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Stratégie des élèves à l’entrée dans l’enseignement supérieur : les apports de l’enquête Transition du Secondaire au Supérieur 2019 à la problématique de l’engorgement

Students’ strategy for entering higher education: Contributions of the Transition from Secondary to Higher Education 2019 survey to the problem of glutting
Magali Jaoul-Grammare
p. 77 – 108

Abstracts

According to the theory of glutting, the choice of courses in higher education depends on the expected wages and the opportunities in the corresponding professional sectors. As all individuals reason in the same way, an imbalance may result within the higher education sectors, with some being saturated while others face a shortage of students.

The consequences of these behaviours on the evolution of enrolment in higher education streams have been verified econometrically and an initial experiment seems to confirm the theoretical model by revealing a sensitivity to the gain and the number of places available when making orientation choices.

As an extension, the TSS survey will provide a better understanding of students’ strategies for entering higher education and the impact of these strategies on their motivations at the time of formulating their wishes on the Parcoursup platform.

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Author's notes

JEL Codes: C91, I26, N3

Full text

Introduction

1Les facteurs influençant les choix d’études ont fait l’objet de nombreuses analyses tant sur le plan économique (Hoxby, 2003) que sociologique (Boudon, 1973 ; Duru-Bellat, 2003). La stratégie d’orientation est un processus de long terme qui tout au long du parcours scolaire confronte les individus et leurs familles à des choix impliquant des arbitrages coût/avantage en termes de rendement des études (Botelho & Costa-Pinto, 2004 ; Cameron & Heckman, 2001 ; Wolter, 2000), des arbitrages entre établissements (Desjardins & al., 1999 ; Hossler et al., 1989 ; Kane, 1995 ; Rouse, 1998 ; Weiler, 1994) mais également intra-établissement (Coleman, 1966 ; Felouzis & Perroton, 2009 ; Garcia et al., 2009 ; Goux & Maurin, 2007 ; Manzo, 2007, 2009 ; Van Zanten, 2001). Ces choix sont, tout au long du parcours scolaire, modelés par le sentiment de réussite/compétences (Demeulemeester & Rochat, 2001 ; Heckman & Li, 2004 ; Montmarquette et al., 1998) mais aussi par le sentiment d’ascension sociale (Easterlin, 1995 ; Fershtman & Weiss, 1993 ; Page, 2005 ; Stallman et al., 1993). Au-delà des effets classiques en termes de rendement du capital humain ou d’arbitrages cout/bénéfice de l’éducation, une importance particulière a été accordée aux transferts des connaissances intra-familiales ou encore aux soft skills. Keane et Wolpin (2001) tout comme Carneiro et Heckman (2002) soulignent notamment que c’est plus la nature des transferts entre parents et enfants (soutien scolaire par exemple) qu’une éventuelle contrainte d’endettement, qui expliquerait l’inscription d’une part, et la réussite universitaire d’autre part. Heckman et ses co-auteurs (Cameron & Heckman, 2001 ; Carneiro & Heckman, 2002 ; Heckman, 2000 ; Heckman & Kautz, 2012 ; Heckman & Li, 2004 ; Heckman & Rubinstein, 2001 ; Heckman et al., 2014) soulignent également l’importance des compétences cognitives et non cognitives dans la réussite économique et sociale, ainsi que l’importance des institutions académiques formelles, des familles et des entreprises comme sources d’apprentissage.

2Plusieurs auteurs considèrent qu’à l’entrée dans l’enseignement supérieur, l’influence du marché du travail est également déterminante. Cet aspect a notamment été développé dans les modèles d’attraction du marché du travail (Freeman, 1971) ou encore dans le modèle de l’engorgement (Diebolt, 2001). Selon ce modèle, deux éléments deviennent essentiels lors des choix d’orientation dans le supérieur : l’évolution des salaires espérés et l’évolution des opportunités d’emploi sur le marché du travail. Au-delà de ces deux facteurs principaux, la littérature en économie de l’éducation suggère divers facteurs combinant leurs effets et intervenant sur les comportements individuels. Globalement, ces éléments s’opposent selon divers critères : le comportement plus ou moins rationnel (rentabilité objective, coût du diplôme), le comportement plus ou moins risqué (milieu social, conjoncture économique, coût des études) et le sentiment de réussite (présence des pairs, rentabilité subjective, sentiment d’aptitude, auto-sélection, capacités, réussite scolaire). Ils différent également selon les caractéristiques personnelles des élèves : leur sexe et leur milieu social.

3De précédents travaux (Jaoul-Grammare, 2004, 2014) ont permis de mettre en évidence les conséquences macroéconomiques – notamment sur l’offre d’enseignement supérieur – de ces comportements. Du point de vue microéconomique, une première expérimentation (Diebolt & Jaoul-Grammare, 2019) révèle une sensibilité des individus au gain et au nombre de places disponibles au moment des choix d’orientation. Toutefois, ces résultats reposent sur des données de laboratoire et non sur des données réelles. L’exploitation de l’enquête Transition du Secondaire au Supérieur 2019 (TSS2019) va nous permettre de pallier ces problèmes.

4En prolongement de nos précédents travaux, l’objectif est d’analyser les décisions des élèves au moment de la formulation de leurs vœux dans la plateforme Parcoursup. En référence au modèle d’engorgement, il s’agira notamment d’exploiter les questions relatives aux raisons motivant le choix mais également celles relatives au comportement des individus afin de mieux saisir leurs stratégies de choix d’études. Nous rappellerons dans un premier temps le phénomène d’engorgement et les éléments entrant dans la décision des individus en matière de choix d’études. Nous présenterons ensuite les données utilisées et la méthodologie. Enfin, la dernière partie détaillera les résultats.

Les facteurs de choix d’études

5Les facteurs de choix d’études ont fait l’objet d’études des économistes (Hoxby, 2003) mais également des autres sciences humaines (Fox & Buchanan, 2017). Nous nous intéressons plus spécifiquement ici aux modèles s’articulant autour de la notion d’attraction du marché du travail (Diebolt, 2001 ; Freeman, 1971). L’objectif de l’étude empirique menée dans ce travail a pour objectif d’analyser la théorie de l’engorgement (Diebolt, 2001).

