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« Colore le monde ». Le rôle de la couleur dans le dispositif pariétal de la grotte de Combarelles I (Les Eyzies, Dordogne)

Color the world. The role of color in the parietal device of the cave of Combarelles I. (Les Eyzies, France)
Elena Paillet, Emeline Deneuve, Patrick Paillet and Catherine Cretin
p. 226-243

Abstracts

The Combarelles I cave (Les-Eyzies, Dordogne) is known for the quality of its Magdalenian engravings, a complex superimposition of horses, bison, reindeers and mammoths which covers nearly 500 m² of walls. But at the heart of this exceptional assemblage there are many colored traces, mainly black, which a poor conservation has made difficult to read.
Through the use of modern technology on images, we have carried out a new exhaustive inventory of these colored traces present all along gallery. The number of traces observed led to a general wondering on the place of this specific decoration within the engraved parietal device. We have considered different ways of « coloring »: isolated spots, drawn or mixed figurative representations... We have also observed the existence of many traces, discreet in themselves, which enhance the animal engravings. Most of them were made before the engravings and they outline the figure while emphasizing essential details to the materialization of the figure. We also noticed many linear patterns, evoking dorsal lines, like so many echoes of the many lines of engraved animals.
Through this new vision of cave art from Combarelles I, we hope to approach as best as possible the conceptual and symbolic processes of the artists, in particular through the close link with the walls and the morphology of the cavity.

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Full text

1 | Le contexte naturel et archéologique

1La grotte des Combarelles I s’ouvre à 3 kilomètres du bourg des Eyzies au fond d’un petit vallon, en rive gauche de la Beune (fig. 1). Le large porche s’ouvre vers le nord et donne accès à deux galeries indépendantes, Combarelles I et II (Aujoulat 1984 ; Barrière 1984). La grotte des Combarelles I constitue l’un des premiers sites ornés découverts en Dordogne. Son décor a été mis en évidence le 8 septembre 1901 par Denis Peyrony, Louis Capitan et Henri Breuil sur indications d’Armand Pomarel. Des articles sont rapidement mis en œuvre pour soutenir le débat en faveur de la reconnaissance de l’art pariétal paléolithique (Capitan et Breuil 1901, 1902a, 1902b, 1902c ; Cleyet-Merle 1990 ; Paillet É. 2018). Bien que les relevés réalisés par H. Breuil soient rapidement achevés, la monographie ne sera publiée qu’en 1924. Le décor, malgré son importance, est ainsi porté très tard à la connaissance du public et le site ne jouira finalement jamais d’une réputation scientifique à la hauteur de ce qu’il mérite. La grotte restera toujours dans l’ombre de sa célèbre voisine, Font-de-Gaume, distante d’un peu plus d’1 kilomètre. À la fin des années 1970, C. Barrière débute un nouveau travail de relevés et d’analyse du décor pariétal. Son étude est publiée dans plusieurs volumes des Travaux de l’Institut d’art préhistorique de l’Université de Toulouse (Barrière 1980, 1981, 1983a, 1983b, 1985 et 1987) puis rassemblée dans un volume hors-série de la revuePaleo (Barrière 1997). Ce travail monumental permet de souligner la complexité du décor et son hétérogénéité. En parallèle, plusieurs travaux sont consacrés en tout ou partie au site et mettent à leur tour en évidence certaines variations dans les modalités des représentations figuratives (humains et mammouths, notamment Archambeau M. 1984 ; Archambeau M. et C. 1986, 1991 ; Plassard 2005).

Figure 1. Situation de la grotte des Combarelles I. Carte géologique IGN et photo aérienne Géoportail. DAO É. Paillet.
Localization of the cave of Combarelles I. Geological map IGN and aerial picture Géoportail. DAO É. Paillet.

Figure 1. Situation de la grotte des Combarelles I. Carte géologique IGN et photo aérienne Géoportail. DAO É. Paillet. Localization of the cave of Combarelles I. Geological map IGN and aerial picture Géoportail. DAO É. Paillet.

2L’organisation du décor par rapport à la topographie du site constitue sans doute l’un des points les plus intéressants. Le réseau, qui s’ouvre aux dépens d’une falaise de calcaire coniacien, est creusé selon une morphologie « en baïonnette » (Barrière 1997) qui rythme naturellement les 250 mètres de galerie ornée. À la fin de l’unique couloir, le réseau se divise en deux galeries opposées. C’est à l’extrémité de l’une d’elles que le secteur Combarelles III, également orné, a été découvert en 2005 (Cleyet-Merle et al. 2016). Sur l’essentiel de son extension, Combarelles I est un réseau de dimensions modestes, entre 0,60 et 1,50 m de largeur pour une hauteur qui dépasse rarement 1,50 m. Le sol naturel, constitué par un plancher stalagmitique, a été décaissé sur plusieurs dizaines de centimètres de profondeur en 1910-1911, afin de faciliter les visites. En coupe, on peut aujourd’hui observer plusieurs planchers successifs, formés au fil des millénaires par des niveaux fluviatiles envahissants. L’absence de toute trace artistique en dessous du plancher sommital et l’absence de toute sédimentation dans le site ont longtemps conduit à le considérer comme étant le sol fréquenté par les artistes. Cependant, des travaux préliminaires menés dans le cadre de notre programme par S. Jaillet et son équipe permettent d’envisager une datation holocène pour les planchers les plus récents. Le niveau de circulation paléolithique pourrait donc être un peu plus bas que ce qui est généralement admis.

3L’humidité du réseau a entraîné la formation de dépôts calcitiques pelliculaires ou plus épais. Certains d’entre eux ont obstrué les tracés gravés et peints. Sous la calcite, la roche est de couleur beige clair. Dans la partie finale de la cavité (ou galerie profonde), elle est recouverte d’une argile de décalcification brune, qu’une calcite plus fine masque très partiellement. Ce secteur, qui n’est pas ouvert à la visite touristique, montre un contexte naturel légèrement différent du reste du réseau. Il s’agit d’ailleurs de la zone la plus investie (ou la mieux conservée ?) du point de vue symbolique et dans laquelle les traces colorées sont les plus nombreuses.

  • 1 Niveau supérieur 11380 +/-210 ans BP (LY3201) et niveau inférieur 13680 +/-210 ans BP (LY3202). Cal (...)

