Introduction
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Texte intégral
1Les préhistoriens font nécessairement référence, bien que de façon plus ou moins implicite, à une certaine typologie des sites occupés par les groupes de chasseurs-cueilleurs qu’ils étudient. De fait, depuis 40 ans au moins, la notion de « fonction des sites » occupe une place cruciale en préhistoire, singulièrement lorsqu’il s’agit d’interpréter la variabilité des assemblages archéologiques (et l’on se souvient notamment à cet égard de la controverse qui opposa François Bordes et Lewis Binford à propos de la signification des faciès moustériens). C’est ainsi que des lieux ayant accueilli des activités jugées spécialisées sont, selon les cas, le type de vestiges ou de témoignages rencontrés – mais aussi bien sûr d’analyses mises en œuvre –, volontiers désignés sous les termes d’atelier de taille, de site d’art (et bien souvent de sanctuaire) ou encore de halte de chasse, tandis que des sites occupés apparemment plus durablement et sur lesquels une gamme d’activités plus variée semble s’être déroulée, sont fréquemment qualifiés de campement résidentiel, d’habitat saisonnier ou bien encore, lorsqu’il s’agit d’implantations ayant livré un mobilier jugé exceptionnel d’un point de vue quantitatif comme qualitatif, de site d’agrégation voire de super‑site. Derrière ces termes, se dissimulent des notions lourdes de sens car, à travers eux, n’est‑ce pas toute l’organisation territoriale mise en œuvre par les groupes concernés qui est peu ou prou suggérée ? Et, derrière les règles mises en jeu dans cette organisation territoriale supposée, ne voit-on pas surgir des aspects étroitement liés à leur organisation sociale ? En effet, la segmentation des activités dans l’espace n’est pas seulement révélatrice du degré de planification économique développé par un groupe ; elle l’est aussi d’une certaine forme de fonctionnement social. Or, force est de constater que ces notions, comme les termes qui les désignent, demeurent flous. Si, à l’initiative notamment d’André Leroi‑Gourhan, les structures d’habitat préhistoriques bénéficient d’un vocabulaire forgé à l’aide de critères de définition précis – dont il est, dès lors, possible de discuter de la pertinence sur des bases solides –, la typologie des sites à laquelle ces termes font allusion repose sur des bases beaucoup plus fragiles, tout du moins dans le contexte de l’archéologie préhistorique européenne. Lorsqu’elles existent, les définitions proposées varient souvent selon les contextes, parfois selon les auteurs, ce qui nuit à toute entreprise de comparaison dans l’espace comme à travers le temps.
2Comment aborder un tel problème ? Selon nous, deux façons permettaient de le faire. Soit circonscrire une entité culturelle dans un espace donné et tâcher de dresser l’inventaire de toutes les situations archéologiques que l’on y rencontre afin d’en extraire une typologie des sites fréquentés par les groupes concernés ; soit s’affranchir de toutes limites chronologiques et géographiques mais resserrer notre attention sur un type de site en particulier, choisissant alors un cas de figure jugé parmi les plus répandus et en même temps les plus significatifs. C’est cette seconde option qui a été suivie dans cette rencontre et nous avons retenu pour cela un exemple emblématique : la « halte de chasse ». En effet, la notion de « halte de chasse », aussi triviale qu’elle puisse paraître lorsque l’on se penche sur des sociétés de chasseurs, est tout à fait représentative des problèmes et des enjeux rencontrés : il n’existe pas réellement dans le registre archéologique de définition précise de ce que l’on entend par ce terme, alors même qu’il est couramment employé pour désigner un type de site que l’on peut penser répondre, en référence à son emploi en contexte ethnologique, à l’existence d’expéditions spécialisées impliquant un partage des activités dans l’espace comme, éventuellement, entre les membres d’un groupe. En effet, dans bien des contextes ethnologiques, qu’il s’agisse d’études de cas ou bien de l’énoncé de modèles à portée plus générale, la « halte de chasse » désigne un lieu par essence complémentaire d’un campement résidentiel principal. Ce lieu est occupé très temporairement par un segment social d’un groupe, alors que le campement résidentiel principal est, lui, investi de façon plus durable par le groupe réuni au complet. Or, de retour en archéologie, on peut légitimement se poser la question suivante : la notion de « halte de chasse » est-elle toujours utilisée en toute conscience de la dimension socio-économique qu’elle suppose de fait ?