6Freeman (1971, 1975, 1976) est le premier à mettre en relation la situation sur le marché du travail et les décisions individuelles d’investissement éducatif par un modèle « cobweb » dans lequel le rendement des études et l’offre sur le marché du travail ont un rôle essentiel.

7L’analyse du phénomène d’engorgement des filières de formation est issue d’un programme de recherche développé par Diebolt depuis les années 1990, à la fois du point de vue théorique (Diebolt, 2001) mais également empirique (Diebolt & El-Murr, 2003, 2004a, 2004b ; Diebolt & Jaoul-Grammare, 2019).

8L’originalité de la théorie de l’engorgement (Diebolt, 2001) est qu’elle est fondée sur des éléments microéconomiques afin d’analyser des effets macroéconomiques. Elle analyse les conséquences macroéconomiques en termes d’évolution de l’offre de formation supérieure (saturation/pénurie des filières de formation) des comportements microéconomiques de choix d’orientation. Dans ce modèle, les conditions sur le marché du travail – salaires et places disponibles – déterminent les comportements et stratégies individuelles d’orientation qui elles-mêmes conditionnent l’évolution des effectifs dans les diverses formations du supérieur. Ainsi, les décisions dépendent de l’attraction exercée par le marché du travail via les salaires et les places disponibles. Lorsqu’un secteur est attractif en termes de salaire relatif ou de débouchés professionnels, la filière de formation correspondante attire des élèves : tous les individus raisonnant de manière identique, cela crée un phénomène d’engorgement dans ladite filière et une pénurie dans une filière concurrente. Ce phénomène se propage ensuite au marché du travail (salaires relatifs moins attractifs, moins de débouchés) jusqu’à ce qu’un autre secteur devienne à son tour attractif impliquant une modification des décisions des individus et un nouveau déséquilibre.

9Afin de modéliser ces phénomènes, l’auteur a développé avec ses coauteurs, au début des années 2000 (Diebolt & El-Murr, 2003, 2004a, 2004b) un modèle d’équilibre partiel d’économie de l’éducation et du travail, en situation de concurrence parfaite et de rationalité des agents. En s’appuyant sur une formalisation translog et des calculs d’élasticités, il estime un système d’équations avec des contraintes sur les paramètres grâce à une régression multivariée, puis calcule les élasticités croisées nettes entre filières et professions. Les résultats obtenus montrent qu’en fonction de la disponibilité de travail et de l’évolution des salaires, il existe une cyclicité de la répartition des étudiants dans les diverses facultés modélisables sous forme d’un modèle cobweb (Diebolt & El-Murr, 2004a, 2004b).

Figure 1 - Le phénomène de l’engorgement
Figure 1 - The phenomenon of glutting

Figure 1 - Le phénomène de l’engorgement Figure 1 - The phenomenon of glutting

10Diverses études empiriques sur données allemandes et françaises (Diebolt & El-Murr, 2003, 2004a, 2004b ; Jaoul, 2004 ; Jaoul-Grammare, 2014) confirment les conséquences macroéconomiques de ces comportements individuels de choix d’études : à partir des données d’inscription à l’université sur longue période en France, nous avons montré que la baisse (hausse) des effectifs en faculté de droit s’accompagne d’une hausse (baisse) des effectifs en faculté de médecine : nous avons également souligné une relation de complémentarité entre l’évolution des salaires d’une profession et les effectifs de la filière associée dans le sens où une hausse (baisse) des salaires des avocats s’accompagne d’une hausse (baisse) des effectifs en faculté de droit.

11Au-delà des salaires et des débouchés professionnels, la prise de décision des élèves dépend d’autres éléments comme leur rationalité, leur aversion au risque ou encore leur sentiment de réussite. Diverses études ont également mis en évidence que l’impact de ces éléments était différencié selon les caractéristiques personnelles des individus notamment leur sexe et leur origine sociale.

  • 1 « Nous sommes néanmoins conscients que l’incertitude, le risque et l’information imparfaite (l’illu (...)
  • 2 Les individus ayant des anticipations adaptatives font leur choix en tenant compte des erreurs du p (...)
  • 3 Les individus ayant des anticipations statiques établissent leur choix en considérant que les varia (...)

12De manière générale, on considère que les individus adoptent un comportement rationnel dans leur choix d’études. Dans le modèle d’engorgement, l’auteur est toutefois conscient de l’aspect restrictif de cette rationalité parfaite des individus1. En effet, il considère que ces derniers ne tiennent pas compte du comportement des autres dans leur prise de décision, ce qui implique le phénomène de saturation. Pourtant cet aspect est discutable notamment si l’on tient compte du sexe, les filles ayant des anticipations plutôt adaptatives2 et les garçons des anticipations plutôt statiques3 (Demeulemeester, 1994).

13De même, filles et garçons n’adoptent pas la même attitude face au risque (Eckel & Grossman, 2008 ; Halek & Eisenhauer, 2001) ou vis-à-vis de leur niveau d’aspiration (Bugeja-Bloch & Couto, 2018 ; Gneezy et al., 2003 ; Page et al., 2007).

14Enfin, il existe également un comportement de choix d’études socialement différencié (Belghith et al., 2019 ; Cameron & Heckman, 2001 ; Duru-Bellat, 2003 ; Jaoul-Grammare & Nakhili, 2010) : en fonction de leur sensibilité au risque, tout au long du parcours scolaire, les individus et leurs familles arbitrent entre les diverses options possibles selon une comparaison coût/avantage ; ceci aboutit à une auto-sélection socialement différenciée aux diverses bifurcations du parcours scolaire.

  • 4 Cette étude a été menée en laboratoire selon une méthodologie d’économie expérimentale. Elle porte (...)
  • 5 En effet, dans le modèle d’engorgement, Diebolt (2001) montre que l’effet d’attraction des filières (...)

