politique de l’action publique. Dans : LASCOUMES, P. & LE GALÈS, P. (Dir), Sociologie de l'action publique (pp. 9-26). Paris: Armand Colin.

LASCOUMES, P., & SIMARD, L. (2011). L’action publique au prisme de ses instruments. Revue Française de Science Politique, Vol. 61(1), 5‑22. https://doi.org/10.3917/rfsp.611.0005

LELOUP, F., MOYART, L., & PECQUEUR, B. (2023). Gouvernance, action publique et cohésion ou comment piloter nos territoires. La gouvernance territoriale : d’un mode de coordination à un processus de cohésion territoriale ? Géographie Économie Société, 25(2‑3), 145‑161. https://doi.org/10.3166/ges.2023.0007

LENDERINK, B., HALMAN, J. I., & VOORDIJK, H. (2019c). Innovation and public procurement : from fragmentation to synthesis on concepts, rationales and approaches. Innovation : The European Journal Of Social Science Research, 35(4), 650‑674. https://doi.org/10.1080/13511610.2019.1700101

LÉVY, L. (2018). Urban planning facing the challenge of an open temporality. Improvisation as a model for action ? Développement Durable et Territoires, Vol. 9, n°2. https://doi.org/10.4000/developpementdurable.12236

LIÈRE, S. (2022). L’innovation technologique dans les contrats publics d’affaires, Paris, LGDJ, 326 p.

LUNDVALL, B.A. (1992). National Systems of Innovation: Towards a Theory of Innovation and Interactive Learning. Pinter Publishers, London.

MAZIN, A. & DA CUNHA, C. (2024). Achat public et restauration scolaire : motivations, freins et mise en œuvre de l’achat local en Île-de-France. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, 77-102. https://doi.org/10.3917/reru.241.0077

MELE, P. (2006). Pour une géographie de l’action publique : Patrimoine, environnement et processus de territorialisation. Géographie. Université de Tours, HDR.

MOINE, A. (2004). Comprendre et observer les territoires - l’indispensable apport de la systémique. Géographie. Université de Franche-Comté, HDR.

MORAND, P., & MARECHAL, F. (2023). Achats publics responsables et achat local : enseignements des données ouvertes françaises. https://hal.science/hal-03842464

MÜLLER, P. (2019). Référentiel. Dans Presses de Sciences Po eBooks (p. 533‑540). https://doi.org/10.3917/scpo.bouss.2019.01.0533

NADOU, F. & PECQUEUR, B. (2020). Pour une socioéconomie de l’intermédiation territoriale : Une approche conceptuelle. Géographie, économie, société, 22, 245-263. DOI: 10.3166/ges.2020.0016

OECD (2003). The Environmental Performance of Public Procurement: Issues of Policy Coherence, OECD Publishing, Paris. DOI : https://doi.org/10.1787/9789264101562-en.

OECD (2005). Manuel d’Oslo : Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, 3e édition.

RAFFESTIN, C. (2019). Pour une géographie du pouvoir. Lyon : ENS Éditions. DOI :10.4000/books.enseditions.7627

RIBÉMONT, T., BOSSY, T., EVRARD, A., GOURGUES, G., HOEFFLER, C. (2018). Introduction à la sociologie de l'action publique. De Boeck Supérieur. https://doi-org.gorgone.univ-toulouse.fr/10.3917/dbu.ribem.2018.01

ROSNAY DE (J.). (1975). Le macroscope. Vers une vision globale, Seuil, Collection Point, n°80.

SAUSSIER, S, TIROLE, J (2015). L’efficacité de la commande publique. Les notes du conseil d’analyse économique, n° 22

SILVER, D. & CLARK, T. N. (2014). La puissance des scènes : quantité d’aménités et qualité des lieux. Cahiers de recherche sociologique, (57), 33–60. https://doi.org/10.7202/1035274ar

STRAW, W. (2014). Scènes : ouvertes et restreintes. Cahiers de recherche sociologique, (57), 17–32. DOI: https://doi.org/10.7202/1035273ar

TORRE, A. (2023). Contribution to the theory of territorial development: a territorial innovations approach, Regional Studies. DOI: https://doi.org/10.1080/00343404.2023.2193218

