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Les trajectoires paysagères des hydrosystèmes secondaires de l’ouest de la France – des paysages ordinaires, des objets originaux

Étude de cas de l’Aubance et du Couasnon dans le bassin de la Loire (1950-2016)
Secondary Hydrosystems Landscape Trajectories (West of France) – Ordinary Landscapes, Original Objects. Case Study of Aubance and Couasnon in the Loire Basin (1950-2016)
Guillaume Paysant, Sébastien Caillault, Nathalie Carcaud et Simon Dufour
p. 41-66

Résumés

Les petites rivières de l’ouest de la France présentent la particularité d’être de faible énergie et sont considérées comme des paysages « ordinaires ». L’attention qui leur est portée est souvent modeste, malgré la forte patrimonialisation dont elles sont l’objet et les enjeux locaux qu’elles concentrent. Pourtant, les paysages de ces hydrosystèmes ont subi de fortes mutations liées à plusieurs transformations des sociétés, notamment guidées par les politiques publiques de ces dernières décennies. La modernisation de l’agriculture de la seconde moitié de xxe siècle s’est traduite par des travaux de rectification et de recalibrage de l’ensemble des cours d’eau et une conversion des prairies de fonds de vallée en cultures. La gestion actuelle des rivières, guidée par la Directive Cadre sur l’Eau (2000) et sa transposition en droit français (Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques, 2006), préconise la restauration des continuités écologiques et la « renaturation ». En prenant les cas des rivières de l’Aubance et du Couasnon, notre recherche ambitionne de retracer les trajectoires paysagères que ces hydrosystèmes ont suivi et d’identifier les facteurs qui les ont orientés. Pour cela, nous avons élaboré de nouvelles données caractérisant ces objets pour combler les lacunes quant aux informations sur l’état passé de ces rivières. Les résultats de ce travail ont montré qu’à partir d’une donnée à deux dates du tracé du talweg, d’une occupation du sol élaborée par photo-interprétation et d’indices géomorphologiques, une analyse systémique permettait de caractériser les deux hydrosystèmes et de saisir leurs trajectoires paysagères. Le socle géologique, le contexte plus général dans lequel elles sont inscrites (Val d’Authion pour l’aval du Couasnon, plaine alluviale de la Loire à l’exutoire de l’Aubance) et la géomorphologie sont autant de facteurs qui ont guidé et orienté ces transformations. Les données et résultats pourront par exemple alimenter les réflexions des acteurs de l’aménagement du territoire pour leurs actions actuelles de replantations de haies et de travaux de restauration des lits de ces deux rivières.

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Notes de la rédaction

Article reçu le 7 juin 2019, définitivement accepté le 7 septembre 2019 • Suivi éditorial : Régis Barraud

Texte intégral

Introduction

1Les hydrosystèmes fluviaux sont la résultante de processus longs et complexes impliquant les effets combinés de facteurs de natures diverses (biophysiques, socio-économiques, politiques et humaines en général). Ces processus se combinent avec des temporalités variables. Par exemple, les grandes politiques d’aménagement du territoire liées à la Politique Agricole Commune (PAC) ont fortement marqué les paysages fluviaux dans la seconde moitié du xxe siècle alors que les questions écologiques émergent plus tardivement. De fait, les politiques environnementales du xxie siècle ont traduit ces enjeux environnementaux en directives européennes, lois nationales, stratégies de gestion afin de répondre à ces problématiques. Dans le cadre de la gestion de l’eau, la Directive Cadre sur l’Eau (2000) ou encore la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (2006) ont impacté les modes de gestion des rivières en préconisant une « restauration des continuités écologiques », non sans créer des résistances sur le terrain (Germaine et Barraud, 2013). Ces incompréhensions de l’action publique en matière de gestion de l’eau sont parfois causées par leur antagonisme avec les travaux d’optimisation de la production agricole menés dans la seconde moitié du xxe siècle et qui comprenaient notamment des opérations de recalibrage et de rectification des cours d’eau.

2Les interactions entre les processus structurants des hydrosystèmes sont également variables dans l’espace. Mais l’évolution des fleuves et rivières majeurs (Seine, Rhône, Loire, etc.) et/ou morphologiquement très dynamiques sont l’objet d’une recherche active et plutôt ancienne quand l’étude des petites rivières de l’ouest de la France est plus récente et a surtout émergé il y a une dizaine d’années. De manière générale, l’attention qui leur est portée est souvent modeste quand bien même ils se retrouvent au centre d’une forte patrimonialisation (Barraud, 2007) sur la base d’arguments souvent contradictoires (historique, esthétique, écologique, économique…). Récemment, le programme REPPAVAL (ANR JC « Représentations des paysages et de la nature dans les petites vallées de l’Ouest de la France face aux projets de restauration écologique », resp. Régis Barraud, collab. M.-A. Germaine, 2012-2015, Barraud et Germaine, 2017) s’est intéressé aux controverses environnementales liées à la gestion de ces petites rivières, quand des travaux ont enrichi l’étude hydro-géomorphologique des petits cours d’eau de faible débit de l’ouest de la France (Corbonnois et Rollet, 2011 ; Corbonnois et al., 2016), en contexte normand (Lespez et al, 2005 ; Viel, 2012 ; Beauchamp, 2018) et parisien (Juguie, 2018).

  • 1 Les « trajectoires paysagères » désignent ici les changements d’état du paysage soumis à des facte (...)

3Notre recherche s’inscrit dans ce courant et s’intéresse aux trajectoires paysagères1 de 1950 à 2016. Elle couvre ainsi la période de transformation de l’économie française et du monde rural et celle où les questions écologiques orientent la gestion de l’eau. Cela permet d’étudier les effets de ces deux politiques publiques souvent contradictoires. Cette recherche a pour objectif de répondre à la question suivante : comment l’étude des trajectoires paysagères peut nous éclairer sur les effets des politiques d’aménagement du territoire sur les hydrosystèmes secondaires ? Pour cela, nous avons sélectionné deux terrains représentatifs de petites rivières de faible énergie, mais qui évoluent dans des contextes géographiques différents, l’Aubance et le Couasnon dans le bassin de la Loire. Nous attendons de cette approche comparative qu’elle nourrisse notre réflexion quant au poids des contextes locaux et aux facteurs agissant sur les trajectoires paysagères. Elle permettra également de ne pas généraliser les changements qui auraient été constatés sur un territoire unique et donne ainsi la possibilité de les relier aux effets de contexte. L’approche choisie est donc à la fois comparative et multi-temporelle (1950 à 2016). Dans le cadre de cet article, notre ambition est d’évaluer les apports de données géographiques originales sur ces terrains dans la caractérisation de leurs trajectoires paysagères. Pour atteindre cet objectif de nature méthodologique, nous tâcherons de répondre à la question suivante : comment de nouvelles données géographiques sur des hydrosystèmes secondaires renseignent-elles leurs trajectoires paysagères et les facteurs qui les ont engendrés ? Pour y répondre, l’article développe d’abord les spécificités des recherches sur les petites rivières de l’ouest de la France. La présentation des deux terrains sélectionnés comme cas d’étude (l’Aubance et le Couasnon) fait suite. Après quoi, la méthodologie est détaillée avec i. l’élaboration d’une donnée liée au talweg issue de documents d’archives ; ii. la création d’une donnée d’occupation du sol constituée par photo-interprétation d’images aériennes anciennes et récentes ; iii. la mise au point d’indicateurs paysagers alimentant une analyse factorielle pour caractériser le paysage aux deux dates et les trajectoires paysagères. Enfin, les résultats produits sont exposés puis discutés avant d’évoquer les perspectives qu’offre cette recherche dans la compréhension des trajectoires paysagères des hydrosystèmes secondaires.

Les petites rivières de l’ouest : des objets redécouverts récemment

  • 2 IRD2 (Institut Régional de Développement Durable) – « Co-porté par la Région Normandie et l’Univer (...)

