Navigation – Plan du site

AccueilNuméros47-1RecensionsJanet Levy – The Genesis of the ...

Recensions

Janet Levy – The Genesis of the Textile Industry from Adorned Nudity to Ritual Regalia. The Changing Role of Fibre Crafts and their Evolving Techniques of Manufacture in the Ancient Near East from the Natufian to the Ghassulian

Catherine Breniquet
p. 190-193
Référence(s) :

Janet Levy 2020 – The Genesis of the Textile Industry from Adorned Nudity to Ritual Regalia. The Changing Role of Fibre Crafts and their Evolving Techniques of Manufacture in the Ancient Near East from the Natufian to the Ghassulian. Oxford : Archaeopress, 322 p.

Texte intégral

  • 1 Un aperçu de certaines de ces techniques est accessible dans l’ouvrage de Chamberlain et al. 1974, (...)

1L’ouvrage de Janet Levy est la version remaniée de sa thèse de doctorat, soutenue à l’université Ben-Gurion du Néguev, sous la direction d’Isaac Gilead. L’auteure, connue pour ses travaux sur l’archéologie du textile, est actuellement chercheuse post-doctorante dans ce même établissement. Elle livre une synthèse originale par sa conception et ses méthodes sur l’émergence de l’industrie textile au Levant sud du Natoufien au Ghassoulien, soit au cours d’un laps de temps formatif (de 13 000 à 3700 en dates 14C calibrées) où se mettent en place des organisations socio-économiques nouvelles : sédentarisation, apparition de l’agriculture et de l’élevage, innovations technologiques, hiérarchies sociales, etc. Il ne s’agit donc pas d’une monographie sur une collection d’outils ou d’échantillons en provenance d’un site en particulier, mais d’un questionnement sur l’évolution des techniques et sur les usages des différentes fibres textiles attestées par l’archéologie dans l’aire chrono-culturelle précisée plus haut. À cet égard, si les études sur l’archéologie du textile se sont multipliées ces dernières années, celle-ci se distingue par l’ampleur du dépouillement des données brutes issues des travaux de terrain et par sa focalisation sur les techniques primitives ou plus exactement « primaires », la plupart du temps délaissées ou sous-évaluées1. L’auteure possède une connaissance directe de ces deux domaines à laquelle s’ajoutent des compétences personnelles en archéologie expérimentale. Au premier abord, l’ouvrage peut dérouter et paraître protéiforme et spéculatif, mais les hypothèses sont justifiées et argumentées autant qu’il est possible de le faire.

2L’ouvrage est construit en sept chapitres auxquels s’ajoutent quatre annexes. Le premier est, comme il se doit, dévolu aux questions de problématiques et de méthode. J. Levy explicite sa démarche : retrouver au moyen de l’enquête le rôle des fibres textiles dans la vie des communautés paysannes du Levant. Pour ce faire, elle s’appuie sur plusieurs catégories de sources, directes ou indirectes :

3L’aire géographique est présentée ensuite, suivie d’un petit développement sur les traditions textiles pré-Natoufiennes (on rappellera qu’Ohalo II a livré des restes de cordes parmi les plus anciens attestés au monde : Nadel et al. 1994) et sur l’ensemble des techniques textiles attestées par l’archéologie dans la région. À cet égard, la distinction entre textile et tissu aurait pu être précisée, le textile désignant toute construction fibreuse alors que le tissu est nécessairement un système à fils perpendiculaires solidarisés par l’acte de tisser sur un cadre (qui est le métier à tisser). On conviendra toutefois que la question est moins prégnante en anglais qu’en français où les deux catégories peuvent aisément être confondues. L’histoire ou plus exactement l’épistémologie de la recherche sur le sujet, vient ensuite et constitue presque la moitié de ce chapitre. Les changements de paradigme y sont pointés (rôle de l’Égypte ou de la Mésopotamie), comme la place croissante de l’analyse de l’outillage de production et des vestiges textiles eux-mêmes.

