1Reconstruisant aussi bien les processus ayant fait barrage que ceux ayant favorisé la convergence entre les aires latino-américaines et européennes, ainsi que celle entre ces dernières et les autres continents, ce livre nous présente l’histoire de l’occidentalisation de l’Amérique latine. Quoique conçu comme un manuel du fait de son ambition chronologique, puisqu’il traite de la période allant des origines de la colonisation en 1492 jusqu’aux dernières décennies du siècle passé, ce texte ne représente pas moins un essai très original. En effet, en se refusant à nous expliquer encore une fois comment un Occident actif et découvreur a converti l’Amérique en objet passif pendant des siècles, Carmagnani suggère qu’il a existé au contraire une sorte d’Occident mixte, à la fois américain et ibérique, qui a déterminé non seulement l’évolution du continent américain mais aussi celle de l’Europe.

2Le livre est divisé en cinq chapitres. Le premier – « L’insertion » —  illustre l’activation du processus d’occidentalisation qui fait suite à l’invasion européenne, entre la fin du XV^e siècle et la première moitié du XVI^e, à travers notamment les mécanismes de collaboration qui s’établissent entre les anciens habitants du continent et les nouveaux acteurs ibériques au cours de la seconde moitié du XVI^e siècle. Le deuxième chapitre — « Le monde ibéroaméricain » — nous montre la formation du « nouveau monde » entre la fin du XVII^e siècle et la première moitié du XVIII^e, en insistant particulièrement sur les processus de métissage politique, économique, social et culturel. Dans le troisième chapitre — « La réactivation » — l’auteur présente la réorientation de l’occidentalisation des aires latino-américaines entre la seconde moitié du XVIII^e siècle et la première moitié du XIX^e, suite au réformisme bourbonien et à l’époque des révolutions. Un processus dont la maturation s’achève dans le quatrième chapitre — « Le monde euro-américain » —  où l’auteur nous fait ressortir aussi bien la capacité des acteurs latino-américains à capturer, réinterpréter et adapter les paramètres européens que celle des acteurs internationaux à soutenir le processus de reformulation occidental s’étendant de la deuxième moitié du XIX^e siècle jusqu’aux années 1930. Enfin, le cinquième chapitre  — « L’occidentalisation » —  illustre la flexibilité et les potentialités du processus d’occidentalisation face aux défis du désordre international de l’entre-deux guerres et aux nouveautés économiques et culturelles des dernières décennies du XX^e siècle, caractérisées et favorisées par la rapidité des communications matérielles et immatérielles et par la réduction des barrières nationales et internationales.

3En s’éloignant des perspectives qui présentent l’Amérique latine comme une réalité différente, souvent présentée comme passive et subalterne, par rapport aux cas européen et nord-américain, Carmagnani souligne donc les interactions permettant aux sujets historiques latino-américains d’être les protagonistes d’un processus qui ne se limite pas à l’homologation des formes politiques, économiques et culturelles européennes et nord-américaines, mais qui participe de manière active à la construction et à la définition du monde occidental. Il propose une perspective globale de l’histoire de l’Amérique latine, une perspective d’histoire internationale qui, comme l’ont démontré d’autres recherches récemment publiées sur la monarchie espagnole, n’est pas nécessairement liée à la politique de puissance des Etats modernes.