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Recensions

Shin-ichi Nakamura, Takuro Adachi et Masashi Abe (éd.) – Decades in Deserts. Essays on Near Eastern Archaeology in honour of Sumio Fujii

Wael Abu-Azizeh
p. 179-184
Référence(s) :

Shin-ichi Nakamura, Takuro Adachi et Masashi Abe (éd.) 2019 – Decades in Deserts. Essays on Near Eastern Archaeology in honour of Sumio Fujii. Tokyo : Rokuichi Syobou, 362 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage est un volume en hommage à la carrière de Sumio Fujii, récemment retraité de l’université de Kanasawa au Japon. Edité par ses collègues S. Nakamura, T. Adachi et M. Abe, le volume regroupe 26 contributions totalisant plus de 360 pages, illustrées en noir et blanc, au format A4. Au premier abord, le lecteur peine à comprendre l’organisation des articles, qui n’est pas formalisée dans la structure de l’ouvrage ou dans une introduction, qui fait défaut, et qui aurait pu guider la prise en main. On est frappé par la diversité des thématiques couvertes : chronologiquement, les contributions couvrent le Paléolithique (moyen, supérieur), les différentes phases du Néolithique (PPNA, PPNB, Néolithique récent), l’âge du Bronze, l’âge du Fer, la période hellénistique et la période islamique, jusqu’à la période moderne ; géographiquement, c’est l’ensemble du Proche et Moyen-Orient qui est représenté – avec des contributions sur le Levant sud (au sein desquelles la Jordanie tient une place prépondérante), la Syrie, l’Arabie saoudite, le Kurdistan iraquien, l’Iran – mais aussi les régions voisines de l’Anatolie, du Sud-Ouest asiatique (vallée de l’Indus), jusqu’aux confins orientaux du continent (Japon). C’est le charme du format de mélanges choisi pour ce volume d’hommage, dont la composition doit plus aux affinités et aux rencontres liées au parcours d’un chercheur qu’elle ne répond à la logique thématique d’une monographie. Mais passée la première surprise, une cohérence naturelle émerge de l’ouvrage, dans lequel les travaux sur le Néolithique tiennent une place centrale : l’exploration des trajectoires multiples empruntées par la néolithisation, dans la zone dite nucléaire du « Croissant fertile » et dans ses marges aujourd’hui arides, conduisent de proche en proche à aborder la question des contacts, et de la diffusion de la néolithisation au-delà de ces frontières à travers l’Arabie et l’Asie. Ce voyage à travers les âges et l’espace, du Levant proche-oriental au pays du Soleil-Levant d’Extrême-Orient, constitue un bel hommage métaphorique au parcours de S. Fujii.

2Le format des contributions est très hétérogène, avec des articles qui s’apparentent plus à des notes, dont la longueur varie de 4 à 8 pages pour les plus courts, et des contributions beaucoup plus fournies, allant jusqu’à 34 pages pour la plus longue. Dans la forme, l’ouvrage pâtit d’un travail d’édition insuffisant pour la correction, le lissage et l’uniformisation des contributions comme un ensemble cohérent. Les contributions suivent en effet des normes très disparates (bibliographies non homogénéisées, utilisation aléatoire des notes de bas de page, les résumés ne sont pas systématiques), de nombreuses coquilles et erreurs sont restées dans le manuscrit imprimé, et la qualité des figures est très variable. La lecture est aussi trop souvent rendue difficile par la qualité de la langue anglaise, dont une grande majorité des auteurs de ce volume ne sont pas natifs, et qui aurait mérité une relecture.

3En dépit de ces imperfections de forme, l’ouvrage rassemble un nombre important de contributions essentielles, que nous ne pouvons présenter dans le détail, mais qu’il est possible de synthétiser suivant les grandes thématiques qui se dégagent.

4La première contribution, par les éditeurs de ce volume (Nakamura, Adachi et Abe), fait office d’introduction. Elle présente une synthèse des travaux de S. Fujii, pionniers à bien des égards, sur l’étude de l’occupation humaine dans les régions désertiques du Proche-Orient. L’article se présente comme un catalogue des sites étudiés par S. Fujii et son équipe sur trois terrains d’études, répartis entre le nord de l’Arabie saoudite (Hijaz), le nord de la Syrie (Jebel Bishri), et le sud de la Jordanie (bassin d’Al-Jafr). Le nombre important de sites concernés contraint une présentation succincte et ne permet pas une discussion approfondie des conclusions de S. Fujii sur les développements du pastoralisme nomade (voir la synthèse pour la région d’Al-Jafr dans Fujii 2013). Cette contribution fournit toutefois une entrée en matière utile et pratique pour appréhender ces travaux. Chaque site est illustré d’une photo de terrain et d’une bibliographie associée. Cet inventaire permet surtout de prendre la mesure du travail considérable réalisé, tant sur le terrain comme en témoigne le nombre impressionnant de sites de natures diverses investigués (cairns funéraires, campements pastoraux, aménagements hydrauliques, sites interprétés comme des sanctuaires ouverts, k-lines,...), que dans la publication régulière et prolifique de ces résultats.