15Autant d’éléments que nous allons essayer de prendre en compte dans notre analyse afin de mieux comprendre les stratégies des élèves. En effet, nos premières investigations en laboratoire4 ont permis de mettre en évidence plusieurs résultats. Les individus interrogés dans l’expérimentation (Diebolt & Jaoul-Grammare, 2019) indiquent tenir compte du risque (débouchés) et du gain (salaire espéré) lors de leur choix confirmant le modèle théorique de l’engorgement. S’il apparaît un comportement différencié selon le sexe, l’origine sociale en revanche ne semble pas être déterminante dans les comportements de choix remettant ici partiellement en cause les prévisions du modèle d’engorgement5. Les élèves insistent également sur le fait qu’ils sont sensibles au comportement des autres et tentent d’y adapter leurs décisions remettant en cause la rationalité limitée supposée par le modèle théorique ; enfin, ils énoncent clairement un goût pour les matières enseignées lors de leur choix d’orientation.

16Dans la suite de notre analyse, nous nous intéressons plus particulièrement à trois aspects. Tout d’abord, nous analyserons quelles sont les motivations déterminant les choix d’orientation afin de les confronter aux prévisions du modèle théorique. Dans un second temps, nous analyserons comment les comportements des individus – prudent, risqué – peuvent nuancer les stratégies d’orientation. Enfin, nous étudierons comment les facteurs individuels – notamment le sexe et l’origine sociale – peuvent influencer les comportements d’une part et les stratégies d’autre part lors des choix d’études. Au-delà des apports concernant le modèle théorique, nous pourrons confronter les résultats obtenus aux résultats de notre expérimentation (Diebolt & JaoulGrammare, 2019).

Méthodologie

17À la rentrée 2018, suite à la loi Orientation et Réussite Étudiante, la plateforme Parcoursup a remplacé le dispositif Admission Post Bac. L’objectif était de permettre aux lycéens et aux lycéennes de faire « des choix libres, informés et réfléchis » (MEN, 2018, p. 12) en effectuant des vœux non hiérarchisés, non contraints et en supprimant le système de tirage au sort.

Données

  • 6 Bien que le taux de retour soit relativement faible (15,4 %), le redressement et la pondération de (...)

18L’enquête TSS2019 est une enquête nationale sur la transition du secondaire au supérieur menée par l’Observatoire national de la Vie Étudiante (OVE) au printemps 2019 sur 29 173 individus inscrits pour la première fois dans l’enseignement supérieur français en 2018-2019. Cette enquête porte sur les choix d’orientation et la motivation de ces choix au moment de l’accès à l’enseignement supérieur. Il s’agit notamment de les interroger sur la façon dont ils ont appréhendé le processus Parcoursup. L’échantillon final est composé de 4 482 questionnaires exploitables, redressés en fonction de l’âge, le baccalauréat, la filière, la nationalité, la région d’études et le sexe6. Cet échantillon de 4 482 primo inscrits (soit un échantillon de 385 566 personnes en effectifs pondérés) se compose de 55 % de filles et 10 % d’individus étrangers. Au-delà des questions concernant l’orientation, l’enquête renseigne sur les caractéristiques personnelles des individus (sexe, âge, origine sociale, nationalité, scolarité). Notre analyse porte plus particulièrement sur trois questions de l’enquête TSS2019 à partir desquelles nous allons pouvoir respectivement analyser les comportements et les motivations des élèves lors de leur choix d’études.

19La première question qui nous intéresse est la suivante : « Sur la plateforme Parcoursup, avez-vous fait au moins un choix de formation que vous ne souhaitiez pas vraiment pour être sûr d’avoir quelque chose ? » (Question Q62A ; Réponse : non / oui).

20Cette question va nous permettre de mesurer un comportement prudent de la part des individus. On peut en effet considérer qu’un élève ayant ce comportement, cherche à « assurer ses arrières ». Cette question peut donc être assimilée à un proxy de la prudence.

21La seconde question qui nous intéresse pour évaluer les comportements des individus est : « Sur la plateforme Parcoursup, avez-vous fait au moins un choix de formation que vous souhaitiez vraiment mais pour lequel vous pensiez avoir peu de chance d’être accepté (vous avez « tenté votre chance ») ? » (Question Q62B ; Réponse : non / oui).

22On considère que les individus répondant « oui » à cette question révèlent un comportement « audacieux ». Face à une orientation qu’ils souhaitent vraiment, ils osent, peu importe les débouchés ; ces individus sont déterminés face à un projet professionnel et tentent leur chance pour y parvenir malgré les difficultés.

23Cette question, associée à un comportement « non prudent » permet de mesurer un comportement risqué de la part des individus. On peut en effet considérer qu’un élève qui adopte un comportement audacieux en tentant sa chance dans une formation pour laquelle il a peu de chances d’être accepté et qui en même temps ne fait pas d’autre choix « prudent », adopte un comportement risqué dans le sens où il peut se retrouver avec aucune proposition.

24Il apparaît ainsi que 15 % des élèves adoptent un comportement risqué : ils tentent leur chance dans des filières où ils ont peu de chance d’être acceptés et parallèlement, ne font pas d’autre choix prudent. On note également que seulement 13,6 % des individus ne sont ni prudents ni audacieux, autrement dit, la majorité d’entre eux adopte une stratégie de prudence ou d’audace au moment d’effectuer les vœux d’orientation (Tableau 1). En revanche, une majorité des individus sont rationnels : 71,4 % des élèves interrogés ont un comportement prudent et 85 % ont un comportement non risqué.

25Enfin, un pourcentage significatif d’individus montre un comportement non rationnel mais sans pour autant entrer dans les prédictions du modèle de l’engorgement : ainsi en déclarant faire un choix audacieux, 70,4 % des élèves ont un comportement non rationnel et contraire à la prévision du modèle théorique dans le sens où ni les débouchés, ni les salaires espérés motivent leur choix. Il en est de même pour les 15 % adoptant un comportement risqué. Il semblerait ainsi que les comportements plus ou moins risqués d’une part et plus ou moins rationnels d’autre part viennent nuancer les prédictions du modèle d’engorgement.