4Les chapitres 2 à 6 sont consacrés à la documentation de chaque période, entre le Natoufien (chap. 2) et le Chalcolithique (chap. 6). C’est un même fil conducteur qui relie l’ensemble. Chaque chapitre débute par une présentation générale de la période où sont abordés les modalités de l’occupation de l’espace, les sites, leur économie, leur bagage technologique et le monde symbolique. Ce point de départ permet à J. Levy d’aborder de façon systématique les techniques élémentaires produisant les cordes, les filets ou la vannerie. L’ornementation corporelle et le vêtement ou encore l’outillage de production complètent les présentations. En fonction des périodes, certaines sections sont ou non développées et viennent s’emboîter dans le schéma d’ensemble. Ainsi les attestations de matières premières sont précisées quand l’identification est disponible, les variantes techniques sont détaillées, le rôle économique voire symbolique ou idéologique des unes ou des autres, cerné, si les sources l’y autorisent.

5Le chapitre 2 traite du Natoufien. Quatre rubriques concernent les cordes (et leur rôle dans l’économie de subsistance et l’idéologie, notamment funéraire), les filets (pour la pêche, le piégeage d’oiseaux ou de petits mammifères, le portage), les vanneries, l’ornementation (qui utilise les perles, les pendentifs, les vêtements) et l’outillage en os (aiguille pour le travail du cuir, des filets, de la vannerie, etc.). Des objets modestes sont ainsi mis en lumière : harpons ou hameçons nécessitant un fil qui n’est sans doute pas toujours réalisé à partir de tendons d’animaux, poids de filets de pêche maintenus par des encoches, etc. Ils voisinent avec des découvertes spectaculaires : coiffures de dentales assemblées d’el-Wad en contexte funéraire, ceinture en dents de renard d’Hayonim ou de dentales d’Eynan-Mallaha, etc. En termes d’usage, les cordes, sous tous leurs modules, du plus fin au plus gros, et plus encore leurs preuves indirectes, sont au cœur de la question, reprenant les grandes lignes de la « théorie des cordes » de K. Hardy (2007, 2008).

6Le chapitre 3 est consacré au PPNA. Cette période voit la structuration des communautés sédentaires et l’introduction de l’agriculture, entraînant des besoins nouveaux en matière d’équipements. Si l’usage des tendons persiste, notamment pour le maintien en place des pointes de flèche qui constituent une nouveauté de la période, les cordes ou ficelles sont attestées plus distinctement qu’avant : traces directes sur une hache polie à Netiv Hagdud, empreintes à l’intérieur de perles à Gesher, etc. Les filets (ou nasses) sont attestés indirectement par des poids de filets de pêche à Aïn Dishna. Trois techniques de vannerie sont clairement attestées : vannerie cordée, soumak, « entrelacement », qu’on aurait pu confronter à la terminologie proposée par H. Balfet (1952), absente de la bibliographie. Curieusement, la vannerie spiralée, voire le tissage, pourtant tous deux présents à Jerf el-Ahmar à la même période, ne semblent pas appartenir à la tradition technique du Levant sud (Stordeur et al. 1997). Vanneries et nattes, et partant l’usage des fibres végétales, existent en revanche dans l’architecture, le mobilier, les pratiques funéraires, l’habillement (y compris cérémoniel), de façon très diversifiée.

  • 2 Une référence à Médard 2010 aurait sans doute prolongé le propos.

7Le chapitre 4 aborde le PPNB qu’on pourrait résumer en termes de continuité, développement et innovations. Le nombre et la qualité des occurrences sont sans réelle mesure avec ce qui précède. Le besoin de cordes transparaît pour l’emmanchement d’outils divers (foret à archet, haches polies ou taillées trop lourdes pour que des tendons suffisent), pour la fabrication d’autres (comme les peignes à égrener du Wadi Murabba’at, les vases montés au colombin de corde et enduits de la grotte du Nahal Hemar, etc.). Tous les secteurs sont concernés, de la vie quotidienne aux attestations rituelles (statues d’Aïn Ghazal, rhombe qu’il faut tenir au moyen d’une corde au Nahal Hemar, perles, etc.). Les vanneries apparaissent indispensables au moulage des vaisselles blanches ou au montage d’éléments architectoniques (coffrage des puits par exemple). Elles montrent désormais des techniques diversifiées avec la vannerie à chaîne cordée, ou encore la vannerie spiralée, aussi employée pour les nattes de sol. Les techniques employées pour les filets et sans doute diverses autres pièces textiles du costume s’enrichissent avec l’introduction des réseaux bouclés ou « tricot à l’aiguille ». L’habillement présente enfin une diversité inédite de techniques (textiles cordés à chaîne passive, nœuds, sprang, etc.2) et d’usages, avec les documents spectaculaires de la grotte du Nahal Hemar. La grande innovation est l’introduction du lin domestique, filé manuellement, pour de probables usages rituels.