4Les cours d’eau majeurs ont fait l’objet de nombreuses recherches (Rollet et Lespez, 2013) notamment par rapport à l’étude de leurs projets d’aménagement conséquents (Burnouf et Leveau, 2004 in Laurent Lespez et al., 2005). Le grand fleuve a généralement tendance à concentrer l’attention, au détriment des cours d’eau des petites vallées, notamment dans les Pays de la Loire (Barraud et Portal, 2013). Rollet et Lespez (2013) ont alerté, lors de l’atelier IRD22 « Restauration de cours d’eau », sur le « tropisme scientifique » existant envers les cours d’eau à débit important, charge grossière et de grande taille. Pour cela ils évaluent (à travers la base de données theses.fr) que 50 % des thèses portant sur le fonctionnement hydromorphologique des cours d’eau réalisées en France au cours des dernières décennies ont été effectuées sur des cours d’eau à forte énergie, 25 % sur les grands fleuves, 15 % sur les systèmes tropicaux, 7 % en contexte méditerranéen et seulement 5 % sur les cours d’eau de faible énergie. De plus, le paysage de fond de vallée dans le contexte d’aménagement des rivières est peu étudié, spécifiquement en ce qui concerne les cours d’eau de faible ordre dans l’ouest de la France (Pichot et Marguerie, 2004). Si des travaux se sont concentrés sur le paysage de ces petites rivières, ceux-ci se traduisaient généralement par une analyse des changements d’occupation du sol à l’échelle du bassin versant (e.g. Cotonnec, 1998 ; Corgne, 2004 ; Houet, 2006). Dans notre recherche, nous avons choisi de croiser les deux types de morphologies rarement combinées (couverture du sol et forme du chenal) via la notion d’hydrosystème appliquée au cas de petites rivières à faible énergie (d’ordre < = 3 selon Strahler) de l’ouest de la France, qui évoluent dans des contextes de plaines et de bas plateaux. La période d’étude des deux dernières grandes périodes d’aménagement (1950-2016 : modernisation de l’économie dans la seconde moitié du xxe siècle et la prise en compte des enjeux environnementaux au xxie siècle) permet d’appréhender leurs importantes conséquences quant à leur morphologie, leur fonctionnement et au paysage du fond de vallée de manière générale.

L’Aubance et le Couasnon : deux inscriptions géographiques différentes nourrissant l’approche comparative

5Les terrains d’études sélectionnés sont deux petites rivières du Maine-et-Loire. L’Aubance se trouve au contact entre le Bassin Parisien à l’est et le Massif Armoricain à l’ouest quand le Couasnon est complètement inscrit dans le Bassin Parisien (figure 1).

Figure 1 : Localisation des sites d’étude / Location of study areas

Figure 1 : Localisation des sites d’étude / Location of study areas

Source : BD TOPO® – ©IGN. Réalisation : Guillaume Paysant, 2019.

  • 3 Déterminé à partir d’une interprétation sur une carte topographique au 1/25 000e de l’IGN.

6L’Aubance et le Couasnon sont deux petites rivières d’ordre 3 selon l’échelle de Strahler3 et sont « de faible énergie » (pente moyenne faible, tableau 1). Ces deux ensembles partagent plusieurs caractéristiques dont des longueurs de cours et des surfaces de bassin versant proches.

Tableau 1 : Caractéristiques des bassins versants et cours d’eau de l’Aubance et du Couasnon / Characteristics of watersheds – Aubance river and Couasnon river

 

Surface de BV (km²)

Longueur de cours (km)

Module (m³/s, années prises en compte)

Pente moyenne (‰)

Contexte géographique

Aubance

224,66

36,06

0,622 (1982-2007)

1,34

  • zone de contact Bassin Parisien/Massif Armoricain

  • en MA, vallée encaissée, rivière à méandres, coteaux viticoles.

  • plaine d’inondation de la Loire en aval

Couasnon

265

36,15

0,22 (1967-1983)

1,68

  • inscription complète en BP

  • val d’Authion à l’aval dédié aux cultures spécialisées

Sources : BD TOPO® - ©IGN ; BanqueHydro « M5014220 – L’Aubance à Soulaines-sur-Aubance [Charuau] » ; « L9213010 - Le Couasnon à Gée [Pont] et L9203010 - Le Couasnon à Pontigné » – Sandre ; eau-anjou.fr.

7Ces rivières prennent leur source en contexte de plateaux sédimentaires consacrés à une agriculture intensive de grandes cultures (blé, maïs, colza, tournesol…), ceux du Saumurois pour l’Aubance (commune de Louerre), et ceux du Baugeois pour le Couasnon (commune de Auverse). L’aval de l’Aubance, dans le Massif Armoricain, présente une vallée encaissée accueillant une rivière à méandre et dont les coteaux sont occupés par des vignes (Appellation « Coteaux de l’Aubance », figure 2). De grandes prairies accompagnent ensuite le cours d’eau jusqu’à sa confluence avec le Louet, un bras de la Loire, au niveau de la commune de Denée. Le Couasnon quant à lui présente vers l’aval un cours ramifié qui circule au sein de peupleraies denses (figure 3) pour rejoindre l’Authion, dont il est tributaire, et sa vallée consacrée à des cultures spécialisées (horticulture, semences…). Ces contextes géographiques différents sont le support de notre approche comparative de deux objets de même gabarit.

Figure 2 : Paysage caractéristique des coteaux viticoles de l’Aubance – commune de Murs-Erigné (l’Aubance se devine grâce à la ripisylve en pied de coteaux) / Characteristic landscape of the vineyard hillsides of Aubance – Murs-Erigné (the Aubance can be seen thanks to the riparian woodlands at the foot of hillsides)

Figure 2 : Paysage caractéristique des coteaux viticoles de l’Aubance – commune de Murs-Erigné (l’Aubance se devine grâce à la ripisylve en pied de coteaux) / Characteristic landscape of the vineyard hillsides of Aubance – Murs-Erigné (the Aubance can be seen thanks to the riparian woodlands at the foot of hillsides)

Source : Guillaume Paysant, 2017.

Figure 3 : Grande parcelle sur les versants du Couasnon, fond de vallée consacré à la populiculture – commune de Fontaine-Guérin / Large plot on the slopes of the Couasnon, valley bottom with poplar culture – Fontaine-Guérin

Figure 3 : Grande parcelle sur les versants du Couasnon, fond de vallée consacré à la populiculture – commune de Fontaine-Guérin / Large plot on the slopes of the Couasnon, valley bottom with poplar culture – Fontaine-Guérin

Source : Guillaume Paysant, 2017.

  • 4 « Partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action (...)

8En qualifiant l’Aubance et le Couasnon d’« hydrosystèmes secondaires », nous faisons appel à l’hydrosystème en tant que concept (Amoros et Petts, 1993), et délimitons de la même manière l’espace étudié par la plaine alluviale. L’adjectif « secondaire » est ici employé pour signaler l’imbrication des rivières étudiées dans un système supérieur (bassin de la Loire) ainsi qu’en rapport au caractère « ordinaire » de ces paysages, comme les petites vallées normandes avaient déjà été désignées (Germaine, 2009), et insistant sur le fait que l’attention portée à ces objets est généralement d’une importance de seconde ordre, comparé à des cours d’eau emblématiques comme la Loire. De plus, ce terme est utilisé en écologie pour désigner des espèces considérées comme « communes » (regroupées sous le terme de « Nature ordinaire », Godet, 2010). Elles sont en général définies par la négative : ce sont des espèces qui ne sont pas rares. Cette définition se précise en prenant en considération quelques caractéristiques propres aux espèces considérées comme telles : une grande aire de répartition, une abondance locale forte et/ou une large amplitude d’habitat (Devictor, 2007). Cette approche trouve un écho avec les rivières sélectionnées : elles partagent plusieurs caractéristiques avec nombre de rivières de notre zone géographique (« Grand Ouest » mais également « Loire moyenne ») et ont donc une grande aire de répartition et une abondance locale forte et ne sont pas l’objet de statut de protection particulier (périmètre de préservation du patrimoine naturel, culturel et paysager de type Natura2000, Site Patrimonial Remarquable, Site classé, Zone de Protection Spéciale, etc.). En s’intéressant au paysage de ces hydrosystèmes, cette recherche étudie à la fois les évolutions liées au talweg et celles liées à la plaine alluviale. Le paysage considère ici les éléments visibles issus de l’interaction de facteurs d’origines naturelles ou anthropiques et qui sont perçus par les populations. Cette vision rejoint celle de la Convention européenne du Paysage adoptée par le Conseil de l’Europe en 20004. Notre approche des trajectoires paysagères se veut géo-historique (Jacob-Rousseau, 2009), celle-ci étant nourrie par la valorisation des sources historiques généralement spatialisées.

