Nouveau regard sur l’art mobilier du magdalénien moyen de Cantabrie et des Pyrénées : analyse des chaînes opératoires
Texte intégral
1Nous présentons dans cet article certains des résultats obtenus à la suite de l’étude d’une série d’objets d’art mobilier des niveaux magdaléniens moyen de trois des plus importants sites de cette période dans les Cantabres et les Pyrénées : Las Caldas (Asturies), Galeries Inférieures de La Garma (Cantabrie) et Isturitz (Pyrénées-Atlantiques). L’analyse a été réalisée par l’observation au microscope électronique à balayage (MEB) et à la loupe binoculaire, en vue d’identifier les stigmates techniques qui nous permettent de reconstituer les méthodes et caractéristiques techniques de l’exécution de ces figures, selon une méthodologie déjà proposée dans des travaux précédents sur les analyses technologiques d’art mobilier. Ces résultats ont été confrontés à la documentation sur les procédés de destruction et de réutilisation ainsi qu’aux indices de tout usage symbolique ou rituel envisageable pour cet art.
2L’étude technologique du corpus vise à identifier les différents stades de la chaîne opératoire de production des objets décorés, dont les phases préalables à leur décoration, leur gravure et les processus ultérieurs qui les ont affectés (utilisation, destruction et abandon).
3La production d’objets décoratifs sur matière dure animale implique un ensemble de compétences techniques. Leur identification permet de reconstituer les chaînes opératoires et de tirer des conclusions sur leurs auteurs et, à travers eux, sur la société à laquelle ils appartenaient. Nos recherches ont révélé l’existence d’une uniformité technique de l’art mobilier magdalénien moyen de Cantabrie et des Pyrénées. Ces constantes auraient gagné la région Aquitaine d’après nos recherches précédentes sur les méthodes utilisées pour la production d’art figuratif et non-figuratif. Cette uniformité reflète l’existence d’un système de transmission régi par des codes permettant la perpétuation de schémas techniques formels à travers les différentes régions du sud‑ouest de l’Europe.
4Par ailleurs, la reconstitution des chaînes opératoires et la compréhension des procédés qui conduisent à la création d’art mobilier – des phases préalables à la décoration jusqu’à l’abandon des objets – ont mis en évidence la grande complexité que tout cela implique. Comme Tosello l’a remarqué, le terme d’« art mobilier » englobe un large éventail de différents types d’objets. Les analyses montrent qu’il existe une grande diversité dans le degré de préparation des supports, l’étendue de la décoration, leur usage et même les procédés de leur destruction. Cette diversité reflète les différentes fonctions que les sociétés magdaléniennes auraient attribuées à ces objets et leurs types de support, qu’ils soient en pierre ou en os.
5De plus, les données suggèrent une relation étroite entre les activités symboliques et quotidiennes, ou plus précisément, que les activités quotidiennes étaient imprégnées de symbolisme. En ce sens, nous pouvons considérer l’art mobilier comme un processus qui faisait partie intégrante des différentes activités des groupes magdaléniens. Outre la décoration des objets utilitaires tels que les armes (couteaux, proto‑harpons, bâtons percés, percuteurs, …) ou les objets d’ornementation personnelle, on trouve également des motifs sur des matériaux qui n’avaient pas d’utilité particulière comme des fragments de diaphyse et des plaquettes gravées. Dans les deux cas, nous avons observé des procédés de destruction, tels que le fait de rayer, effacer, découper ou casser intentionnellement. Cela suggère que, malgré leurs usages, ces objets contribuaient tous à un système symbolique commun.
6Étant donné que la majorité de l’art mobilier du Magdalénien moyen a été trouvé lors de fouilles du XIXe et du début du XXe siècle, nous ne connaissons pas les contextes de dépôt de ces œuvres mobilières : il est donc difficile d’explorer ces questions. Certains sites, comme Las Caldas ou les Galeries Inférieures de La Garma (Cantabrie), où le sol d’une salle du Magdalénien moyen est resté intact, nous permettent actuellement d’accumuler davantage d’informations sur le contexte. Bien que les données soient fragmentaires et qu’elles ne nous permettent pas encore de dégager des tendances générales, l’étude de la répartition spatiale et des associations contextuelles des objets d’art mobilier, ainsi que la reconstitution des chaînes opératoires, se révèle comme l’un des moyens les plus prometteurs d’appréhender le rôle de l’art mobilier dans les sociétés magdaléniennes.
Table des illustrations
![]() |
|
---|---|
Titre | Phases et sous-phases des différents procédés relatifs aux œuvres d’art mobilier analysées |
URL | http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/4907/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 32k |
![]() |
|
Titre | Deux modes d’exécution de la ligne du ventre réalisée en dernier sur des pièces d’Isturitz |
URL | http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/4907/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 76k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Olivia Rivero, « Nouveau regard sur l’art mobilier du magdalénien moyen de Cantabrie et des Pyrénées : analyse des chaînes opératoires », Palethnologie [En ligne], 5 | 2013, mis en ligne le 30 janvier 2013, consulté le 16 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/palethnologie/4907 ; DOI : https://doi.org/10.4000/palethnologie.4907
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page