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Partie 1 - Perspectives fonctionnelles

Quelle(s) utilisation(s) pour les productions lamellaires de l’aurignacien archaïque ? Quelques données et réflexions à partir des exemplaires de la grotte d’Isturitz (Pyrénées‑Atlantiques, France)

Christian Normand, Magen O’Farrell et Joseba Rios Garaizar
Traduction(s) :
The Function(s) of Archaic Aurignacian Bladelets: Data and Thoughts Based on Examples from Isturitz Cave (Pyrénées-Atlantiques, France) [en]

Résumé

Grâce à sa situation géographique privilégiée et à ses vastes dimensions, la grotte d’Isturitz a très tôt attiré les populations préhistoriques qui fréquentaient les Pyrénées occidentales. De fait, les fouilles entreprises dans la première moitié du XXe siècle ont mis en évidence des stratigraphies témoignant de fréquentes occupations durant les Paléolithiques moyen et surtout supérieur. A partir de 1999, la reprise des recherches dans la salle de Saint-Martin s’est principalement concentrée sur son importante séquence aurignacienne. La base de celle-ci est constituée par de riches ensembles de l’Aurignacien archaïque avec une industrie lithique largement dominée par les supports lamellaires. Nous présenterons ici les premiers résultats des études tracéologiques qui leur attribuent des utilisations diversifiées, tout en insistant sur la nécessité de valider les hypothèses émises, notamment par l’expérimentation.

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Texte intégral

Les opérations de fouilles programmées qui ont eu lieu dans la grotte d’Isturitz ne pourraient avoir lieu sans le soutien de Mme J. Darricau, propriétaire des grottes d’Isturitz et d’Oxocelhaya, et de M. D. Barraud, Conservateur Régional de l’Archéologie d’Aquitaine.
Elles sont financées par le Ministère de la Culture, le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques et la SARL des Grottes d’Isturitz et d’Oxocelhaya.
Les personnes travaillant aux grottes nous ont toujours réservé le meilleur accueil.
F. Bon a bien voulu relire cet article et y apporter d’indispensables remarques.
J.-B. et J.-P. Chadelle ont contribué à la réalisation des figures 15, 20 et 21.

  • 1 Plutôt que celle de « Protoaurignacien », nous avons choisi cette dénomination en accord avec les a (...)

1L’importance du débitage lamellaire dans l’Aurignacien n’est plus désormais à démontrer, de nombreux travaux ayant souligné à très juste titre le rôle majeur occupé par celui-ci tout au long de ce techno-complexe (p. e., pour ne citer que les références les plus récentes : Arrizabalaga, 1995 ; Chiotti, 1999 ; Bon, 2000 ; Bordes, 2002 ; Maíllo Fernández, 2003 ; Teyssandier, 2003). Ce rôle est à considérer sous au moins deux aspects : d’une part, celui des Aurignaciens eux-mêmes qui accordaient une place souvent privilégiée à la production et donc à l’utilisation de ces supports ; d’autre part, celui des préhistoriens, qui voient dans les variations typo‑technologiques de ces derniers la possibilité de proposer un séquençage assez précis des ensembles aurignaciens. En effet, les recherches récentes ont pu démontrer qu’au sein des « lamelles » se retrouvaient des pièces de morphologie et de modules sensiblement différents, portant pour certaines une retouche d’implantation et d’ampleur également changeantes, et qu’il était ainsi possible de définir parmi ces dernières quelques morpho-types principaux (p. e. : lamelles de types « Font-Yves », « Dufour », « Roc-de-Combe »… ; p. e. : Demars et Laurent, 1992), chacun associé avec plus ou moins d’exclusivité aux différentes phases de l’Aurignacien (ibid.). En ce qui concerne l’Aurignacien archaïque1, des pourcentages de lamelles retouchées dépassant régulièrement 25 % de l’outillage décompté ont été observés partout où les méthodes de fouille ont permis de les recueillir. C’est le cas en particulier dans tout un ensemble de séries provenant de sites allant de la zone cantabropyrénéenne (entre autres, El Castillo - p. e. : Cabrera Valdez et al., 1997, 2001 et 2006 ; Maíllo Fernández, op. cit.. Cueva Morín - p. e. : González Echegaray J. et Freeman L. G., 1971 et 1973 ; Maíllo Fernández, op. cit. et 2006. Labeko Koba - Arrizabalaga et Altuna, 2000. Gatzarria - Laplace, 1966 ; Saénz de Buruaga, 1991) à l’Italie (Riparo Mochi - p. e. : Laplace, 1977 ; Kuhn et Steiner, 1998. Fumane - p. e. : Bartolomei et al., 1992 ; Broglio et al., 1996, 2002 et 2003) sans oublier la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (p. e. : Schmider et al., 2002 ) et bien sûr la côte méditerranéenne avec des gisements comme l’Arbreda (p. e. : Maroto Genover et al., 1996 ; Soler Masferrer, 1999), La Laouza (p. e. : Bazile, 1974; Bazile et al., 1981 ; Sicard, 1995 ; Bazile et Sicard, 1999), l’Esquicho-Grapaou (p. e. : Bazile, 1984 ; Sicard, 1994 ; Bazile et Sicard, op. cit.) ou la grotte Mandrin (Slimak et al., 2006) pour n’en citer qu’une liste que nous savons incomplète. De tels pourcentages ont logiquement incité plusieurs chercheurs à s’interroger sur la fonction de ces objets et une utilisation comme armatures de projectile composite a été proposée, notamment pour les exemplaires de la grotte du Renne (p. e. : Schmider et Perpère, 1996), semblable à l’hypothèse retenue pour les pièces découvertes dans l’Aurignacien ancien de la grotte du Flageolet (Rigaud, 1993). Cette utilisation a été régulièrement mise en parallèle avec la grande rareté - et même le plus souvent l’absence  - de pointes de projectile en matière dure animale dans les séries de l’Aurignacien archaïque (Liolios, 1999). Pour autant, bien peu de ces lamelles ont fait l’objet d’une investigation plus poussée et les travaux entrepris à Fumane sont longtemps restés isolés (Broglio et al., 1996 et 2005). Toutefois, bien que très pertinents, ces derniers ont été limités aux supports retouchés et à la simple observation des macro‑traces d’utilisation, les altérations de la surface des pièces ayant empêché d’aller au‑delà (ibid., p. 498). Il nous semble donc opportun de présenter ici les données des études menées actuellement sur un important lot de lamelles provenant des campagnes 2002 à 2005 de la fouille des ensembles de l’Aurignacien archaïque de la grotte d’Isturitz. À la différence de ce qui a été réalisé jusqu’à présent, ces études portent sur toutes les catégories de pièces, qu’elles soient retouchées ou non, et mettent en œuvre l’analyse des macro et des micro‑traces, le bon état général de conservation ayant rendu possible la recherche de ces dernières. Cependant, même si les échantillons concernés sont très probablement représentatifs de l’équipement lamellaire des Aurignaciens archaïques d’Isturitz, nous devons les considérer comme des résultats préliminaires car, d’une part, les fouilles n’étant pas terminées, les séries de lamelles vont s’étoffer sensiblement, et, d’autre part, plusieurs travaux complémentaires (notamment ceux liés à la nécessaire expérimentation) restent encore à entreprendre.