8Le chapitre 5 traite du Néolithique céramique (ou PN), marqué par le développement d’un mode de vie villageois entraînant un enrichissement de l’équipement technique des communautés. Parmi les nouveautés notoires pour le propos, on note l’apparition des fusaïoles en terre cuite ou en pierre pour la fabrication de fils remplaçant un mode de production manuelle. On produit en vannerie spiralée des paniers destinés au stockage et à la préparation des olives à huile, et à la fabrication de grandes jarres en terre cuite. À cet égard, J. Levy reprend la question des empreintes de vanneries sur le fond des vases et conclut à une fabrication et un séchage sur des nattes. Or, ces empreintes correspondent plutôt à une fabrication « dans » (et non « sur ») des paniers plats comme K. Berghuijs l’a montré (Berghuijs 2018). On restera réservé sur l’interprétation du vêtement de la figurine d’Aïn Ashofet (p. 84), dont la lecture recherche peut-être trop une ressemblance avec une réalité qui nous échappe (le motif étoilé est-il bien partie intégrante, réaliste, du manteau et non un « signe » ajouté ?). L’hypothèse amenée pourtant très prudemment d’un possible vêtement en feutre (p. 85) reste incertaine, mais cette possibilité serait cohérente avec l’introduction des fibres animales attestées indirectement par l'usage du fuseau suspendu, peut-être ici emprunté à d’autres traditions et transposé dans un autre matériau. Toutefois, les attestations directes locales (et une estimation des quantités disponibles) font défaut pour cette période comme le souligne l’auteure.

9Le chapitre 6 examine le Chalcolithique. Dans la lignée des développements précédents, on note sans surprise la multiplication des occurrences et des usages dans tous les domaines, avec des attestations plus claires et plus variées : cordes pour suspendre les barattes, empreintes de cordes sur la céramique ; vans, paniers, nattes (en armure sergé) pour des usages variés dont funéraires, etc. L’auteure rappelle que le lin demeure la seule fibre filée localement jusqu’au Bronze moyen au Levant. La grande nouveauté est l’apparition du tissage en armure toile (et donc du métier à tisser) pour des usages domestiques, funéraires et cérémoniels. Elle est appuyée par la découverte de pesons, de tissus archéologiques, et confrontée à l’iconographie (figurines, peintures). Quelques découvertes majeures relèguent toutefois au second plan les autres occurrences : tissus de la Grotte du Guerrier (dont la chaîne opératoire du linceul A est détaillée dans l’annexe C), surreprésentation des exemples en provenance du Nahal Mishmar. À ce titre, l’auteure précise que les textiles ghassouliens qui y furent découverts sont exclusivement en lin, les exemplaires en laine étant tous beaucoup plus récents, ce que la publication initiale des découvertes ne permettait pas d’apprécier. La nature des éléments de métier à tisser du Nahal Mishmar est discutée une nouvelle fois (p. 134), le consensus peinant à être établi. Compte tenu de l’ampleur de la documentation, l’auteure en arrive très logiquement à questionner la production en termes sociaux et économiques qui constituent une part substantielle du chapitre et qu’elle met en vis-à-vis de la « consommation » des produits manufacturés. À l’évidence, le Chalcolithique constitue à la fois un aboutissement et un tournant dans l’organisation de la production textile.