Tableau 1 - Stratégies de comportements ( %)
Table 1 - Behavioural strategies ( %)

Stratégies

Non Audacieux

Audacieux

Total

Non Prudent

13,6

15,0*

28.6

Prudent

16,0

55,4

71.4

Total

29,6

70,4

100.0

*Lecture : 15 % des individus adoptent un comportement risqué au moment des vœux dans Parcoursup.

26La dernière question intéressante pour notre analyse concerne les motivations lors des trois premiers choix : « Quelle est la principale raison qui a motivé votre 1er choix (le plus souhaité ; le 2e le plus souhaité ; le 3e le plus souhaité) ? » (Questions Q64A-B-C). Quatorze raisons sont proposées. Quel que soit le choix considéré, trois raisons principales sont évoquées (Figure 2) : l’intérêt pour le contenu des études ; les débouchés attendus du diplôme auquel cette filière mène ; le projet professionnel.

27Seule une petite part des élèves – entre 10 % et 12 % selon le choix 1-2 ou 3 – déclarent que la principale raison ayant motivé leur choix sont les débouchés associés à la filière de formation. Le poids des individus obéissant au modèle théorique est donc relativement faible.

28Dans la suite de l’analyse, nous nous intéresserons plus particulièrement à la raison « débouchés » qui a une place essentielle dans le modèle théorique. Ainsi, nous construisons une variable « Débouché », binaire qui prend la valeur 1 si l’individu fait ses choix en fonction des débouchés et 0 sinon. Malheureusement, le questionnaire ne permet pas d’analyser l’éventuelle attraction des salaires. Nous concentrerons donc notre analyse sur la raison « débouchés » uniquement.

29Notre analyse portera principalement sur le premier choix. En effet, d’une part lors du deuxième et du troisième choix, il y a un nombre important de non répondants (respectivement 738 et 1 354) et d’autre part, les proportions ne sont pas significativement différentes entre les 3 choix.

Figure 2 - Les raisons des choix d’orientation ( %)
Figure 2 - Reasons for school choices ( %)

Figure 2 - Les raisons des choix d’orientation ( %) Figure 2 - Reasons for school choices ( %)

30Afin d’analyser les comportements risqué et prudent et les raisons qui motivent le premier choix d’orientation, nous utilisons diverses variables disponibles au sein de la base (Voir annexe 1). Il s’agit de variables personnelles (sexe, âge), de variables concernant le parcours scolaire des individus (type de bac, mention au bac, redoublement), l’origine sociale et culturelle des individus (niveau d’études des parents, profession des parents, parents enseignants, nationalité des parents) mais également de variables concernant la formulation des vœux (nombre de choix effectués, assistance au moment de la formulation des vœux). Si certaines variables sont issues directement de la base, d’autres ont été construites.

31Le niveau d’études des parents tient compte à la fois du niveau d’études du père et de la mère, le niveau d’études de la mère ayant un impact significatif sur la réussite notamment des filles (Lafontaine et al., 2012 ; Place & Vincent, 2009). De manière similaire, on tient compte de la Profession et Catégorie Sociale (PCS) du père et de celle de la mère, car il existe un impact différent des professions des parents. Dans le cas du parcours scolaire, la PCS de la mère a tendance à impacter la réussite alors que celle du père influence l’orientation ; de même, l’impact de la PCS du père ou de la mère varie selon le sexe de l’individu, la PCS du père étant plus favorable aux garçons et celle de la mère étant plus favorable aux filles (Boumahdi & Lemistre, 2007). Dans le cas de l’insertion professionnelle, la PCS du père et de la mère agissent également de manière différente (Gary-Bobo et al., 2006). On s’intéressera également aux stratégies des enfants d’enseignants, ces derniers ayant une réussite scolaire comparable aux enfants issus de catégorie sociale supérieure (Van Zanten, 2018).

  • 7 Variable construite par l’auteur

32L’origine culturelle7 est construite à partir de la nationalité des parents et permet de distinguer le cas où seul un des deux parents est étranger et le cas où les deux parents sont étrangers. L’âge des individus est considéré sous forme continue : le plus jeune individu interrogé a 15 ans et le plus vieux, 66 ans : l’âge moyen de notre échantillon est de 18,6 ans (Voir annexe 2).

Méthode d’analyse

33L’objectif de ce travail est d’étudier les stratégies et comportements des élèves au moment de leur choix dans la plateforme Parcoursup. Pour cela, nous estimons plusieurs modèles logistiques binaires.

34Nous estimons la probabilité d’adopter un comportement prudent et la probabilité d’adopter un comportement risqué mais également la probabilité de faire un choix n° 1 en raison de la présence de débouchés. Pour ces régressions, nous estimons les probabilités en fonction des caractéristiques individuelles et de variables de contrôle concernant la scolarité. Pour la dernière, nous analyserons également l’influence des divers comportements.

Résultats

Tris croisés et relations entre variables

35Parmi les variables retenues, certaines tentent de capter des phénomènes proches. Ainsi, la PCS des parents et le fait d’être boursier donnent des indications quant à l’origine sociale des élèves. Ces variables sont en effet corrélées (Figure 3) et seront également introduites de manière croisée dans nos estimations. On constate également une liaison entre le type de bacheliers et la détention d’une bourse (Figure 4) ; toutefois, selon le type de bac considéré, les différences entre boursier et non boursier ne sont pas significatives (ex : bac pro).

Figure 3 - Relation entre la PCS des parents et le statut de boursier (X² significatif à 1 %)
Figure 3 - Relationship between parents’ occupation and scholarship status (X² significant at 1 %)

Figure 3 - Relation entre la PCS des parents et le statut de boursier (X² significatif à 1 %)Figure 3 - Relationship between parents’ occupation and scholarship status (X² significant at 1 %)

Figure 4 - Relation entre type de baccalauréat et détention d’une bourse (X² significatif à 1 %)
Figure 4 - Relationship between type of baccalaureate and holding a scholarship (X² significant at 1 %)

Figure 4 - Relation entre type de baccalauréat et détention d’une bourse (X² significatif à 1 %)Figure 4 - Relationship between type of baccalaureate and holding a scholarship (X² significant at 1 %)

36Les tests de khi-deux révèlent une forte dépendance entre les caractéristiques individuelles et les raisons de choix d’études. De même, les comportements apparaissent fortement dépendants des caractéristiques individuelles. Enfin, choisir l’orientation selon les débouchés est également lié au comportement des individus (Tableau 2). Les différentes liaisons soulignent l’importance de tenir compte des variables désagrégées (PCS de la mère et du père) : en effet, sous forme agrégée, il n’apparaît pas de liaison entre le choix pour débouchés et l’origine sociale alors qu’en tenant compte de manière distincte de la PCS du père et de la mère, il existe une liaison statistiquement significative.