4Le contexte archéologique de la grotte est assez mal connu. Le matériel recueilli par E. Rivière lors de fouilles en 1892 est attribué au Paléolithique récent sans plus de précision (Rivière 1894). Une fouille de sauvetage conduite en 1973 sous la responsabilité de J.-Ph. Rigaud dans un secteur de la cavité a par contre permis de mettre en évidence deux niveaux d’occupation, datés respectivement à 11663 cal BP (10889 cal BC) pour le niveau supérieur, et 15175 ans cal BP (13950 cal BC) pour le niveau inférieur1 (Rigaud 1984). L’approche stylistique est cohérente avec la présence de ces deux ensembles archéologiques, notamment la présence de marqueurs graphiques du Magdalénien moyen (les tectiformes) et du Magdalénien supérieur (les figures féminines schématiques). La coexistence de deux ensembles ornés reste toutefois discutée, notamment parce qu’en dehors de ces marqueurs symboliques très forts, il est difficile d’attribuer les représentations animales ou les signes à l’une ou l’autre des périodes de réalisation. Toutefois, en suivant les propositions de F. Plassard (2005), nous pensons qu’il serait raisonnable de considérer les grandes frises animales qui ornent le registre principal des parois en tant que productions les plus anciennes, notamment parce qu’elles sont en relation étroite avec les tectiformes. À l’inverse, les séries qui ornent le registre inférieur, constituées pour l’essentiel d’animaux de plus petites dimensions et présentant plusieurs figures féminines schématiques, pourraient être rattachées à la seconde période. Dans ce schéma chrono-stylistique qui demeure encore très hypothétique, la quasi-totalité des traces colorées en relation avec des gravures peut être attribuée à la première phase.

2 | Le dispositif orné

5La grotte des Combarelles I mesure près de 250 m de longueur et est constituée pour l’essentiel d’un couloir unique, organisé selon une succession de coudes. Les différentes inflexions de la galerie ornée constituent autant de points topographiquement remarquables qui rythment l’espace. C. Barrière a utilisé ces coudes pour proposer une sectorisation de la cavité (secteurs I à XI) que nous utilisons à notre tour. Elle possède cependant l’inconvénient de réduire le décor à des séries d’immenses panneaux (paroi droite et gauche de chaque secteur) et ne prend pas en compte combien la topographie d’origine a pu impressionner le visiteur paléolithique, compte tenu notamment de l’exiguïté des espaces de circulation. Plutôt que des parois planes et distinctes les unes des autres, il nous semble que le décor devait être perçu par petits ensembles à 360°.

6Si les premières gravures apparaissent de manière isolée à quelques dizaines de mètres de l’entrée, l’essentiel du dispositif pariétal se déploie après les cent premiers mètres. Il atteint sa pleine densité à partir de 140 m de profondeur (secteur VI de C. Barrière). À une exception près, les traces colorées n’apparaissent qu’à partir de ce secteur VI et sont présentes jusqu’au fond du réseau. Si la progression sur une aussi grande distance est forcément compliquée, les cent premiers mètres n’étaient pas difficiles d’accès, les volumes étant assez amples. Le dispositif pariétal se densifie précisément à partir du moment où la progression devient plus difficile et exigeante, dans une galerie plus étroite où certains pendants rocheux atteignent presque le niveau du sol (fig. 2).

Figure 2. Plan de la grotte et localisation des entités colorées – D’après Aujoulat, 1984. DAO É. Deneuve et É. Paillet.
Plan of the cave and localization of colored unities – After Aujoulat, 1984. DAO É. Deneuve et É. Paillet.

Figure 2. Plan de la grotte et localisation des entités colorées – D’après Aujoulat, 1984. DAO É. Deneuve et É. Paillet. Plan of the cave and localization of colored unities – After Aujoulat, 1984. DAO É. Deneuve et É. Paillet.

7Le corpus gravé des Combarelles compte environ 530 entités graphiques (Barrière 1997). Le bestiaire est très largement dominé par les chevaux (141). Viennent ensuite les humains (55), les bovinés (42 dont 38 bisons), les mammouths (24) et les cervidés (21). Ces derniers sont représentés par des cerfs et des rennes. Enfin, le corpus comprend également quelques ours (9), des lions (3), des canidés (3) ainsi qu’une possible hyène et un mustélidé. Les signes sont au nombre de 69 dont 3 tectiformes.

8Le corpus coloré est plus faible. Dès leur première publication, en 1902, L. Capitan et H. Breuil notent une trentaine de dessins et signalent que « sur quelques figures, les traits gravés sont rehaussés d’une bande étroite de peinture noire qui parfois les remplace » (Breuil et Capitan 1902) ; 13 figures sont reproduites dans la monographie (Capitan, Breuil et Peyrony 1924). Claude Barrière identifie pour sa part 96 figures, dessins, taches ou traces de peinture (C. Barrière 1980, 1997). Nous avons pour notre part localisé 174 traces colorées.

9Au-delà de l’inventaire quasiment doublé depuis Barrière, nous nous sommes interrogés sur le lien qui pouvait exister entre la couleur et le dispositif gravé. Des observations fines sur certaines représentations nous ont convaincus que les différents modes d’expression devaient impérativement être considérés ensemble, dans une relation complémentaire à défaut d’être toujours « mixte » (Loiseau 2015 ; Man-Estier 2015).

3 | Le corpus en couleur

3.1 | Inventaire thématique des traces colorées

10Le corpus des traces colorées des Combarelles I s’élève désormais à 174 entités graphiques (155 noires, 12 rouges, 7 combinant le noir et le rouge). Leur variabilité formelle est très importante, de la petite tache isolée à l’animal complet. Il est d’ores et déjà important de ne plus considérer cette cavité simplement comme « grotte à gravures », selon le mot de H. Breuil, mais bien comme un lieu de polychromie et de techniques variées, plus ou moins à l’égal de la grotte voisine de Font-de-Gaume.

11Il va sans dire que les aménagements internes du début du siècle ont fait souffrir la cavité et que le décor pariétal n’est pas forcément bien conservé. C’est le cas des dessins et des peintures, dont une partie importante a disparu, altérée par l’érosion, recouverte par des coulées ou des voiles de calcite. Il faut sans doute imaginer un décor en couleur constitutif du dispositif pariétal, aux côtés des animaux et des signes gravés et se représenter de vastes aplats noirs, des taches rouges marquant le parcours souterrain et des lignes dorsales pour rendre compte de la réalité et de la richesse iconographique souterraine à l’époque magdalénienne (fig. 3).