Méthodologie : combler le manque de données sur le paysage des petites rivières pour comprendre ces espaces ordinaires

  • 5 « La notion d’écologisation désigne les processus par lesquels l’environnement est pris en compte (...)

9Pour étudier les trajectoires paysagères, il a fallu obtenir des données relatives aux états de 1950 (avant la modernisation de l’agriculture par la PAC) et de 2016 (période actuelle marquée par une « écologisation5 » de la gestion des rivières) concernant le talweg, l’occupation du sol et la géomorphologie de la plaine alluviale. Ces indicateurs paysagers sont généralement pris en compte dans l’étude des cours d’eau majeurs, mais les données alors mobilisées ne sont pas toujours disponibles et/ou adaptées à nos objets d’étude. En effet, les photographies aériennes, par exemple, ne permettent pas de distinguer la rivière, masquée par des surfaces boisées (ripisylve, peupleraie ou autre) (Wiederkehr, Dufour et Piégay, 2009), ce qui entrave une analyse des changements de tracés ou de morphologie du lit. De plus, les petites rivières sont peu suivies dans le temps, ainsi les archives permettant de reconstituer un état passé (ex. profil en long, profils en travers, etc.) sont limitées ou produits à des échelles incompatibles avec la taille des rivières.

10Face à ces difficultés, la méthode mise au point se décompose en 5 étapes permettant de produire les données nécessaires à la caractérisation des trajectoires paysagères :

  1. la création d’une donnée concernant la morphologie en plan du talweg aux deux dates à partir de clichés aériens (avec l’aide des plans de rectification pour 1950) ;

  2. l’élaboration d’une donnée d’occupation du sol par photo-interprétation, là aussi produite aux deux dates ;

  3. la constitution d’indicateurs géomorphologiques à partir de données externes (Atlas des Zones Inondables de la DDT et Modèle Numérique de Terrain de l’IGN) ;

  4. la segmentation des deux hydrosystèmes en unités spatiales régulières et l’agrégation des indicateurs au sein de celles-ci ;

  5. la compression des variables avec une analyse factorielle par Analyse en Composante Principale et un partitionnement par Classification Ascendante Hiérarchique. Celles-ci ont été mobilisées afin de caractériser aux deux dates le paysage des deux hydrosystèmes au sein de classes et d’aboutir à l’analyse de leurs trajectoires paysagères.

11Ainsi les variables définissent les classes, qui elles-mêmes, du fait de leur nature et de leur arrangement spatial, forment des « faciès paysagers ». Nous entendons par faciès paysagers des portions de paysage partageant des caractéristiques semblables et constituant un sous-ensemble paysager (Mathis, 2009). L’analyse des transitions de classes entre deux dates, qui génèrent de nouveaux faciès, permet d’appréhender les trajectoires paysagères des petites rivières étudiées.

Élaboration d’une donnée liée au « talweg » à partir des plans de rectification et de photographies aériennes

12Les documents historiques pertinents pour étudier la mobilité latérale de la rivière sont assez peu nombreux concernant des cours d’eau aussi modestes. Les recherches menées aux archives départementales du Maine-et-Loire, à l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (désormais Agence Française pour la Biodiversité) ou encore dans les syndicats de rivières ont permis de rassembler les plans de projet de rectification des cours d’eau. Ces documents, élaborés entre 1965 et 1968 pour l’Aubance et 1975 et 1979 pour le Couasnon, sont constitués des plans parcellaires initiaux sur lesquels les projets de rectifications ont été tracés au 1/2 500e (figure 4).

Figure 4 : Plan parcellaire du Couasnon avec projet de rectification (1/2 500e), (a) page de garde du plan parcellaire ; (b) vue d’un secteur concerné par un projet de rectification (1975, Syndicat Mixte du Bassin de l’Authion et de ses Affluents) / Couasnon plot plan with rectification project (1/2 500e), (a) cover page of the plot plan ; (b) view of a sector concerned by a rectification project

Figure 4 : Plan parcellaire du Couasnon avec projet de rectification (1/2 500e), (a) page de garde du plan parcellaire ; (b) vue d’un secteur concerné par un projet de rectification (1975, Syndicat Mixte du Bassin de l’Authion et de ses Affluents) / Couasnon plot plan with rectification project (1/2 500e), (a) cover page of the plot plan ; (b) view of a sector concerned by a rectification project

Source : Syndicat Mixte du Bassin de l’Authion et de ses Affluents.

13Ces plans ont été collectés et intégrés dans un SIG et comparés aux photographies aériennes de 1950 de l’IGN fournies par GEOPAL (Infrastructure de Données Spatiale de la Région Pays de la Loire). Bien que la majeure partie des deux rivières soit couverte par ses plans et ait pu être étudiée par ce biais, quelques lacunes demeurent et ont donc dû faire l’objet d’une vectorisation sans les plans en support (l’Aubance est couverte à 92 % et le Couasnon à 83 %). La numérisation du talweg de 1950 s’est faite au 1/3 000e sur les photographies aériennes et les plans parcellaires ont surtout permis d’identifier quel linéaire d’arbres accueillait à ses pieds la rivière. Le tracé du talweg a été digitalisé à partir des photographies aériennes de 2016 de l’IGN. En effet, les données « cours d’eau » de la BD TOPO® de l’IGN et celles issues de la BD CARTHAGE du Sandre n’apportaient pas pleine satisfaction compte tenu de nos objectifs (notamment concernant la haute précision de digitalisation requise).

Photo-interprétation de l’occupation du sol (1950-2016) et extractions d’indices morphologiques issus de données externes pour caractériser la plaine alluviale

14Nous avons opté pour la constitution d’une donnée d’occupation du sol originale de haute précision par photo-interprétation. Cette photo-interprétation a été réalisée à l’échelle du 1/3 000e sur les images de 1949-1950 d’une part, et sur celles de 2016, provenant de l’IGN. La photo-interprétation avait pour objectif d’extraire différents éléments pertinents à l’analyse des trajectoires paysagères :

  • Surfacique (entité de type polygone) : la structure du parcellaire ; l’occupation du sol (surfaces en herbe, bois, cultures, vignes, eaux, routes, bâti, jardins/espaces verts, plans d’eau etc.)

  • Linéaire (entité de type ligne) : réseau de haies

15La couche SIG ainsi constituée mélange volontairement de l’occupation du sol et de l’usage du sol (figure 5), prérequis important selon nous et qui correspond à notre approche par le paysage s’intéressant aux interrelations Nature-Société. Dans ce contexte, cette hybridation nous semblait pertinente (tableau 2).

Tableau 2 : Typologie de l’occupation du sol retenue / Typology of the land-use retained

Type OCS

Éléments paysagers pris en compte

Surface en herbe

Prairies de fauche, pâtures, zones enherbées de loisirs ou de transition entre deux espaces…

Surface boisée

Zones enfrichées avec ligneux, peupleraies, forêt de feuillus, de conifères et forêts mixtes, haies…

Parcs, jardins et Espaces verts

Parcs publics et privés, jardins de particuliers et publics, jardins familiaux (autrefois appelés « jardins ouvriers »), espaces verts de manière générale…

Cultures

Parcelles en cultures (blé, tournesol, colza, maïs… hors fruitiers)

Fruitiers

Parcelles de cultures d’arbres fruitiers…

Bâti

Habitations individuelles ou collectives, bâtiments industriels, administratifs, commerciaux et espaces associés (surface artificielle goudronnée ou autre, adjacente au bâtiment)…

Surfaces artificielles

Routes, parkings, surfaces artificielles en attente d’affectation…

Eau

Surfaces en eau de type plans d’eau (étangs de pêche, de baignade, privés ou publics, bassins de lagunage ou bassin d’orage routier…) ou rivière lorsque le lit n’est pas dissimulé

Chemins ou surface en terre 

Chemins ou accès agricoles en terre, amas de terre ou de matériaux associés visibles au sein d’une carrière ou autre, terrains de terre en attente de construction…

Figure 5a : Occupation du sol (OCS) de l’Aubance en 1950 / Land-use of Aubance valley in 1950

Figure 5a : Occupation du sol (OCS) de l’Aubance en 1950 / Land-use of Aubance valley in 1950

Figure 5b : Occupation du sol (OCS) de l’Aubance en 1en 2016 / Land-use of Aubance valley in 2016