Tableau 2 - Statistiques du khi-deux entre les diverses variables (n = 385 566)
Table 2 - Chi-square statistics between the various variables (n = 385 566)

Variables

Comportement prudent

Comportement risqué

Choix n° 1 car débouchés

Sexe

854.0***

33.1***

428.4***

Parents cadres

10.12***

39.0***

NS

Le père est cadre

68.0***

409.5***

15.1***

La mère est cadre

115.4***

60.1***

115.9***

Un des parents est enseignant

39.0***

193.6***

5.6**

Un des parents a fait des études supérieures

35.7***

89.8***

74.7***

Le père a fait des études supérieures

450.2***

310.3***

62.2***

La mère a fait des études supérieures

4.1**

26.5***

65.2***

Origine culturelle

92.3***

1454.2***

152.4***

Nationalité de l’élève

574.7***

1552.9***

36.9***

Boursier

623.1***

66.8***

43.8***

Type de bac

886.2***

1299.4***

106.0***

Mention au bac

517.7***

507.1***

302.9***

Redoublement

304.2***

1580.9***

6.5**

Assistance

266.6***

529.1***

247.8***

Nombre de vœux

22575.8***

1868.3***

444.3***

Comportement prudent

-

-

557.5***

Comportement risqué

-

-

122.5***

37Dans la suite de notre analyse, on va s’intéresser à l’impact des caractéristiques individuelles sur les motivations du premier choix d’orientation et sur l’adoption des divers comportements – risqué ou prudent. Dans un second temps, nous examinons comment les divers comportements peuvent impacter la motivation de choix d’études et ainsi contrebalancer les prévisions théoriques du modèle d’engorgement.

38Pour chacun des comportements et pour les motivations du choix n° 1, nous estimons deux modèles, selon les variables explicatives prises en compte (variables simples ou croisées). Nous présentons à chaque fois les rapports de chance (odd-ratio) et les effets marginaux.

Les différences de comportement

39Si l’on s’intéresse aux comportements tout d’abord (Tableau 3), les modèles montrent que les filles adoptent un comportement plus prudent que les garçons tandis que ces derniers sont plus enclins à prendre des risques tout comme les individus plus âgés. Ce comportement différencié selon le sexe face à la prudence d’une part et au risque d’autre part, rejoint les résultats de Page et al. (2007) ou encore Halek et Eisenhauer (2001) et peut s’expliquer par les différences d’aspiration entre filles et garçons (Gneezy et al., 2003 ; Page et al., 2007), ces derniers ayant des niveaux d’aspiration plus élevés.

40En ce qui concerne l’origine sociale, la profession du père et celle de la mère, prises seules, jouent des rôles très différents : une mère cadre semble encourager à la fois un comportement prudent et risqué tandis qu’un père cadre tend à freiner ces deux types de comportements. Le fait d’être boursier tend également à encourager à plus de prudence. Lorsqu’on combine ces deux variables, on constate une échelle de la prudence dépendante de la classe sociale : plus les individus sont issus d’une classe sociale populaire moins ils sont prudents mais ils prennent également moins de risques. À noter le cas particulier des enseignants qui favorisent la prise de risque. Ceci peut s’expliquer par le lien étroit qu’ils entretiennent avec l’institution et par la culture scolaire liée à leur profession qui les conduit à adopter des choix scolaires particuliers (Van Zanten, 2018).

41Nos estimations mettent en évidence un comportement différencié selon le niveau d’études des parents : les individus dont le père est diplômé du supérieur ont une propension plus importante à ne pas prendre de risques ; a contrario, ceux dont la mère est diplômée du supérieur sont plus enclins à prendre des risques.

42La distinction d’un seul parent étranger contre deux parents étrangers souligne la plus grande prudence des individus issus de l’immigration mais paradoxalement, ils sont également plus nombreux à prendre des risques. Lorsqu’on s’intéresse à la nationalité de l’élève, les individus étrangers ont tendance à prendre plus de risques que les individus de nationalité française. Se pose ici la question de la connaissance du fonctionnement de Parcoursup.

43Au niveau des variables éducatives, si le baccalauréat détenu semble avoir un impact sur l’adoption d’un comportement prudent – les élèves titulaires d’un bac pro étant plus prudents –, la mention obtenue souligne un comportement d’autant moins risqué que les résultats sont bons. En revanche, le fait d’avoir redoublé incite à la fois à plus de prudence mais aussi à une prise de risque plus importante tandis qu’être « à l’heure » invite à la prudence.

44Enfin, les conditions dans lesquelles les élèves ont effectué leurs choix ont une influence sur les comportements : les individus qui ont bénéficié d’une assistance au cours de la formulation de leurs vœux sont relativement plus prudents. Enfin, on note une certaine rationalité dans les comportements dans le sens où le nombre de vœux formulés est en accord avec le type de comportement adopté : plus les individus font un nombre élevé de vœux, plus ils sont prudents et à l’inverse, moins ils font de vœux plus ils ont un comportement risqué.

45Les résultats obtenus ici rejoignent ceux obtenus dans le cadre de notre expérimentation : on constate un comportement différencié selon le sexe en termes de risques (Diebolt & Jaoul-Grammare, 2019).

46En revanche, le rôle de l’origine sociale demeure ambigu dans le sens où les élèves issus de milieu populaire sont à la fois prudents et preneurs de risque. Selon Diebolt (2001), l’origine sociale amène les individus les plus éloignés socialement d’une profession à utiliser la pénurie comme un ascenseur social, soulignant ainsi un double effet capital humain et capital social. Cela peut être une explication au fait que les élèves issus de milieu populaire adoptent un comportement à la fois prudent et risqué.

