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L’alternance travail-études : impacts de l’estime de soi et de l’auto-efficacité sur la santé psychologique via le sens du travail

Work-integrated learning: The impact of self-esteem and self-efficacy on psychological health via meaning of work
Éric Dose, Pascale Desrumaux and Guadalupe Manzano Garcia
p. 389-415

Abstracts

The need for students in Work-Integrating Learning (WIL) to reconcile two worlds, academic and work has an impact on their well-being and work engagement. The paper tests the effects of self-esteem (SE), personal self-efficacy (PSE) on psychological well-being and work engagement, and the mediating role of meaning of work. This study was conducted using selfadministered questionnaires with WIL students (N= 126). Results showed that meaning at work played a mediating role between SE, PSE, and well-being and work engagement. These findings underline the importance of these processes and their impact on the psychological well-being and on work engagement of WIL students.

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Full text

Introduction

1La formation par alternance, dans sa définition la plus simple, consiste à suivre une formation intégrant une expérience de travail où l’étudiant·e ou l’apprenti·e se forme aux savoirs et savoir-faire du métier auquel ces personnes se destinent (Maubant & Roquet, 2016 ; zaouani-Denoux, 2011). Elle permet ainsi « d’associer réellement les savoirs acquis à l’école et les apprentissages expérientiels acquis sur le terrain » (Besson et al., 2004, p. 69). Deux logiques différentes interagissent alors à travers ces deux lieux de formation, le savoir en lui-même transmis par l’école et le savoir-faire transmis par l’entreprise (Besson et al., 2004). L’alternance a donc recours à la mise en situation de travail afin de permettre à l’étudiant·e d’acquérir et de développer les savoirs et les savoir-faire liés à un poste donné (Maubant & Roquet, 2016). L’apprentissage permettrait ainsi un « passage progressif vers le monde du travail et correspondrait à une transition aménagée de l’école au travail » (Cohen-Scali, 2001, p. 2).

2Sur le plan des grandes règles législatives pour suivre une alternance, les étudiant·e·s et les entreprises ont le choix entre deux types de contrats (Ministère d Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, 2021). Le premier, dit d’apprentissage, délivre un diplôme d’État (e.g., baccalauréat, brevet technicien supérieur, licence professionnelle…). Il permet aussi d’obtenir un titre à finalité professionnelle inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Le deuxième contrat, dit de professionnalisation, délivre une qualification professionnelle reconnue. Ces deux types de contrats ont chacun leurs particularités notamment au niveau de l’âge et de la rémunération de l’apprenti·e.

3En janvier 2019, une réforme concernant le contrat d’apprentissage, dite « Loi avenir professionnel », a été mise en place afin de favoriser le développement de la formation. Les modifications ont porté sur l’augmentation de la limite d’âge, la rémunération des alternants à la hausse et la diminution de la durée minimale du contrat à six mois (Légifrance, 2019, 2020).

4La formation en alternance a de nombreux avantages pour l’entreprise. L’État propose une aide unique financière aux entreprises de moins de 250 employé·e·s formant des apprenti·e·s. Les entreprises peuvent ouvrir leur propre centre de formation (CFa) et proposer à leurs salarié·e·s une promotion ou une reconversion grâce à la loi du 5 septembre 2018 (Legifrance, 2018). Les structures qui recrutent des alternant·e·s bénéficient de l’aide financière par le biais de l’OPCO et de l’État pour pouvoir former ses futur·e·s collaborateur·trice·s.

5L’alternance est susceptible d’avoir des impacts sur les deux versants de la santé psychologique, c’est-à-dire, sur le bien-être psychologique (BEP) et la détresse psychologique. Certains auteurs, comme Merhan (2009) vont même jusqu’à évoquer les « effets pervers » de l’alternance et dénoncent l’usage d’une main-d’œuvre peu chère et malléable de la part des entreprises, tout en contribuant à un contenu pauvre et appauvrissant des tâches, à un développement d’un statut hybride de stagiaire, et à une certaine concurrence entre les jeunes issus de formations différentes dans le but d’obtenir un stage. Certaines études ont identifié les conséquences psychologiques des traitements infligés aux étudiant·e·s en alternance, telles que l’anxiété, la dépression et la perte de confiance en soi (Monrouxe & Rees 2017). D’autres auteur·trice·s citent les effets positifs de la formation en alternance, en expliquant que la plupart des étudiant·e·s s’estiment satisfait·e·s de leur travail ainsi que de la formation suivie. Par exemple, pour Cohen-Scali (2001), l’alternance améliore leur sentiment d’aise et engendre une impression d’utilité par rapport à des personnes n’ayant pas suivi ce type de formation. Selon Besson et al. (2004), les raisons pour lesquelles les étudiant·e·s font leurs études en alternance ne sont pas simplement liées à l’aspect financier, même s’il reste un critère apprécié. L’expérience professionnelle acquise à travers ce dispositif est la raison primordiale de ce choix, puisqu’elle sera reconnue et valorisée par de futurs employeurs et permet une meilleure insertion professionnelle. Des études récentes (e.g., King et al., 2019) sur la dignité des alternant·e·s soulignent l’importance de veiller à cette facette centrale dans le bien-être des personnes durant l’alternance travail-études. Si l’alternance semble être un investissement prometteur pour l’avenir, le fait de gérer les deux sphères (entreprise et formation) permet-il de développer le bien-être ?

Figure 1 - Model hypothétique : Effets de l’estime de soi et de l’auto-efficacité sur la santé au travail via le sens du travail (Hypothesized model : Effect of self-esteem and self-efficacy on psychological health via meaning of work)

Figure 1 - Model hypothétique : Effets de l’estime de soi et de l’auto-efficacité sur la santé au travail via le sens du travail (Hypothesized model : Effect of self-esteem and self-efficacy on psychological health via meaning of work)

6Cette étude cherche à savoir si les ressources personnelles des alternant·e·s permettent de développer le bien-être et l’engagement en prenant en compte le sens du travail en tant que variable médiatrice. Cette recherche constitue un apport à la littérature dans la mesure où la variable « sens du travail » a été rarement mesurée en tant que facilitateur et médiateur des effets des caractéristiques personnelles des alternant·e·s (estime de soi et sentiment d’efficacité personnelle) sur le bien-être et l’engagement des alternant·e·s. Ensuite, les caractéristiques personnelles des alternant·e·s, telles que l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité, peuvent constituer des ressources cruciales qu’il peut être important de développer pour maintenir la santé psychologique des alternant·e·s. Enfin, à notre connaissance, aucune étude n’a testé l’effet du sens du travail en tant que médiateur entre l’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle et, entre le bien-être et l’engagement des alternant·e·s. Ces réflexions nous conduisent à tester le modèle présenté Figure 1.