5Un nombre important de contributions porte sur ce domaine cher à S. Fujii concernant les développements récents de la recherche archéologique dans les régions de marges désertiques du Proche-Orient. Parmi celles-ci, deux se rapportent aux résultats d’un programme de terrain pionnier initié par Henry dans le sud de la Jordanie à la fin des années 1970. Henry synthétise les résultats de l’analyse micro-spatiale effectuée sur deux sites fouillés : l’abri sous roche du Paléolithique moyen de Tor Faraj, et l’établissement néolithique (PPNB) de ‘Ayn Abu Nukhayla situé dans le secteur aride du Wadi Rum. Les résultats de ces deux analyses ont déjà été précédemment publiés de manière indépendante et détaillée (Henry 2012 ; Henry et al. 2014) et sont réunis ici dans une dimension comparative, afin de souligner l’apport de l’approche méthodologique pour la reconstitution des aspects socio-économiques de l’occupation, sur des sites de périodes et de nature très différentes. Kadowaki et Henry présentent les résultats encore très préliminaires des fouilles réalisées sur quatre sites (Tor Faraj, Tor Hamar, Wadi Aghar et Tor Fawaz), sur la base de ces travaux antérieurs, et dans le cadre d’un nouveau programme de terrain axé sur l’établissement de la séquence chrono-culturelle paléolithique. Si seul le site de Tor Faraj a pour l’heure livré des horizons stratigraphiques du Paléolithique moyen, les séquences fournies par les sites de Wadi Aghar et Tor Fawaz pour le début du Paléolithique supérieur fournissent des assemblages lithiques permettant d’avancer les premières hypothèses de sériation chronologique.