10Le chapitre 7 est la discussion générale sur l’ensemble des observations et leur mise en perspective. Il fait aussi office de conclusion. Un tableau récapitulatif et comparatif résume de façon très claire le propos (table 7.1, p. 162). Outre la révélation de techniques variées, développées sur le long terme mais pas pour autant réduites à un processus évolutif simpliste, l’ouvrage met en évidence de façon prudente et subtile ce qu’est réellement le textile pour les premières communautés paysannes, avec de multiples aspects cachés, notamment idéologiques. L’étude est enfin complétée par une abondante bibliographie et par quatre annexes. L’Appendix A est dévolu à la présentation technique du travail des fibres (matériel, gestes, usages) et est servi par des schémas. On y présente les occurrences archéologiques par site des restes textiles. Cette section fort utile est nourrie de comparatisme ethnologique et d’archéologie expérimentale. L’Appendix B présente des expérimentations personnelles de l’auteure en regard des découvertes archéologiques, de façon plus ciblée. L’Appendix C détaille le textile A de la grotte du Guerrier, pièce maîtresse des collections textiles chalcolithiques du Levant. L’Appendix D est la base de données sur les artefacts perforés.

Haut de page

Bibliographie

Balfet H. 1952 – La vannerie. Essai de classification. L’Anthropologie 56 : 259-280.

Berghuijs K. 2018 – Chapitre 10 : Basketry-impressed pottery from Late Neolithic Tell Sabi Abyad. In : Nieuwenhuyse O. (éd.), Relentlessly Plain. Seventh Millennium Ceramics at Tell Sabi Abyad, Syria : 77-282, fig. 10.2. Oxford-Philadelphie : Oxbow Books.

Chamberlain M. et Crockett C. 1974 – Beyond Weaving. New York-Londres : Watson-Guptill Publications-Pittman Publishing.

Hardy K. 2007 – Where would we be without string? Ethnographic and prehistoric evidence for the use, manufacture and role of string in the Upper Palaeolithic and Mesolithic of Northern Europe. In : Beugnier V. et Crombé P. (éd.), Plant Processing from a Prehistoric and Ethnographic Perspective (Proceedings of a workshop held at Ghent, November 2006) : 9-22. Oxford : BAR publishing (BAR International Series 1718).

Hardy K. 2008 – Prehistoric String Theory. How Twisted Fibres Helped to Shape the World. Antiquity 82 : 271-280.

Hurcombe L. M. 2014 – Perishable Material Cultures in Prehistory. Investigating the Missing Majority. Londres-New York : Routledge.

Médard F. 2010 – L’art du tissage au Néolithique. Paris : CNRS Éditions.

Nadel D., Danin A., Werker E., Schick T., Kislev M.E. et Stewart K. 1994 – 19,000-Year-Old Twisted Fibers From Ohalo II. Current Anthropology 35,4 : 451-458.

Stordeur D., Helmer D. et Willcox G. 1997 – Jerf el Ahmar : un nouveau site de l’horizon PPNA sur le moyen Euphrate, Syrie. Bulletin de la Société préhistorique française 94,2 : 282-285.

Haut de page

Notes

1 Un aperçu de certaines de ces techniques est accessible dans l’ouvrage de Chamberlain et al. 1974, et, dans une perspective plus archéologique, voir Hurcombe 2014.

2 Une référence à Médard 2010 aurait sans doute prolongé le propos.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Breniquet, « Janet Levy – The Genesis of the Textile Industry from Adorned Nudity to Ritual Regalia. The Changing Role of Fibre Crafts and their Evolving Techniques of Manufacture in the Ancient Near East from the Natufian to the Ghassulian »Paléorient, 47-1 | 2021, 190-193.

Référence électronique

Catherine Breniquet, « Janet Levy – The Genesis of the Textile Industry from Adorned Nudity to Ritual Regalia. The Changing Role of Fibre Crafts and their Evolving Techniques of Manufacture in the Ancient Near East from the Natufian to the Ghassulian »Paléorient [En ligne], 47-1 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 20 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/paleorient/981 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paleorient.981

Haut de page

Auteur

Catherine Breniquet

CHEC, UFR LCSH, Université Clermont Auvergne, Clermont-Ferrand – France | catherine.breniquet@uca.fr.

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search