Formations en alternance et santé psychologique des alternant·e·s

7Les formations en alternance semblent avoir des avantages et inconvénients que ce soit pour les étudiant·e·s ou les entreprises. Des effets contradictoires sont mis en évidence par plusieurs études mesurant l’impact de l’alternance. Au-delà de la définition du projet professionnel, voire de l’indécision vocationnelle où parfois l’individu rencontre des difficultés à faire un choix sur un métier et/ou sa préparation par l’intermédiaire de la formation (Dose & Desrumaux, 2016), les effets défavorables concernent plutôt la difficulté à trouver une entreprise pouvant les accueillir ainsi que le salaire jugé trop faible pour être totalement indépendant dans la vie. Au niveau de leurs activités en entreprise, les étudiant·e·s regrettent ne pas avoir assez de responsabilités et des missions peu valorisantes (Cohen-Scali, 2001 ; Merhan, 2009). Les effets négatifs semblent concerner davantage la vie en entreprise, puisque les étudiant·e·s ne sont pas satisfait·e·s des conditions de travail, de l’encadrement de la part du tuteur ou de la tutrice, et des nombreuses heures supplémentaires effectuées (Cohen-Scali, 2001). En effet, plusieurs auteur·trice·s ont montré que les causes organisationnelles de l’alternance concernaient la surcharge de travail, le conflit et l’ambiguïté dans les rôles, une certaine exigence psychologique et une situation d’iniquité. L’étudiant·e est à l’interface entre l’école et l’entreprise. Il·elle doit ainsi développer une identité et une attitude propre à chaque domaine, adaptée aux deux environnements qui peuvent avoir des exigences opposées. Cela peut avoir chez ces étudiant·e·s des conséquences sur leur santé psychologique et sur les éléments qui fondent leur personne ou leur identité comme un manque de confiance en soi, de l’optimisme, de la résilience et de la créativité (Leroy-Frémont et al., 2014).

8Les entreprises soumises à des enjeux importants attendent de la part des étudiant·e·s, des résultats opérationnels. Ces dernier·ère·s mobilisent donc des ressources, telles que l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle (Cohen-Scali, 2001 ; Merhan, 2009). Ces ressources peuvent être altérées selon les situations professionnelles vécues, qu’elles soient positives ou négatives et avoir une répercussion sur leur bien-être ou leur détresse.

Bien-être psychologique et engagement, pôle positif de la santé psychologique

9Appréhendée comme un concept multidimensionnel, la santé psychologique se conçoit non seulement par l’absence d’états négatifs mais aussi par la présence d’états positifs comme le recommandait l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 1978, p. 6) : « la santé est définie comme un état de bien-être total physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité ». Le bien-être psychologique constitue la facette positive de la santé psychologique renvoyant aux symptômes positifs (Desrumaux et al., 2015).

10Tout d’abord, le bien-être psychologique est atteint lorsque les personnes peuvent se réaliser ou s’accomplir, c’est-à-dire quand elles s’engagent dans des activités en accord avec leurs principes et leurs valeurs (Collange et al., 2017). Le bien-être subjectif, relevant de l’hédonisme, correspond à l’évaluation cognitive et affective que l’individu fait de son existence (Diener & Diener, 1995). La dimension cognitive recouvre la satisfaction de la vie.

11Les étudiant·e·s en alternance sont soumis·es à une pression et à un rythme de travail important. Face à des besoins de conciliation entre la vie professionnelle et les études, s’ajoutent les attentes et besoins liés à la vie personnelle. Ils·elles ont de nouveaux rôles à assumer, des responsabilités avec une plus grande autonomie à gérer, ce qui peut générer des questionnements sur leur avenir professionnel. Selon Strenna et al. (2009), ce dernier peut entraîner de l’anxiété, c’est-à-dire un état émotionnel désagréable, qui se caractérise par des sentiments de tension, de nervosité et d’appréhension. Celle-ci peut se traduire par la peur « de ne pas faire le bon choix », et par les réalités sociales telles que le chômage. Il·elle peut également être anxieux·euses à l’idée d’être submergé·e par le travail, d’avoir trop de responsabilités et ainsi de manquer de temps libre. Ces facteurs peuvent impacter la santé psychologique des étudiant·e·s et générer de la détresse psychologique. Ils·elles devront alors faire face aux stresseurs et aux demandes de la part de la formation et de leur employeur, en mobilisant des ressources personnelles comme l’estime de soi (Strenna et al., 2009). Une étude de Bailey et Phillips (2016) a montré que l’alternance avait un impact positif sur la satisfaction de la vie.

12En complément du bien-être, des travaux nord-européens ont mis en évidence dans le modèle Job-Demands Resources (JD-R) que la facette positive de la santé correspondait à l’engagement au travail (Bakker et al., 2008). Beaucoup d’études sur l’engagement utilisent ce modèle JD-R (Bailey et al., 2017). L’engagement au travail est défini comme « un état émotionnel positif et épanouissant caractérisé par la vigueur, le dévouement et l’absorption » (Schaufeli & Bakker, 2004, p. 6). Bakker et al. (2014) précisent que la vigueur est caractérisée par des niveaux élevés d’énergie et de résilience mentale au travail, la volonté d’investir des efforts dans le travail. Le dévouement signifie être fortement impliqué dans son travail et en éprouvant un sentiment d’importance, d’enthousiasme et de défi. L’absorption revient à être pleinement concentré et absorbé par son travail. Selon Bakker et al. (2014), pour être engagé au travail, les individus ont besoin de ressources contribuant à l’atteinte des objectifs de travail et stimulant l’évolution personnelle. Ces ressources facilitent et contribuent à l’engagement au travail, plus que les exigences professionnelles (Bakker et al., 2014). Il existe une corrélation positive entre les ressources liées à l’emploi et l’engagement professionnel futur (xanthopoulou et al., 2009). Une étude auprès d’étudiant·e·s a révélé qu’il existait une relation longitudinale entre les ressources personnelles et l’engagement dans les études (Ouweneel et al., 2011). Partant de l’ensemble de ces travaux, la facette positive de la santé psychologique des étudiant·e·s alternant·e·s devrait être mesurée en termes de bien-être et d’engagement.