La grotte d’Isturitz

Le cadre géographique

2La grotte d’Isturitz, placée à faible distance de la ligne de rivage actuelle de l’Océan Atlantique et des premiers contreforts pyrénéens, occupe une situation privilégiée dans le piémont des Pyrénées Occidentales, importante zone de passage et de contact entre, d’une part, la plaine aquitaine et, d’autre part, la corniche basco‑cantabrique et la vallée de l’Ebre, celle-ci étant accessible au sud par une série de cols éloignés de moins de 30 kilomètres (fig. 1).

Fig. 1 : Emplacement de la grotte d’Isturitz et principaux axes de circulation potentiels

Fig. 1 : Emplacement de la grotte d’Isturitz et principaux axes de circulation potentiels

3Administrativement implantée sur les communes d’Isturitz et de Saint‑Martin-d’Arberoue (Pyrénées-Atlantiques), cette cavité est étroitement liée à une vallée globalement orientée nord-sud et parcourue par une petite rivière d’une vingtaine de kilomètres de long, l’Arberoue, ainsi que par les quelques ruisseaux et torrents qui rejoignent cette dernière (fig. 2). L’ensemble est alimenté par de nombreuses sources nées des reliefs assez peu accentués qui l’encadrent et qui forment deux bandes à peu près parallèles, simplement rythmées par les échancrures qui séparent les principaux massifs et permettent d’accéder aux vallées voisines. De l’ordre de 200 m au nord, l’altitude de ceux-ci augmente progressivement vers le sud mais reste toujours modérée, avec un maximum de 571 m pour le sommet d’Hocha Handia. Ces différents caractères favorisent une bonne accessibilité et expliquent le rôle de voie de communication entre les plaines de l’Adour et les premiers contreforts pyrénéens, rôle qui a pu exister de tout temps et s’appliquer bien sûr aux groupes humains mais aussi aux troupeaux d’herbivores dans le cadre de leurs migrations saisonnières entre ces deux biotopes. La grotte s’ouvre dans une colline constituée de calcaire de l’Urgonien (alt. : 209 m), la colline de Gaztelu, dont la dénomination rappelle la présence d’un château royal navarrais (Normand, 1997), véritable éperon rocheux long de 500 m et large de 300, qui surplombe la vallée d’une centaine de mètres et barre partiellement celle‑ci. En traversant cet obstacle, l’Arberoue y a creusé plusieurs étages de cavités dont 3 sont actuellement connus : le réseau d’Erberua où elle circule encore, celui d’Oxocelhaya et celui d’Isturitz (fig. 3).

Fig. 2 : La vallée de l’Arberoue depuis l’entre sud de la grotte

Fig. 2 : La vallée de l’Arberoue depuis l’entre sud de la grotte

Fig. 3 : La colline de Gaztelu avec ses principaux sites

Fig. 3 : La colline de Gaztelu avec ses principaux sites

4Ce dernier, orienté globalement nord-ouest/sud-est, se présentait probablement à l’origine comme un très vaste tunnel de plus de 120 m de long sur une largeur atteignant localement 50 m, ouvert à ses deux extrémités mais des effondrements successifs ont progressivement et totalement colmaté l’entrée sud-est et très fortement réduit celle placée à l’opposé, restée cependant toujours accessible (fig. 4). Deux zones y ont été distinguées : la Salle de Saint-Martin (ou Salle Sud) et la Grande Salle ou Salle d’Isturitz (ou Salle Nord), mais il faut y ajouter deux salles “annexes” : la Salle des Rhinolophes et la Salle des Phosphates, ainsi que diverses petites galeries adjacentes. La Salle d’Isturitz frappe par son ampleur, avec une surface de plus de 1500 m², soulignée par une hauteur de plafond atteignant localement 15 m. Actuellement, son sol présente une double déclivité, issues de ses deux extrémités, qui converge à proximité de l’escalier creusé en 1953 afin de permettre l’accès au réseau d’Oxocelhaya. La déclivité maximale, au pied de l’entrée côté Isturitz, correspond à un talus important, formé de déblais des fouilles anciennes, dont la pente semble être très proche de ce qui existait avant celles‑ci. Des lambeaux de planchers encore fixés aux parois témoignent d’une importante couverture de calcite détruite lors de ces fouilles. La physionomie de la Salle de Sain‑Martin, beaucoup moins affectée par les recherches antérieures, est sensiblement différente. Outre une surface moindre, elle se distingue de sa voisine par une voûte ne dépassant guère 2 m de hauteur et de très nombreuses concrétions reliant fréquemment celle-ci à un plancher localement épais (30 cm).

Fig. 4 : Plan de la grotte d’Isturitz, extension des couches aurignaciennes et situation de la zone en cours de fouille

Fig. 4 : Plan de la grotte d’Isturitz, extension des couches aurignaciennes et situation de la zone en cours de fouille

Historique des recherches

5La grotte d’Isturitz a toujours été connue et a pendant plusieurs siècles inspiré légendes et attributions erronées (Normand, à paraître a). Elle fait son apparition dans des textes dès la fin du XVIIe siècle comme mine d’or romaine et ce n’est qu’en 1786 qu’elle est enfin mentionnée comme cavité naturelle par le baron de Dietrich.

6En 1895 débuta dans la Salle des Phosphates une exploitation industrielle de ces engrais, très abondants dans le sol de la cavité, et de nombreux vestiges préhistoriques y furent observés. La destruction progressive du gisement fut interrompue en 1898 à la suite d’un procès.

7Dès lors, plusieurs préhistoriens envisagèrent une fouille dans ce gisement, notamment E. Piette et H. Breuil, mais sans passer à l’acte. F. Mascaraux y fit au moins un sondage mais les véritables recherches ne débutèrent qu’en 1912 avec E. Passemard, qui quitta la grotte en 1923 après un sondage pratiqué dans la Salle de Saint-Martin jusqu’à 7,5 m de profondeur mais sans atteindre la roche en place (Passemard, 1944). A sa suite, R. et S. de Saint-Périer obtinrent l’autorisation d’y reprendre les fouilles qui se poursuivirent avec plus ou moins d’intensité jusqu’à la mort du comte en 1950 (Saint-Périer, 1930, 1936, 1952). Cette phase de recherche s’acheva en 1959 par une intervention sous le porche sud‑est, à laquelle participa G. Laplace. Faute de publications, il est impossible de connaître précisément dans quelle mesure ce dernier est intervenu dans la grotte. Il est cependant assuré qu’il y recueillit un abondant matériel lors du tamisage des déblais d’une fouille clandestine dont fut victime, lors de l’hiver 1985/86, la coupe correspondant à la limite des travaux de R. et S. de Saint‑Périer. C’est en particulier cette dégradation qui incita la propriétaire du site à faire appel au Service régional de l’Archéologie d’Aquitaine pour une évaluation du potentiel archéologique.

8Cette opération eut lieu de 1996 à 1998 (Normand et Turq, 2007). Elle déboucha l’année suivante sur des fouilles programmées qui ne sont pas encore terminées au moment où ces lignes sont écrites.