Figure 5b : Occupation du sol (OCS) de l’Aubance en 1en 2016 / Land-use of Aubance valley in 2016

Figure 5c : Occupation du sol (OCS) du Couasnon en 1950 / Land-use of Couasnon valley in 1950

Figure 5c : Occupation du sol (OCS) du Couasnon en 1950 / Land-use of Couasnon valley in 1950

Figure 5d : Occupation du sol (OCS) du Couasnon en 2016 (d) / Land-use of Couasnon valley in 2016

Figure 5d : Occupation du sol (OCS) du Couasnon en 2016 (d) / Land-use of Couasnon valley in 2016

Extraction des indicateurs géomorphologiques à partir de l’Atlas des Zones Inondables et d’un Modèle Numérique de Terrain

16La délimitation de la plaine alluviale a été obtenue à partir de la donnée de l’Atlas des Zones Inondables de la Direction Départementale des Territoires, celle-ci couvrant globalement le fond de vallée extrait depuis des modèles numériques de terrain comme cela a été fait sur les petites rivières bas-normandes (Germaine, 2009). L’analyse paysagère s’intéressant aussi bien à l’occupation du sol qu’à la géomorphologie, une analyse de la topographie a été nécessaire. Pour cela, les pentes ont été extraites à partir du MNT de résolution de 25 mètres de l’IGN (BD ALTI®).

Segmentation en unités spatiales régulières et agrégation des indicateurs paysagers

17Afin de caractériser le paysage des deux hydrosystèmes aux deux dates, nous avons choisi de segmenter ceux-ci en unités spatiales régulières (figure 6), méthode assez classique en géographie dans les études portant sur les cours d’eau et les fleuves. En général celle-ci est directement appliquée à la plaine alluviale (e.g. A.-J. Rollet, 2007 ; Alber et Piégay, 2011 ; Wiederkehr 2012 ; Garnier et al., 2014 ; David, 2016) mais dans notre cas nous avons créé des unités spatiales plus larges que le fond de vallée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il peut être particulièrement étroit par endroits, et cela peut poser problème quant à la restitution cartographique à l’échelle de tout le linéaire. D’autre part nous souhaitons intégrer des indicateurs qui dépassent parfois les limites du fond de vallée : plans d’eau, biefs se trouvant en pied de versant, au-dessus du fond de vallée « naturel », comme cela a été observé dans d’autres contextes (Jugie, 2018). La largeur retenue est de 350 mètres de part et d’autre du talweg, correspondant à l’emprise minimale pour inclure les bras et biefs des deux rivières.

Figure 6 : Méthode de constitution des unités spatiales régulières / Methodology of elaboration of regular space units

Figure 6 : Méthode de constitution des unités spatiales régulières / Methodology of elaboration of regular space units

18L’Aubance et le Couasnon se retrouvent alors segmentées respectivement en 90 et 87 unités spatiales.

19Plusieurs indicateurs ont été extraits des données créées précédemment permettant de caractériser le paysage aux deux dates. Treize ont été retenus et agrégés dans les unités spatiales (3 liés au talweg, 8 à l’occupation du sol de la plaine alluviale, 2 à la géomorphologie de la plaine alluviale, figure 7) :

Figure 7 : Résumé des 13 variables intégrées à l’analyse statistique multi-variées / Summary of the 13 variables included in the multi-variate statistical analysis

Figure 7 : Résumé des 13 variables intégrées à l’analyse statistique multi-variées / Summary of the 13 variables included in the multi-variate statistical analysis

20Ces variables ont été retenues suite à un test de corrélation et à une Analyse en Composante Principale permettant d’identifier les variables pertinentes et de supprimer les redondances. Ainsi, trois variables liées au talweg permettent notamment de caractériser les changements liés aux travaux « d’assainissement » des terres agricoles (rectification et suppression de ramifications). Les variables d’occupation du sol permettent d’analyser les trois types d’occupation du sol (OCS) principaux (prairies, cultures et surfaces boisées) qui relèvent de pratiques bien distinctes et renseignent sur des dynamiques paysagères différentes. Le ratio prairie/culture est un indicateur spécifique à ce lien entre deux types d’OCS souvent antagonistes. La part de plans d’eau constitue un indicateur paysager pertinent compte tenu de leur présence bien plus importante en 2016 qu’en 1950 que la photo-interprétation a permis de révéler. Le traitement spécifique des haies s’explique par les lourds arasements qui ont eu lieu pendant la rationalisation du parcellaire agricole (lié à la PAC), qui justifie également la présence d’un indicateur lié à la densité de parcelles. La connectivité des haies est obtenue grâce à l’extraction automatique des nœuds du réseau de haies puis au décompte des « connexions » qu’ils comprennent par jointure spatiale avec les linéaires des haies adjacentes. Les deux variables géomorphologiques permettent de connaître le contexte d’insertion de chacune des unités (les pentes) et de renseigner sur la forme de la plaine alluviale (part de la plaine alluviale au sein de chaque unité).

21Chaque unité spatiale se retrouve caractérisée par ses 13 variables, ce qui en fait des données quantitatives complexes. Les analyses factorielles permettent justement de simplifier ce jeu de données en réduisant leur dimensionnalité tout en préservant au maximum les informations pertinentes (Palm, 1998 ; Sewell, 2008). Cette méthode est mobilisée dans le cas de l’étude d’un objet soumis à de nombreux facteurs de natures différentes (naturels, historiques, économiques, politiques, sociaux, culturels…) « dont on suppose que le phénomène étudié constitue la somme ou, si l’on admet une interaction entre les facteurs, la résultante » (Lévy et Lussault, 2013). L’objectif est de regrouper les variables sur des « axes » permettant ainsi de simplifier la visualisation du jeu de données et ses caractéristiques.

L’analyse factorielle pour révéler les faciès paysagers des hydrosystèmes aux deux dates

22Notre approche réunie au sein d’une même Analyse en Composante Principale les unités spatiales des deux hydrosystèmes aux deux dates (354 unités spatiales au total). Les unités spatiales sont « fixes » entre les deux dates (elles ne changent pas de formes ni de superficie). L’analyse factorielle intègre donc les caractéristiques de 1950 et de 2016 des individus dans un même plan factoriel dans un objectif comparatif (Paulus, 2004). Ces individus de deux époques différentes ont été séparés ensuite et les transitions de classes des individus entre les deux dates ont pu être révélées.

23L’analyse de l’inertie des axes de l’ACP révèle que les cinq premiers axes résument 74,8 % de l’information. L’analyse de la contribution des variables aux différentes dimensions permet de caractériser les axes tout comme les individus qui sont projetés sur ceux-ci (tableau 3) :

Tableau 3 : Contribution des variables pour les cinq premiers axes (en gras les plus fortes contributions) / Contribution of the variables for the first fixe axes (in bold the highest contributions)

Variables

Contribution (%)

Type de variables

Variables

Axe 1

Axe 2

Axe 3

Axe 4

Axe 5

Variables liées à l’occupation du sol

Pourcentage de surfaces boisées

5,08

3,09

12,97

0,32

0,35

Pourcentage de surfaces en hautes herbes

12,46

0,70

11,86

8,74

1,08

Pourcentage de cultures

1,55

5,85

38,90

0,36

1,47

Variables de forme

Pourcentage de plans d’eau

3,63

0,40

0,31

37,69

13,18

Ration prairies/cultures

0,92

2,92

1,31

0,08

65,85

Densité de parcelles

18,50

0,23

2,25

0,01

0,30

Densité de haies

23,56

0,76

0,00

3,26

0,13

Connectivité de haies

22,67

0,15

0,69

1,17

0,90

Variables liées au talweg

Pourcentage de plaine alluviale

8,69

5,74

8,39

1,65

0,03

Entendue statistique des pentes

0,79

0,38

8,78

42,14

10,51

Nombre de bras

1,85

25,13

0,75

0,02

1,37

Longueur de cours d’eau (/ nb bras)

0,21

28,28

5,05

3,06

2,94

Sinuosité (/ nb bras)

0,10

26,37

8,74

1,50

1,87

Total

100

100

100

100

100

  • L’axe 1 est surtout caractérisé par les indicateurs liés aux haies et au parcellaire (densité de parcelles 18,5 %, densité de haies 23,56 %, connectivité des haies 22,67 %),

  • Les variables liées aux talwegs contribuent le plus à la construction de l’axe 2 (nombre de bras 25,13 %, longueur 28,23 %, sinuosité 26,37 %),

  • L’axe 3 révèle les tronçons dans lesquels les cultures sont dominantes (38,90 %),

  • Le pourcentage de plans d’eau contribue majoritairement à l’axe 4 avec l’étendue des pentes (37,69 % et 42,14 %),

  • L’indice de « Ratio Prairie/Culture » construit quant à lui l’axe 5 (65,85 %).