Estime de soi, bien-être et engagement des alternant·e·s

13Des facteurs organisationnels et personnels peuvent affecter l’estime de soi (ES) des alternant·e·s. L’ES correspond au point de vue de la personne sur sa propre valeur ou encore « à l’attitude positive ou négative de la personne envers le soi dans sa totalité » (Rosenberg et al., 1995, p. 141). Elle va alors alimenter chez cette personne le sentiment subjectif d’être capable ou non de réussir ce qu’elle entreprend. Une bonne estime de soi favorise l’intégration sociale, les comportements productifs, une haute performance au travail (Judge & Bono, 2001), et un sentiment de compétence (Bardou & OubrayrieRoussel, 2014). L’estime de soi est aussi en lien avec des facteurs relationnels et avec les évaluations sociales. Plus le sujet pense qu’il fait l’objet d’une évaluation positive par les autres, plus son niveau d’estime de soi sera amélioré (Cohen-Scali, 2001). Ainsi, lors des prestations d’accompagnement liées au projet professionnel, l’ES influe sur la perception qu’une personne a de son avenir et par-delà sur son acceptation générale (Dose & Desrumaux, 2016). Si les expériences professionnelles ont du sens et sont positives alors l’estime de soi augmente pendant la transition. De plus, celle-ci favorise le bien-être subjectif (Leroy-Frémont et al., 2014 ; Sovet et al., 2014) et est corrélée avec la satisfaction de la vie (Leroy-Frémont et al., 2014). Enfin, Paradise et Kernis (2002) ont mis en évidence les liens entre estime de soi et bienêtre psychologique. Les étudiant·e·s en alternance bénéficient d’une première expérience avec le métier auquel ils se destinent. Les expériences positives et porteuses de sens pour la personne augmentent l’estime de soi pendant la transition école-travail (Cohen-Scali, 2001). Pour alves et al. (2010), plus l’entreprise répond aux attentes des salarié·e·s et des apprenti·e·s en termes de développement et d’accomplissement donc leur permet de développer estime et auto-efficacité, plus leur engagement va être élevé. Une haute estime est essentielle pour promouvoir le bien-être (Diener & Diener, 1995 ; Paradise & Kernis, 2002). Bien que les travaux mettant en lien l’estime de soi et l’engagement dans le travail soient rares, ce lien semble établi. En effet, une haute estime de soi est liée à des niveaux élevés d’engagement professionnel (Mauno et al., 2007). Chez les personnes en demande d’emploi, une haute estime de soi est liée à des niveaux élevés d’engagement (xanthopoulou et al., 2007). Partant de ces travaux, nous émettons l’hypothèse que l’estime de soi sera significativement positivement liée avec le bien-être psychologique (H1a) et l’engagement (H1b).

Auto-efficacité, bien-être et engagement des alternant·e·s

14L’auto-efficacité ou sentiment d’efficacité personnelle (SEP) désigne les croyances d’une personne dans ses capacités à réaliser des performances particulières dans des situations spécifiques (Bandura, 1997). Selon Bandura (1997), l’auto-efficacité joue un rôle clé dans le développement des réalisations et des motivations humaines. Les comportements humains, leurs motivations ainsi que les résultats de leurs actions (succès ou échec) dépendent de leur auto-efficacité (Bandura, 1997). Le sentiment d’efficacité personnelle d’une personne est par conséquent susceptible d’influencer différentes variables comme sa performance, sa motivation, son engagement et son libre arbitre dans la concrétisation subjective de son projet, son niveau d’effort et de persévérance dans la réalisation d’une tâche et sa vulnérabilité au stress (Ledoux et al., 2013). L’appétence portée à la motivation au travail (Dose & Desrumaux, 2016) et à l’engagement associé dépend en général de l’image que l’on a de soi-même et également du sentiment de son efficacité personnelle. Il a été montré que les alternant·e·s connaissent des améliorations significatives de leur sentiment d’efficacité personnelle (Bates et al., 2013). Une explication possible est liée au fait que l’alternance développe des habiletés interpersonnelles, sociales et professionnelles (Drysdale et al., 2016).

15Un haut niveau d’auto-efficacité a, à son tour, des conséquences positives sur la santé des alternant·e·s. On sait que le sentiment d’auto-efficacité général est lié au bien-être psychologique (Schwerdtfeger et al., 2008 ; Soysa & Wilcomb, 2015). Karademas (2006) a indiqué que l’optimisme est en partie responsable des relations entre le SEP, le soutien social et le bien-être. En effet, il permet de développer une attitude plus optimiste, une persévérance scolaire, la motivation, une meilleure prise de décision dans les choix de vie et un bien-être (Ledoux et al., 2013). Différentes études ont mis en évidence que le sentiment d’efficacité général influençait la santé et le bien-être psychologique (Karademas, 2006 ; Schwerdtfeger et al., 2008). Drysdale et McBeath (2018) ont en particulier montré une relation inverse entre le SEP et l’anxiété auprès de 1 048 alternant·e·s. Une étude auprès de 344 conseillers psychologues de l’Éducation nationale (Dose, Desrumaux, Bernaud, & Machado, 2019) a mis en évidence que le SEP était relié au bienêtre psychologique. Halbesleben (2010) a indiqué que l’efficacité personnelle était positivement liée à l’engagement professionnel. Les travailleur·euse·s qui sont intrinsèquement motivé·e·s pour poursuivre leurs objectifs et croient être capables d’atteindre leurs objectifs professionnels présentent un engagement élevé dans leur travail (Luthans & Youssef, 2007). Enfin, l’auto-efficacité est une ressource reliée à l’engagement au travail (xanthopoulou et al., 2009). Partant de ces travaux, on s’attend à ce que le sentiment d’auto-efficacité de l’alternant·e sera significativement et positivement lié au bien-être (H2a) et à son engagement (H2b).

