La grotte ornée d’Etxeberri (Camou‑Cihigue, Pyrénées‑Atlantiques) : un art audacieux
Texte intégral
1La grotte d’Etxeberri ou Kanpainaga Lezea (commune de Camou-Cihigue) est à 440 m d’altitude sur le versant occidental d’un cirque de calcaires urgoniens du flanc oriental du massif des Arbailles. Cette cavité est une longue diaclase orientée nord‑sud, d’environ 200 m de long, au parcours périlleux (trois puits, une chatière, un dénivelé de 8 m et un gouffre de 18 m).
2Etxeberriko Karbia, déjà connue avant la découverte de ses vestiges ornés, fit l’objet d’explorations spéléologiques depuis le début du XXe siècle. C’est au cours d’une visite menée par P. Boucher, en compagnie de G. Laplace, le 1er mai 1950, que ces derniers découvrirent sur le chemin du retour un petit cheval rouge. En 1951, G. Laplace prit en charge l’étude de l’art pariétal et publia les résultats, accompagnés de ceux de la grotte de Sasiziloaga. Trente ans plus tard, É. de Valicourt et M. Lauga identifièrent de nouvelles figures – un cheval gravé et un cheval peint. La dernière publication de l’art pariétal d’Etxeberri, due à P. Paillet, est fondée sur un travail bibliographique.
Relevé du bison brun de la Salle des peintures, (Etxeberri – Camou-Cihigue, Pyrénées-Atlantiques ; relevé : D. Garate)

3La première salle ornée – Salle des Peintures –, accessible par une chatière étroite à 150 m de l’entrée actuelle, renferme plus de la moitié des entités graphiques répertoriées. Les deux parois ornées présentent des chevaux, un bison et un bouquetin, tous de grandes dimensions et au contour simple. Un registre inférieur, en paroi droite, comprend une file de représentions aux dimensions plus modestes, bichromes (rouge et noir) et réalisées en aplats de couleurs. Dans la partie terminale de la Salle des Peintures, un point rouge en hauteur semble indiquer un dénivelé abrupt donnant accès à une corniche sur laquelle un badigeon rouge et un cheval noir bien conservé sont visibles. Cette corniche est à environ 4 m de hauteur dans la seconde salle ornée de la cavité – Salle du Gouffre. À partir de cette salle, en longeant un gouffre de 18 m de profondeur, l’on accède à un promontoire étroit avec un cheval gravé dans l’argile du sol, conservé en raison de sa localisation en bord de paroi. La dernière « salle » de la cavité – La Fissure ornée – est accessible aujourd’hui depuis le gouffre. Les premières visites se faisaient par une cheminée, relativement large, située 6 m au-dessus de la fissure ; elles ont provoqué une dégradation importante des figures. Ce couloir, d’une largeur maximum de 50 cm, montre une file de chevaux noirs et gravés, un bison noir cadré dans une concavité, des vestiges de figures ainsi qu’un signe rouge. Entre les travaux de G. Laplace (années 50) et aujourd’hui, une représentation de cheval a totalement disparu et d’autres sont très effacées.
4Les thématiques d’Etxeberri correspondent bien à celles du contexte magdalénien de la bande Cantabres / Pyrénées. Ainsi, le binôme bison-cheval est bien présent et accompagné d’une espèce secondaire classique, le bouquetin. Nous constatons également, au sein de la cavité, un attrait particulier pour le cheval au détriment du bison. C’est une caractéristique du Magdalénien avancé, comme le montrent les grottes de Labastide, de Montespan et, de façon plus évidente encore, celles d’Ekain, d’Oxocelhaya et d’Erberua.
5En ce qui concerne les techniques d’Etxeberri, l’on remarquera la présence d’un cheval gravé dans l’argile, technique typique de la région pyrénéenne (Erberua, Oxocelhaya, Labastide, Montespan, Niaux…) mais beaucoup plus anecdotique dans les Cantabres.
6Outre les deux chevaux isolés (corniche et promontoire) et quelques traces rouges, les figures sont organisées en une succession de petits panneaux adaptés à l’espace disponible, dans deux salles principales. Autant dans la Salle des peintures que dans la Fissure ornée un schéma identique se répète et consiste en une frise de chevaux alignés. Dans la première salle s’ajoute à ce schéma celui de la triade bison‑cheval‑bouquetin.
7Chronologiquement, A. Leroi-Gourhan proposait plusieurs arguments justifiant l’attribution d’Etxeberri au Magdalénien moyen, dont celui du caractère même du sanctuaire, profond et d’accès difficile. Il apparaît, en effet, que les grottes ornées possédant cette caractéristique sont, pour une partie de leur ornementation, attribuables au style IV ancien (Arcy‑sur‑Cure, Les Combarelles, La Cullalvera, Labastide, Montespan, La Mouthe, Niaux, Rouffignac, Santimamiñe, Les Trois-Frères, Le Tuc d’Audoubert). Un second argument s’appuie sur la présence de l’association bison-cheval + bouquetin dans des grottes attribuées à cette période chronologique : Las Monedas, La Pasiega, Les Combarelles, Angles‑sur‑l’Anglin, Le Cap Blanc, Niaux, Le Portel (camarin), Les Trois‑Frères, Les Églises. D’autres comparaisons stylistiques et les datations 14C dans d’autres grottes (Niaux, Le Portel, Monedas…) appuient cette proposition mais montrent également des correspondances avec le Magdalénien supérieur. Il semblerait donc, dans l’attente de datations au 14C, qu’Etxeberri soit attribuable au Magdalénien moyen à supérieur.
Table des illustrations
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Titre | Relevé du bison brun de la Salle des peintures, (Etxeberri – Camou-Cihigue, Pyrénées-Atlantiques ; relevé : D. Garate) |
URL | http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/2285/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 183k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Diego Garate et Raphaëlle Bourrillon, « La grotte ornée d’Etxeberri (Camou‑Cihigue, Pyrénées‑Atlantiques) : un art audacieux », Palethnologie [En ligne], 5 | 2013, mis en ligne le 30 janvier 2013, consulté le 21 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/palethnologie/2285 ; DOI : https://doi.org/10.4000/palethnologie.2285
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