TORRE, A. & TALBOT, D. (2018). Proximités : retour sur 25 années d’analyse. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, 917-936. DOI: https://doi.org/10.3917/reru.185.0917

TORRE A., ZIMMERMANN J.B. (2015). Des clusters aux écosystèmes industriels locaux, Revue d’Economie Industrielle, 52, 13 - 38. DOI: https://doi.org/10.4000/rei.6204

VAN WINDEN, W., & CARVALHO, L. (2019). Intermediation in public procurement of innovation: How Amsterdam’s startup-in-residence programme connects startups to urban challenges. Research Policy, 48(9), 103789. DOI: https://doi.org/10.1016/j.respol.2019.04.013

VIDAL, P. (2017). La paradoxale intrusion du numérique dans la France des marges. Dans : Martine Candelier-Cabon éd., La France des marges Rennes : Presses universitaires de Rennes, 197-216. DOI: 10.3917/pur.cande.2017.01.0197.

VIDAL, P. (2020). La Smart city au risque du « burn out » urbain. Dans M. ANTONIOLI, L. GWIAZDZINSKI, V. KAUFMANN, G. DREVON, & L. PATTARONI (Éds.), Saturations : Individus, collectifs, organisations et territoires à l'épreuve (pp. 91–98). Editions Elya. (L'innovation autrement). ISBN 9791091336147.

ZULIANI, J. (2008). Le cluster des systèmes embarqués à Toulouse : une organisation en « système local de compétences » ?. Géographie, économie, société, 10, 327-348. DOI: https://doi.org/10.3166/ges.10.327-348

Haut de page

Notes

1 La commande publique correspond à l’ensemble des contrats conclus à titre onéreux par un acheteur public (ou une autorité concédante), ayant une mission de service public, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Ces contrats peuvent prendre la forme de marchés publics (l’ensemble de la prestation est financée par l’acheteur public) ou de concession (délégation d’une activité de service public où le gestionnaire se rémunère en partie par l’activité du service). https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/documentation/fiches_pratiques/fiches/commande-publique.pdf?v=1689777668

2 Dès 1936, Harold Laswell, politologue américain, posait la question : « who gets what, when and how? » (Qui obtient quoi, quand et comment?). Selon lui, il s’agissait de comprendre, par des approches multidisciplinaires, les problèmes à traiter par l’autorité politique et surtout comment le faire (Lascoumes, Le Galès, 2018).

3 L’article R 2196-2, modifié par le Décret n°2022-767 du 2 mai 2022 - art. 4, stipule qu’un observatoire économique de la commande publique (OECP), placé auprès du Ministre chargé de l’économie, analyse les données relatives aux aspects économiques et techniques de la commande publique, qu’il constitue une instance de concertation et d'échanges d'informations avec les opérateurs économiques, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, qu’il contribue à la diffusion des bonnes pratiques.

4 Les données, collectées et traitées, excluent les marchés inférieurs à 40000 euros que les organismes soumis au droit de la commande publique n’ont pas l’obligation de communiquer à l’Observatoire Économique de la Commande Publique. En outre, elles ne prennent pas en compte les avenants aux contrats de marchés publics signés, les éventuels actes de sous-traitance. Enfin, en l’état actuel des informations communiquées par l’OECP, elles ne permettent pas d’identifier les marchés conclus dans le cadre des contrats de délégation de service public.

5 En 2020, la Banque mondiale présente la première base de données mondiale sur les marchés publics.

6 Ce chiffre (source : https://www.oecd.org/fr/gov/commande-publique/) est à considérer avec précaution dans la mesure où les modalités de calcul varient d’un pays à l’autre (y compris dans l’Union européenne).

7 Entré en vigueur le 1er avril 2019, le code de la commande publique est organisé selon la chronologie de la vie du contrat, de sa préparation à son exécution.

8 Une startup est une entreprise proposant un modèle d’affaires à fort potentiel de croissance, construit autour d’une, ou plusieurs, innovation(s) susceptible(s) d’apporter un changement radical (économique, technique, méthode, modèles d’affaires, etc.) à un marché. On parle de « disruption ».

9 Un écosystème entrepreneurial peut être défini comme un ensemble d'acteurs interconnectés et de processus qui agissent pour soutenir la création et le développement d’entreprises.