Figure 3. Exemple de l’état de lisibilité des parois dans le secteur VI (entité graphique VI-20). Cliché É. Paillet).
Example of legibility state of cave walls in the sector VI (graphic entity VI-20). Picture É. Paillet).

Figure 3. Exemple de l’état de lisibilité des parois dans le secteur VI (entité graphique VI-20). Cliché É. Paillet). Example of legibility state of cave walls in the sector VI (graphic entity VI-20). Picture É. Paillet).

12Les observations micro-stratigraphiques indiquent le plus souvent une antériorité de la couleur sur les gravures. Nous envisageons dans la plupart des cas une mise en œuvre contemporaine, voire simultanée, des deux techniques, pour plusieurs raisons : une importante partie des traces colorées est située dans des endroits très précis ; elles marquent les représentations ou les complètent. De plus, les « artistes » semblent avoir respecté la peinture, en la bordant de tracés gravés mais en ne l’interrompant que rarement. L’hypothèse proposée par C. Barrière d’une phase à peinture suivie – des millénaires plus tard ? – d’une phase à gravures ne nous convainc pas. L’auteur ayant choisi de distinguer dessins et gravures, y compris dans sa publication, il n’y voyait un lien que de manière exceptionnelle. La réévaluation de ces traces en lien avec le reste de l’iconographie gravée confirme la relation qui existe souvent, bien que pas systématiquement, entre les deux techniques. Elle se répète tout au long du dispositif (fig. 4).

Figure 4. La peinture et la gravure doivent être perçues ensemble, l’exemple du faon de renne VIII-11. Relevé sur photo É. Paillet.
Painting and engraving must be seen together, example of reindeer calf VIII-11. Tracing É. Paillet.

Figure 4. La peinture et la gravure doivent être perçues ensemble, l’exemple du faon de renne VIII-11. Relevé sur photo É. Paillet. Painting and engraving must be seen together, example of reindeer calf VIII-11. Tracing É. Paillet.

3.2 | Les traces isolées ou groupées

13Première catégorie de représentations identifiées, il s’agit de taches, de ponctuations ou de tirets sans lien remarquable avec le dispositif gravé. Ces traces ne forment pas des motifs suffisamment construits ou typologiquement élaborés pour être comptées parmi les « signes ». Elles ne sont pas toujours isolées, des regroupements ont été remarqués. Nous avons comptabilisé 61 entités graphiques, dont 50 de couleur noire, 8 rouges et 3 entités associant les deux couleurs (fig. 5). Les traces véritablement isolées (18 entités) sont essentiellement des taches situées en voûte (16 cas). Les traces regroupées en 2 ou 3 ponctuations, rarement plus, sont plus nombreuses (43). Quinze de ces entités graphiques sont proches de gravures mais sans lien thématique évident. Les 46 autres sont totalement déconnectées du dispositif gravé de la grotte. Il est dès lors impossible de savoir si peintures et gravures ont été conçues ou non ensemble et par les mêmes artistes.

Figure 5. Localisation des traces isolées. DAO É. Paillet.
Localization of isolated traces. DAO É. Paillet.

Figure 5. Localisation des traces isolées. DAO É. Paillet. Localization of isolated traces. DAO É. Paillet.

14Il convient cependant de ne pas considérer cette catégorie comme anecdotique. En effet, elle correspond à plus d’un tiers du corpus. Ce n’est pas un phénomène marginal, mais bien une constante dans la décoration, présente tout au long du cheminement. Parfois, ces traces jalonnent le parcours souterrain, disposées dans certaines zones notables du point de vue topographique. C’est par exemple le cas de la tache rouge VI-41, placée au début du secteur VI, en paroi droite (fig. 6). Elle est située sur un bec rocheux remarquable, bien visible, juste après le coude de galerie.

Figure 6. Entité graphique VI-41. Relevé sur photo É. Paillet.
Graphic entity VI-41. Tracing E. Paillet.

Figure 6. Entité graphique VI-41. Relevé sur photo É. Paillet. Graphic entity VI-41. Tracing E. Paillet.

15Le fait de signaler ainsi des zones de paroi ou de voûte peut être interprété comme une forme d’appropriation symbolique du support et/ou du lieu. En cela, ce geste se rapproche d’autres comportements originaux connus sous terre, comme le fichage ou les dépôts d’objet dans des fissures, des entablements ou des recoins de paroi (Peyroux 2012). On peut questionner le statut de ces traces innombrables que l’on rencontre dans de nombreuses cavités ornées. S’agit-il d’entités graphiques à part entière et intentionnelles, dotées de fonction sémantique propre, ou de marquages rituels, symboliques ou plus simplement encore de traces moins irrationnelles ?

3.3 | Les représentations figuratives

16Cette seconde partie rassemble toutes les entités figuratives – animales ou humaines – où la couleur participe à l’élaboration graphique de l’image. Nous allons présenter successivement les représentations uniquement dessinées, très rares, les représentations en technique mixte, les gravures « marquées » et, enfin, les tracés de lignes dorsales (fig. 7).

Figure 7. Localisation des représentations figuratives : a. figures dessinées et technique mixte ; b. marquages ; c. lignes dorsales. DAO É. Paillet.
Localization of figurative images : a. drawn and mixed techniques; b. “marked” animals; c. backlines. DAO É. Paillet.

Figure 7. Localisation des représentations figuratives : a. figures dessinées et technique mixte ; b. marquages ; c. lignes dorsales. DAO É. Paillet. Localization of figurative images : a. drawn and mixed techniques; b. “marked” animals; c. backlines. DAO É. Paillet.

3.3.1 | Les représentations uniquement dessinées

17Les représentations figuratives uniquement dessinées sont extrêmement rares. Nous n’en avons identifié que trois, localisées dans le secteur X (fig. 8). Il s’agit des chevaux X-9, X-53 et de la biche X-39. Ce sont des représentations partielles, limitées à la tête ou à un corps acéphale. Les chevaux X-9 et X-53 sont assez proches de leurs congénères gravés ou gravés et peints. Sur l’animal X-9 (fig. 8a), la tête est plutôt rectangulaire et fine et la crinière est hérissée en brosse. La figure X-53 (fig. 8c) présente un corps trapu similaire aux autres chevaux du bestiaire des Combarelles. La tête de biche X-39 (fig. 8b), parfois lue comme celle d’un canidé, est plus originale. Toutefois la forme du museau, la présence probable d’un œil rond et la disposition des oreilles constituent autant d’indices formels qui assurent l’identification zoologique.