Sens du travail, estime de soi, auto-efficacité et, bien-être et engagement

16Le sens de la vie a été défini comme « le sens et l’importance que l’on donne à la nature de son être et de son existence » (Steger et al., 2006, p. 81). Selon Bernaud et al. (2015), le sens va se construire en fonction de quatre dimensions qui sont l’évolutivité (expériences vécues et transitions), la subjectivité (propre à chaque individu), la complexité et l’universalité. Au fur et à mesure des apprentissages et grâce au modelage du travail, les étudiant·e·s en alternance peuvent recadrer leurs expériences d’apprentissage scolaire ou universitaire en les confrontant au terrain afin que ces expériences prennent sens (Okuda, 2018). Pour trouver du sens, chaque personne doit se sentir valorisée, reconnue, et recevoir de la considération (Diez & Carton, 2013). La création de sens est un processus sans fin par lequel passe une personne au travers d’interprétations et d’actions (Morel, 2010). La recherche de sens est une question centrale et est dépendante de la personne elle-même et des expériences qu’elle rencontre (Bernaud et al., 2015). Le sens donné au travail dépend quant à lui des caractéristiques du travail, du rôle et des interactions (Kahn, 2012). D’après arnoux-Nicolas et al. (2016), le sens du travail s’évalue au moyen de plusieurs facteurs. D’abord, la contribution du sens du travail au sens de la vie, puis la compréhension de son travail, la direction du travail et la valeur ajoutée de son travail. Les alternant·e·s considèrent que leur expérience professionnelle en alternance a un sens et l’alternance est vécue comme une transition professionnelle (Schlossberg, 1981). Cette expérience est vécue comme positive et est en lien avec une bonne ES (Depoilly, 2014). La considération dévolue par l’entreprise, par les managers, les collègues de proximité, aux étudiant·e·s et le développement de leurs compétences leur permettent de trouver du sens dans leurs activités professionnelles (Diez & Carton, 2013). Le fait de considérer la vie comme ayant un sens est associé à l’optimisme (King et al., 2006), et à l’estime de soi (Steger et al., 2006). D’autres travaux indiquent que le sens de la vie est considéré comme lié au bien-être (King et al., 2006). Bailey et Phillips (2015) ont montré que des caractéristiques personnelles (i.e., ajustement social, émotionnel et scolaire des étudiant·e·s) étaient des prédicteurs positifs significatifs du sens de la vie. Le sens que prend le travail pourrait alors être une interface entre les caractéristiques de personnalité (auto-efficacité, estime de soi) et le bien-être ainsi que l’engagement des étudiant·e·s.

17Une étude de Dose et al. (Sous presse) auprès de 235 conseillers d’orientations a montré que les liens entre l’auto-efficacité, l’estime de soi et, le bien-être étaient médiatisés par la satisfaction du besoin d’autonomie au travail. Dans la mesure où le travail en autonomie permet de donner du sens à son travail, il est aussi possible que le sens au travail fonctionne comme un médiateur vers le bien-être. L’effet médiateur du sens a été très rarement testé. Pourtant, une étude de Freitas et al. (2018) auprès de 1 899 participant·e·s brésilien·ne·s basée sur une modélisation en équations structurelles a montré que le sens de la vie avait un effet médiateur dans la relation entre l’initiative de croissance personnelle et le bien-être. Par analogie, la croissance personnelle est en lien avec la croissance de soi en termes d’estime et d’efficacité. Le sens que les apprenti·e·s vont donner à leur travail est aussi en lien avec leur estime de soi et leur sentiment d’efficacité personnelle. Il est également un puissant levier en termes de performance pour les entreprises qui les accueillent car le sens permet l’accroissement de leur motivation et de leur engagement (Fender et al., 2011). Partant de ces travaux, les hypothèses suivantes peuvent être avancées :

18Le sens du travail a un effet médiateur entre l’estime de soi et le bienêtre psychologique (H3a) et l’engagement (H3b), et entre le sentiment d’auto-efficacité et le bien-être psychologique (H4a) et l’engagement dans le travail (H4b).

Méthode

Participants

19Le questionnaire a été diffusé auprès d’étudiant·e·s en apprentissage, tous cycles et secteurs d’activité confondus, au premier semestre 2019. Les réponses étaient anonymes et récoltées informatiquement. Les 126 participants (56 % d’hommes et 44 % de femmes) étaient tous et toutes étudiant·e·s en alternance. La moitié était âgée entre 12 et 20 ans, 38 % entre 21 et 23 ans, les 24-26 ans représentaient 10 %. Les formations suivies étaient très variées. 55 % des étudiant·e·s interrogé·e·s travaillaient dans l’industrie, 12 % dans le commerce et la distribution, 5 % dans le bâtiment et 5 % dans l’énergie. Les autres participant·e·s exerçaient dans d’autres milieux tels que les entreprises de service, la logistique ou les administrations publiques.

Instruments

20Le questionnaire était composé de douze questions fermées factuelles et de six échelles, soit un total de 93 items. Les participant·e·s devaient répondre au moyen d’échelles de type Likert en sept points. Ces consignes différentes permettaient de minimiser l’effet de biais dans les réponses (i.e., effet de halo) conformément aux recommandations de Podsakoff et al. (2000). La consistance interne des dimensions de chaque échelle était évaluée par le coefficient de l’alpha de Cronbach (α). Les traitements ont été réalisés à l’aide du logiciel SPSS « 22.0 ».

21L’estime de soi. L’échelle de Rosenberg (1965) incluait 10 items (α = .91 ; e.g. Je sens que j’ai de nombreuses qualités). Vallières et Vallerand (1990) ont traduit et validé la version canadienne-française de l’échelle. Ces auteurs ont mis en évidence la structure unidimensionnelle de l’échelle ainsi qu’une validité de construit satisfaisante avec un alpha de Cronbach allant de .83 à .90 en fonction des quatre étapes de la validation de cette échelle.