Le cadre archéologique général

9Il est bien évidemment impossible de rappeler ici la totalité des très nombreuses données issues de l’énorme investissement humain dont ce gisement a été l’objet et dont témoigne une très abondante bibliographie (Normand in : Normand et al., 2005). Nous avons déjà mentionné les deux caractères principaux de la grotte d’Isturitz : une situation privilégiée au cœur de l’aire Aquitano-Pyrénéo- Cantabrique et une vaste surface accessible à des groupes humains importants. Ils peuvent expliquer à eux seuls qu’elle ait attiré très tôt et pendant longtemps les populations de chasseurs-cueilleurs fréquentant la zone. Effectivement, les diverses recherches ont mis en évidence une remarquable succession d’occupations paléolithiques (p. e. : Passemard, 1922, 1924 et op. cit. ; Saint-Périer, op. cit.), ce qui a conduit la communauté scientifique à considérer la grotte d’Isturitz comme le principal site préhistorique des Pyrénées Occidentales mais aussi comme l’un des habitats les plus importants d’Europe pour cette période.

10Bien que le matériel et les stratigraphies décrites par les principaux fouilleurs posent plusieurs problèmes - tri très important, globalisation des couches, absence de prise en compte des variations qui devaient forcément exister dans un site aussi vaste... - il est cependant envisageable de reconstituer les grandes lignes des occupations humaines, résumées ici et dans le tableau suivant (tabl. 1) :

  • dans la Salle d’Isturitz, au-dessus de couches qui n’auraient contenu que de la faune, a été rencontrée la séquence quasi complète du Paléolithique supérieur avec au sommet de l’Azilien, puis des sépultures de l’Age du Bronze déposées sur un grand plancher stalagmitique à proximité de l’entrée nord. Si les occupations attribuées à l’Aurignacien et surtout au Solutréen ont été considérées comme relativement ponctuelles, celles du Gravettien et du Magdalénien ont été jugées particulièrement importantes d’après la très grande masse d’objets de tous ordres qu’elles ont livrés ;

  • dans la Salle de Saint-Martin les premières fréquentations humaines reconnues, dont les témoignages sont parfois associés à d’abondants restes d’Ours, débutent avec le Moustérien. Au-dessus, ont été reconnus de riches ensembles aurignaciens et magdaléniens, tandis que seules quelques pièces témoignent d’éventuels passages gravettiens et solutréens. Comme dans la salle précédente, des dépôts de vestiges humains de l’Age du Bronze scellent la séquence archéologique.

Tab. 1 : Synthèse des stratigraphies décrites selon les auteurs et les secteurs

Tab. 1 : Synthèse des stratigraphies décrites selon les auteurs et les secteurs

L’Aurignacien

Données anciennes sur les stratigraphies aurignaciennes

11E. Passemard puis R. et S. de Saint-Périer ont signalé de l’Aurignacien dans les deux salles sur une surface approchant 1700 m², lui attribuant des séries souvent denses mais inégalement réparties (p. e. : Esparza San Juan, 1995 ; Normand, 2005-2006 ; Normand et Turq, op. cit.).

12Dans la Salle d’Isturitz, une seule couche a été vue : A pour E. Passemard (Passemard, 1944) et Ist V pour R. et S. de Saint-Périer (Saint-Périer, 1952). Cette dernière série a été rapprochée du seul Aurignacien « moyen » (Saint‑Périer, op. cit.). Pourtant, si l’on se fie à ce qui a été publié et à nos propres observations, il est légitime de penser que l’archéostratigraphie aurignacienne devait y être bien plus complexe (Normand, op. cit.).

13A l’entrée de celle de Saint-Martin, il n’a également été signalé qu’un seul ensemble, attribué au « Protoaurignacien à pièces à dos marginal » (Laplace, 1966), mais deux ont été distingués (séries « inférieure » et « supérieure ») dans la collection Saint- Périer du Musée d’Archéologie Nationale (obs. pers.), ce qui est conforme à nos propres données (Normand et Turq, op. cit.). A l’intérieur, E. Passemard a décrit un ensemble (xy) d’attribution incertaine, puisqu’il y fait mention d’objets d’aspect gravettien ou solutréen (Passemard, op. cit.). Dessous, il a rencontré une très riche couche aurignacienne qu’il dénomme également A, ou « couche truffée ». Pour leur part, R. et S. de Saint-Périer ont reconnu trois couches aurignaciennes, de haut en bas : S II, S III et S III base (Saint-Périer, op. cit.). Leur attribution chronologique précise est très délicate du fait (d’évidentes contaminations) et d’une récolte ayant sur‑représenté les pièces à caractère « aurignacien » . De fait, si A et S III ont toujours été datés de l’Aurignacien « typique » (Passemard, op. cit., p. 22 ; Saint-Périer, 1952, p. 201 et 1965 ; Esparza San Juan, op. cit., p. 100), S II a été qualifiée d’Aurignacien moyen (Saint-Périer, op. cit, p. 188), d’Aurignacien « typique » évolué (Saint-Périer, 1965), d’Aurignacien II ou III (Barthélémy de Saizieu, 1981, p. 84), d’Aurignacien I (Bicard-See et Moncel, 1984 et 1985) enfin d’Aurignacien « typique » plus récent que S III (Esparza San Juan, op. cit., p. 107). De son côté, S III base a d’abord été rapprochée d’un « faciès pyrénéen de l’Aurignacien inférieur ou Châtelperronien » (Saint- Périer, 1952, p. 226) puis considérée comme du « Préaurignacien » (Saint-Périer, 1965) enfin comme du « Protoaurignacien » (Esparza San Juan, op. cit., p. 91). Ces données ont bien évidemment servi de base à la reprise des recherches.

Emplacement des fouilles actuelles et représentativité des séries recueillies

14Les sondages de 1996/1998 nous ont en fait montré que dans la salle et sous le porche de Saint-Martin, de riches couches aurignaciennes lato sensu devaient encore couvrir une surface comprise entre 500 et 700 m2, alors qu’à peu près 350 m2 avaient été affectés par les recherches précédentes (Normand et Turq, op. cit. ; fig. 4). Entre autres choses, c’est le fort décalage constaté entre leur contenu réel et celui des collections anciennes, et la possibilité d’étudier précisément les stratigraphies, à l’évidence très simplifiées antérieurement, qui nous ont incités à y reprendre les travaux. Nous avons choisi de les concentrer dans une zone correspondant assez précisément à la coupe laissée par R. et S. de Saint-Périer à l’arrêt de leurs recherches.

15Trois secteurs ont été individualisés, séparés par deux énormes blocs d’effondrement (fig. 5) :

  • le secteur « Fouille principale ». D’une surface maximale proche de 7 m², il correspond aux bandes 28 à 33 du carroyage général ;

  • le secteur « Coupe ». Sa superficie est plus réduite, de l’ordre de 4 m² au maximum, et il se partage sur les bandes 34 à 39 de ce même carroyage ;

  • le secteur « Extension » d’à peu près 8 m² mais dont une très grande partie est occupée par un troisième bloc.