6Les études du mobilier lithique tiennent une part essentielle dans les travaux portant sur l’occupation dans les régions en marge du « Croissant fertile ». Dans le contexte d’une occupation temporaire, laissant peu de traces matérielles, l’industrie lithique constitue bien souvent le seul élément de culture matérielle permettant de raccrocher chronologiquement les assemblages à des faciès bien identifiés. Rollefson nous livre dans sa contribution les résultats préliminaires de l’étude de l’assemblage de mobilier lithique issu de sites en cours de fouille dans le secteur de Wissad (Wisad Pools), dans le Harra basaltique du Nord-Est jordanien. Les résultats présentés concernent exclusivement le débitage, et plus particulièrement l’analyse des nucléus au sein de l’assemblage attribué au Néolithique récent. Au-delà de l’analyse détaillée (quantitative, métrique) des nucléus permettant de caractériser la matière première, la représentativité des types de nucléus, et les modes de débitage attestés, l’article s’attarde en particulier sur deux types d’artefacts dont la fonction est incertaine : les pièces esquillées (splintered pieces), et les polyèdres (polyhedrons). Enfin, la comparaison avec les assemblages des sites de Dhuweila, Jebel Naja et Burqu documentés par les travaux antérieurs d’Alison Betts, amène G. Rollefson à observer une très grande variabilité dans les assemblages des différents sites chronologiquement et géographiquement proches dans la badia du nord-est jordanien. La contribution de Rosen, Hermon et Marder porte sur un type d’outils particulier, les racloirs corticaux (aussi désignés, souvent à tort, de « racloirs tabulaires »), qui constituent un fossile directeur d’un ensemble chronologique large du Néolithique récent à l’âge du Bronze ancien, en particulier dans les zones de marges désertiques. L’auteur principal de cette contribution a déjà écrit plusieurs articles sur le sujet (Rosen 1983 ; Rosen et Goring-Morris 2018). C’est plus particulièrement sur les caches de ces outils que porte cet article. Plusieurs chercheurs ont permis de mettre en lumière l’ampleur de l’activité de production de ces outils sur des gîtes exploités de manière extrêmement intensive dans le désert occidental jordanien (Fujii 1998 ; Quintero et al. 2002 ; Müller-Neuhof 2007). La présence de caches de ces outils est récurrente et les grandes lignes d’un véritable réseau de production et d’échange entre les zones de marges désertiques et la zone de peuplement sédentaire se dessinent désormais clairement (Abu-Azizeh 2013). Dans cette contribution, les auteurs passent en revue deux exemples spécifiques de caches de ces outils en contexte funéraire, dans des tumuli du Sinaï (Ein Yarka) et du Néguev (nécropole d’Eilat), en insistant surtout sur une utilisation rituelle. Il nous semble toutefois qu’une fonction rituelle doive être relativisée : la présence quasi systématique de ces outils sur les campements pastoraux de la Préhistoire récente dans l’ensemble des régions de marges désertiques du Levant souligne avant tout un usage courant, domestique et profane. Si une fonction rituelle n’est pas exclue, elle a pu découler, pour les populations sédentaires, du caractère exotique de ces outils, tandis que pour les populations pastorales, une valeur intrinsèque symbolique (peut-être même de marqueur culturel et/ou identitaire) pourrait être à l’origine de ces dépôts en contextes funéraires. Arimura aborde la question du débitage bidirectionnel (bipolaire) caractéristique du PPNB au Levant. Cet article présente une attestation de la persistance d’un débitage bi-directionnel dans un contexte du Néolithique récent (Pottery Neolithic) sur le site de Tell Ain el-Kerkh, dans le nord-ouest de la Syrie. L’assemblage constitue une des attestations les plus tardives connues à l’heure actuelle de production bipolaire héritée de la tradition PPNB, dont les différentes phases de développement technique sont brièvement synthétisées à travers les données issues de plusieurs sites clés du Levant (Jerf el-Ahmar, Dja’de, Beisamoun, Sha’ar Hagolan). Enfin, la place de l’industrie lithique tient également une place importante dans la présentation des résultats des prospections entreprises dans la moyenne vallée de l’Euphrate, sur un secteur du plateau steppique intérieur, à 50 km à l’est de Raqqa à proximité du site de Tell Ghanem al-‘Ali. Dans cette contribution, Nishiaki souligne la faible représentativité de l’occupation PPNB, qui pose la question de l’utilisation de cet espace transitionnel entre les basses terres et les oasis du désert intérieur au cours de cette période.

7La contribution de Wasse aborde la question cruciale de l’évolution de la gestion des ressources animales dans les régions de marges désertiques du Proche-Orient au cours de la fin du Néolithique. Si la persistance de la chasse comme une composante essentielle des modes de subsistance, après l’avènement du pastoralisme nomade, est bien établie (Makarewicz 2013 ; Martin 1999), cette contribution met en avant ici une relation de cause à effet directe entre l’émergence de l’élevage des caprinés – orienté vers l’acquisition des produits dérivés secondaires de l’élevage (produits laitiers, peaux, etc.), et l’intensification de la chasse spécialisée à des fins d’acquisition de produits carnés. Elle serait à mettre en relation directe avec une incursion de populations d’éleveurs issues originellement des centres villageois et sédentaires de la zone méditerranéenne. Cette hypothèse s’inscrit donc dans une ligne interprétative conforme aux théories avancées par Rollefson d’une introduction de l’élevage par une population exogène (Rollefson 2016 ; Rollefson et Köhler-Rollefson 1993). Dans ce débat ancien et encore très vivace, opposant partisans d’une origine endogène ou exogène de l’introduction de l’élevage dans ces régions de marges désertiques, l’argumentaire soutenu dans cette contribution mésestime considérablement la part des facteurs de développement locaux. Des travaux récents, combinant étude isotopique et analyse de l’industrie lithique néolithique du Wadi Jilat, mettent en lumière des mécanismes plus complexes et nuancés, associant une part possible et limitée d’origine exogène (par un mouvement de population issue de la zone au climat méditerranéen) à une adoption plus généralisée par les populations locales préexistantes dans ces régions, avec une possible cohabitation de ces différents groupes humains (Miller et al. 2019).