24Pour répondre à l’objectif de caractérisation paysagère des deux hydrosystèmes et de leurs trajectoires, nous avons opté pour une méthode de classification des unités spatiales, au regard des variables intégrées, afin de dégager par le biais d’une sectorisation des « faciès paysagers ».

25Une Classification Ascendante Hiérarchique permet, suite à l’ACP, de regrouper les unités spatiales (individus statistiques) qui se ressemblent le plus. Un découpage en 9 classes (regroupant les individus des deux rivières aux deux dates) du dendrogramme a été jugé pertinent suite à plusieurs tests. Celui-ci permet de regrouper des individus qui se distinguent suffisamment d’une classe à l’autre, sans pour autant multiplier le nombre de classes (et ainsi complexifier l’analyse).

26L’analyse des écarts à la moyenne de chaque variable au sein de chaque classe permet de donner une identité à chacune d’entre elles et ainsi de caractériser les unités spatiales qui y sont rattachées. La spatialisation du résultat de 1950 et de 2016 fournit les spécificités de l’Aubance vis-à-vis du Couasnon d’une part à chacune des dates, et donne la possibilité d’analyser leur trajectoire paysagère. L’arrangement spatial des unités classées permet d’identifier des « faciès paysagers » qui représentent des portions de paysage partageant des caractéristiques communes (figure 8). Si ce découpage en faciès est réalisé de manière manuelle, l'arrangement spatial des unités permet de dégager assez rapidement des zones homogènes constituées en majeure partie d'une ou deux classes.

Figure 8 : Liens entre variables/classes/faciès paysagers et trajectoires paysagères / Link between variables/classes/landscape facies and landscape trajectories

Figure 8 : Liens entre variables/classes/faciès paysagers et trajectoires paysagères / Link between variables/classes/landscape facies and landscape trajectories

Résultats : produire des synthèses diachroniques des trajectoires paysagères par les analyses systémiques et spatiales

27Les indicateurs paysagers mobilisés ont permis de produire des synthèses diachroniques des trajectoires paysagères des deux hydrosystèmes secondaires. L’étude de l’évolution de quelques indicateurs permet dans un premier de temps de caractériser les changements que ces hydrosystèmes ont connu, comme l’occupation du sol et la morphologie du parcellaire par exemple.

Mutations du paysage rural : entre intensification de la production de cultures et fonds de vallées en déprise

28Une première lecture des changements d’occupation du sol entre ces deux dates révèle deux tendances majeures pour l’Aubance et le Couasnon : la mise en cultures toujours plus importante de la plaine alluviale d’une part, et le boisement du fond de vallée sur d’autres secteurs. L’analyse quantitative à l’échelle des deux plaines alluviales confirme ces deux tendances (figure 9). Pour l’Aubance, la perte de surface en herbe est surtout compensée par une mise en cultures plus importante des parcelles quand pour le Couasnon la même régression des prairies est compensée par un gain des cultures et des surfaces boisées. Pour les deux terrains, les plans d’eau et les « jardins, parcs, espaces connexes » (très peu représentés en 1950) se sont particulièrement développés en 2016.

Figure 9 : Quantification des changements d’OCS des deux plaines alluviales (1950-2016) / Quantification of land-uses changes on both floodplains (1950-2016)

Figure 9 : Quantification des changements d’OCS des deux plaines alluviales (1950-2016) / Quantification of land-uses changes on both floodplains (1950-2016)

29Une caractérisation des dynamiques d’occupation du sol a été réalisée afin de connaître les successions de catégories d’occupation dans un intervalle de temps donné.

30En s’intéressant à l’évolution du parcellaire et du réseau de haies aux deux dates (figures 10 – 1 à 3), la mutation du paysage agricole vers un système plus productif paraît évidente pour les deux hydrosystèmes. La densité de parcelles diminue drastiquement (taux d’évolution de la médiane de -68,12 % pour l’Aubance et -53,33 % pour le Couasnon), traduisant un agrandissement de celles-ci, ainsi qu’une conversion vers une occupation du sol non prise en compte dans ce calcul (comme les surfaces boisées, exclues de cet indice car difficiles à délimiter par photo-interprétation). Entre 1950 et 2016 la densité de haies diminue de plus de moitié (-55,93 % pour l’Aubance, -69,21 % pour le Couasnon) quand la connectivité devient quasi-inexistante (inférieure à 0,01). Les valeurs de densités de parcelles et densités de haies sont bien plus éclatées en 1950 pour les deux cas alors que les valeurs et leur dispersion sont bien moindres en 2016 comme l’illustrent les boîtes à moustaches. Cela indique une homogénéisation des espaces au sein de ces hydrosystèmes que ces trois indicateurs ne permettent plus de caractériser significativement.

Figure 10 (1) : Distribution et évolution des indicateurs de densité de parcelles pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of plot density indicators for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016

Figure 10 (1) : Distribution et évolution des indicateurs de densité de parcelles pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of plot density indicators for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016

Figure 10 (2) : Distribution et évolution des indicateurs de densité des haies pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of hedge density indicators for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016

Figure 10 (2) : Distribution et évolution des indicateurs de densité des haies pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of hedge density indicators for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016

Figure 10 (3) : Distribution et évolution des indicateurs de connectivité des haies pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of hedge connectivity for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016

Figure 10 (3) : Distribution et évolution des indicateurs de connectivité des haies pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of hedge connectivity for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016

Faciès paysagers issus de l’analyse systémique et spatiale de l’Aubance et du Couasnon en 1950

31L’analyse multivariée met en évidence des hydrosystèmes déjà différents en 1950 (figure 11a). L’Aubance est plutôt caractérisée par les classes 3 (plaine alluviale étroite avec alternance de bois et cultures), 7 (large plaine alluviale à forte densité de parcelles cultivées) et 9 (large plaine alluviale avec un cours d’eau sinuant dans un système bocager) qui y sont plus représentées que chez le Couasnon. À l’inverse, celui-ci est surtout défini par deux classes : les 5 (plaine alluviale enherbée avec long cours sinueux) et 6 (plaine alluviale avec alternance de bois et de prairies présentant un cours d’eau ramifié). La répartition spatiale des unités spatiales permet d’identifier que l’Aubance présente en 1950 une plaine alluviale à l’amont plus ou moins large avec une alternance de cultures et de formations boisées. Ces dernières sont ensuite rejointes par les surfaces en herbes pour présenter une mixité tripartite. Un petit secteur présente ensuite une large plaine alluviale en cultures (en amont de Brissac, à l’endroit de l’ancien étang dont il est fait mention dans les archives du xixe siècle). L’Aubance finit ensuite son parcours en sinuant au sein de prairies (et quelques tâches boisées) et se divise en plusieurs bras pour enfin rejoindre la zone de confluence avec le Louet au sein de prairies encadrées d’un réseau de haies denses et connectées.

32Le Couasnon quant à lui présente un amont dominé par les prairies et les formations boisées au sein duquel il sinue. Ce faciès paysager représente 70 % du linéaire et laisse ensuite sa place à une large plaine alluviale de prairies associées à un réseau de haies, puis à une plaine alluviale à cultures et où le cours d’eau est rectiligne pour enfin rejoindre l’Authion au sein de prairies encadrées de haies là aussi (figure 11b).

Figure 11a : cartographie de la CAH (1950) / map of the hierarchical clustering (1950

Figure 11a : cartographie de la CAH (1950) / map of the hierarchical clustering (1950

Figure 11b : schématisation des faciès paysagers (1950) / schematization of the landscape facies (1950)

Figure 11b : schématisation des faciès paysagers (1950) / schematization of the landscape facies (1950)

Faciès paysagers issus de l’analyse systémique et spatiale de l’Aubance et du Couasnon en 2016

33La même analyse réalisée sur les données de 2016 permet d’apprécier les profils actuels des rivières (figure 12a). Le premier constat à faire est que les classes qui définissent en 2016 les deux rivières sont assez différentes de celles de 1950, ce qui révèle des changements majeurs pour les deux hydrosystèmes.