10 Publiée aux éditions LGDJ et préfacée par Stéphane Braconnier (Président de l’Université Paris - Panthéon - Assas), cette thèse a reçu le Prix Entreprises de l'Association française des docteurs en droit (AFDD).

11 Op. Cit.

12 La Chaire EPPP est le résultat d'une coopération entre acteurs publics et privés d’une part et d’autre part, l’IAE de Paris. https://www.chaire-eppp.org/

13 Le « sourcing » (terme anglais) consiste pour un acheteur à « effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, de solliciter des avis ou d’informer les opérateurs économiques du projet et de ses exigences » afin de préparer la passation d’un marché public (Article 4 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics). Le mot sourçage en Français (Commission d’enrichissement de la langue française) est rarement utilisé.

14 Le Laboratoire de Démographie et d’Histoire Sociale est un laboratoire scientifique de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Il fait partie du Centre de Recherches Historiques (UMR 8558 EHESS-CNRS).

15 « L’interaction spatiale désigne à la fois la mise en contact et la friction de l’éloignement. C’est l’esprit de la première loi de la géographie: tout interagit avec tout mais les choses proches interagissent plus que les choses éloignées » (Feuillet, T., Cossart, É. & Commenges, H. (2019). Ces interactions prennent des formes variées de relations entre individus ou groupes d’individus, entre structures ou groupes de structures. Elles reposent sur des contacts sociaux, des échanges de biens, de services et d’informations (Bourdeau-Lepage, Huriot, 2009).

16 On doit le concept d’intermédiation territoriale à Claude Lacour qui, au milieu des années 90, a travaillé sur la tectonique des territoires. Selon lui, « [...] nous serions peut-être moins enclins à faire du territoire une notion directement pertinente : géographique, économique, localisé définitivement. On préférerait parler d’intermédiation territoriale, au sens que les territoires servent d’intermédiation, de révélation, de concrétisation à des comportements, à des processus d’acteurs » (Lacour, 1996, p. 31).

17 Le mot système dérive du grec "systema" qui signifie « ensemble organisé ». Selon Joël de Rosnay (1975), « un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d'un but ».

18 Utilisé par Michel Foucault dans ses séminaires au Collège de France en 1978, le dispositif est défini comme étant « un ensemble hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, du dit aussi bien que du non-dit ». (Michel Foucault, 1977 in Dits et écrits, tome II, Paris, Gallimard, 1994, p. 299.)

19 Certains géographes (Gwiazdzinski, 2013) lui préfèrent le concept de territoires apprenants « définis comme le lieu, un temps et un réseau où l’on favorise l’apprentissage in situ et in vivo, hors les murs des institutions, en associant d’autres acteurs de l’environnement ». Ils insistent sur les processus situationnels dans lequel le partage de la connaissance par le faire devient une fonction fondamentale pour déployer un imaginaire, créer des visions et des politiques participatives pour le développement croisé des individus, des organisations et des territoires et le bien-être de tous (Gwiadzinski, Cholat, 2020).

20 Professeur de géographie humaine à l’Université de Genève de 1969 à 2000, il est l’auteur d’un ouvrage majeur, la Géographie du Pouvoir, paru en 1980. Dans la préface de sa réédition en 2019, Anne-Laure Amilhat Szary, Professeure de géographie à l’Université Grenoble-Alpes et Directrice du Laboratoire PACTE (UMR 5194) souligne que sa force est de « répondre au défi de comprendre la spatialité du pouvoir (en tant qu’elle exprime les relations de domination, mais également qu’elle les constitue), grâce à une proposition théorique, celle de la territorialité, dont l’analyse repose sur les notions centrales de relation et de médiation ».

21 Ces deux articles ont été publiés dans la Revue d’Economie Régionale et Urbaine.

22 Les définitions de la ville intelligente varient, selon les pays, les courants de pensée et les organisations internationales. L'OCDE et l’Union Européenne la définissent comme "des initiatives ou des approches qui tirent efficacement parti de la numérisation pour améliorer le bien-être des citoyens et fournir des services et des environnements urbains plus efficaces, durables et inclusifs dans le cadre d'un processus collaboratif et multipartite” (OCDE, 2018 ; EU, 2014).