Fig. 5 : Plan de la zone actuellement fouillée

Fig. 5 : Plan de la zone actuellement fouillée

16Au total et en tenant compte de la place occupée par les blocs d’effondrement, ce ne sont qu’une quinzaine de mètres carrés sur près de 1500 occupés au départ par les couches aurignaciennes, soit moins de 1 %, qui sont concernées. Ce fait impose de se poser la question de la représentativité des données qui sont issues de cet « échantillon ». Il est bien évident que nous ne saurons jamais précisément ce qu’il y avait là où ont porté les recherches anciennes. Toutefois, outre les collections qui en sont issues, nous disposons de deux autres informations nous permettant d’apporter un début de réponse à cette interrogation : le tamisage de déblais (avec une moyenne de 400 outils par m3) et les sondages faits dans d’autres parties de la cavité et où a été rencontrée la séquence aurignacienne. Au final, les séries recueillies présentent des composants internes globalement similaires à ce qui est observé dans la zone actuellement fouillée. Certes, des variations existent au sein de l’outillage lithique, mais elles ne concernent quasiment que les équilibres typologiques et, rapportées aux pourcentages respectifs de chaque type d’outils, ne nous paraissent guère significatives. Surtout, nous n’y avons vu aucune différence particulière concernant les domaines abordés dans cet article. Aussi, nous considérons que les données fournies par les travaux en cours sont globalement représentatives de ce qui existe dans l’Aurignacien de l’ensemble de la salle de Saint-Martin.

La géo-stratigraphie

17Les études sédimentologiques engagées depuis le début des opérations ont permis de mettre en évidence les deux agents principaux de la mise en place des dépôts : l’éboulisation et le ruissellement (p. e. : Texier, 1997 ; Texier et Lenoble, à paraître). Bien que seul le secteur « Fouille principale » ait fait l’objet d’une étude détaillée, il est acquis que ces deux agents ont joué un rôle très comparable dans les deux autres secteurs.

18L’éboulisation et le ruissellement ont évidemment conditionné la lithostratigraphie observée, avec une double variabilité :

  • une variabilité verticale puisque ont alterné des périodes d’accumulation de fragments issus des voûtes et d’autres où les ruissellements l’emportaient largement ;

  • une variabilité horizontale, induite par la présence à la verticale du secteur « Fouille principale » d’une diaclase par où se produisaient - et se produisent encore - des écoulements d’intensité variable selon les zones de la fouille. En effet, leur activité a été particulièrement importante dans les bandes 28 et 29 ainsi que dans le carré W1 31.

19De plus, l’action répétée de l’alternance gel/dégel a eu comme effet de provoquer des cryoturbations à certains moments de la mise en place des dépôts. Celles-ci se traduisent localement par diverses actions sur les couches : ondulations, classement des cailloutis, injections… S’y ajoutent des phénomènes de solifluxion, visiblement de peu d’intensité.

205 unités (I, II, III, IV et V) ont été distinguées dans le secteur « Fouille principale », dont la description peut être résumée ainsi (Texier, op. cit., Texier et Lenoble, op. cit.) :

  • Unité I. Plancher laminé d’épaisseur variable, interstratifié avec des argiles décantées brunes à brun-noir ;

  • Unité II. Blocs et cailloux calcaires anguleux, très hétérométriques, non orientés, avec au sommet, un éboulis colmaté par une argile sableuse gris foncé ; au milieu, un éboulis ouvert uniquement présent au nord du témoin ; à la base, un éboulis semi-ouvert à colmaté par une matrice jaune. Son épaisseur varie de 0,1 à 1 m ;

  • Unité III. Lentilles emboîtées s’étendant sur les bandes 28 à 29. Ces niveaux livrent deux faciès : des limons lités à lamines sub-horizontales et des alternances de lits de pseudo‑sables ou graviers triés en comblement de chenaux. A partir de la bande 30, présence d’un cailloutis à support clastique, matrice limono-argileuse gris foncé, d’à peu près 1 m d’épaisseur ;

  • Unité IV. Limons argileux jaunes à débit polyédrique (épaisseur comprise entre 0,3 et 0, 6 m).

  • Unité V. Dépôts caillouteux et graveleux à structure ouverte à semi-ouverte (épaisseur non connue)

Les archéo-stratigraphies

21Les séquences aurignaciennes, qui varient quelque peu selon les secteurs, s’intègrent dans les unités géologiques II, III et peut‑être IV, dans laquelle le matériel recueilli est rare et, pour l’instant, non diagnostic. Cette dernière unité, d’une cinquantaine de centimètres d’épaisseur moyenne, isole nettement les ensembles archéologiques actuellement fouillés des couches moustériennes sous-jacentes, par ailleurs très pauvres dans ce secteur de la grotte, et constitue une garantie, à notre avis fiable, de l’absence de contamination de l’Aurignacien par du matériel issu de celles‑ci.

22Les acteurs sédimentaires ont bien évidemment eu un impact sur les assemblages archéologiques et il est possible globalement de scinder en deux groupes ces derniers en fonction de leur contexte géologique :

  • d’une part, ceux associés à des couches où les ruissellements ont eu un rôle important. Celles-ci « livrent des passées de matériel en position secondaire » et « il en résulte une diffusion du matériel de chaque occupation dans les niveaux sus‑jacents » (Texier et Lenoble, op. cit.). La fiabilité de ces ensembles est donc très sujette à caution et ils n’ont pas été retenus dans les études en cours ;

  • d’autre part, ceux contenus dans les éboulis pour lesquels il existe certes un risque d’« exportation des objets les plus petits » mais où « la position stratigraphique des objets qui s’y sont retrouvés ne semble pas devoir être remise en question » et où « la solifluxion n’a pas eu d’impact significatif sur la constitution des nappes de vestiges » (Texier et Lenoble, op. cit.). Nous considérons ainsi que la fiabilité de ces ensembles (et donc des informations qu’ils livrent) n’a pas a priori à être remise en cause.

23Au final, si on y ajoute la nécessité d’un effectif global statistiquement significatif, sur la trentaine d’ensembles distingués tous secteurs confondus, seuls une douzaine nous paraissent avoir une valeur scientifique assurée. Ils sont indiqués en gras et en italique dans le tableau 2 où nous avons intégré une proposition de corrélations avec ce qui a été décrit par nos prédécesseurs.

Tab. 2 : Proposition de corrélations des séquences aurignaciennes des fouilles anciennes et actuelles

Passemard

Saint-Périer

secteur "fouille principale"

secteur "coupe"

secteur "extension"

C 3a

absent

absent

 y

 S II

C 3b sommet

C 3I

E 3I

 

 

C 3b base

C 3II

E 3II

C 4b1

C 4Ia

E 4Ia

 

 

C 4b2

C 4Ib (et c?)

E 4Ib

 

 

C 4c1, 2 et 3

absent

non encore fouillé

 A

 S III

C 4c4

C 4II

non encore fouillé

 

 

C 4c5

absent ?

non encore fouillé

 

 

C 4c6 et 7

?

non encore fouillé

 

 

C 4c8 à 11

absents

non encore fouillé

 

 

C 4d1 a, b, c et j

C 4IIIa, b, cet d

non encore fouillé

A ou ?

S III base

base de C 4d et/ou C 5 ?

base de C 4III et/ou C 5 ?

non encore fouillé

Les attributions chronologiques

24Les quelques résultats typo-technologiques disponibles actuellement pour C 4d1 et C 4III rattachent indiscutablement ces séries à l’Aurignacien archaïque (Normand, 2006). Cette attribution est compatible avec les deux seules dates obtenues pour l’instant, chacune sur un morceau d’os brûlé, l’une pour le sommet de C 4d, l’autre pour sa base (respectivement Gif 98237 : 34630 ± 560 BP et Gif 98238 : 36550 ± 610 BP ; Turq et al., 1999).