Figure 8. Représentations figuratives uniquement dessinées : a. X-9, b. X-39, c. X-53. Relevé et DAO É. Paillet.
Drawn figurative images : a. X-9, b. X-39, c. X-53. Tracing and DAO É. Paillet.

Figure 8. Représentations figuratives uniquement dessinées : a. X-9, b. X-39, c. X-53. Relevé et DAO É. Paillet. Drawn figurative images : a. X-9, b. X-39, c. X-53. Tracing and DAO É. Paillet.

3.3.2 | Les figures en technique mixte

18Les figures réalisées en technique mixte (Feruglio 1993) sont plus nombreuses. Nous en avons dénombré 11, dont 7 sûres et 4 plus douteuses. Il s’agit de 8 chevaux, 2 bouquetins et d’un mammouth. L’association entre couleur et gravure diffère d’un individu à l’autre. Par exemple, pour les représentations de chevaux (fig. 9), trois sont en réalité des juxtapositions de segments, soit dessinés, soit gravés : VI-21 (tête et encolure dessinée, corps gravé – fig. 9a) ; VI-40 (tête dessinée, corps gravé – fig. 9h) ; X-37 (corps dessiné, tête et membres gravés – fig. 9f). Les cinq autres mêlent de manière plus marquée la gravure et la peinture, mais là encore selon des modalités différentes. Pour X-14 (fig. 9c) et X-26 (fig. 9e), la mise en couleur est limitée à une seule zone anatomique (membre antérieur ou avant de la tête). Pour X-17 (fig. 9d), X-38 (fig. 9g) et X-40 (fig. 9h), ce sont bien des techniques mixtes associant gravure et dessin sur un même segment corporel. Les observations conduites sur les individus les plus complets, comme X-17 par exemple, permettent de confirmer la chronologie et les modalités opératoires de ces séquences graphiques et techniques successives et en apparence contemporaines. Il semble que ce soit le même artiste, le même individu qui ait gravé, puis peint au dessin ou en aplat, puis de nouveau gravé son motif (fig. 10). Cette chaîne opératoire en trois séquences graphiques est repérée sur plusieurs figures. Elle permet de comprendre comment la couleur a pu être exploitée, au moins dans le secteur profond de la cavité. Le trait peint ou l’aplat ne constitue pas une simple ébauche préalable à la mise en forme et en situation de l’œuvre (comme c’est parfois le cas), ni même une discrète coloration postérieure destinée à rehausser le motif, la gravure fraîche se suffisant à elle-même pour apparaître distinctement en plus clair sur le fond de la roche. Il s’agit bien d’un procédé technique visant à créer une bichromie, noire et blanche, encore appuyée par les contrastes et les effets d‘ombre et de lumière.

Figure 9. Chevaux en technique mixte : a. VI-21 (douteuse), b. VI-40 (douteuse), c. X-14 (douteuse), d. X-17, e. X-26 (douteuse), f. X-37, g. X-38, h. X-40. Relevé et DAO É. Paillet.
Mixed techniques horses a. VI-21 (doubtful), b. VI-40 (doubtful), c. X-14 (doubtful), d. X-17, e. X-26 (doubtful), f. X-37, g. X-38, h. X-40. Tracing and DAO É. Paillet.

Figure 9. Chevaux en technique mixte : a. VI-21 (douteuse), b. VI-40 (douteuse), c. X-14 (douteuse), d. X-17, e. X-26 (douteuse), f. X-37, g. X-38, h. X-40. Relevé et DAO É. Paillet. Mixed techniques horses a. VI-21 (doubtful), b. VI-40 (doubtful), c. X-14 (doubtful), d. X-17, e. X-26 (doubtful), f. X-37, g. X-38, h. X-40. Tracing and DAO É. Paillet.

Figure 10. Chronologie de réalisation du cheval X-17. Relevé et DAO É. Paillet.
Chronology of making of the horse X-17. Tracing and DAO É. Paillet.

Figure 10. Chronologie de réalisation du cheval X-17. Relevé et DAO É. Paillet. Chronology of making of the horse X-17. Tracing and DAO É. Paillet.

19Les deux bouquetins exécutés en technique mixte sont situés l’un au-dessus de l’autre, sur le même panneau (fig. 11). Ils sont logés dans une conque un peu protégée, au niveau d’un coude de galerie qui constitue le début du segment IX de C. Barrière. La bonne conservation de la peinture à cet endroit est très certainement liée à la localisation du panneau. Sur IX-10, nous remarquons à nouveau une ébauche par quelques gravures, notamment sur le ventre et le poitrail. La couleur noire est ensuite appliquée en dessin au trait sur le poitrail, la ligne ventrale, la ligne dorsale et la partie inférieure des cornes. D’autres gravures viennent enfin compléter les détails, comme le museau. Une gravure large mais peu profonde, presque en raclage, vient interrompre et délinéer la plage de couleur, notamment au début de la ligne dorsale (fig. 12).

Figure 11. Bouquetin en technique mixte IX-10. Relevé sur photo É. Paillet.
Ibex in mixed technique IX-10. Tracing É. Paillet.

Figure 11. Bouquetin en technique mixte IX-10. Relevé sur photo É. Paillet. Ibex in mixed technique IX-10. Tracing É. Paillet.

Figure 12. Détail de la chronologie de réalisation sur le bouquetin IX-10. Photo É. Paillet.
Chronology detail on ibex IX610. Picture É. Paillet.

Figure 12. Détail de la chronologie de réalisation sur le bouquetin IX-10. Photo É. Paillet. Chronology detail on ibex IX610. Picture É. Paillet.

20Le dernier animal représenté en technique mixte est le mammouth X-41 (fig. 13). Il est situé au fond du secteur X, le plus « coloré » de la grotte, juste après le panneau des chevaux X-37, X-38 et X-40 (fig. 9). Cette zone abrite un ensemble graphique majeur de la cavité. Le mammouth est entièrement gravé. On reconnaît sa silhouette massive, très légèrement portée vers l’avant. Ses membres sont détaillés, comme la trompe et les défenses. La figure est complétée par un treillis de nombreuses hachures verticales en lieu et place de l’abondant pelage de l’animal. Au demeurant, il semble bien qu’une partie de ce pelage peut être partagée avec un autre animal, le cheval gravé XD-163 de C. Barrière, qui lui est presque entièrement superposé. La couleur noire est présente sous forme de légères ponctuations au niveau de la tête, sur l’œil et le long de la trompe, ainsi qu’à l’extrémité des membres et, plus discrètement, sur le flanc.