8Deux contributions mettent en lumière un autre aspect caractéristique de la recherche archéologique en milieu désertique en abordant la question des pétroglyphes. L’article de B. Müller-Neuhof constitue une contribution originale et décalée, sous forme de clin d’œil à S. Fujii et à son sens de l’humour : l’auteur aborde ici les pétroglyphes d’époque moderne, et en particulier les représentations de camions identifiées à l’occasion des différentes campagnes de prospections effectuées dans le désert de basalte du nord-est jordanien (Harra). Ce type de représentations est familière à tous ceux qui travaillent dans les régions désertiques du Proche-Orient. Ces quelques représentations sont analysées avec la même minutie qui pourrait être accordée aux pétroglyphes antiques ou préhistoriques, soulevant la question de la nature (notamment artistique) qu’il est possible de leur attribuer, et de leur fonction. La dimension sociale de ces gravures, empreinte d’une volonté de marquage du territoire, semble s’inscrire dans une longue tradition artistique, exacerbée par la localisation de certaines de ces gravures à proximité directe des gravures antiques. Une autre contribution, celle de Tokunaga porte sur un ensemble de 105 graffitis du début de la période islamique découverts dans le secteur du Wadi al-Khirqah dans le cadre de la mission saoudienne-japonaise dans la région d’Al-Jawf-Tabuk au nord de l’Arabie saoudite. Grâce aux mentions de descendance sur les gravures incluant des noms propres, un classement généalogique de deux familles distinctes a pu être dressé, sur six générations, à partir de 28 de ces graffitis. La connaissance de l’évolution progressive dans les traditions de formulation des graffitis a permis de caler cette chronologie relative (généalogique) sur une chronologie absolue approximative, couvrant la fin du viie jusqu’à la fin du viiie siècle ap. J.-C. Cette évolution de la tradition écrite reflète les changements éminemment politiques qui s’opèrent aux premières heures de l’Islam.

9Les deux derniers articles de cet ensemble portant sur les travaux dans les régions désertiques du Proche-Orient concernent les travaux réalisés dans le cadre de la mission archéologique allemande sur l’oasis de Tayma, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite. Dinies présente le résultat des études paléoenvironnementales effectuées sur un paléo-lac à proximité de l’oasis de Tayma. Les carottages réalisés dans la sabkha ont permis d’établir une séquence palynologique unique couvrant l’ensemble de l’Holocène ancien et moyen. L’étude fournit des données essentielles, permettant de faire la part des facteurs climatiques et anthropiques dans la domestication des plantes, et l’émergence et le développement du mode de subsistance agricole traditionnel oasien. Hausleiter et Zur pour leur part synthétisent de manière préliminaire les données concernant les constructions funéraires mégalithiques dans le secteur au sud de l’oasis de Tayma (Rujum Sa’sa’, Al-Nasim, Es-Sana’iye). Les cairns et tumuli funéraires constituent une caractéristique de l’occupation pastorale nomade dans l’ensemble des régions en marge de la zone de développement sédentaire du « Croissant fertile » (Abu-Azizeh et al. 2014). Une première typologie sommaire des différents types de constructions attestées est proposée, ainsi qu’un bilan des indices chronologiques disponibles, suggérant une datation de l’âge du Bronze, au tournant du IIIe-IIe millénaires pour certains types de constructions au moins. Ces données sont mises en perspective avec celles issues de régions voisines, à Jabal Khraymat sur le site de Mada’in Salih (Abu-Azizeh 2011, 2015), Qurayyah (Luciani et Alsaud 2018) et le secteur d’Al-Jawf-Tabuk (Fujii 2018).

10Parallèlement à ces contributions sur l’occupation des régions désertiques, qui constituent le cœur du volume, plusieurs ensembles se dégagent. Le premier apporte une contextualisation de la zone dite nucléaire de développement sédentaire, en mettant l’accent sur le « couloir levantin ». L’article de Kafafi présente un historique synthétique des recherches et des découvertes pour les périodes préhistoriques dans la région de Pétra dans le sud jordanien. À la lecture de ce bref survol, on s’aperçoit que les données connues pour cette région, pourtant extrêmement riche et cruciale pour la compréhension des développements au cours du Néolithique, sont, à quelques exceptions près, déjà relativement anciennes et/ou très partiellement publiées. Kinzel aborde une réflexion intéressante sur la notion de « bâtiments spéciaux » (special buildings). L’auteur examine ici cinq unités architecturales du site PPNB de Shkarat Msaied, dans les hautes terres du sud jordanien, qualifiés de « bâtiments spéciaux » car ils se démarquent de la « norme » architecturale au sein du site. La longévité de certaines constructions, et le maintien de leur continuité temporelle pourrait exprimer certains mécanismes sociaux en lien avec la commémoration de la mémoire collective et identitaire d’un groupe, un exemple de piste interprétative alternative aux fonctions rituelles ou cultuelles souvent avancées dans l’interprétation de la singularité architecturale. Rokitta-Krumnow et Ahrens font état de l’identification d’un site attribué au PPNA dans le cadre de nouvelles prospections entreprises dans le Wadi Shu’aib dans le nord de la Jordanie. Bien que ces résultats soient encore très préliminaires, l’attribution du site au PPNA serait particulièrement significative au vu du très faible nombre de sites connus pour cette période à l’est de la vallée du Jourdain. Enfin, la contribution de Yamafuji porte sur l’architecture domestique du Bronze ancien au Levant sud (Palestine et Transjordanie). L’étude porte sur un total de 22 sites, constituant dans la grande majorité des cas des agglomérations urbaines fortifiées au cours du Bronze ancien. Elle repose sur une approche de typologie structurelle comprenant un corpus de 127 unités domestiques. Ces résultats mettent en lumière la pertinence d’une approche typologique structurelle pour corréler, de manière quantifiable, l’évolution des formes d’habitat domestique avec les stades de développement du processus d’urbanisation au Levant sud.

