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2025

Mark Van De Logt, Between the Floods: A History of the Arikaras

Benjamin Balloy
Référence(s) :

Mark Van De Logt, Between the Floods: A History of the Arikaras, University of Oklahoma Press, Norman, 2023, 378 p.

Texte intégral

1Mark Van de Logt, assistant professor d’histoire à Texas A&M University at Qatar, propose une histoire des Arikaras (Sahniš), nation autochtone d’Amérique du Nord de la moyenne vallée du fleuve Missouri. Le titre, Between the Floods, renvoie à l’arc temporel que couvre son récit : depuis la création de ce monde-ci, qui débute dans les récits arikara par un déluge, jusqu’à la mise en eau du barrage Garrison en 1953. La création de ce dernier inonde une partie de la réserve de Fort Berthold (Dakota du Nord) – l’actuel lac Sakakewa sur le fleuve Missouri – qu’ils occupaient depuis les années 1830. Mettant à profit deux décennies d’intense fréquentation, d’entretiens et d’enquêtes à Fort Berthold et en dehors de la réserve avec des membres de la nation Arikara, son travail constitue la première monographie historique exclusivement consacrée à ce groupe.

  • 1 Voir le livre d’Elisabeth A. Fenn (Encounters at the Heart of the World: A history of the Mandan pe (...)

2La langue arikara appartient, avec le pawnee, le wichita ou le caddo, au rameau des langues caddoanes, exclusivement représentées en Amérique du Nord dans les Plaines à l’ouest du Mississippi, entre l’état du Texas actuel et le fleuve Missouri. Le territoire arikara jusqu’au début du 19e siècle s’étend au sud du moyen-Missouri, entre les actuelles Grand River et White River (Dakota du Sud). L’archéologie enregistre leur présence continue sur place depuis au moins le XIVe siècle. Culturellement proches des Skiri Pawnee, dont les territoires sont situés plus au sud dans l’actuel Nebraska, les Arikaras partagent des traits culturels tout aussi nombreux avec les Mandan1 et les Hidatsas desquels ils se rapprochent vers 1830, sous la pression des Lakotas – au point que l’histoire de ces trois populations du moyen-Missouri, plus souvent alliées qu’ennemies depuis la fin du XVIIIe siècle, est souvent confondue. Signalons l’usage de vastes cabanes en dôme couvertes de terre, un habitat groupé et permanent, une économie domestique associant une agriculture centrée sur le maïs et l’alternance saisonnière entre les villages et des camps mobiles dictée par l’organisation de chasses collectives au bison.

3La première partie (chapitres 1 à 3) explore la période antérieure au XVIIIe siècle, en faisant un usage abondant et audacieux des traditions orales des Arikara que l’auteur croise avec l’archéologie. Cette partie offre également un exposé ethnographique de ces sociétés, telles qu’elles se présentaient dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. À raison, l’auteur souligne que rien ne permet de penser que les villages autonomes – plusieurs dizaines sans doute – formaient, dès cette époque, un ensemble unifié et homogène. Il s’attarde notamment sur la cosmologie arikara, avec la figure prééminente de Neešaanu (Mère Maïs) et sur les principes d’organisation sociale et politique étroitement liés à un cycle cérémoniel au centre duquel se trouvaient la manipulation de paquets rituels transmis au sein de lignages aristocratiques. La seconde partie, la plus longue, déroule sagement en huit chapitres le récit méticuleux des événements qui ont conduit les Arikaras d’une situation d’autonomie politique et culturelle et de partenaire commercial à celle de nation diminuée – à commencer par les ravages des épidémies qui frappent la vallée du Missouri à partir de 1781 et qui culminent à Fort Clark en 1837. L’auteur détaille les étapes, ou plutôt les crises, qui conduisent à l’assujettissement à l’intérieur des États-Unis, au confinement sur une portion de leurs anciens territoires comme les décennies de politiques et d’actions brutales et iniques dont les Arikaras sont les victimes, qui ont visé à mettre fin à leur existence culturelle et organisée en tant que nation. La période contemporaine, davantage caractérisée par un renouveau culturel et une repolitisation, nullement spécifique aux Arikaras, est volontairement laissée de côté et seulement évoquée en épilogue.