Figure 13.Mammouth X-41. Relevé sur photo P. Paillet.
Mammoth X-41. Tracing P. Paillet.

Figure 13.Mammouth X-41. Relevé sur photo P. Paillet.Mammoth X-41. Tracing P. Paillet.

21Le mammouth X-41 gravé peint a pour particularité de ne présenter que des gravures postérieures à la peinture. On peut donc supposer dans le cas présent une utilisation de la couleur comme élément de l’ébauche et du positionnement. Cette lecture et ce constat s’appuient sur le fait que les traits peints constituent la limite antérieure de l’animal (le tracé de la trompe), les limites inférieures du corps ‘la sole des pieds) et l’œil : autant d’éléments corporels importants pour esquisser l’animal de manière proportionnée. Il n’est pas inutile non plus de rappeler que ce mammouth est, comme les figures qui lui sont proches, placé dans une galerie étroite et très basse, n’offrant que très peu de recul.

3.3.3 | Les figures « marquées »

22Cette nouvelle catégorie rassemble 51 entités graphiques sûres et 13 vraisemblables (fig. 7b). La notion de marquage doit être comprise dans l’originalité du lien entre figure gravée et traces colorées. Prises seules, ces dernières sont, comme ailleurs, des points, des traits, parfois des taches évoquant plutôt des mouchetures que de véritables tracés. Le motif est presque toujours noir (61), exceptionnellement noir et rouge (3). L’intérêt est que ces traces viennent s’appuyer sur les représentations animales, selon des modalités répétitives. Les animaux « marqués » les plus représentés sont les chevaux (38 individus), suivis des cervidés (10), des bisons (7), puis des mammouths (5), bouquetins (3), félins (2) et indéterminés (1). Deux vulves gravées pourraient également être concernées.

23L’ordre de fréquence présenté ci-dessus correspond globalement au corpus général du bestiaire gravé de la cavité. On serait donc en peine de mettre en évidence un choix particulier d’une espèce animale affectée par ces marquages. En revanche la comparaison entre corpus gravé et marquage rend compte du pourcentage parfois très important des animaux marqués par rapport à l’ensemble des espèces représentées. Ainsi ce sont 27 % des chevaux qui sont marqués, la moitié des cervidés, 18 % des bisons, 21 % des mammouths et un tiers des bouquetins.

24Les zones préférentiellement marquées sont le dos et la tête. Cependant, l’ensemble des parties anatomiques des animaux est concerné dans des proportions diverses (fig. 14 et fig. 15). Le lien entre la trace colorée et le motif gravé est également varié. La couleur a parfois été appliquée à l’intérieur de la forme animale (sur le flanc ou la joue par exemple). Dans la plupart des cas, elle en marque les contours, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la ligne gravée. Régulièrement, la couleur est à la fois à l’intérieur du corps animal et sur son contour (fig. 16). Il ne s’agit pas d’un véritable tracé de contour net et précis, mais plutôt d’un accompagnement de la gravure par la couleur.

Figure 14. Exemple de figures « marquées » : a.VI-68 et VI-69, b. VIII-2, c. X-12, d. VIII-11, e. VI-64 et VI-65. Relevé et DAO É. Paillet.
Examples of marked figures : a.VI-68 et VI-69, b. VIII-2, c. X-12, d. VIII-11, e. VI-64 et VI-65. Tracing and DAO É. Paillet.

Figure 14. Exemple de figures « marquées » : a.VI-68 et VI-69, b. VIII-2, c. X-12, d. VIII-11, e. VI-64 et VI-65. Relevé et DAO É. Paillet. Examples of marked figures : a.VI-68 et VI-69, b. VIII-2, c. X-12, d. VIII-11, e. VI-64 et VI-65. Tracing and DAO É. Paillet.

Figure 15. Localisation des zones anatomiques « marquées », exemple des chevaux. Dessin et DAO P. Paillet.
Location of « marked » anatomical places, example of horses. Drawing and DAO P. Paillet.

Figure 15. Localisation des zones anatomiques « marquées », exemple des chevaux. Dessin et DAO P. Paillet. Location of « marked » anatomical places, example of horses. Drawing and DAO P. Paillet.

Figure 16. Détail de la tête du cheval VI-20 : la couleur est localisée le long du contour mandibulaire de l’animal, sous la gravure. Photo É. Paillet.
Detail of the horse VI-20 head: the color is localized along the mandibular contour, below the engraving. Picture É. Paillet.

Figure 16. Détail de la tête du cheval VI-20 : la couleur est localisée le long du contour mandibulaire de l’animal, sous la gravure. Photo É. Paillet. Detail of the horse VI-20 head: the color is localized along the mandibular contour, below the engraving. Picture É. Paillet.

25Dans les premiers temps de notre étude, nous avions émis l’hypothèse que les représentations avaient d’abord été gravées, puis peintes. C’est la localisation préférentielle des traces colorées sur certaines zones de l’animal qui nous l’avait suggéré. Nous pensions qu’il s’agissait d’une sorte de « rehaut » de couleur disposé sur l’animal pour faire ressortir certaines parties de son anatomie. Les observations conduites récemment ont modifié cette proposition. En effet, conformément à ce que C. Barrière avait déjà observé, la peinture est très majoritairement antérieure à la gravure. On peut alors proposer plusieurs scénarii. Le décor a pu être d’abord peint, peut-être de façon très spectaculaire, puis gravé. L’intervalle de temps entre les deux moments techniques de réalisation est impossible à déterminer. On pourrait être en présence de deux incursions distinctes dans le site, comme H. Breuil l’envisageait (les peintures noires correspondant pour lui à un « Aurignacien », complètement distinct du reste du décor, (Breuil et Capitan 1902). Les magdaléniens auraient gravé sur des parois altérées, ne faisant aucun cas ou presque des traces antérieures. Cependant, la récurrence d’association entre le décor peint et gravé nous conduit à invalider cette hypothèse. À l’inverse, il nous semble possible de retenir l’association volontaire entre peinture et gravure, réalisée par les mêmes individus. La peinture appliquée en premier revêtirait deux rôles. Le premier est celui de l’ébauche, destinée à aider la construction de la figure et sa mise en place sur la paroi. En effet, les zones marquées sont parfois limitées à certains appendices anatomiques (bois, crinière, attache de la queue) qui correspondent également aux limites maximales d’inscription de l’animal. Le second rôle serait celui du marquage graphique de l’animal, avant même sa réalisation gravée, peut-être destiné à mieux le faire apparaître. Dans tous les cas, être en capacité de projeter à l’avance la ou les représentations sur leur support requiert un vrai savoir-faire et une grande maîtrise artistique.