25Les caractéristiques majeures des ensembles C 4b1 et 2, C 4I et E 4I (carénés et retouche aurignacienne présents sans être abondants, armatures à base fendue en bois de renne …) orientent à l’évidence vers la phase ancienne de l’Aurignacien. Toutefois, certains points (coexistence de supports de morphologie variable, de plusieurs modes de production lamellaires, parure de dents de Bovinés perforées…) montrent quelques différences avec l’Aurignacien ancien tel qu’il est actuellement décrit en Aquitaine (p. e. : Chiotti, 1999 ; Bon, op. cit. ; Bordes, op. cit. ; Bordes et Tixier, 2006 ; White, à paraître), pouvant être expliquées par une variabilité territoriale et/ou chronologique (Normand, op. cit.).

26C 4c4 et C 4II, pour leur part, pourraient représenter une évolution entre les phases archaïque et ancienne de l’Aurignacien.

27L’attribution chronologique de C 3b sommet, C 3I et E 3I est moins facile à déterminer. En effet, si la grande majorité du matériel présente encore des similitudes avec l’Aurignacien ancien, une attribution à celui-ci n’échappe pas à plusieurs objections. L’une vient des dates (Beta 136048 : 28290 ± 240 BP ; Beta 136049 : 29400 ± 370 BP ; Barandiaran et al., 2000), obtenues pour la partie haute de C 3b sommet, qui évoquent une phase plus récente. L’autre, de quelques outils récoltés également dans le haut de C 3b sommet, parmi lesquels deux parties mésiales de petites lames à retouche directe abrupte sur un bord. S’y ajoute la présence de 4 burins busqués dans le mobilier de S II. Bien qu’aucune subdivision n’ait été perceptible à la fouille, il est probable que ces ensembles regroupent des pièces, sans doute majoritaires, de l’Aurignacien ancien et, tout au sommet, d’autres, plus récentes, auxquelles correspondraient les datations.

Les lamelles de l’Aurignacien archaïque

Données générales sur l’Aurignacien archaïque

28Bien que recueillis dans des secteurs différents et distingués à la fouille, nous regrouperons dans cette étude la totalité des ensembles provenant de C 4dI et C 4III. En effet, les quelques divergences notées entre ces ensembles, très principalement des différences d’effectif et des variations typologiques, ne nous semblent pas, en l’état actuel des recherches et en les considérant dans leur globalité, nécessiter leur individualisation dans les lignes qui suivent. Par contre, certains points seront bien évidemment signalés lorsque nous les jugerons pertinents.

29Les vestiges attribuables à l’Aurignacien archaïque sont d’une façon générale très abondants et variés. Ils correspondent à des séjours, certainement fréquents et denses, lors de la belle saison (Rendu, 2005). La chasse est principalement axée sur le Cheval et, secondairement, les grands Bovidés, tandis que le

30Renne n’occupe qu’une place subalterne, quasiment à égalité avec le Cerf (Costamagno, 2005 ; Costamagno et Letourneux, 2006). Une utilisation substantielle de l’os comme combustible est démontrée par la très forte proportion de fragments brûlés.

31L’outillage en matière dure animale, relativement fréquent, comprend essentiellement des lissoirs et des poinçons en os, auxquels s’ajoutent de rares retouchoirs et un petit fragment mésial de pointe, de type indéterminé, sur bois de Cervidé (Goutas, 2005 et 2006).

32Au sein de l’outillage lithique, qui comptait 689 unités avant la campagne 2006 (il approche désormais le millier), les lamelles retouchées occupent une place privilégiée (entre 60 et 70 % selon les secteurs et les sous-ensembles). S’y ajoutent des lames retouchées (entre 11 et 14 %), des burins (entre 5 et 9 %), des grattoirs (entre 3 et 8 %) ; à noter que le pourcentage additionné des pièces esquillées, des pièces à encoche ou denticulées et des racloirs n’atteint pas les 10 %. Les matières premières employées sont presque uniquement des silex, surtout d’origine proche (25 à 30 km du site), même si des approvisionnements plus lointains ont été mis en évidence, en particulier depuis la haute vallée de l’Ebre soit des déplacements de plus de 150 km au travers des Pyrénées, tandis que les silex du nord de l’Aquitaine sont totalement absents (Tarriño et Normand, 2006). Quelques objets sur galets complètent cet inventaire, principalement des percuteurs et/ou des enclumes, plus rarement des broyeurs (A. de Beaune, 2006).

33La parure comprend une cinquantaine de gastéropodes perforés (en majorité des Littorines), ainsi que 2 pendeloques en ambre et une en roche tendre de forme zoomorphe ou anthropomorphe (White, 2005).

Le débitage lamellaire

34Tout d’abord nous rappellerons qu’ont été désignés comme lamelles tous les supports allongés de largeur inférieure ou égale à 1,2 cm et, par conséquent, comme lames ceux ayant une largeur supérieure (Normand et Turq, 2005). Cette distinction, faite dans les premières années des recherches, reposait sur l’absence dans les séries recueillies alors de retouche inverse sur les supports dont la largeur dépassait cette mesure. Les analyses que nous présenterons dans cet article nous ont conduit à repenser la validité de cette limite, désormais arbitraire, entre ces deux catégories de produits et des concepts qui les accompagnent.

35Bien que non décompté avec précision, l’effectif cumulé des lames et des lamelles, brutes ou retouchées, dépasse les 6000 exemplaires. Si l’on considère la totalité des objets susceptibles a priori d’être utilisés comme support de l’outillage, c’est-à-dire en tenant compte de tous les éclats de plus de 2 cm ainsi que de l’ensemble des lames et des lamelles, celles‑ci représentent respectivement 15 % et 70 % de ce total. Il faut noter cependant que le taux de fracturation est très fort puisque moins de 7 % de ce type de supports nous sont parvenus entiers, ce qui amplifie évidemment les pourcentages précédents, et nous reviendrons plus en avant dans le texte sur les hypothèses pouvant expliquer ce bris important. Pour autant, il est évident que la production lamino-lamellaire était à Isturitz l’objectif prioritaire, sinon quasi-unique, des Aurignaciens archaïques et qu’une grande partie d’entre elle s’est déroulée sur place (Normand, op. cit.).

36Un lot d’une centaine de nucléus, dont 85 ressortent du débitage lamellaire, est associé à cette production. Les débitages, toujours par percussion organique, s’enclenchent le plus souvent après une simple abrasion de la corniche. Nous ne rentrerons pas dans le détail des schémas utilisés et leurs implications, ceci devant être fait par ailleurs (Normand, à paraître b), mais il est possible d’en rappeler la principale caractéristique qui est la grande variété des modalités mises en œuvre.

  • 2 Il faut ajouter à cet inventaire 5 pièces où le débitage lamellaire n’a été qu’amorcé.