11Un autre groupe cohérent de contributions porte sur un ensemble géographique assez large qui englobe la partie nord-est du « Croissant fertile » couvrant l’Anatolie, le nord-est de l’Iraq et le Zagros. Ces contributions illustrent l’essor des travaux des équipes japonaises dans ces régions sur le Néolithique notamment. Tsuneki présente les résultats des travaux initiés en 2014 dans le secteur de Sulaymaniyeh dans le Kurdistan iraquien sur le site de Turkaka. L’un des objectifs de ces nouvelles investigations est de documenter la phase de développement transitionnelle entre l’épi-paléolithique et le début du Néolithique. Odaka présente un matériel céramique inédit, provenant de ramassages de surface effectués en 1957 par les membres de la mission archéologique japonaise de l’université de Tokyo (Iraq-Iran Archaeological Expedition, dir. N. Egami) sur le site de Matarrah dans le nord de l’Iraq. L’étude de 74 tessons attribués au Néolithique récent (collection du musée de l’université de Tokyo) et présentant des affinités avec la céramique caractéristique de Hassuna, semble indiquer une plus grande variabilité, et des régionalismes probables au sein de ce qui a longtemps été considéré comme une tradition homogène de céramique du type Hassuna. La contribution de Maeda porte sur un corpus de plus de 200 » balles de pierres » (stone balls) provenant du site Néolithique récent de Salat Cami Yani dans le sud-est de l’Anatolie. L’assemblage est complété par un matériel de comparaison de 60 artefacts provenant du site de Hasankeyf Höyük, dans un contexte chronologique bien plus ancien (Xe millénaire). Une rapide description des caractéristiques de ces artefacts est présentée (matière première, morphologie, mesures et poids) indiquant une certaine homogénéité. Des pistes rapides d’interprétation sont proposées, parmi lesquelles celles de pierres utilisées comme armes de jet (bolas). Abe et Khanipour présentent une étude du mobilier lithique issu du site Néolithique de Hormangan dans le sud-ouest de l’Iran, fouillé par l’un des deux auteurs au cours d’une campagne de terrain en 2016. La contribution insiste sur la résurgence des microlithes géométriques (segments, trapèzes, lamelles à dos) dans les assemblages de la phase récente d’occupation du site, considérée comme le reflet d’une intensification de la chasse par rapport à la période précédente. Toutefois, dans la mesure où le matériel de la phase antérieure sur le site n’a pas été étudié, cette « résurgence » des microlithes dans l’assemblage (re-microlithization) est extrapolée à partir de la comparaison avec un nombre limité de sites connus. En outre, aucun aspect de la relation de cause à effet suggérée entre l’intensification des activités cynégétiques et le phénomène d’anomalie climatique du 8.2 ka BP n’est explicité (notamment sur les conséquences environnementales et sociales qui auraient pu conduire à de tels changements profonds dans les modes de subsistance). Enfin, Adachi propose une courte contribution sur la chronologie absolue de l’âge du Fer III, à partir des datations radiocarbones du site de Tappe Jalaliye dans le nord de l’Iran. Les datations déjà publiées sont ici recalibrées avec la courbe IntCal 13 (notons que cette recalibration est d’ores et déjà obsolète dans la mesure où une nouvelle courbe IntCal 20 est parue depuis). En l’absence de données brutes pour ces datations (a minima notamment l’âge radiocarbone BP non calibré et son incertitude, ainsi que le contexte stratigraphique de provenance), et au vu de l’homogénéité des âges obtenus, il est impossible de vérifier la validité du phasage chrono-stratigraphique proposé. Une approche statistique bayésienne plus robuste aurait peut-être été plus appropriée.