Tableau 3 - Facteurs individuels, comportement risqué et comportement prudent
Table 3 - Individual factors, risky behaviour and cautious behaviour

 

Comportement prudent

Comportement risqué

 

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 1

Modèle 2

Variable

Odds ratio

***

Effet marginal

Odds ratio

Effet marginal

Odds ratio

Effet marginal

Odds ratio

Effet marginal

Age

0.82

-0.04

0.81

-0.04

1.13

0.01

1.13

0.01

Femme (Réf. Homme)

1.39

0.06

1.39

0.06

0.92

-0.01

0.92

-0.01

Le père est cadre (Réf. Non cadre)

0.92

-0.02

-

-

0.81

-0.02

-

-

La mére est cadre (Réf. Non cadre)

1.10

0.02

-

-

1.26

0.03

-

-

L’élève est boursier (Réf. Non boursier)

1.45

0.07

-

-

0.77

-0.03

-

-

Un des deux parents est cadre ‒ L’élève est boursier (Réf. Un des deux parents est cadre – L’élève est non boursier)

-

-

1.70

0.09

-

-

1.07

0.01

Les parents sont non cadres ‒ L’élève est boursier (Réf. Un des deux parents est cadre – L’élève est non boursier)

-

-

1.58

0.08

-

-

0.71

-0.03

Les parents sont non cadres ‒ L’élève est non boursier (Réf. Un des deux parents est cadre – L’élève est non boursier)

-

-

1.16

0.03

-

-

NS

NS

Le père a fait des études supérieures (Réf. Non)

1.47

0.07

1.50

0.08

0.82

-0.02

0.77

-0.03

La mère a fait des études supérieures (Réf. Non)

0.81

-0.04

0.84

-0.03

1.19

0.02

1.23

0.02

Parents non enseignants (Réf. Au moins 1 des 2 est enseignant)

1.16

0.03

1.21

0.04

1.18

0.02

1.22

0.02

Les 2 parents sont étrangers (Réf. Français)

1.20

0.03

1.20

0.03

1.38

0.04

1.41

0.04

1 seul parent est étranger (Réf. Français)

1.06

0.01

1.05

**

0.01

0.95

**

-0.01

0.95

*

-0.01

Elève de nationalité étrangère (Réf. Française)

0.55

-0.13

0.55

-0.13

1.31

0.03

1.33

0.03

Baccalauréat technologique (Réf. Bac général)

1.08

0.01

1.08

0.01

0.85

-0.02

0.86

-0.02

Baccalauréat professionnel (Réf. Bac général)

1.40

0.06

1.39

0.06

NS

NS

NS

NS

Autres (Réf. Bac général)

0.71

-0.07

0.71

-0.07

NS

NS

NS

NS

Mention Assez Bien (Réf. Mention passable)

0.81

-0.04

0.81

-0.04

0.96

0.00

0.97

**

0.00

Mention Bien (Réf. Mention passable)

0.70

-0.07

0.71

-0.07

0.95

-0.01

0.95

-0.01

Mention Très Bien (Réf. Mention passable)

0.92

-0.02

0.94

-0.01

0.78

-0.03

0.77

-0.03

Redoublement (Réf. En avance)

1.33

0.05

1.34

0.05

1.19

0.02

1.17

0.02

A l'heure (Réf. En avance)

1.25

0.04

1.26

0.04

0.90

-0.01

0.89

-0.01

Assisté au moment des choix (Réf. Non assisté)

1.07

0.01

1.07

0.01

0.85

-0.02

0.84

-0.02

Entre 4 et 9 vœux (Réf. 10 vœux, toute la liste)

1.09

0.02

1.08

0.02

0.77

-0.03

0.78

-0.03

2 ou 3 vœux (Réf. 10 vœux, toute la liste)

0.43

-0.17

0.43

-0.17

0.86

-0.02

0.86

-0.02

Un seul vœu (Réf. 10 vœux, toute la liste)

0.07

-0.59

0.07

-0.59

1.84

0.08

1.87

0.08

Nb observations

3054

3065

ROC

0.685

0.687

0.613

0.606

Tous les coefficients sont significatifs à 1 % exceptés ceux pour lesquels il y a ** et * qui sont significatifs respectivement à 5 % et 10 %. NS = non significatif
Lecture 0.07 : les élèves boursiers ont 7 % de chance supplémentaires d’adopter un comportement prudent par rapport aux élèves non boursiers.

Les choix d’études selon les débouchés

47Le choix d’études en raison de débouchés apparaît comme un argument plus avancé par les garçons et les individus plus jeunes (Tableau 4). En effet, pour les filles, le projet professionnel est la principale raison motivant le choix relativement aux autres raisons de choix possibles (Annexe 3). De manière générale, les filles associent en effet un projet professionnel à un projet de vie, ce qui contraint leur choix d’études (Duru-Bellat, 2004).

48Pour le milieu d’origine, les débouchés semblent un argument moins prégnant pour les individus boursiers ou pour ceux dont la mère est cadre. Ceci nuance quelque peu les hypothèses émises dans le modèle de l’engorgement selon lequel les individus issus des milieux les plus modestes utilisent leur choix d’études comme un moyen d’ascension sociale. En revanche, les individus dont le père ou la mère sont diplômés du supérieur sont plus sensibles à la présence de débouchés lors de leur choix de même que les individus dont les deux parents sont étrangers, rejoignant ici la relative prudence évoquée précédemment. En revanche, il apparaît que les enfants d’enseignants sont moins sensibles à l’existence de débouchés.

49En ce qui concerne les caractéristiques scolaires, si le baccalauréat détenu ne semble pas déterminant dans les motivations des individus, la mention obtenue a une influence significative, les individus ayant la mention la plus faible (AB) étant plus sensibles à la présence de débouchés. Il en est de même pour les élèves ayant redoublé, révélant une certaine prudence dans les choix.