37En grande partie définis selon la morphologie et l’implantation de la surface d’exploitation, 6 principaux types de nucléus ont été distingués. Ils se répartissent ainsi2 :

  • 4 nucléus à surfaces d’exploitation généralement utilisées après leur abandon comme nouveau plan de frappe (fig. 6) ;

  • 2 carénés et 5 carénés atypiques. Un exemplaire, dont la morphologie générale est celle des carénés, est susceptible de faire le lien avec le type suivant car il en possède certains caractères tels un plan de frappe aménagé et un débitage dans la « tranche » de l’éclat (fig. 7) ;

  • 29 sur « tranche » d’éclat, dont 2 sur tablette d’avivage de plan de frappe. Le débitage y est quasi toujours unipolaire (fig. 8) et il n’y a qu’un cas où il est bipolaire (fig. 9) ;

  • 14 pyramidaux. Ces objets possèdent une surface d’exploitation unipolaire et triangulaire car entretenue par des enlèvements de flancs convergents et parfois outrepassés (fig. 10) ;

  • 20 prismatiques. La morphologie de leur surface d’exploitation, plutôt rectangulaire, est parfois due à un entretien assuré par des enlèvements issus d’un plan de frappe secondaire opposé au principal mais, pour autant, il n’y a pas de limite nette entre la surface d’exploitation et les flancs d’où partent fréquemment des enlèvements lamellaires. C’est en fait les caractères peu ou pas convergents et non outrepassants de ceux-ci qui assurent le plus souvent la différence avec le type précédent. Quelques exemplaires montrent une réorientation et/ou une réimplantation de cette surface (fig. 11) ;

  • 6 trapézoïdaux. Cette forme pourrait assurer une certaine continuité entre les 2 types que nous venons d’évoquer. De fait, 2 pièces combinent les caractères de ceux-ci, à savoir un entretien de cette surface par des enlèvements de flanc convergents et par des enlèvements issus d’un plan de frappe secondaire situé à l’opposé du premier.

38Cependant, malgré cette variété, il est possible de séparer deux formes de productions lamellaires :

  • la première, correspondant aux trois premiers types de nucléus, est autonome et réalisée presque toujours sur des éclats dont elle exploite la totalité du volume (« exploitation multiple ») ou l’épaisseur, en privilégiant alors un axe parallèle aux faces (nucléus sur « tranche » d’éclat), plus rarement perpendiculaire (nucléus carénés). Le module des lamelles, très fréquemment de morphologie rectiligne, assez élancée et quasiment jamais torse, est assez standardisé au sein de chaque catégorie. Toutefois, celles extraites des nucléus à surfaces d’exploitation multiples et des carénés paraissent plus petites (longueur en fin de production proche de 2 cm) que celles liées aux nucléus sur « tranche » d’éclat (longueur voisine de 4 cm) ;

    • 3 Un de ces blocs a une longueur légèrement inférieure à 5 cm.

    la seconde, associée aux nucléus prismatiques, pyramidaux ou trapézoïdaux - majoritairement sur bloc - fournit des supports extraits le plus souvent en continuité d’un débitage laminaire, entamé généralement à partir d’un bloc de dimension pouvant être relativement réduite dès le départ3. Le module des supports obtenus se distingue de celui des lamelles précédentes par une forte variabilité dimensionnelle, comme en témoigne en particulier la longueur des derniers produits, comprise entre 1,7 et 4 cm.

39Concernant leur morphologie, celle-ci est globalement proche de celle qui vient d’être décrite. Dans le détail, on peut cependant remarquer que les extrémités distales des lamelles issues des nucléus pyramidaux ont un profil légèrement plus courbe et une forme plus pointue que celles venues des nucléus prismatiques. Il convient également d’ajouter que lors de la phase d’exploitation laminaire, des lamelles, généralement très rectilignes, peuvent être extraites en profitant des nervures dégagées par l’extraction des lames.

Fig. 6 : Nucléus à surfaces d’exploitation multiples

Fig. 6 : Nucléus à surfaces d’exploitation multiples

Fig. 7 : Nucléus de morphologie carénée

Fig. 7 : Nucléus de morphologie carénée

Fig. 8 : Nucléus sur « tranche » d’éclat à débitage unipolaire

Fig. 8 : Nucléus sur « tranche » d’éclat à débitage unipolaire

Fig. 9 : Nucléus sur « tranche » d’éclat à débitage bipolaire

Fig. 9 : Nucléus sur « tranche » d’éclat à débitage bipolaire

Fig. 10 : Nucléus pyramidal

Fig. 10 : Nucléus pyramidal

Fig. 11 : Nucléus de morphologie prismatique

Fig. 11 : Nucléus de morphologie prismatique

Les lamelles

40Les différentes observations ont porté sur un lot de 451 pièces retouchées (165 provenant de C 4d1 et 286 de C 4III) et de plusieurs centaines non retouchées. Nos observations s’appliqueront tout d’abord aux premières.

Fragmentation

41Nous avons déjà évoqué le fort taux de fracturation des supports lamino‑lamellaires, puisque moins de 7 % de ceux-ci, tous types confondus, sont entiers. Ce pourcentage est encore plus fort dans le cas des lamelles retouchées, puisque plus de 97 % ne sont représentées que par des fragments (fig. 12).

Fig. 12 : Répartition des types de fragments lamellaires dans les ensembles C 4d1 et C 4III

Fig. 12 : Répartition des types de fragments lamellaires dans les ensembles C 4d1 et C 4III

42Parmi ceux-ci, les fragments mésiaux l’emportent (285 exemplaires au total soit 63,2 %), leur domination étant légèrement amplifiée dans C 4III (67,1 %). Suivent, assez loin derrière, les fragments proximaux (22,2 %), puis les distaux (12,4 %).

43Cette fragmentation peut avoir plusieurs explications et nous en citerons les principales, qui nous semblent toutes pouvoir s’appliquer à des degrés divers :

  • la première est associée à une évidente production sur place, qui peut avoir induit un bris pendant le débitage ou, dans une plus faible mesure, la retouche ;

  • la deuxième est liée au piétinement sur un sol riche en blocs calcaires. En ce sens, il n’est certainement pas neutre que la longueur moyenne des fragments découverts dans le secteur « Coupe », où la densité des éboulis est forte, soit assez sensiblement inférieure à celle de ceux provenant du secteur « Fouille principale », où la composante calcaire est bien moindre. Cette hypothèse pourrait également être confortée par un plus fort pourcentage de raccords de fragments découverts à proximité les uns des autres dans le premier secteur ;

  • la troisième correspond à une action volontaire visant à obtenir des fragments de morphologie spécifique, en l’occurrence des pièces rectangulaires comme le sont les fragments mésiaux ;

  • la dernière découle d’une utilisation pendant laquelle les lamelles se seraient brisées. Nous reviendrons sur ces deux dernières hypothèses dans la partie consacrée aux analyses fonctionnelles.

44Quoiqu’il en soit, nos observations semblent indiquer que cette fracturation s’est souvent traduite par l’obtention de 4 à 5 fragments pour une même lamelle donc, de fait, par un plus grand nombre de fragments mésiaux que distaux ou proximaux, ce qui est sans doute une des causes de la disproportion entre leurs pourcentages respectifs. Toutefois, cela ne peut expliquer l’écart entre la part des fragments distaux et celle des proximaux et va être l’occasion d’aborder la question de la retouche de ces objets.

Retouche

45Les types de retouche observés sont assez diversifiés, tant dans leur positionnement que dans leur intensité ou leur régularité (fig. 13). Il est communément admis que la retouche a, entre autres fonctions, celle de régulariser et/ou de renforcer un bord de l’objet mais aussi d’obtenir un gabarit donné à partir de morphologies et de modules plus ou moins hétérogènes. Cela se traduit donc logiquement par une intervention plus ou moins poussée du tailleur en fonction du support dont il dispose.