12Enfin, le dernier groupe distinct de contributions qui se dégage élargit les horizons au continent asiatique. L’article de Uesugi porte sur le développement des interactions régionales entre la civilisation de la vallée de l’Indus, et la partie orientale de la péninsule arabique au cours du IIIe millénaire, à partir du répertoire de mobilier céramique. L’auteur dresse un inventaire des attestations des différents types de productions céramiques de la vallée de l’Indus sur les sites de la péninsule arabique (Ra’s al-Jinz, Salut, Bat, Shimal, Hili, Umm an-Nar, Qal’at al-Bahrain, Saar, A’ali, Madinat Hamad). Cet inventaire précis et systématique permet de prendre la mesure de l’intensité grandissante des interactions qui se mettent en place entre ces deux régions à partir du milieu du IIIe millénaire. Betts pour sa part présente une synthèse sur la question, encore assez peu étudiée, de la diffusion de l’agriculture des céréales, depuis la zone dite nucléaire du « Croissant fertile » en direction de l’est à travers le continent asiatique. Ce survol des données connues, à l’échelle continentale, permet de dégager la diversité des rythmes et des modalités de diffusion de ces innovations techniques. Il livre les contours encore flous d’une histoire fascinante, de la rencontre de deux foyers distincts de domestication des plantes. C’est vraisemblablement dans le secteur aux confins orientaux du Xinjiang et à la limite occidentale du corridor du Hexi que fusionnent les pratiques agricoles du blé et de l’orge (apportés depuis l’ouest par les populations de pasteurs nomades le long du Tian Shan), et celle du millet cultivé dans les villages agricoles sédentaires (venant de l’est, où il est attesté dès la fin du VIIe-début VIe millénaire dans la vallée du fleuve Jaune) au début du IIe millénaire. Enfin, une dernière contribution, par Sato, vient terminer le voyage à travers l’Asie. Elle porte sur la découverte récente d’un dépôt d’ossements humains datant du Paléolithique supérieur (28 500-20 000 cal. BP) dans la grotte de Shiraho-saonetabaru sur l’île de Ishigaki dans le sud du Japon. Plus de 1 000 restes d’ossements humains y ont été collectés, appartenant à au moins 19 individus distincts inhumés à des moments différents au cours du Paléolithique supérieur. Cette découverte, rare, amène l’auteur à qualifier le site de « cimetière » paléolithique.

13Enfin, deux contributions sont plus difficiles à classer dans cet ensemble. Celle de Akashi porte sur l’utilisation des plantes médicinales. Elle fournit des pistes permettant de reconnaître un usage médicinal, par le biais de parallèles ethnographiques et fonction des contextes de découverte. De nombreux exemples de sites couvrant l’Europe et le sud-ouest de l’Asie, attribués aux périodes du Paléolithique, du Néolithique, de l’âge du Bronze, jusqu’à la période ottomane sont cités. La seconde contribution, de Hasegawa et Nishimoto constitue une ouverture vers l’Afrique. Elle présente les résultats d’une étude du paysage antique côtier sur les rivages de la Méditerranée dans le delta du Nil au nord de l’Égypte. Sur la base de prospections géophysiques, l’étude offre une restitution d’un contexte environnemental particulièrement fluctuant autour du site de Kom al-Diba’ et du lac Idku au cours de l’Antiquité.

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Pour citer cet article

Référence papier

Wael Abu-Azizeh, « Shin-ichi Nakamura, Takuro Adachi et Masashi Abe (éd.) – Decades in Deserts. Essays on Near Eastern Archaeology in honour of Sumio Fujii »Paléorient, 47-1 | 2021, 179-184.

Référence électronique

Wael Abu-Azizeh, « Shin-ichi Nakamura, Takuro Adachi et Masashi Abe (éd.) – Decades in Deserts. Essays on Near Eastern Archaeology in honour of Sumio Fujii »Paléorient [En ligne], 47-1 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 13 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/paleorient/971 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paleorient.971

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Auteur

Wael Abu-Azizeh

USR 3135, UMIFRE 6, CNRS, Institut français du Proche-Orient, Jérusalem Est – Territoires Palestiniens | w.abuazizeh@ifporient.org

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