26Ce marquage graphique, qui n’exclut pas l’hypothèse de l’ébauche préalable, pourrait également recouvrir une valeur purement symbolique. Les dimensions et la morphologie de la grotte des Combarelles I sont très spécifiques et le rapport à la paroi y est presque intime. La relation établie entre l’artiste et le support sur lequel il va projeter son œuvre se trouve ici renforcée ou soulignée par cette « geste picturale ». Pour dessiner ou peindre, plus encore peut-être que pour graver, technique d’expression qui blesse le support, il faut s’appuyer sur la roche, la toucher, la caresser. Ne négligerions-nous pas trop souvent ce rapport profondément charnel qui a pu, à un moment ou un autre, s’instaurer entre l’artiste et son support ? Le temps écoulé et la conservation assez médiocre des traces colorées empêchent bien entendu d’aller plus loin dans l’interprétation de la technique employée et de son rapport à la représentation et au support. Mais l’observation de possibles tracés au doigt, sur au moins une figure (le museau du bouquetin IX-10), ainsi que l’existence dans le même secteur d’une main négative – parfait exemple de contact physique entre l’artiste et la paroi - appuient cette vision de l’art de la grotte.

27L’utilisation fréquente des reliefs est un autre élément à mettre au crédit de l’hypothèse du marquage comme témoignage de la relation physique à la roche et à la gravure. Prenons par exemple le cas du cheval gravé et « marqué » en noir VII-13, situé juste avant le virage entre les secteurs VII et VIII. Il bénéficie d’une utilisation du support remarquable. La tête s’appuie sur le bord extérieur du panneau alors que l’encolure et la ligne de dos sont indiquées par un relief en corniche. Le flanc est au contraire en creux (fig. 17 et fig. 18). L’artiste a largement tiré profit de ces reliefs suggestifs, permettant de rendre à l’animal une matérialité que la technique seule aurait pu occulter. Il a également habilement mêlé la couleur et la gravure pour parfaire sa représentation. Nos observations ont permis de montrer que le noir a été appliqué en premier, uniquement dans les zones les plus planes de la paroi, en l’occurrence au niveau de la ligne ventrale et de la queue. La gravure a ensuite été utilisée pour compléter le dessin, toujours en respectant les reliefs qui n’ont pas été modifiés, sauf sur la croupe qui est située dans une zone plane.

Figure 17. Cheval VII-13. Relevé sur photo E. Paillet (gravures d’après Barrière 1997).
Horse VII-13. Tracing É. Paillet (engravings after Barrière, 1997).

Figure 17. Cheval VII-13. Relevé sur photo E. Paillet (gravures d’après Barrière 1997). Horse VII-13. Tracing É. Paillet (engravings after Barrière, 1997).

Figure 18. Vue d’artiste de la réalisation du cheval VII-13. Dessin É. Lebrun.
Artist view of making of horse VII-13. Drawing É. Lebrun.

Figure 18. Vue d’artiste de la réalisation du cheval VII-13. Dessin É. Lebrun. Artist view of making of horse VII-13. Drawing É. Lebrun.

3.3.4 | Les lignes dorsales

28Un certain nombre de représentations oscille entre figuratif et marquage de l’animal. Dans certains cas, nous avons d’ailleurs hésité entre plusieurs catégories. Cependant, ces représentations possèdent toutes le même caractère, la même spécificité : il s’agit de longues lignes subhorizontales, généralement complétées de tracés perpendiculaires ou de motifs arrondis à une extrémité. Presque uniquement situées dans le secteur VI, sur les deux parois en vis-à-vis, ces représentations peuvent être considérées non pas comme de simples marquages, tels que nous les avons définis plus haut, mais bien comme des entités originales, que nous qualifions de « lignes dorsales ». Nous en avons dénombré 15 certaines et 10 autres possibles (fig. 7c). Elles sont toutes de couleur noire. Quatorze des 15 certaines sont associées à des représentations animales gravées : 11 chevaux, 1 bison, 1 bouquetin et 1 mammouth. Parmi les autres, 4 rennes gravés sont également complétés de tracés noirs.

29Cependant, contrairement aux animaux « marqués », ces lignes dorsales (fig. 14e) ne sont pas solidaires des gravures. Elles s’en affranchissent délibérément et sont décalées par rapport à ces dernières. Si l’on observe par exemple l’ensemble compris entre VI-19 et VI-23 (fig. 19), on remarque que les possibles têtes ou crinières noires ne correspondent pas du tout à celles des animaux gravés. Ce décalage donne l’impression de deux séries de files animales, l’une dessinée, très lacunaire (volontairement ou non ?), l’autre gravée et plus détaillée. Cette observation devient plus intéressante encore si l’on met en vis-à-vis le secteur VI de Claude Barrière, en observant en même temps les parois gauche et droite. Une première grande ligne noire en paroi gauche, sans gravure, vient inaugurer les files à venir. En face, sur la paroi droite, deux rennes progressent vers le fond de la grotte, marqués de noir et peut-être complétés par ces lignes dorsales. À gauche, la grande file de chevaux et de bisons présentée ci-dessus (fig. 19) complète le dispositif. En poursuivant la lecture, la file de chevaux entrants continue en paroi gauche alors que la disposition se modifie à droite. En effet, ce sont maintenant des individus - chevaux et bisons - toujours superposés à des tracés noirs qui viennent face à nous, disposés vers la sortie de la grotte. Ils mêlent lignes dorsales et marquages noirs plus classiques. Cette organisation, que complètent d’autres files animales gravées et soulignées de marques noires, ne semble pas due au hasard mais bien à une volonté de dédier cette zone de la cavité à un type de décor, à un thème, celui du regroupement et de la succession des animaux. Ici la couleur joue un rôle équivalent à la gravure en renforçant cette thématique.

Figure 19. Entités graphiques VI-18 à VI-23 . Plan directeur des traces colorées É. Paillet, gravures d’après Barrière 1997. Les deux frises superposées ont ici été distinguées pour faciliter la lecture.
Graphic entities VI-18 to VI-23. General plan of colored traces É. Paillet, engravings after Barrière 1997. We have separated both techniques to help reading.