Fig. 13 : Répartition des types de retouche affectant les lamelles dans les ensembles C 4d1 et C 4III

Fig. 13 : Répartition des types de retouche affectant les lamelles dans les ensembles C 4d1 et C 4III

46De fait, il est frappant de constater que l’ampleur de la retouche des lamelles varie d’une modeste délinéation à peine visible à l’œil nu à une reprise très nette du bord, souvent abrupte ou semi-abrupte et accompagnée parfois d’un retrait de plusieurs mm. Dans le premier cas, il n’est pas toujours aisé de distinguer ce qui est volontaire de ce qui résulte de l’utilisation et les critères distinctifs ont alors été la régularité et une continuité sur au moins 5 mm. Cette variation s’applique non seulement selon les pièces et la latéralisation de la retouche, mais aussi sur un même objet. Ainsi, seule une partie d’un ou des bords peut être retouchée. De même, l’intensité de cette retouche n’est que rarement constante et, de fait, en règle générale, la plus forte intensité s’observe en partie mésiale, la plus faible en partie distale. En effet, celle-ci a régulièrement été laissée brute lorsqu’elle était naturellement aiguë. Si on considère les distaux retenus, il semble bien qu’il y ait eu une volonté de disposer d’une pointe, naturelle ou aménagée, puisque cette morphologie représente plus de 80 % des cas (fig. 14). Le fait que certains de ces apex aient été conservés bruts pourrait expliquer, au moins en partie, la disproportion mentionnée précédemment entre les effectifs des fragments proximaux et distaux : il est à craindre que plusieurs de ces derniers soient à rechercher parmi les tous petits éléments non retouchés, non étudiés précisément. Cet aménagement appointant concerne aussi parfois les parties proximales et une lamelle, légèrement assymétrique, possédait visiblement deux extrémités de ce type. Lorsqu’il y a retouche, celle‑ci est le plus souvent alterne, parfois directe ; dans un cas, alors que la retouche est alterne sur le reste de la pièce, elle devient directe quelques millimètres avant l’extrémité. Cette réorientation s’applique également à des fragments mésiaux, tout en restant très rare (6 pièces). Concernant sa position, toutes lamelles confondues, elle est en très grande majorité alterne ou inverse (plus de 92 %), plus rarement directe sur 1 ou 2 bords. Cependant, la première l’emporte nettement puisqu’elle est présente sur 62,5 % des pièces avec cependant un fort déséquilibre entre C 4d1 et C 4III (respectivement 70 % contre 49,7 %), que nous ne pouvons expliquer pour l’instant.

Fig. 14 : Morphologie des fragments proximaux des lamelles retouchées

Fig. 14 : Morphologie des fragments proximaux des lamelles retouchées

47Quoiqu’il en soit, pour les pièces à retouche alterne, la retouche inverse est habituellement plus intense, et plus constante, que celle directe où la variabilité décrite précédemment s’applique alors plus particulièrement. Il est ainsi possible de se demander si le tailleur ne donnait pas la priorité à la retouche inverse, celle directe n’étant qu’une sorte de « variable d’ajustement ».

48Enfin, cette retouche, quelque-soit son amplitude, ne forme pas toujours une délinéation régulière et, dans certains cas, elle peut donner un bord denticulé. Cela pourrait témoigner d’une volonté délibérée mais aussi d’un inachèvement de cet aménagement.

49Comme cela a déjà été mentionné dans de nombreux sites aurignaciens (p. e. : Bon, op. cit. ; Bazile et al., 1981 ; Bordes, op. cit. ; Broglio et al., op. cit. ; Chiotti, op. cit. ; Lucas, 2000 ; Maíllo Fernández, op. cit. ; O’Farrel, 2005 ; Pelegrin et O’Farrel, 2005 ; Schmider et Perpère, op. cit. ; Teyssandier, op. cit.), il y a une très nette latéralisation et la retouche inverse est presque toujours sur le bord droit (plus de 95 % des occurrences). Par contre, dans les cas où seule la retouche directe existe, aucune latéralisation préférentielle ne se dégage véritablement.

Morphologie et module

50Les lamelles étudiées étant presque toutes fragmentées, le plus souvent en petits morceaux, leur analyse morphologique est ardue. Toutefois, et dans la logique des lignes consacrées aux modalités de production lamellaire, la plupart des supports retouchés montrent un fort investissement (fig. 15), avec une morphologie généralement très régulière et un profil plutôt rectiligne à très rectiligne (plus de 80 % des effectifs). Lorsqu’il est courbe, cette propriété n’est que faiblement marquée et alors généralement localisée en partie distale. Seules 3 pièces sont à la fois courbes et torses dont une, relativement irrégulière et ne portant qu’une retouche inverse partielle, est entière (longueur : 4,4 cm).

Fig. 15 : Echantillon de lamelles retouchées de C 4d1 de morphologie régulière

Fig. 15 : Echantillon de lamelles retouchées de C 4d1 de morphologie régulière

51Plus délicate encore est l’étude de leurs caractères métriques. La longueur, la largeur et l’épaisseur des supports originels sont souvent amplement modifiées par la retouche. Une fois retouchés, l’utilisation, les processus post‑dépositionnels, etc., conduisent à la très forte fragmentation déjà évoquée. Du fait de celle-ci, il est impossible de connaître avec précision la longueur d’origine des lamelles retouchées. Toutefois, si on considère les quelques exemplaires complets, celle-ci varie de 2,5 à 4,4 cm avec une moyenne proche de 3,6 cm, ce qui correspond assez précisément aux longueurs déterminées à partir des négatifs d’enlèvement sur les nucléus (et des modules de ceux-ci dans le cas des débitages sur éclat). Cette donnée doit cependant être considérée avec précaution, car les dimensions de plusieurs fragments témoignent sans aucun doute d’une longueur assez supérieure (à mettre en liaison avec les débitages sur blocs ?).

52Concernant la largeur des lamelles, quelle que soit le type de retouche, celle-ci varie de 2,5 à 11,5 mm mais avec une très forte fréquence entre 3,5 et 6,5 mm (fig. 16). En tenant compte de la position de la retouche, nous obtenons une partition bimodale entre les pièces à retouche alterne et celles à retouche inverse. Il existe en effet un décalage entre les premières, dont le pic de largeur est compris entre 4 et 5 mm, et les secondes, logiquement plus larges et dont le pic se place entre 5,5 et 6,5 mm. De leur côté, les pièces à retouche directe, que ce soit sur 1 ou 2 bords, présentent une variabilité étendue et il ne paraît pas possible de dégager une fourchette de largeur privilégiée (fig. 17).

Fig. 16 : Largeur des lamelles retouchées, ensembles C 4d1 et C 4III confondus

Fig. 16 : Largeur des lamelles retouchées, ensembles C 4d1 et C 4III confondus

Fig. 17 : Largeur des lamelles retouchées, selon les types de retouche

Fig. 17 : Largeur des lamelles retouchées, selon les types de retouche

53La plupart des exemplaires retouchés ont une épaisseur qui va de 1 à 2 mm (fig. 18). Contrairement au cas précédent, il semble y avoir pour cette donnée une différence entre C 4d1 et C 4III, ceux du premier ensemble paraissant globalement plus épais. Par contre, il n’y a plus de différence significative entre les lamelles à retouche alterne et celles à retouche inverse qui ont une épaisseur comparable. A l’image du cas précédent, l’épaisseur des pièces à retouche directe montre une plus grande dispersion (fig. 19).