22Le sentiment d’auto-efficacité personnelle général. Le SEP était mesuré au moyen de la version française validée de l’outil de Schwarzer et Jerusalem (1995). Scholz et al. (2002) ont fait état de coefficients de fiabilité internes allant de .75 à .91 dans 25 pays. Le sentiment d’efficacité perçu général se mesurait en 10 items (α = .93 ; e.g., Grâce à mon utilité, je sais comment gérer des situations imprévues ou je peux résoudre beaucoup de problèmes si j’investis l’effort nécessaire).

23Le sens du travail. L’échelle française d’Arnoux-Nicolas et al. (2016) était composée de 20 items (α = .93 ; e.g., J’ai bien compris l’utilité de mon travail, Je me dis parfois que je ne sers pas à grand-chose ou Dans ma vie, j’attache une grande importance à mon travail). Elle mesurait la contribution du sens du travail au sens de la vie, la compréhension du travail, la direction du travail, la valeur ajoutée du travail et deux items supplémentaires.

24Le bien-être psychologique. L’échelle francophone de Dagenais-Desmarais et Savoie (2012) était composée de 25 items (e.g., J’apprécie les gens avec qui je travaille, Je sens que mon travail est reconnu). Parmi eux, cinq items portaient sur l’adéquation interpersonnelle au travail, cinq sur l’épanouissement dans le travail, cinq sur la compétence au travail, cinq sur la reconnaissance perçue au travail et les cinq autres sur la volonté d’engagement au travail. Bien qu’il s’agisse d’un concept multidimensionnel, il est possible de la prendre en compte de manière unidimensionnelle (Dose, 2018 ; Morin et al., 2017). Le coefficient alpha de Cronbach était de .96.

25L’engagement dans le travail. L’échelle de Schaufeli et Bakker (2003) était composée de neuf items et mesurait la vigueur (e.g., Je me sens fort et vigoureux pour faire ce métier), le dévouement (e.g., Je suis passionné par mon travail) et l’absorption (e.g., Je suis complétement absorbé par mon travail). Le coefficient alpha de Cronbach était de .94.

Résultats

26Les analyses descriptives (tableau 1) puis des analyses de médiations (tableau 2) ont été réalisées.

Statistiques descriptives

27Les analyses descriptives indiquant des alphas de Cronbach de .87 à .96 confirment une fiabilité des outils de mesure. En effet, l’alpha doit être supérieur à .65 pour être valide. Les moyennes sont plutôt élevées. Le bienêtre psychologique possède la moyenne la plus élevée (M = 5.44 ; SD = 0.99) suivi de l’estime de soi (M = 5.30 ; SD = .99), du sens du travail (M = 5.38 ; SD = .96) puis du sentiment d’efficacité personnelle (M = 5.14 ; SD = .87) et de l’engagement dans le travail (M = 5.14 ; SD = .96).

Tableau 1 - Moyennes, écart-types et corrélations
Table 1 - Means, standard deviations, correlations

1

2

3

4

5

1. Estime de soi

-

2. Auto-efficacité

.58**

-

3. Sens du travail

.37**

.38**

-

4. Bien-être psychologique

.42**

.43**

.74**

-

5. Engagement

.29**

.39**

.77**

.79**

-

Moyenne / 7

5.30

5.14

5.38

5.44

5.14

Écart-type

.99

.87

.96

.99

.96

Alpha de Cronbach

.87

.89

.93

.96

.94

Note. N = 126, **p < .01

28Les corrélations sont toutes significatives à .01. L’estime de soi est corrélée avec le bien-être psychologique (r = .42, p < .01) et avec l’engagement dans le travail (r = .29, p < .01). Le sentiment d’auto-efficacité est corrélé avec le bien-être psychologique (r = .43, p < .01) et avec l’engagement dans le travail (r = .39, p < .01). L’estime de soi est corrélée avec le bien-être psychologique (r = .74, p < .01) et avec le sens du travail (r = .77, p < .01).

Analyses de médiation

29Les analyses de médiations (Preacher & Hayes, 2008) ont été menées afin de tester le rôle de la variable médiatrice (sens du travail) dans la relation entre l’effet de l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité et, le bien-être et l’engagement. Nous avons utilisé la macro de Hayes et Preacher (2014) pour SPSS qui permet de vérifier l’existence de liens directs et indirects à partir de régressions et d’une procédure de rééchantillonnage (bootstrapping) non paramétrique.

Figure 2 - Représentation du rôle médiateur du sens du travail dans la relation entre les variables indépendantes de l’estime de soi et l’auto-efficacité et les variables dépendantes du bien-être et de l’engagement au travail (Figure 2 - Representation of the mediating role of the meaning of work in the relationship between self-esteem and the self-efficacy (IV), and psychological well-being and work engagement (DV))

Figure 2 - Représentation du rôle médiateur du sens du travail dans la relation entre les variables indépendantes de l’estime de soi et l’auto-efficacité et les variables dépendantes du bien-être et de l’engagement au travail (Figure 2 - Representation of the mediating role of the meaning of work in the relationship between self-esteem and the self-efficacy (IV), and psychological well-being and work engagement (DV))

30Le lien a représenté l’influence spécifique de la variable indépendante (VI) sur la variable médiatrice (VM) tout en contrôlant l’effet des autres variables indépendantes. Le lien b représente l’influence spécifique d’une VM sur la variable dépendante (VD) en contrôlant l’effet des autres variables médiatrices et indépendantes. Le lien c représente l’effet total d’une VI sur une VD en contrôlant l’effet des autres variables indépendantes, c’est la somme des liens directs et indirects (Preacher & Hayes, 2008). Le lien c’est l’effet direct et correspond à l’influence spécifique d’une VI sur la VD en contrôlant l’effet des autres variables indépendantes et médiatrices. L’effet de médiation est appelé effet indirect et correspond aux liens spécifiques entre a et b. afin d’analyser nos résultats, nous allons dans un premier temps regarder les liens indirects, dans le cas où l’intervalle de confiance n’inclut pas le zéro, alors le lien indirect est significatif. Si le lien direct est significatif en parallèle alors la VI agit à la fois par le médiateur mais aussi directement sur la VD.