34L’Aubance est définie en 2016 en proportion égale par trois classes majoritaires : la 2 (plaine alluviale étroite et encaissée boisées à cours plutôt sinueux), la 3 (plaine alluviale étroite avec alternance de bois et cultures) et la 4 (plaine alluviale cultivée à long cours unique).

35Le Couasnon a un profil différent, avec une classe particulièrement représentée (classe 3) puis cinq autres classes qui concernent environ le même nombre d’unités spatiales : les classes 4 et 7 qui concernent un système agricole intensif (cours rectiligne et cultures) ; les classes 2 et 3 qui se rapportent respectivement à des zones boisées et à une alternance de surfaces boisée et de cultures ; et enfin la classe 5 qui est la seule caractérisée par des surfaces en herbe et un cours sinueux (un profil très représenté en 1950).

36Il y a une certaine homogénéisation des paysages de l’Aubance, qui n’est plus composée que de trois faciès paysagers présents en proportions égales. L’amont est constitué d’une plaine alluviale plus moins large avec une alternance de cultures et de formations boisées. Le fond de vallée accueille ensuite un talweg ramifié qui sinue au sein de prairies et de peupleraies pour enfin rejoindre une dominante de prairies en chenal unique à méandre. Plusieurs classes qui constituent la partie aval de l’Aubance en 2016 ne sont pas structurées par l’indicateur de sinuosité, alors que c’était le cas en 1950. Cela peut traduire une rectification du chenal entre les deux dates.

37La vallée du Couasnon en 2016 est quant à elle représentée par 5 faciès paysagers. Le premier est caractérisé par une plaine alluviale à cultures et surfaces boisées avec des plans d’eau avec un chenal rectiligne. Le second montre un cours d’eau qui traverse des surfaces en herbe en dessinant des méandres. Le fond de vallée encaissé accueille ensuite essentiellement des peupleraies au pied desquelles le cours d’eau présente une certaine sinuosité. Le quatrième faciès est composé d’une alternance des trois occupations du sol (bois, culture, prairie) et le talweg se divise en plusieurs bras par endroits. Enfin, la confluence est caractérisée par une large plaine alluviale exclusivement dédiée aux cultures, en cohérence avec le Val d’Authion connu pour ses cultures spécialisées (horticulture, semences…, figure 12b). Une rectification et une simplification du chenal (suppression de ramification) sont visibles entre les deux dates à l’amont du Couanson. L’aval semble avoir subi des opérations de rectification, le chenal sinueux de 1950 ayant laissé la place à un tracé rectiligne.

Figure 12a : cartographie de la CAH (2016) / schematization of the landscape facies (2016)

Figure 12a : cartographie de la CAH (2016) / schematization of the landscape facies (2016)

Figure 12b : schématisation des faciès paysagers (2016) / schematization of the landscape facies (2016)

Figure 12b : schématisation des faciès paysagers (2016) / schematization of the landscape facies (2016)

38Une comparaison des classes des unités spatiales en 1950 et 2016 permet d’identifier celles étant stables dans le temps et dans l’espace, de celles traduisant des changements paysagers. Les deux hydrosystèmes sont concernés par 23 types de changements de classes. Afin de simplifier la lecture de ces dynamiques et d’en extraire des trajectoires, nous les avons regroupées en 4 catégories de trajectoires paysagères : intensification, boisement, conversion en surfaces en herbe et surfaces en herbe vers association de cultures/surfaces boisées (figure 13a). De cette analyse des transitions ou de stabilité des classes découle la synthèse des trajectoires paysagères.

Trajectoire paysagère de l’Aubance : vers une intensification agricole de l’amont en domaine sédimentaire, une alternance de bois et prairies en zone armoricaine et des prairies « préservées » en zone de confluence

39Seules 36 unités spatiales (sur 177) restent stables entre les deux dates (14 pour l’Aubance, 22 pour le Couasnon, figure 13a). Les classes de ces unités sont différentes d’une rivière à l’autre. Pour l’Aubance, ce sont essentiellement les classes 3 et 5 qui restent stables dans le temps et dans l’espace et leur localisation est bien marquée. En effet, la classe 3 (plaine alluviale étroite avec alternance de bois et de cultures) est la plus représentée sur l’Aubance et elle est cantonnée à la partie amont. À l’aval, la classe 5 (plaine alluviale enherbée avec long cours sinueux) se positionne juste avant la zone de confluence avec le Louet, à l’aval.

40L’Aubance connaît deux types d’intensification agricole différents (figure 13b). L’amont présentait déjà de nombreuses parcelles en cultures en 1950. Cette tendance s’est renforcée en 2016 avec des parcelles cultivées plus grandes et plusieurs secteurs ont été concernés par des transformations fortes. Ainsi, nous constatons par exemple la conversion d’un système bocager vers un espace de cultures intensifs par le biais d’arasement de haies et de rectification du chenal. La partie armoricaine encaissée de l’Aubance est concernée par un boisement voire une fermeture du fond de vallée. Enfin, la partie aval, dans la plaine d’inondation de la Loire, a subi une intensification globalement plus modérée qui s’est surtout traduite par un arasement des haies et la rectification du chenal sur quelques secteurs. Ce secteur est le seul dans lequel de grandes prairies sont maintenues en 2016.

41La rupture entre le Bassin Parisien et le Massif Armoricain est particulièrement marquée par la répartition des trajectoires, le secteur en amont de Brissac-Quincé (BP) étant concerné par une optimisation de cultures quand l’aval de Brissac-Quincé (MA) est caractérisé par un boisement puis une certaine stabilité des prairies en place jusqu’à la zone de confluence avec le Louet (figure 13b).

Trajectoire paysagère du Couasnon : entre dynamique de boisement en amont et mise en cultures de la plaine alluviale en aval

42Le Couasnon est surtout caractérisé par une dynamique de boisement sur la quasi-totalité de son linéaire, accompagnée d’une mise en cultures toujours plus importante de ses parcelles (figure 13b). De nombreuses parcelles en herbe sont converties en une association de surfaces boisées et cultures quand elles ne sont pas concernées par une mise en cultures intensives (associée à une rectification du chenal et un arasement de haies) notamment sur les plateaux sédimentaires du Baugeois. Cette dynamique est associée à l’installation de plans d’eau à l’extrême amont. Un secteur particulièrement encaissé en amont de Baugé-en-Anjou se distingue de par sa trajectoire essentiellement définie par un boisement et une fermeture de son fond de vallée. Enfin, une mutation importante est notable en aval où un système bocager a subi une forte intensification au détriment des haies qui étaient encore présentes en 1950 et d’un chenal sinueux qui a été rectifié afin favoriser l’exploitation des terres et la mise en labour.

Figure 13a : Analyse des trajectoires paysagères : unités spatiales stables entre 1950 et 2016 / Analysis of landscape trajectories: (a) stable spatial units between 1950 and 2016

Figure 13a : Analyse des trajectoires paysagères : unités spatiales stables entre 1950 et 2016 / Analysis of landscape trajectories: (a) stable spatial units between 1950 and 2016

Figure 13b : Analyse des trajectoires paysagères entre 1950 et 2016 / Analysis of landscape trajectories between 1950 and 2016

Figure 13b : Analyse des trajectoires paysagères entre 1950 et 2016 / Analysis of landscape trajectories between 1950 and 2016

Discussion : apport de la démarche dans la caractérisation des trajectoires paysagères

43Cette recherche a permis de répondre à certaines questions méthodologiques concernant l’étude d’objets de petits gabarits et de l’intérêt que représente la création de données géographiques les concernant. Créer des données géographiques et paysagères originales (occupation du sol et morphologie de talweg) sur ces terrains nous a permis de i. caractériser les deux rivières aux deux dates et d’identifier leur composition paysagère ii. saisir les trajectoires de ces hydrosystèmes et d’identifier certains facteurs les influençant ; iii. localiser des secteurs où une analyse à l’échelle locale et en décomposant les trajectoires permettrait de relier les changements à des périodes précises et d’identifier des facteurs agissant à l’échelle inférieure.