23 Le « transhumanisme » est un courant de pensée qui, observant les progrès combinés de la biologie, de l’intelligence artificielle et de la physique quantique, défend la vision d’une transformation et/ou du dépassement de l’homme pour créer une nouvelle espèce post-humaine ou « transhumaine » disposant de capacités supérieures à celles de l’espèce humaine actuelle. D’une certaine manière, le « concept » de ville intelligente la décline dans une approche et une logique territoriales : « La « ville intelligente » apparaît telle une vieille utopie qui aurait enfin trouvé les moyens de se réaliser avec le numérique. À travers la « smart city », les acteurs essaient de recréer du sens collectif via un environnement numérique parfois considéré comme un facteur de délitement du lien social. » (Vidal, 2017).

24 L'innovation participative désigne un système qui permet aux différentes parties prenantes d’une organisation ou d’un territoire d'apporter leurs idées individuellement ou collectivement. On la relie avec le concept d’intelligence collective qui, dans un écosystème ouvert, génère un foisonnement d’idées pouvant se traduire par l’émergence de solutions innovantes.

25 Les Tiers-lieux ont, en commun, de mutualiser des espaces et des compétences, d’hybrider des activités et de favoriser la coopération pour répondre aux enjeux de leur territoire (www.francetierslieux.fr). Introduits en Europe sous la Présidence Finlandaise (2006), les « livings labs » correspondent à des écosystèmes d'innovation ouverts utilisant des processus de informationnels itératifs au cours du cycle de vie d'une innovation à impact durable. Les Fab Labs, ou laboratoires de fabrication, sont des lieux de jeu, de création, d'encadrement et d’invention permettant l’apprentissage et l’innovation. Ils donnent accès à un environnement technologique (exemple : imprimantes 3D), à des compétences, des matériaux qui permettent à n'importe qui de fabriquer (presque) n'importe quoi, n’importe quand. La réussite de ces écosystèmes d’innovation ouverte “nouvelle génération” repose sur le partage de connaissances, de ressources et de « communs » grâce à des plateformes collaboratives (Banque Publique d’Innovation, 2018)

26 « Le référentiel d’une politique est constitué d’un ensemble de prescriptions qui donnent du sens à un programme d’action publique en définissant des critères de choix et des modes de désignation des objectifs. Il s’agit à la fois d’un processus cognitif fondant un diagnostic et permettant de comprendre le réel (en limitant sa complexité) et d’un processus prescriptif permettant d’agir sur le réel. En tant que structure de sens, le référentiel articule ainsi quatre niveaux de perception du monde, des valeurs, des normes, des algorithmes et des images » (Muller, 2019)

27 Harold D. Lasswell (1956) est aussi le premier à « avoir pris en compte et analyser une politique ou un programme gouvernemental (selon la dénomination américaine) comme un processus (policy process), c’est-à-dire un ensemble de phénomènes organisés dans le temps et animés par un certain nombre de mécanismes propres. Il a conçu une « carte conceptuelle » composée de sept moments ou étapes fonctionnelles qu’une politique tend à traverser au cours de sa vie (intelligence ; promotion ; prescription ; invocation ; application ; termination ; appraisal). » (Jacquot, 2019)

28 Nous faisons référence aux pratiques qui visent « à repenser tantôt les services publics, tantôt les politiques publiques, au service de l’innovation publique, et en mobilisant les modes de faire et l’expertise (approches, postures, outils et méthodes) du design pour servir l’intérêt général et le bien commun. » (Delahais, Gouache, Vincent, 2019)

29 Source : European Commission (2016). Guideline - Public procurement for smart cities, 2013, Analysing the potential for wide scale roll out of integrated Smart Cities and Communities solutions, Public procurement models for Smart City solutions, 2016. https://smart-cities-marketplace.ec.europa.eu/sites/default/files/Analysing the potential for wide scale roll out of integrated Smart Cities and Communities solutions.compressed.pdf

30 Source : World Economic Forum in collaboration with Deloitte. (2021) Governing Smart Cities: Policy Benchmarks for Ethical and Responsible Smart City Development. https://www.weforum.org/publications/governing-smart-cities-policy-benchmarks-for-ethical-and-responsible-smart-city-development/

31 Source : https://www.entreprises.gouv.fr/fr/actualites/territoires-connectes-durables-rapport-Ministre-delegues-numerique

32 Henry Chesbrough est le premier à avoir théorisé l'expression "innovation ouverte" dans un ouvrage "Open Innovation : The New Imperative for Creating and Profiting from Technology » paru en 2003. Selon lui, elle consiste en l’utilisation d'entrées et de sorties intentionnelles de connaissances pour accélérer l'innovation interne et étendre les marchés pour l'utilisation externe de l'innovation, respectivement. 

