Résumés
Créés à la fin du xixe siècle à destination des salariés de l’industrie, les jardins ouvriers sont avant tout associés à la production potagère à des fins d’aide alimentaire. Légalement devenus familiaux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ces espaces sont ensuite associés aux loisirs populaires. Un siècle après leur création, ces espaces sont appropriés par des ménages d’origines sociales plus favorisées en lien avec une prise de conscience environnementale. À partir d’un travail d’analyse spatiale, d’une vingtaine d’entretiens menés auprès des représentants de sites et de 605 questionnaires menés auprès des bénéficiaires de trois agglomérations normandes (Rouen, Caen et Alençon), cet article présente un état des lieux des localisations et pratiques des jardins familiaux au prisme des transformations de leurs appropriations sociales. Malgré la relative pérennité des caractéristiques populaires de ces espaces, la population « originelle » semble se réduire au profit de minorités grandissantes : femmes, ménages issus des migrations internationales récentes et des catégories sociales plus favorisées. En lien avec la division sociale de l’espace, ces dynamiques souvent très localisées amènent à interroger les mutations de ces espaces au prisme de leurs considérations sociales.
Created at the end of the 19th century for industrial workers, allotments gardens were primarily associated with vegetable production as food aid. After the Second World War, these spaces became legally allotment gardens for families and were then associated with popular leisure activities. A century after their creation, these spaces are appropriated by households of more privileged social origins in connection with an environmental awareness. Based on a spatial analysis, about twenty interviews with site representatives and 605 questionnaires conducted with the beneficiaries of three Norman agglomerations (Rouen, Caen and Alençon), this article presents an overview of the locations and practices of allotment gardens in terms of the transformations of their social appropriation. Despite the relative durability of the popular characteristics of these spaces, the “original” population seems to be shrinking to the benefit of growing minorities: women, households from recent international migrations and more privileged social categories. In connection with the social division of space, these often very localized dynamics lead to questioning the mutations of these spaces through the prism of their social considerations.
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Plan
Introduction
Les lotissements de jardins : un objet difficile à saisir
Définir l’objet « lotissements de jardins »
L’utilisation d’images aériennes pour produire des données quantitatives
Étudier les pratiques par les enquêtes de terrain dans les jardins familiaux
Des jardins familiaux implantés à proximité des quartiers populaires
Des jardins familiaux implantés aux marges du tissu urbain
Des jardins familiaux rattrapés par l’urbanisation ?
Localisations des jardins et composition sociale des quartiers
Action publique locale et localisation des jardins familiaux
Les pratiques des jardiniers : entre fonctions vivrière et agrémentaire
Des usages vivriers qui n’occultent pas la diversité des fonctions des jardins
Pratiques du jardin : usages de l’espace et profils sociaux
La dimension populaire des profils de jardiniers en question
Une homogénéité apparente qui n’exclut pas la diversité des profils jardiniers
Une répartition des bénéficiaires conforme à la division sociale de l’espace
Les conséquences des modes de gestion collective des sites sur les profils des bénéficiaires
Conclusion
Aperçu du texte
Introduction
En décembre 2020, la commune d’Aubervilliers fait la une : une pétition mise en ligne quelques jours plus tôt alerte quant à la destruction des jardins ouvriers implantés depuis plus de 80 ans : elle recueille près de 10 000 signatures. Un peu plus d’un an plus tard, une partie des jardins est détruite pour construire une piscine en vue des Jeux Olympiques de Paris (2024). Ce projet est une bonne illustration des enjeux actuels relatifs aux jardins familiaux, souvent considérés comme des réserves foncières de grande valeur pour des projets urbains. Au-delà de la dimension environnementale de ces aménagements (bétonnisation et suppression d’espaces végétalisés), c’est bien la dimension sociale qui est à interroger : ces jardins historiquement conçus à des fins d’aide alimentaire pour les ménages ouvriers issus de l’exode rural (Cabedoce et al., 1996) n’ont-ils plus leur place dans la ville contemporaine ? Dans le contexte actuel de précarisation continue des ménages modes...
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Pour citer cet article
Référence papier
Léna Jégat, « Des jardins ouvriers aux jardins familiaux : des espaces toujours populaires ? », Norois, 268-269 | 2023, 25-47.
Référence électronique
Léna Jégat, « Des jardins ouvriers aux jardins familiaux : des espaces toujours populaires ? », Norois [En ligne], 268-269 | 2023, mis en ligne le 02 janvier 2027, consulté le 08 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/norois/13930 ; DOI : https://doi.org/10.4000/norois.13930
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Auteur
Géographie sociale, ESO-Caen, UMR 6590 ESO, Université de Caen Normandie, MRSH, Esplanade de la paix, 14032 Caen Cedex 5, France
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