Tableau 2 - Analyse de la médiation entre l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité, et le bien-être psychologique et l’engagement au travail (VD2), via le sens du travail (VM)
Table 2 - Analysis of the mediation between self-esteem and the self-efficacy, and psychological well-being and work engagement, via the meaning of work

Relation a

Effet de la VI sur la VM

Relation b

Effet de la VM sur la VD

Relation c

Effet total

Relation c’

Effet de la VI sur la VD

Effet indirect

IC

(95 %)

LL UL

Variable dépendante : Bien-être

Variable indépendante

Estime de soi

.35*

.70*

.41*

.16*

.25ª

[.12, .40]

Auto-efficacité

.42*

.70*

.49*

.19*

.30ª

[.14, .45]

Variable dépendante : Engagement au travail

Variable indépendante

Estime de soi

.35*

.98*

.37*

.01

-.36ª

[.19, .55]

Auto-efficacité

.42*

.96*

.56*

.15*

-.41ª

[.21, .62]

Note. N = 126, IC : intervalles de confiance ; LL : limite inférieure ; UL : limite supérieure ; a Significatif à un seuil de confiance à 95 %. Méthode bootstrapping sur un échantillon probabiliste n = 10 000 échantillons alternatifs et IC de 95 %. Pour chaque effet direct (c-c’), les bornes inférieures et supérieures de l’intervalle sont reportées dans les deux dernières colonnes : *p < .05

31D’après les analyses de médiations (tableau 2), le sens du travail exerce un effet médiateur significatif entre l’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle (VI), et le bien-être psychologique et l’engagement dans le travail (VD).

32Les liens a et b sont tous significatifs, le sens du travail est lié positivement aux VI et VD. Les liens directs entre les VI et les VD sont tous significatifs à l’exception de l’estime de soi et l’engagement dans le travail (c’ = .01). L’estime de soi (c’ = .16), le sentiment d’auto-efficacité (c’ = .19) ont un effet significatif sur le bien-être psychologique. L’estime de soi ne présente pas d’effet direct significatif sur l’engagement dans le travail, cependant le sentiment d’auto-efficacité a un effet direct sur l’engagement (c’ = .15).

33L’effet indirect de la VI sur la VD montre que le sens du travail médiatise l’effet de nos trois VI sur le bien-être psychologique et l’engagement dans le travail avec un intervalle de confiance à .05. Le lien c confirme un effet total de l’estime de soi sur le bien-être psychologique (c = .41) et sur l’engagement dans le travail (c = .37). Il confirme aussi l’effet total entre le sentiment d’autoefficacité sur le bien-être psychologique (c = .49) et sur l’engagement dans le travail (c = .56). Les VI continuent d’influencer significativement le bien-être psychologique et l’engagement dans le travail : le sens du travail médiatise l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité sur le bien-être psychologique. Pour l’engagement dans le travail, l’effet de l’estime de soi et du sentiment d’auto-efficacité VI sont médiatisés par le sens du travail.

Discussion

34Cette étude avait pour objectif de tester les liens entre le fait de réaliser ses études en alternance et le bien-être psychologique des étudiant·e·s et leur engagement dans le travail, deux éléments clés pour la réussite des entreprises et la qualité de vie au travail des jeunes. Pour tester cette hypothèse, les effets de l’estime de soi et le sentiment d’auto-efficacité ont été mesurés sur le bienêtre psychologique et l’engagement dans le travail.

35D’après nos résultats, l’estime de soi explique le bien-être psychologique chez les apprenti·e·s ce qui valide l’hypothèse H1a, selon laquelle l’estime de soi est corrélée positivement avec le bien-être psychologique. Plus l’étudiant·e croit en ce qu’il·elle est capable de réaliser, plus il·elle ressentira un bien-être. Comme les travaux antérieurs l’ont montré, l’estime de soi est positivement liée au bien-être (Baumeister et al., 2003 ; Dose, Desrumaux, Bernaud, & Hellemans, 2019 ; Leroy-Frémont et al., 2014) et notamment au bien-être chez les jeunes (Rosenberg, 1985). L’estime de soi influe sur le bien-être de multiples façons. À l’instar de l’étude de Purdie et al. (2011), l’alternance renforce l’estime de soi des étudiant·e·s. Celle-ci va impacter positivement le bien-être. Non seulement une estime de soi élevée génère une bonne appréciation de son propre travail et de son environnement, mais elle facilite également les relations sociales et la réciprocité.

36L’estime de soi chez les alternant·e·s est aussi en lien avec un engagement dans le travail ce qui confirme l’hypothèse H1b.

37Le sentiment d’auto-efficacité explique le bien-être psychologique ce qui valide l’hypothèse H2a. ainsi, lorsqu’une personne se sent capable de réussir alors même qu’elle peut rencontrer des obstacles, son bien-être psychologique croît. Nos résultats vont dans le sens de travaux antérieurs montrant que le sentiment d’efficacité est lié au bien-être psychologique (Dose, Desrumaux, Bernaud & Hellemans, 2019 ; Schwerdtfeger et al., 2008 ; Soysa & Wilcomb, 2015). De la même manière le sentiment d’efficacité personnelle est lié à l’engagement dans le travail, ce qui confirme H2b. Lorsque les étudiant·e·s croient en leurs capacités, leur engagement dans le travail est plus fort, ils·elles s’investissent davantage dans leurs missions professionnelles, ressentent plus de vigueur, sont plus absorbé·e·s par leur travail, sont plus dévoué·e·s.

38Le fait que les participant·e·s se sentent capables de réussir ce qu’ils entreprennent explique leur bien-être. Comme déjà observé, cela renforce leur sentiment d’utilité et le fait d’être à l’aise avec les tâches confiées (Cohen-Scali, 2001). Ainsi, se sentir compétent·e permet aussi d’affronter les obstacles, et d’augmenter le bien-être.

39Les effets simultanés de l’estime de soi et du sentiment d’auto-efficacité sur le bien-être psychologique s’expliquent dans la mesure où il s’agit de différentes facettes du soi. Si un·e apprenant·e se sent capable de réussir dans une situation complexe, alors son estime de soi sera positive, puisque ces deux facettes du soi se développent en fonction des succès et des échecs que vit la personne (Ledoux et al., 2013). Ces deux facettes exercent une influence positive sur le bien-être psychologique.