  • 2 Référence au titre « coup de poing » du livre fameux de l’intellectuel et activiste sioux Vine Delo (...)

4Peu de sources traitant des Arikaras et peu d’événements qui les concernent ont échappé à l’attention scrupuleuse de l’auteur. Celui-ci a su, également, enregistrer les témoignages et la mémoire transmise d’une partie de ces événements, essentiellement militaires disons-le. Ces témoignages viennent utilement enrichir une histoire dont les sources principales sont, on le sait, essentiellement produites par des observateurs euro-américains largement extérieurs aux sociétés amérindiennes. L’effet produit, nous semble-t-il, est moins celui d’une histoire écrite selon la perspective des Arikaras qu’un rappel discret de l’absence, dans la plupart des cas, de cette perspective justement. La réhabilitation de l’officier de cavalerie George A. Custer, considéré comme un héros (p. 179) qui a combattu avec eux l’ennemi sioux, constitue par exemple l’un de ces moments précieux. Non qu’il s’agisse de réhabiliter Custer en soi. Mais cette mémoire transmise par les éclaireurs (scouts) arikaras engagés dans l’armée entre 1850 et 1880 est trop souvent effacée par celle, toute aussi importante, qu’ont transmise les Sioux ou les Cheyennes. Pour ces derniers, logiquement, Custer est « mort à cause des péchés » des États-Unis2.

5Ce serait, à l’inverse, la limite de ce travail : la focale exclusivement braquée sur les Arikaras. La cohérence monographique, trop rapidement assimilée à la restitution d’une perspective distincte, se paie d’une faible problématisation. Au risque de verser par moments dans la geste nationale et de lasser le lecteur par la morne succession des batailles, des conflits et des faits d’arme, l’auteur ne s’arrête jamais sur les motivations et les déterminants des autres acteurs – les Sioux, les traiteurs et négociants de peaux, l’armée fédérale, les missionnaires. Ils surgissent et nous les voyons qui interagissent avec les Arikaras – leurs chefs et leurs guerriers. C’est suffisant et rien n’est dit des dynamiques historiques d’ensemble qui les situeraient, les lieraient les uns aux autres et inscriraient la société arikara dans un récit moins linéaire. Reconnaissons en définitive l’ampleur stimulante du travail effectué par Mark Van de Logt et l’intérêt d’un livre qui synthétise et met à la portée des historiens et des anthropologues un vaste ensemble de connaissances, dispersées entre des sources écrites, éditées, et des témoignages, une mémoire et des histoires plus difficiles d’accès.

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Notes

1 Voir le livre d’Elisabeth A. Fenn (Encounters at the Heart of the World: A history of the Mandan people, New York, Hill and Wang, 2014).

2 Référence au titre « coup de poing » du livre fameux de l’intellectuel et activiste sioux Vine Deloria Jr. (Custer Died for Your Sins. An Indian Manifesto, Londres, Collier-Macmillan, 1969). Sur la mémoire sioux et cheyenne de Custer érigée en mémoire amérindienne collective, voir par exemple la bande-dessinée récemment traduite de l’auteur kwakwaka’wakw Gord Hill (500 ans de résistances autochtones, Malvezie, Dépaysage, 2025).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Benjamin Balloy, « Mark Van De Logt, Between the Floods: A History of the Arikaras »Nuevo Mundo Mundos Nuevos [En ligne], Comptes rendus et essais historiographiques, mis en ligne le 19 février 2025, consulté le 21 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/nuevomundo/100170 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13d5y

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Auteur

Benjamin Balloy

Chargé de recherche CNRS, Framespa (UMR 5136, Université Toulouse J. Jaurès)

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