44Les plans de rectifications ont été particulièrement précieux pour l’analyse diachronique de la morphologie en plan du talweg. Cette ressource, encore assez peu mobilisée, présente l’avantage d’avoir été produite de manière systématique sur l’ensemble des cours d’eau du territoire national ayant fait l’objet de projet de rectification/recalibrage et se révèle être d’une précision non négligeable (produite au 1/2 500e). La difficulté de leur mobilisation peut résider dans leur accessibilité. En effet, ces plans sont parfois stockés dans les archives des syndicats de rivières, et/ou celles de la DDT ou de l’AFB ou encore aux archives départementales. De plus, il est possible que certains secteurs d’un cours d’eau ne soient pas couverts ou que les plans les concernant ne soient plus consultables. De manière générale, d’autres données peuvent venir partiellement combler les lacunes que représentent les documents anciens traitant des petits cours d’eau. Les archives privées par exemple peuvent enrichir les analyses géo-historiques mais seulement sur des secteurs patrimonialisés, comme cela est le cas sur les parcs de châteaux privés que les rivières peuvent parcourir (Carcaud, Caillault et Paysant, 2019). Ces documents peuvent être de natures très diverses (plans, croquis, tableaux, photos, cartes…) et propres à chaque site et contexte et relever d’une précision plus ou moins fine. Leur intégration dans une approche géo-historique nécessite leur bonne appropriation, et ainsi d’en connaître l’auteur, la date et si possible le contexte (et les desseins) dans lesquels ils ont été produits.

45Les deux rivières de l’Aubance et du Couasnon ont été sélectionnées pour nourrir une approche comparative d’objets de gabarits similaires mais soumis à des contraintes diverses. La différence de socle géologique des deux terrains (BP pour le Couasnon, MA et BP pour l’Aubance), les particularités repérées initialement (contexte du Val d’Authion à l’aval du Couasnon, influence de la plaine alluviale de la Loire à la confluence avec l’Aubance…) se sont bien révélées être des éléments marquants des paysages des deux vallées. Deux trajectoires majeures ont été décelées dans cette étude, la transformation du modèle agricole vers un système plus productif et orienté vers la mise en labour pour les grandes cultures (se traduisant par des changements de morphologie de la couverture du sol et de morphologie de talweg) et un boisement du fond de vallée traduisant une certaine déprise agricole. Ces deux trajectoires antagonistes se retrouvent sur des secteurs des deux rivières mais dans des conditions et des proportions différentes.

46L’analyse systémique a mis en lumière les trajectoires paysagères des deux rivières et a permis de caractériser les facteurs influents selon les secteurs. Elle aboutit à l’identification d’une trajectoire à l’amont de l’Aubance axée sur une optimisation de l’exploitation des terres pour les cultures sur les plateaux sédimentaires du Saumurois. La partie caractéristique du Massif Armoricain, avec une vallée encaissée et sinueuse où les coteaux sont dédiés à la viticulture, voit son fond de vallée se fermer par un développement des surfaces boisées. Enfin, la zone de confluence montre l’influence de la plaine alluviale de la Loire, dans laquelle les parcelles sont préservées d’une mise en cultures ou d’une fermeture de son fond de vallée mais où un arasement important de haies a eu lieu.

47Pour le Couasnon, les dynamiques majoritaires concernent à l’amont un boisement important du fond de vallée qui peut être assimilé à une forme de déprise agricole. Les parcelles qui ne sont plus exploitées sont en friches ou utilisées pour la populiculture, dont l’activité présentait certains avantages financiers. Cette dynamique est associée à une mise en cultures en tête de bassin dans les plateaux sédimentaires du Baugeois. Le secteur encaissé en amont du bourg de Baugé-en-Anjou voit son fond de vallée se fermer de façon importante. Enfin, une conversion d’un secteur encore bocager en 1950 en une plaine alluviale productive et sous influence des cultures spécialisées propres au Val d’Authion a été mise en évidence en aval.

48De grandes trajectoires concernent ces hydrosystèmes secondaires, mais leurs conditions de mises en place dépendent des contextes géographiques locaux. Si les secteurs encaissés ont eu tendance à se fermer pour les deux rivières, d’autres secteurs de plaines ont vu les surfaces boisées se développer fortement (Fontaine-Guérin pour le Couasnon notamment). À l’inverse les secteurs où la plaine alluviale est plus vaste peuvent être concernés par des trajectoires de même nature (intensification de l’activité agricole) mais aux répercussions très différentes comme l’illustrent les zones de confluences du Couasnon et de l’Aubance.

49Les trajectoires paysagères décelées par cette recherche concernent davantage les transformations dues à la PAC, particulièrement lisibles dans le paysage de l’hydrosystème. L’influence des politiques de gestion de l’eau actuelle, et notamment de la DCE, est finalement assez discrète et ne concerne pas des changements globaux des paysages. Les actions de reméandrages et de diversification des écoulements par exemple, mis en place dans le chenal pourraient ressortir grâce à l’indicateur de sinuosité. Les impacts des politiques de gestion de l’eau seront sûrement davantage mis en exergue grâce à des analyses locales pour lesquelles la décomposition temporelle des changements et l’étude à une plus grande échelle permettraient d’identifier les évolutions de géométrie du lit, de la couverture du sol et leurs liens aux usages.

50Ces trajectoires paysagères et la recherche des facteurs qui les ont influencés nous encouragent à considérer l’hydrosystème comme étant un socioécosystème. Il est alors possible d’enrichir la compréhension de ses dynamiques par l’étude des enjeux sociaux liés à sa structure et à son fonctionnement (Dufour, 2018). Cette approche sera d’autant plus facile à adopter dans des analyses sur certains secteurs clés pré-repérés par la démarche quantitative et qui pourront faire l’objet d’une enquête qualitative complémentaire.

Conclusion

51Cette recherche avait pour objectif de produire des données originales caractérisant le paysage des hydrosystèmes secondaires afin de réaliser des analyses diachroniques utiles à la compréhension des trajectoires paysagères. La méthode détaillée dans l’article pourrait être mobilisée sur d’autres hydrosystèmes secondaires de l’ouest de la France pour caractériser leurs trajectoires paysagères. À travers un ensemble d’indicateurs paysagers liés au talweg et à la plaine alluviale, l’analyse systémique et spatiale a permis de révéler des faciès paysagers aux deux dates et d’identifier les trajectoires paysagères suivies par ces hydrosystèmes. Le poids de certaines politiques publiques dans ces trajectoires a pu être évalué, tout comme des éléments de contextes locaux. Ainsi, la transformation de l’agriculture, le socle géologique, l’imbrication dans le système fluvial supérieur (la Loire pour l’Aubance et l’Authion pour le Couasnon) sont autant d’éléments qui ont conditionné et façonné les paysages de ces hydrosystèmes au cours du temps. Au-delà des éléments de compréhension quant aux dynamiques de l’hydrosystème et de l’apport de la dimension diachronique, cette approche quantitative est utile pour repérer des secteurs pour lesquels une analyse locale et « hybride » (croisant quantitatif et qualitatif) permettrait la compréhension d’autres facteurs en jeu. Pour poursuivre ce travail, une analyse à l’échelle de secteurs choisis donnerait la possibilité d’identifier des facteurs agissant aux échelles inférieures qui sont liés aux pratiques agricoles ou à des stratégies plus « individuelles » et répondant à des logiques particulières. Cette analyse locale pourra se nourrir d’une approche qualitative composée d’entretiens (notamment auprès des agriculteurs), de relevés de terrain et d’analyses de documents d’archives permettant de cerner les facteurs, leurs interrelations et influences à cette échelle. De plus, en décomposant les trajectoires paysagères (au pas de temps de 10 ans par exemple), les liens entre les périodes et les changements constatés pourront être identifiés et au moins en partie expliqués. La nouvelle approche devra aussi s’extraire de l’emprise de la plaine alluviale pour permettre une analyse à des échelles différentes et cohérentes aux changements observés (remembrement à l’échelle communale, pratiques agricoles à l’échelle d’une exploitation agricole…). Enfin, ces analyses pourraient trouver leur place aux côtés des autres études à la disposition des institutions en charge de la gestion et de l’aménagement des territoires (Syndicats de rivières, Agence de l’Eau, Agence Française pour la Biodiversité et Direction Départementale des Territoires) et ainsi apporter une contribution aux réflexions comme « outils d’aide à la décision ». Les enquêtes réalisées auprès de ces structures ont démontré un intérêt réel quant à l’historique de leur territoire, des trajectoires suivies par celui-ci et des facteurs en jeu. De nombreuses actions sont menées sur ces terrains, que ce soit la replantation de haies ou des actions de reméandrage et de diversification des écoulements. Les résultats de ce travail pourront nourrir les réflexions des gestionnaires sur les actions à mener et les secteurs à prioriser, en exploitant le recul historique que cette recherche apporte. Cet apport pourrait limiter certains conflits liés à des représentations pas toujours partagées entre acteurs et usagers sur l’évolution de ces espaces en fournissant une base commune de discussion et en prenant davantage en compte les usages passés et actuels. L’identification des facteurs qui ont influencé les dernières grandes mutations (depuis le début des années 1960) pourra également permettre de mieux planifier les projets futurs, éventuellement dans une approche de prospective territoriale.