50Enfin, il semblerait qu’au moment d’effectuer leurs vœux dans Parcoursup, les individus assistés soient légèrement plus sensibles à la présence de débouchés et qu’ils aient un nombre de vœux en adéquation avec ce sentiment, ceux effectuant le moins de vœux étant les moins sensibles aux débouchés.

51Lorsqu’on s’intéresse à l’influence des comportements sur la sensibilité à l’existence de débouchés lors de l’élaboration des vœux dans Parcoursup, on peut voir que les individus les plus sensibles aux débouchés sont ceux adoptant un comportement prudent et les moins sensibles aux débouchés sont ceux adoptant un comportement risqué, révélant ainsi un comportement rationnel conforme aux prévisions du modèle théorique.

Tableau 4 - Les facteurs d’influence du choix d’étude selon les débouchés
Table 4 - Factors influencing the choice of study according to opportunities

 

Modèle 1

Modèle 2

Variable

Odds ratio

Effet marginal

Odds ratio

Effet marginal

Age

0.93

-0.01

0.94

-0.01

Homme

Réf.

Femme

0.75

-0.03

0.75

-0.03

Le père n’est pas cadre

Réf.

-

-

Le père est cadre

NS

NS

-

-

La mère n’est pas cadre

Réf.

-

-

La mère est cadre

0.72

-0.03

-

-

Élève non boursier

Réf.

-

-

Élève boursier

0.88

-0.01

-

-

Un des deux parents est cadres ‒ Élève non boursier

-

-

Réf.

Un des deux parents est cadres ‒ Élève boursier

-

-

0.55

-0.05

Parents Non cadres ‒ Élève boursier

-

-

NS

NS

Parents Non cadres ‒ Élève non boursier

-

-

1.04

0.00

Le père n’a pas fait d’études supérieures

Réf.

Le père a fait des études supérieures

1.09

0.01

1.09

0.01

La mère n’a pas fait d’études supérieures

Réf.

La mère a fait des études supérieures

1.10

0.01

1.05

0.00

Au moins 1 des 2 est enseignant

Réf.

Parents non enseignants

1.22

0.02

1.13

0.01

Parents français

Réf.

Les 2 parents sont étrangers

2.14

0.10

2.13

0.10

1 seul parent est étranger

0.86

-0.01

0.88

-0.01

Nationalité ‒ élève‒ française

Réf.

Nationalité ‒ élève ‒ étrangère

0.42

-0.06

0.42

-0.06

Baccalauréat général

Réf.

Baccalauréat technologique

0.92

-0.01

0.92

-0.01

Baccalauréat professionnel

0.89

-0.01

0.88

-0.01

Autres

1.96

0.08

2.00

0.09

Mention Passable ou pas de mention

Réf.

Mention Assez Bien

1.36

0.03

1.34

0.03

Mention Bien

1.12

0.01

1.11

0.01

Mention Très Bien

1.13

0.01

1.11

0.01

En Avance

Réf.

Redoublement

1.32

0.03

1.31

0.03

A l'heure

1.06*

0.01

1.06*

0.01

Non assisté au moment des choix

Réf.

Assisté au moment des choix

1.16

0.01

1.16

0.01

10 vœux (toute la liste)

Réf.

Entre 4 et 9 vœux

0.95

0.00

0.95

0.00

2 ou 3 vœux

0.85

-0.02

0.85

-0.02

Un seul vœu

0.71

-0.03

0.71

-0.03

Comportement Non Prudent

Réf.

Comportement Prudent

1.36

0.03

1.35

0.03

Comportement Non Risqué

Réf.

Comportement Risqué

0.95*

0.00

0.94**

-0.01

Nb observations

3054

ROC

0.591

0.592

Tous les coefficients sont significatifs à 1 % exceptés ceux pour lesquels il y a ** et * qui sont significatifs respectivement à 5 % et 10 %. NS= non significatif

Conclusion

52Dans le modèle de l’engorgement (Diebolt, 2001), l’auteur fait l’hypothèse que les individus prennent leur décision d’orientation en fonction des salaires espérés et des débouchés professionnels. La seconde hypothèse selon laquelle les individus prennent leurs décisions de manière rationnelle conduit au phénomène de saturation/engorgement des filières de formations.

53L’expérience menée en laboratoire (Diebolt & Jaoul-Grammare, 2019) confirme certains points du modèle théorique : les individus déclarent être sensibles au gain et au risque lors des choix d’orientation ; ils insistent également sur l’importance des débouchés dans les choix d’études. Du point de vue des caractéristiques personnelles, si l’expérience permet de confirmer une influence du sexe dans la prise de décision, l’origine sociale quant à elle, ne semble pas déterminante dans la prise de décision.

54L’exploitation de l’enquête TSS de l’OVE exploitée dans le cadre de cet article a permis d’approfondir ces résultats mais également de les nuancer. L’enquête ne permettant pas d’analyser l’éventuelle influence des salaires espérés, notre analyse s’est concentrée sur l’impact de débouchés professionnels sur les motivations lors de la formulation des vœux.

55Tout d’abord, il apparaît que le modèle d’engorgement, via les débouchés professionnels, n’explique qu’une faible partie des choix d’études, soit 14 %. Toutefois, l’analyse combinée des motivations et des comportements, montre que ce sont principalement les étudiants prudents qui sont motivés par les débouchés, confirmant ainsi le modèle théorique et une certaine rationalité des individus.

56Cependant, ce phénomène est conditionné également par le mode d’affectation des élèves au sein de Parcoursup qui n’ont plus accès de droit aux filières universitaires notamment, mais sont confrontés à un certain contingentement.

57Enfin, l’influence des caractéristiques personnelles apparaît différenciée. Ainsi, comme dans de précédents travaux, les estimations réalisées soulignent le comportement plus prudent des filles dans leurs décisions ainsi qu’une importance plus grande du projet professionnel. Contrairement aux prévisions du modèle d’engorgement, l’origine sociale ne semble pas déterminante dans les comportements de choix et notamment dans le fait d’être sensible à l’existence de débouchés au moment de l’élaboration des choix dans Parcoursup. En ce sens, le phénomène d’ascension sociale théorisé par le modèle d’engorgement n’apparaît pas de manière significative soulignant ainsi la persistance d’inégalités sociales à l’entrée dans le supérieur.