Figure 19. Entités graphiques VI-18 à VI-23 . Plan directeur des traces colorées É. Paillet, gravures d’après Barrière 1997. Les deux frises superposées ont ici été distinguées pour faciliter la lecture. Graphic entities VI-18 to VI-23. General plan of colored traces É. Paillet, engravings after Barrière 1997. We have separated both techniques to help reading.

3.4 | Les signes

30La dernière catégorie d’entités peintes que nous avons recensée, les motifs abstraits, ou « signes » (fig. 20) (Sauvet 1993), concerne 10 entités certaines et 14 possibles. Les motifs considérés comme certains sont des signes construits à partir de formes géométriques graphiquement et visuellement identifiables, formant une structure typologiquement assez stable. Les signes possibles sont beaucoup plus simples, constitués de traits, de ponctuations bien marquées ou de motifs en parenthèse. Parmi les signes certains, 7 sont dessinés en noir et 3 en rouge. Il s’agit de la seule catégorie thématique où la couleur rouge semble jouer un rôle déterminant. Tous les signes possibles sont noirs.

Figure 20. Localisation des motifs abstraits. DAO É. Paillet.
Location of abstract figures. DAO É. Paillet.

Figure 20. Localisation des motifs abstraits. DAO É. Paillet. Location of abstract figures. DAO É. Paillet.

31La présence de probables tectiformes (fig. 21 f à i), possédant au moins un mât central et un côté oblique, parfois associé à un remplissage plus ou moins lisible mérite que l’on s’y arrête. En effet, bien que ce motif soit considéré comme un marqueur culturel de la grotte, il y est très peu présent. Claude Barrière n’a ainsi identifié que 3 tectiformes gravés alors qu’au moins 23 sont connus dans la grotte voisine de Font-de-Gaume (Plassard 2005). La présence de 5 tectiformes dessinés, en rouge ou en noir (VIII-3 comportant a priori 2 signes) renforce donc cette thématique globalement peu dominante aux Combarelles I.

32Enfin, la localisation des signes doit également être relevée. X-49 (fig. 21 i) constitue par exemple le dernier motif coloré de la grotte, tout au fond du secteur X, quasiment au terme du dispositif iconographique. Le quadrillage inédit IX-15 est lui placé au plafond du petit secteur IX, à proximité d’une main négative, et au-dessus d’un tectiforme gravé (fig. 21 j). Cette catégorie, bien que numériquement secondaire, semble posséder un fort rôle symbolique. Elle ne doit pas être négligée.

Figure 21. Les motifs abstraits construits : a.VI-8, b. VI-81, c. X-28, d. X-29, e. X-48, f. VII-7, g. VIII-3, h. VIII-14, i. X-49, j. IX-15. DAO É. Paillet.
Abstract constructed signs : a.VI-8, b. VI-81, c. X-28, d. X-29, e. X-48, f. VII-7, g. VIII-3, h. VIII-14, i. X-49, j. IX-15. DAO É. Paillet.

Figure 21. Les motifs abstraits construits : a.VI-8, b. VI-81, c. X-28, d. X-29, e. X-48, f. VII-7, g. VIII-3, h. VIII-14, i. X-49, j. IX-15. DAO É. Paillet. Abstract constructed signs : a.VI-8, b. VI-81, c. X-28, d. X-29, e. X-48, f. VII-7, g. VIII-3, h. VIII-14, i. X-49, j. IX-15. DAO É. Paillet.

4 | Conclusion : les rôles de la couleur dans la grotte des Combarelles I

33Les traces colorées de la grotte participent pleinement au discours symbolique général et s’inscrivent dans des liens étroits avec les gravures. Pour autant, très peu d’entre elles répondent aux critères habituels des représentations paléolithiques, distinguées habituellement en catégories figuratives, abstraites ou imaginaires, au sens de composites ou d’irréelles. Ces figures peintes sont fondamentalement partielles. Il faudrait alors leur imaginer un rôle différent de celui dévolu aux représentations plus classiques. Par la récurrence de leur emplacement, celle de leur relation, soit au dispositif gravé, soit à la paroi elle-même, il semble qu’il est possible de les considérer comme autant de témoignages de gestes dont la portée et l’intention sont largement symboliques, même s’il ne faut pas exclure dans le même temps une portée plus fonctionnelle voire technique avec l’insertion de la représentation dans un espace donné. Comme si ce n’était pas l’acte de tracer et d’exécuter ces dessins plus ou moins cursifs qui est lui-même plus important et signifiant que le résultat, qui n’entre pas toujours dans des catégories habituelles et convenues. En ébauchant l’emplacement d’une figure en noir, on ne répond pas seulement à un besoin strictement pratique : réalisées à la peinture, noire en l’occurrence, ces marques sont destinées à être vues avec le reste du décor. En traçant de longues files stylisées suggérant des silhouettes animales, on contribue par écho graphique à démultiplier un effet visuel des files d’animaux gravé. Enfin, en dessinant au doigt le museau d’un bouquetin lové dans une conque, on exprime un lien intime et tactile à la roche et on offre à la couleur un rôle symbolique, subtil et discret certes, mais bien réel.

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Notes

1 Niveau supérieur 11380 +/-210 ans BP (LY3201) et niveau inférieur 13680 +/-210 ans BP (LY3202). Calibrations à 2 σ (95,4 %) réalisées grâce au logiciel OxCal et à la courbe IntCal20 (Reimer et al. 2020).