40Il est important de souligner le rôle des soutiens sociaux des formateur·trice·s et tuteur·trice·s en entreprise dans le développement de l’estime et du sentiment d’efficacité. Ces variables du soi ne peuvent évoluer qu’à la condition d’un contact avec les professionnel·le·s de l’éducation et du travail. Bandura (2003) a insisté sur l’importance des soutiens sociaux en soulignant l’interdépendance et le fait que l’être humain n’évolue pas de façon isolée. « De nombreux défis de l’existence concernent des problèmes fréquents qui exigent que les personnes travaillent ensemble pour améliorer leur existence. La force des familles, des communautés, des organisations, des institutions sociales et même des nations repose partiellement sur les sentiments d’efficacité collective des individus, qui peuvent contribuer à améliorer leur existence ». (Bandura, 2003, p. 708). Il sera à ce titre intéressant de mesurer le sentiment d’auto-efficacité spécifique et le sentiment d’efficacité collective des individus afin de comprendre leur impact sur l’épanouissement et le bien-être.

41D’après les analyses de médiation, le sens que les apprenti·e·s accordent à leur travail a un effet médiateur entre d’une part, l’estime de soi et d’autre part, le bien-être (H3a) et l’engagement (H3b) ce qui confirme ces hypothèses. De la même manière, le sens du travail a un effet médiateur entre d’une part le sentiment d’auto-efficacité et d’autre part, le bien-être (H4a), et l’engagement (H4b) ce qui confirme aussi les hypothèses.

42Nos résultats confirment, dans la perspective eudémoniste, l’idée que le bien-être n’est pas un état mais renvoie à des expériences et à un fonctionnement psychologique optimal. L’alternance, dans la mesure où elle est source d’estime de soi et de sentiment d’efficacité, est une voie pour développer le bien-être. Nos travaux vont dans le sens de ceux de Freitas et al. (2018) ayant montré le rôle du sens de la vie en tant que médiateur vers le bien-être. À la différence de cette étude antérieure portant sur le bien-être subjectif, la présente étude, spécifique aux jeunes alternant·e·s a testé l’effet du sens du travail en tant que médiateur du bien-être psychologique. Notre étude relève le lien entre ces variables du soi et le bien-être psychologique parce que les alternant·e·s trouvent un sens à leur travail.

43L’alternance permet aux étudiant·e·s de bénéficier d’une première expérience professionnelle vers le métier ciblé, ce qui leur permet de développer une satisfaction face à leur avenir professionnel et personnel. Le fonctionnement optimal selon la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 2008 ; Ryan & Deci, 2017) est observé lorsque les personnes éprouvent un bien-être psychologique. L’étude indique que le sens joue un rôle central en tant que mécanisme impactant la relation entre les différentes variables du soi, affective et d’auto-efficacité, et le bien-être.

Conclusion

44S’appuyant sur la théorie de l’autodétermination, parmi les variables qui pourraient expliquer le bien-être et l’engagement des étudiant·e·s en alternance, la motivation des alternant·e·s pourrait être une piste future à retenir. En outre, pour expliquer le bien-être des étudiant·e·s en alternance, le soutien social perçu par les alternant·e·s pourrait aussi avoir un effet positif sur le BEP (Collange et al., 2017).

45Enfin, ce travail présente plusieurs limites. Dans la mesure où l’étude porte sur plusieurs champs, le travail et les études, nous avions fait le choix d’utiliser une mesure du sentiment d’efficacité personnelle général. Or, il est possible que ce choix ait impacté les résultats et des mesures spécifiques du sentiment d’auto-efficacité pourraient être recommandées (Bandura, 1997 ; Bates et al., 2013) pour une future étude, l’une liée aux études, l’autre liée au travail. Sur le plan des participant·e·s, la taille de l’échantillon est limitée ce qui nécessite de répliquer l’étude auprès d’un échantillon plus large. Ensuite, le devis transversal ne permet pas de conclure sur la causalité des relations et sur l’évolution des inducteurs du bien-être psychologique. Une future étude devra intégrer un devis longitudinal tenant compte des moments clés liés à l’apprentissage. Les variables sélectionnées se veulent être des indicateurs subjectifs dans la mesure où ils sont basés sur des perceptions. Prendre en compte des indicateurs objectifs tels que la validation finale de la formation, l’engagement dans le métier et l’embauche finale pourrait être pertinent pour de futures recherches.

Implications pratiques

46Repérer les ressources psychologiques des personnes lorsqu’elles se questionnent sur leur avenir professionnel (Dose & Desrumaux, 2016) et s’orientent vers l’alternance est une démarche importante pour tout accompagnement, pédagogique ou professionnel. Ces ressources constituent des prédicteurs du bien-être et de l’engagement de ces personnes. L’alternance, selon Merhan (2009), semble être le meilleur dispositif en termes de transition vers le monde du travail. L’engagement et l’investissement que le processus d’alternance génère grâce au projet professionnel va nourrir l’estime de soi et le sentiment d’efficacité personnelle au fur et à mesure que l’expérience en entreprise s’avère positive, et va donner sens au travail.

47Le sens du travail joue alors un rôle central en tant que mécanisme intermédiaire entre les ressources personnelles et le bien-être, et l’engagement des alternant·e·s. Des travaux récents soulignent l’importance de ce concept de sens et des sessions d’accompagnement par des psychologues (Bernaud et al., 2020) sont mises en place impliquant un ensemble d’étapes pour réfléchir au sens du travail et au sens de la vie (Patillon et al., 2015). De tels ateliers au sens du travail pourraient être mis à disposition non seulement des tuteur·trice·s et enseignant·e·s mais aussi des jeunes. La mise en place de ce type d’accompagnement et de réflexion sur le sens, dès l’intégration dans l’entreprise et intégré dans l’enseignement, pourrait avoir un effet sur leur santé psychologique et leur bien-être.