33 Rigoureusement défini, un protocole a pour objectif de faire coopérer des acteurs aux profils hétérogènes afin de leur faire réaliser des tâches communes ou de leur faire échanger des informations. Plusieurs formes d’innovation n’obéissent plus à des processus en entonnoir depuis la recherche et développement, la production puis la mise sur le marché. Les protocoles reposent sur l’application des « méthodes agiles », ou lean qui permettent plus de souplesse, plus de réactivité, plus d’interactions avec tous les acteurs.

34 Cristofoli, P., Rolla, N. (2018) Op. Cit.

35 https://www.insee.fr/fr/statistiques/1894476?sommaire=1894478&q=aire+urbaine+toulouse

36 Créé en 2017, le baromètre Arthur Lloyd « Attractivité et résilience des Métropoles en France » mesure 75 indicateurs dans 50 métropoles et Agglomérations.

37 Source : https://www.smeat-agglotoulouse.fr/

38 Le PIA a été mis en place suite au rapport JUPPE-ROCARD « Investir pour l’Avenir » de 2009. Engagé par la loi de finances du 9 mars 2010, son ambition est de contribuer à une amélioration du potentiel de croissance de long terme de l’économie française en renforçant l’investissement dans quatre secteurs prioritaires : l’enseignement supérieur et la recherche ; l’industrie et les PME ; le développement durable ; l’économie numérique.

39 Doté de trente millions d’euros, cet appel à projets « Territoires intelligents et durables » s’inscrit dans le cadre du programme d'investissements d'avenir et du plan France Relance 2030.

40 Appel à projets gouvernemental sur le thème de l’Intelligence Artificielle frugale au service de la transition écologique des territoires (PIA 2030) lancé en 2023.

41 Le projet High Connectivity 5G vient d’être sélectionné dans le cadre de l’appel à projets européen CEF Digital (Shaping Europe’s digital future) lancé par la Commission européenne. https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/activities/cef-digital

42 Afin d’encourager les acheteurs publics dans la voie des achats responsables, l’article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 modifiée relative à l’économie sociale et solidaire a instauré l’obligation d’adopter et de publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. Cette disposition a été codifiée à l’article L. 2111-3 du code de la commande publique.Sont soumis à cette obligation les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les acheteurs soumis aux dispositions du code relatives aux marchés publics qui ont un statut de nature législative, lorsque le montant total annuel des achats est supérieur à 100 millions d’euros HT.

43 Inspiré du modèle américain, il s’agit de faciliter l’accès des PME aux marchés publics et de mieux utiliser la commande publique comme levier de développement des territoires ” (Site Internet de la Métropole de Toulouse).

44 Le paradigme systémique est un courant de pensée transdisciplinaire partageant des principes d’analyse et des modes de représentation consistant à aborder un phénomène comme un ensemble organisé en fonction d’un but (De Rosnay, 1975) dont les états résultent de l’interaction dynamique des composants et de l’ensemble avec son environnement (Lemoine, 2004, HDR).

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Pascal David, « Pour une prise en compte géographique de la commande publique dans l’analyse des dynamiques d’innovation territoriale »Netcom [En ligne], 37-3/4 | 2023, mis en ligne le 03 mars 2024, consulté le 21 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/netcom/8405 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vxtk

Haut de page

Auteur

Pascal David

Doctorant en aménagement et géographie, sous la direction de Luc Gwiazdzinski, Professeur des universités en Géographie à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture (ENSA) de Toulouse (France) LRA et Philippe Vidal, Professeur des Universités en Géographie, Université Le Havre Normandie, UMR IDEES Le Havre, CNRS 6266. Contact : pascal.david1@univ-tlse2.fr

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search