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List of illustrations

Title Figure 1. Situation de la grotte des Combarelles I. Carte géologique IGN et photo aérienne Géoportail. DAO É. Paillet. Localization of the cave of Combarelles I. Geological map IGN and aerial picture Géoportail. DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-1.jpg
File image/jpeg, 900k
Title Figure 2. Plan de la grotte et localisation des entités colorées – D’après Aujoulat, 1984. DAO É. Deneuve et É. Paillet. Plan of the cave and localization of colored unities – After Aujoulat, 1984. DAO É. Deneuve et É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-2.jpg
File image/jpeg, 188k
Title Figure 3. Exemple de l’état de lisibilité des parois dans le secteur VI (entité graphique VI-20). Cliché É. Paillet). Example of legibility state of cave walls in the sector VI (graphic entity VI-20). Picture É. Paillet).
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-3.jpg
File image/jpeg, 664k
Title Figure 4. La peinture et la gravure doivent être perçues ensemble, l’exemple du faon de renne VIII-11. Relevé sur photo É. Paillet. Painting and engraving must be seen together, example of reindeer calf VIII-11. Tracing É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-4.jpg
File image/jpeg, 492k
Title Figure 5. Localisation des traces isolées. DAO É. Paillet. Localization of isolated traces. DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-5.jpg
File image/jpeg, 112k
Title Figure 6. Entité graphique VI-41. Relevé sur photo É. Paillet. Graphic entity VI-41. Tracing E. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-6.jpg
File image/jpeg, 664k
Title Figure 7. Localisation des représentations figuratives : a. figures dessinées et technique mixte ; b. marquages ; c. lignes dorsales. DAO É. Paillet. Localization of figurative images : a. drawn and mixed techniques; b. “marked” animals; c. backlines. DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-7.jpg
File image/jpeg, 212k
Title Figure 8. Représentations figuratives uniquement dessinées : a. X-9, b. X-39, c. X-53. Relevé et DAO É. Paillet. Drawn figurative images : a. X-9, b. X-39, c. X-53. Tracing and DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-8.jpg
File image/jpeg, 104k
Title Figure 9. Chevaux en technique mixte : a. VI-21 (douteuse), b. VI-40 (douteuse), c. X-14 (douteuse), d. X-17, e. X-26 (douteuse), f. X-37, g. X-38, h. X-40. Relevé et DAO É. Paillet. Mixed techniques horses a. VI-21 (doubtful), b. VI-40 (doubtful), c. X-14 (doubtful), d. X-17, e. X-26 (doubtful), f. X-37, g. X-38, h. X-40. Tracing and DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-9.jpg
File image/jpeg, 540k
Title Figure 10. Chronologie de réalisation du cheval X-17. Relevé et DAO É. Paillet. Chronology of making of the horse X-17. Tracing and DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-10.jpg
File image/jpeg, 480k
Title Figure 11. Bouquetin en technique mixte IX-10. Relevé sur photo É. Paillet. Ibex in mixed technique IX-10. Tracing É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-11.jpg
File image/jpeg, 788k
Title Figure 12. Détail de la chronologie de réalisation sur le bouquetin IX-10. Photo É. Paillet. Chronology detail on ibex IX610. Picture É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-12.jpg
File image/jpeg, 480k
Title Figure 13.Mammouth X-41. Relevé sur photo P. Paillet.Mammoth X-41. Tracing P. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-13.jpg
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Title Figure 14. Exemple de figures « marquées » : a.VI-68 et VI-69, b. VIII-2, c. X-12, d. VIII-11, e. VI-64 et VI-65. Relevé et DAO É. Paillet. Examples of marked figures : a.VI-68 et VI-69, b. VIII-2, c. X-12, d. VIII-11, e. VI-64 et VI-65. Tracing and DAO É. Paillet.
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Title Figure 15. Localisation des zones anatomiques « marquées », exemple des chevaux. Dessin et DAO P. Paillet. Location of « marked » anatomical places, example of horses. Drawing and DAO P. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-15.jpg
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Title Figure 16. Détail de la tête du cheval VI-20 : la couleur est localisée le long du contour mandibulaire de l’animal, sous la gravure. Photo É. Paillet. Detail of the horse VI-20 head: the color is localized along the mandibular contour, below the engraving. Picture É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-16.jpg
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Title Figure 17. Cheval VII-13. Relevé sur photo E. Paillet (gravures d’après Barrière 1997). Horse VII-13. Tracing É. Paillet (engravings after Barrière, 1997).
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-17.jpg
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Title Figure 18. Vue d’artiste de la réalisation du cheval VII-13. Dessin É. Lebrun. Artist view of making of horse VII-13. Drawing É. Lebrun.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-18.jpg
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Title Figure 19. Entités graphiques VI-18 à VI-23 . Plan directeur des traces colorées É. Paillet, gravures d’après Barrière 1997. Les deux frises superposées ont ici été distinguées pour faciliter la lecture. Graphic entities VI-18 to VI-23. General plan of colored traces É. Paillet, engravings after Barrière 1997. We have separated both techniques to help reading.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-19.jpg
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Title Figure 20. Localisation des motifs abstraits. DAO É. Paillet. Location of abstract figures. DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-20.jpg
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Title Figure 21. Les motifs abstraits construits : a.VI-8, b. VI-81, c. X-28, d. X-29, e. X-48, f. VII-7, g. VIII-3, h. VIII-14, i. X-49, j. IX-15. DAO É. Paillet. Abstract constructed signs : a.VI-8, b. VI-81, c. X-28, d. X-29, e. X-48, f. VII-7, g. VIII-3, h. VIII-14, i. X-49, j. IX-15. DAO É. Paillet.
URL http://journals.openedition.org/paleo/docannexe/image/6404/img-21.jpg
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References

Bibliographical reference

Elena Paillet, Emeline Deneuve, Patrick Paillet and Catherine Cretin, “« Colore le monde ». Le rôle de la couleur dans le dispositif pariétal de la grotte de Combarelles I (Les Eyzies, Dordogne)”PALEO, 31 | 2021, 226-243.

Electronic reference

Elena Paillet, Emeline Deneuve, Patrick Paillet and Catherine Cretin, “« Colore le monde ». Le rôle de la couleur dans le dispositif pariétal de la grotte de Combarelles I (Les Eyzies, Dordogne)”PALEO [Online], 31 | 2021, Online since 19 July 2022, connection on 28 March 2024. URL: http://journals.openedition.org/paleo/6404; DOI: https://doi.org/10.4000/paleo.6404

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About the authors

Elena Paillet

Ministère de la Culture, DRAC Bretagne (Service régional de l’Archéologie) et UMR 6566 CReAAH, Université de Rennes 1, elena.paillet[at]culture.gouv.fr.

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Emeline Deneuve

Ministère de la Culture, DRAC Nouvelle Aquitaine (Service régional de l’Archéologie) et UMR 7194 HNHP, Muséum national d’histoire naturelle.

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Patrick Paillet

UMR 7194 HNHP, Muséum national d’histoire naturelle, Département Homme et environnement, Musée de l’Homme.

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Catherine Cretin

Ministère de la Culture, Musée national de Préhistoire, Les Eyzies et UMR5199 PACEA, Université de Bordeaux.

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