48Cette étude souligne l’importance de l’estime de soi et de l’autoefficacité pour se sentir bien que ce soit au sein de l’entreprise ou de la formation. Les résultats impliquant l’estime de soi et l’auto-efficacité sont dans la lignée des résultats sur le bien-être au travail des conseiller·ère·s (Dose, Desrumaux, Bernaud, & Hellemans 2019). Ces ressentis en termes d’estime de soi et de sentiment d’auto-efficacité se développent en fonction des tâches confiées : plus elles sont importantes et plus le sentiment d’utilité de l’alternant·e est renforcé. Pour les développer, il est important de renforcer la phase d’intégration, puisqu’elle permet de faciliter la prise de fonction de l’étudiant·e, d’accroître sa connaissance de l’entreprise, de comprendre la culture de la société pour favoriser son adhésion et le fidéliser (Laberon, 2011). De nombreux·euses apprenti·e·s sont encore considéré·e·s comme « simples stagiaires » et non comme « salariés classiques », ce qui empêche ces alternant·e·s de se sentir pleinement intégré·e·s. Il est donc important de renforcer cette phase d’intégration, puisqu’elle permet de faciliter la prise de fonction de l’étudiant·e, d’accroître sa connaissance envers l’entreprise qui l’accueille, de comprendre la culture de la société pour favoriser son adhésion et le·la fidéliser (Laberon, 2011).

49Toutefois, cette intégration professionnelle peut varier selon la structure de l’entreprise (i.e., taille, secteur…) et, en fonction de la culture de l’entreprise (relations sociales, relations hiérarchiques, etc…) (Zaouani-Denoux, 2011).

50Les tuteur·trice·s en entreprise ont un rôle clé car ils ou elles favorisent la confiance, donnent un sentiment de sécurité permettant de se sentir estimé·e et efficace au fur et à mesure des apprentissages et, en tant qu’intermédiaires, favorisent les relations sociales au travail. Les tuteur·trice·s en entreprise auront pour rôle de former l’alternant·e dans ses différentes tâches et l’aider dans la résolution de problèmes pour qu’il·elle puisse devenir de plus en plus autonome (Laberon, 2011). De plus, organiser des réunions entre l’étudiant·e, le ou la tuteur·trice et le ou la supérieur·e afin d’effectuer un suivi régulier permettra à l’intéressé·e de comprendre les attentes envers l’apprenant·e et de valoriser sa progression. Ces recommandations et techniques sont données à titre indicatif. Il semble important de souligner que d’une structure à une autre les dispositifs mis en place vont différer. En effet, il n’existe aucune solution préconçue car chaque situation est singulière. Il est nécessaire d’intégrer pleinement un nouvel étudiant au sein de son entreprise d’accueil, surtout lorsqu’il s’agit d’une première expérience pour lui. Cependant, l’intégration ne se fait pas seulement dans l’entreprise dans laquelle travaille l’alternant·e mais également au sein de l’organisme de formation ou de l’établissement scolaire dans lequel il ou elle va poursuivre ses études. La mise en place d’un·e tuteur·trice universitaire est tout aussi importante que celui en entreprise. Sa mission sera alors de l’aider et de le ou la conseiller autant sur les projets à rendre que sur les situations professionnelles (Pentecouteau, 2012). La formation par alternance nécessite alors une grande disponibilité de la part des trois parties : salarié·e, entreprise et organisme de formation (Besson et al., 2004). Outre une bonne coordination entre ces trois partenaires, ils devront tenir compte des ressources personnelles des alternant·e·s en termes d’estime et soi et d’auto-efficacité, permettre de les développer et donner du sens pour développer une bonne santé psychologique chez les alternant·e·s. ainsi, la formation par alternance peut être source de bien-être lorsqu’elle permet l’actualisation des ressources psychologiques et dans la mesure où, dans un cadre protecteur et de soutien, l’alternance donne sens au travail.

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Title Figure 1 - Model hypothétique : Effets de l’estime de soi et de l’auto-efficacité sur la santé au travail via le sens du travail (Hypothesized model : Effect of self-esteem and self-efficacy on psychological health via meaning of work)
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/14453/img-1.jpg
File image/jpeg, 17k
Title Figure 2 - Représentation du rôle médiateur du sens du travail dans la relation entre les variables indépendantes de l’estime de soi et l’auto-efficacité et les variables dépendantes du bien-être et de l’engagement au travail (Figure 2 - Representation of the mediating role of the meaning of work in the relationship between self-esteem and the self-efficacy (IV), and psychological well-being and work engagement (DV))
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/14453/img-2.jpg
File image/jpeg, 22k
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References

Bibliographical reference

Éric Dose, Pascale Desrumaux and Guadalupe Manzano Garcia, “L’alternance travail-études : impacts de l’estime de soi et de l’auto-efficacité sur la santé psychologique via le sens du travail”L'orientation scolaire et professionnelle, 50/3 | 2021, 389-415.

Electronic reference

Éric Dose, Pascale Desrumaux and Guadalupe Manzano Garcia, “L’alternance travail-études : impacts de l’estime de soi et de l’auto-efficacité sur la santé psychologique via le sens du travail”L'orientation scolaire et professionnelle [Online], 50/3 | 2021, Online since 01 September 2023, connection on 09 November 2025. URL: http://journals.openedition.org/osp/14453; DOI: https://doi.org/10.4000/osp.14453

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About the authors

Éric Dose

PhD, Maître de conférences, Équipe Sujets, sociétés, territoires, temporalités (2S2T), Université Catholique de l’Ouest, Niort. Univ. Lille, ULR 4072 - PSITEC -Psychologie : Interactions, Temps, Émotions, Cognition, F-59000 Lille, France.
Thèmes de recherche : qualité de vie au travail, bien-être, succès de carrière, auto-efficacité, estime de soi. eric.dose@outlook.com

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Pascale Desrumaux

Professeure Psychologie du travail et des organisations, Univ. Lille, ULR 4072 - PSITEC - Psychologie : Interactions, Temps, Émotions, Cognition, F-59000 Lille, France.
Thèmes de recherche : RPS, harcèlement, burnout, bien-être, engagement. pascale.desrumaux@univ-lille.fr

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Guadalupe Manzano Garcia

PhD, Maîtresse de conférence en psychologie sociale, Département des sciences de l’éducation, La Rioja Université, Espagne.
Thèmes de recherche : burnout, well-being. guadalupe.manzano@unirioja.es

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