Les auteurs remercient la DGER du Ministère de l’Agriculture ainsi que la Région Pays-de-la-Loire pour le financement (CPER) de la thèse en géographie dans laquelle cette recherche s’inscrit. Les auteurs remercient également les différents acteurs de l’eau qui ont accepté de consacrer de leur temps pour contribuer au travail d’enquête. Merci également aux relecteurs anonymes pour leurs remarques et conseils pertinents qui ont permis d’améliorer la qualité de cet article.

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Bibliographie

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Notes

1 Les « trajectoires paysagères » désignent ici les changements d’état du paysage soumis à des facteurs naturels et anthropiques. Leur étude s’intéresse aux processus en cours à un état initial et à ceux qui ont généré et ont lieu dans un état nouveau. Cette définition rejoint celle des « transitions paysagères » décrites et analysées par l’approche géo-historique dans d’autres travaux (Baud et Reynard, 2015).

2 IRD2 (Institut Régional de Développement Durable) – « Co-porté par la Région Normandie et l’Université de Caen Normandie, l’IRD2 a pour missions de mettre en relation des porteurs de projets et des chercheurs travaillant sur des thématiques communes afin d’échanger, d’apporter de nouveaux éclairages et de permettre la réussite des projets développés en région. » [Source : https://www.ird2.org/lird2/] (consulté le 01/10/2019).

3 Déterminé à partir d’une interprétation sur une carte topographique au 1/25 000e de l’IGN.

4 « Partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations » (Conseil de l’Europe, 2000).

5 « La notion d’écologisation désigne les processus par lesquels l’environnement est pris en compte dans les politiques publiques, dans les organisations, voire dans les pratiques professionnelles » (Mormont, 2013).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Localisation des sites d’étude / Location of study areas
Légende Source : BD TOPO® – ©IGN. Réalisation : Guillaume Paysant, 2019.
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,7M
Titre Figure 2 : Paysage caractéristique des coteaux viticoles de l’Aubance – commune de Murs-Erigné (l’Aubance se devine grâce à la ripisylve en pied de coteaux) / Characteristic landscape of the vineyard hillsides of Aubance – Murs-Erigné (the Aubance can be seen thanks to the riparian woodlands at the foot of hillsides)
Légende Source : Guillaume Paysant, 2017.
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 462k
Titre Figure 3 : Grande parcelle sur les versants du Couasnon, fond de vallée consacré à la populiculture – commune de Fontaine-Guérin / Large plot on the slopes of the Couasnon, valley bottom with poplar culture – Fontaine-Guérin
Légende Source : Guillaume Paysant, 2017.
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 405k
Titre Figure 4 : Plan parcellaire du Couasnon avec projet de rectification (1/2 500e), (a) page de garde du plan parcellaire ; (b) vue d’un secteur concerné par un projet de rectification (1975, Syndicat Mixte du Bassin de l’Authion et de ses Affluents) / Couasnon plot plan with rectification project (1/2 500e), (a) cover page of the plot plan ; (b) view of a sector concerned by a rectification project
Légende Source : Syndicat Mixte du Bassin de l’Authion et de ses Affluents.
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 2,1M
Titre Figure 5a : Occupation du sol (OCS) de l’Aubance en 1950 / Land-use of Aubance valley in 1950
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 7,2M
Titre Figure 5b : Occupation du sol (OCS) de l’Aubance en 1en 2016 / Land-use of Aubance valley in 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 2,7M
Titre Figure 5c : Occupation du sol (OCS) du Couasnon en 1950 / Land-use of Couasnon valley in 1950
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 6,9M
Titre Figure 5d : Occupation du sol (OCS) du Couasnon en 2016 (d) / Land-use of Couasnon valley in 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 6,5M
Titre Figure 6 : Méthode de constitution des unités spatiales régulières / Methodology of elaboration of regular space units
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 754k
Titre Figure 7 : Résumé des 13 variables intégrées à l’analyse statistique multi-variées / Summary of the 13 variables included in the multi-variate statistical analysis
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Figure 8 : Liens entre variables/classes/faciès paysagers et trajectoires paysagères / Link between variables/classes/landscape facies and landscape trajectories
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 988k
Titre Figure 9 : Quantification des changements d’OCS des deux plaines alluviales (1950-2016) / Quantification of land-uses changes on both floodplains (1950-2016)
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 1012k
Titre Figure 10 (1) : Distribution et évolution des indicateurs de densité de parcelles pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of plot density indicators for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 55k
Titre Figure 10 (2) : Distribution et évolution des indicateurs de densité des haies pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of hedge density indicators for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Titre Figure 10 (3) : Distribution et évolution des indicateurs de connectivité des haies pour l’Aubance et le Couasnon entre 1950 et 2016 / Distribution and evolution of hedge connectivity for Aubance and Couasnon between 1950 and 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 48k
Titre Figure 11a : cartographie de la CAH (1950) / map of the hierarchical clustering (1950
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 6,7M
Titre Figure 11b : schématisation des faciès paysagers (1950) / schematization of the landscape facies (1950)
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 1,7M
Titre Figure 12a : cartographie de la CAH (2016) / schematization of the landscape facies (2016)
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 6,7M
Titre Figure 12b : schématisation des faciès paysagers (2016) / schematization of the landscape facies (2016)
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Figure 13a : Analyse des trajectoires paysagères : unités spatiales stables entre 1950 et 2016 / Analysis of landscape trajectories: (a) stable spatial units between 1950 and 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 7,0M
Titre Figure 13b : Analyse des trajectoires paysagères entre 1950 et 2016 / Analysis of landscape trajectories between 1950 and 2016
URL http://journals.openedition.org/norois/docannexe/image/9492/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 6,0M
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Pour citer cet article

Référence papier

Guillaume Paysant, Sébastien Caillault, Nathalie Carcaud et Simon Dufour, « Les trajectoires paysagères des hydrosystèmes secondaires de l’ouest de la France – des paysages ordinaires, des objets originaux »Norois, 253 | 2019, 41-66.

Référence électronique

Guillaume Paysant, Sébastien Caillault, Nathalie Carcaud et Simon Dufour, « Les trajectoires paysagères des hydrosystèmes secondaires de l’ouest de la France – des paysages ordinaires, des objets originaux »Norois [En ligne], 253 | 2019, mis en ligne le 14 avril 2020, consulté le 23 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/norois/9492 ; DOI : https://doi.org/10.4000/norois.9492

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Auteurs

Guillaume Paysant

ESO-Angers, UMR 6590 ESO, Agrocampus Ouest, Campus d’Angers, 2 rue André Le Nôtre, F-49045 Angers Cedex 01, France (guillaume.paysant@hotmail.fr)

Sébastien Caillault

ESO-Angers, UMR 6590 ESO, Agrocampus Ouest, Campus d’Angers, 2 rue André Le Nôtre, F-49045 Angers Cedex 01, France (sebastien.caillault@agrocampus-ouest.fr)

Articles du même auteur

Nathalie Carcaud

ESO-Angers, UMR 6590 ESO, Agrocampus Ouest, Campus d’Angers, 2 rue André Le Nôtre, F-49045 Angers Cedex 01, France (nathalie.carcaud@agrocampus-ouest.fr)

Articles du même auteur

Simon Dufour

LETG-COSTEL - UMR 6554 CNRS, Université Rennes 2 - Dépt. de Géographie, Place du Recteur Henri le Moal, 35043 Rennes Cedex, France (simon.dufour@uhb.fr)

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https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/

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