3Cette rencontre répondait également à un autre enjeu : confronter deux registres documentaires parmi les plus significatifs des sources dont nous disposons, à savoir les données archézoologiques et celles relatives aux équipements, notamment lithiques et osseux. En effet, il importe de mesurer, outre l’éventualité que cette notion de « halte de chasse » connaisse des appréciations variables selon les contextes culturels et/ ou géographiques, si elle n’est pas aussi susceptible d’être appréhendée de façon fort différente selon qu’on l’aborde du point de vue de l’animal ou bien de l’arme qui l’abat.
4L’ensemble de ces réflexions, enjeux théoriques comme enjeux méthodologiques esquissés dans les lignes précédentes, ont été au cœur des discussions qui ont animé la rencontre tenue à Toulouse en mai 2009. Au cours de ces journées, de nombreux points de vue ont été confrontés dans une approche pluridisciplinaire et pluri-contextuelle, mobilisant des exemples archéologiques européens mais aussi extra-européens, depuis le Paléolithique moyen jusqu’au Mésolithique, complétés par l’analyse de situations enregistrées dans des contextes chronologiques plus récents, américains ou africains et mêlant alors archéologie et ethnologie, dans un dialogue particulièrement fécond. Nous tenons à remercier très chaleureusement chacun des participants, qui ont tâché de répondre avec beaucoup de sincérité à l’interrogation finalement bien ambitieuse de cette rencontre : sommes-nous en mesure d’établir des critères de reconnaissance archéologique de ce que peut être un site a priori parmi les plus « simples », en l’occurrence une « halte de chasse » ? Nous les remercions d’autant plus qu’il est bien certain que la thématique de cette rencontre nous a tous plongés, en définitive, dans un certain inconfort…
5Nous ne saurions clore cette introduction sans remercier les différents acteurs qui ont apporté leur soutien à cette manifestation. En premier lieu, les soutiens financiers, nombreux, destinés tant à l’organisation des journées qu’à la publication des actes : la Direction régionale des affaires culturelles de Midi‑Pyrénées, le Conseil régional Midi‑Pyrénées, le PRES de Toulouse, le CNRS, le Conseil scientifique de l’université Toulouse II - Le Mirail et le laboratoire TRACES (UMR 5608, Toulouse), auxquels s’ajoutent le laboratoire ArScAn (UMR 7041, MAE Nanterre), l’Université de Liège et l’INRAP pour la seule publication. Nous souhaitons également remercier les membres du comité scientifique qui ont activement participé au travail éditorial : Françoise Audouze (ArScAn), Michel Barbaza (TRACES), Federica Fontana, (Università degli Studi di Ferrara), Jesus Emilio González Urquijo (Universidad de Cantabria), Jacques Jaubert (PACEA), Dominique Legoupil (ArScAn), Monique Olive (ArScAn), Jacques Pelegrin (Préhistoire et Technologie) et Boris Valentin (ArScAn). L’organisation matérielle de ces journées et la logistique ont été assurées par le Centre de Promotion de la Recherche Scientifique de l’Université Toulouse II - Le Mirail, dont nous tenons à remercier chaleureusement tous les membres pour leur efficacité et leur disponibilité. Nous remercions enfin le comité éditorial de la revue P@lethnogie et, en particulier, Vanessa Léa pour sa patience (si, si …), Céline Thiébaut pour la relecture des contributions, Fabien Tessier pour leur maquettage et enfin Magen O’Farrell pour l’ensemble des traductions Français / Anglais et Karim Gernigon pour les traductions Anglais / Français.
Pour citer cet article
Référence électronique
Nicolas Valdeyron, François Bon et Sandrine Costamagno, « Introduction », Palethnologie [En ligne], 3 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 21 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/palethnologie/6365 ; DOI : https://doi.org/10.4000/palethnologie.6365
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