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Annex

Annexe 1 - Variables retenues

Variable

Modalités

 %

Choix1 car débouchés

non

89.9

oui

10.1

Choix2 car débouchés

non

87.4

oui

12.6

Choix3 car débouchés

non

87.1

oui

12.9

Choix prudent

Non

28.7

Oui

71.3

Choix audacieux

Non

29.4

Oui

70.6

Choix risqué

Non

85.2

Oui

14.8

Sexe

Homme

44.9

Femme

55.1

Le père est cadre

Non

72.3

Oui

27.7

La mère est cadre

Non

83.0

Oui

17.0

Parents enseignants

Non

91.5

Au moins un des deux est enseignant

8.5

Le père a fait des

études supérieures

Non

54.1

Oui

45.9

La mère a fait des études supérieures

Non

47.8

Oui

52.2

Origine culturelle

Les deux parents sont français

82.2

Un des deux parents est étranger

6.0

Les deux parents sont étrangers

11.8

Nationalité de l’élève

Française

89.9

Étrangère

10.1

Boursier du secondaire

Non

75.5

Oui

24.5

Type de bac

Baccalauréat général

75.1

Baccalauréat technologique

13.1

Baccalauréat professionnel

8.4

Autres

3.4

Mention au bac

Passable ou pas de mention

33.4

Assez Bien

29.8

Bien

21.3

Très Bien

15.5

Redoublement

Avance

4.7

redoublement

15.9

à l'heure

79.4

Assisté au moment des choix

Non

47.3

Oui

52.7

Nombre de vœux effectués

10 vœux (toute la liste)

20.2

Entre 4 et 9 vœux

44.7

2 ou 3 vœux

30.8

Un seul vœu

4.2

Annexe 2 - Statistiques descriptives relatives à la variable âge

Nb. d’observations

4 482

Minimum

15

Maximum

66

1er Quartile

18

Médiane

18

3e Quartile

18

Moyenne

18.6

Écart-type

2.7

Annexe 3 - Raisons du premier choix selon le sexe

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Notes

1 « Nous sommes néanmoins conscients que l’incertitude, le risque et l’information imparfaite (l’illusion salariale notamment) sont des facteurs essentiels de la vie socio-économique auxquels les étudiants ont à faire face au moment de leur décision d’investissement. Ils permettent, le cas échéant, de mieux comprendre la “sous optimalité” de leur choix. », Diebolt (2001).

2 Les individus ayant des anticipations adaptatives font leur choix en tenant compte des erreurs du passé et en y adaptant leur comportement.

3 Les individus ayant des anticipations statiques établissent leur choix en considérant que les variables économiques (salaires, prix) sont constantes dans le temps.

4 Cette étude a été menée en laboratoire selon une méthodologie d’économie expérimentale. Elle porte sur 52 individus et teste des comportements hypothétiques dans le cadre de décision d’orientation. Formellement, il s’agit de produire des données contrôlées afin de tester le modèle théorique de l’engorgement et plus particulièrement la sensibilité des individus au gain espéré et au risque lié à un nombre limité de places. Notre expérience est un jeu d’entrée sur le marché avec quatre joueurs et trois secteurs (marchés) qui diffèrent par les niveaux de gains et les risques associés. Le risque est lié à l’engorgement d’un secteur s’il est choisi par trop de joueurs. Nous étudions également les stratégies des individus selon leurs caractéristiques individuelles.

5 En effet, dans le modèle d’engorgement, Diebolt (2001) montre que l’effet d’attraction des filières en pénurie d’élèves agit principalement sur les individus issus de milieux sociaux les plus défavorisés qui vont utiliser la pénurie comme ascenseur social.

6 Bien que le taux de retour soit relativement faible (15,4 %), le redressement et la pondération de cet échantillon de 4 482 individus offre une base de données représentative des primo entrants dans l’enseignement supérieur en 2018-2019.

7 Variable construite par l’auteur

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List of illustrations

URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-1.jpg
File image/jpeg, 42k
Title Figure 1 - Le phénomène de l’engorgement Figure 1 - The phenomenon of glutting
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-2.jpg
File image/jpeg, 45k
Title Figure 2 - Les raisons des choix d’orientation ( %) Figure 2 - Reasons for school choices ( %)
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-3.png
File image/png, 61k
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-4.png
File image/png, 41k
Title Figure 3 - Relation entre la PCS des parents et le statut de boursier (X² significatif à 1 %)Figure 3 - Relationship between parents’ occupation and scholarship status (X² significant at 1 %)
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-5.png
File image/png, 14k
Title Figure 4 - Relation entre type de baccalauréat et détention d’une bourse (X² significatif à 1 %)Figure 4 - Relationship between type of baccalaureate and holding a scholarship (X² significant at 1 %)
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-6.png
File image/png, 14k
URL http://journals.openedition.org/osp/docannexe/image/15720/img-7.png
File image/png, 57k
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References

Bibliographical reference

Magali Jaoul-Grammare, “Stratégie des élèves à l’entrée dans l’enseignement supérieur : les apports de l’enquête Transition du Secondaire au Supérieur 2019 à la problématique de l’engorgement”L'orientation scolaire et professionnelle, 51/1 | 2022, 77 – 108.

Electronic reference

Magali Jaoul-Grammare, “Stratégie des élèves à l’entrée dans l’enseignement supérieur : les apports de l’enquête Transition du Secondaire au Supérieur 2019 à la problématique de l’engorgement”L'orientation scolaire et professionnelle [Online], 51/1 | 2022, Online since 01 March 2024, connection on 13 February 2025. URL: http://journals.openedition.org/osp/15720; DOI: https://doi.org/10.4000/osp.15720

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About the author

Magali Jaoul-Grammare

Chargée de recherche en économie, HDR, BETA-Cereq, CNRS, Université de Strasbourg
Thèmes de recherche : économie de l’éducation, accès à l’enseignement supérieur, inégalités, insertion des diplômés. jaoulgrammare@beta-cnrs.unistra.fr

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