Fig. 18 : Épaisseur des lamelles retouchées, ensembles C 4d1 et C 4III confondus

Fig. 18 : Épaisseur des lamelles retouchées, ensembles C 4d1 et C 4III confondus

Fig. 19 : Épaisseur des lamelles retouchées, selon les types de retouche

Fig. 19 : Épaisseur des lamelles retouchées, selon les types de retouche

Utilisation des lamelles

54Les recherches dans ce domaine ont été menées à partir de 2 protocoles d’études différents que nous présenterons séparément. Les résultats se complètent mais présentent également quelques divergences que nous tenterons d’expliquer dans la synthèse finale.

Les macro-fractures

Méthodologie

55La méthodologie employée dans cette étude a déjà été développée plus amplement (O’Farrell, 2004 et 2005). L’analyse des macro fractures a été faite à l’œil nu et à la loupe binoculaire (grossissement de 10 x à 40 x). En l’absence d’une base de référence spécifique aux lamelles aurignaciennes, les fractures observées ont été reparties selon trois catégories - simple, complexe et complexe possible - possédant les caractères de distinction suivants :

  • fracture complexe : toute fracture à languette sur une face ou un bord (fracture burinante) d’au moins 1,5 mm de longueur ; toute fracture avec terminaison en marche, quelle que soit la longueur de sa languette ;

  • fracture complexe probable : fracture en charnière ou en plume avec languette d’au moins 1,5 mm, avec une forte amplitude de ces caractères et/ou des altérations d’un bord ;

  • fracture simple : fracture sans languette ou avec languette très courte (< 1,5 mm).

56En l’attente d’une vérification expérimentale, ces critères doivent cependant être considérés non pas comme définitifs, mais comme hautement indicatifs d’une distinction entre des pièces fracturées par une utilisation en projectile et celles brisées à la suite d’autres processus non déterminés. Pour l’heure, nous considérerons que :

  • les fractures complexes correspondent aux fractures produites par un impact axial violent, et ainsi aux accidents de projectile sûrs ;

  • les fractures complexes probables évoquent aussi une utilisation en projectile, mais sans certitude absolue ;

  • les fractures simples sont associées aux fractures produites par divers processus (fabrication, piétinement, phénomènes géologiques, utilisation en élément de projectile…) qui sont soit non déterminables, soit déterminables par un aspect du contexte de la fracturation (une pièce en cours de fabrication, par exemple).

Résultats

57Les travaux se sont traduits par l’analyse technofonctionelle complète accompagnée d’une observation à la loupe binoculaire de 165 lamelles retouchées de l’ensemble C 4d1, par cette seule observation de 286 lamelles retouchées et d’un grand échantillon (nombre non enregistré) de lamelles brutes de l’ensemble C 4III, ceci pour identifier celles portant des fractures complexes.

58Parmi les lamelles retouchées de C 4d1, six pièces à fracture(s) complexe(s) ont été identifiées, soit un taux de 4 % (fig. 20). Dans C 4III, une ou des fractures complexes sont présentes sur huit pièces (2.5 % ; fig. 21). Si on réunit les deux ensembles, ce pourcentage s’élève à 3 %. Aucune fracture complexe probable ne semble exister. Par contre, d’autres endommagements, principalement sous forme d’esquillements plus ou moins marqués, ont été vus.

Fig. 20 : Quelques lamelles retouchées de C 4d1 portant des fractures complexes (a et f) ou des fractures complexes et des endommagements autres (b, c, d et e)

Fig. 20 : Quelques lamelles retouchées de C 4d1 portant des fractures complexes (a et f) ou des fractures complexes et des endommagements autres (b, c, d et e)

Les 2 échelles se rapportent respectivement aux exemplaires non agrandis et à ceux agrandis.

Fig. 21 : Quelques lamelles retouchées de C 4III portant des fractures complexes (a, c, d et g) ou des fractures complexes et des endommagements autres (b, e et f)

Fig. 21 : Quelques lamelles retouchées de C 4III portant des fractures complexes (a, c, d et g) ou des fractures complexes et des endommagements autres (b, e et f)

59Ce pourcentage de fractures complexes est relativement faible par rapport aux résultats des mêmes analyses faites sur des séries de lamelles aurignaciennes provenant d’autres sites tels que Brassempouy (O’Farrell, 2005), Castanet (Pelegrin et O’Farrell, 2005) ou Roc de Combe (O’Farrell, en préparation). Outre le fait qu’il est important de souligner qu’il ne s’agit pas là de séries attribuées à l’Aurignacien archaïque, plusieurs hypothèses non exclusives peuvent expliquer cet écart, parmi lesquelles :

  • un biais statistique, les effectifs des autres séries étudiées étant bien plus faibles ;

  • une plus longue utilisation des lamelles dans ces sites qu’à Isturitz, induisant un plus grand nombre de stigmates ;

  • une production sur place peut-être plus importante à Isturitz, accompagnée à l’évidence d’une retouche plus systématique et ainsi d’une fracturation (du type fracture simple) plus forte avant utilisation ;

  • enfin, des utilisations plus diversifiées à Isturitz.

60Concernant les lamelles brutes de C 4III, onze portent des fractures complexes caractéristiques. De plus, la plupart d’entre elles sont sur des supports lamellaires morphométriquement semblables à ceux des lamelles retouchées portant des fractures complexes. Il est donc tentant de leur attribuer la même fonction et d’en faire des armatures de projectile. Pour autant, en l’absence du critère de la retouche « coupée » par la fracture et faute d’une analyse expérimentale des fractures qui peuvent se produire lors du débitage des lamelles, nous n’évoquerons leur emploi dans le cadre de projectiles composites que comme une hypothèse à confirmer.

61Revenons aux lamelles retouchées à fracture(s) complexe(s). Malgré leur petit nombre, il est possible d’en dégager quelques observations, par ailleurs comparables à celles faites à Brassempouy et Castanet (O’Farrell, op. cit. ; Pelegrin et O’Farrell, op. cit.) :

  • elles correspondent toutes à des fragments mésiaux. Cela pourrait par ailleurs, être un argument en faveur d’une fracturation volontaire de certaines pièces visant à obtenir des éléments réguliers et rectangulaires destinés à faciliter l’emmanchement latéral en série, idée déjà exprimée par exemple pour les exemplaires de Brassempouy (p. e. : Bon, op. cit.) ;

  • leur morphologie est régulière et leur profil rectiligne ;

  • la présence d’une retouche inverse, combinée ou non à une retouche directe sur l’autre bord, y semble un élément déterminant. En effet, les fractures complexes se retrouvent systématiquement sur des pièces à retouche inverse ou alterne, et jamais sur des pièces à retouche directe seule. En outre, il y a une légère prédominance des fractures complexes parmi les pièces à retouche inverse intensive ;

  • une autre corrélation est observée entre la localisation des fractures complexes et le type de retouche. La majorité des fractures complexes est localisée sur ou vers le bord portant une retouche inverse (fig. 22).

Fig. 22 : Position de la fracture complexe par rapport au bord de la lamelle

Fig. 22 : Position de la fracture complexe par rapport au bord de la lamelle

62À l’image de ce qui a déjà été remarqué pour les lamelles retouchées en général, nous ne pouvons utiliser comme données métriques que la largeur et l’épaisseur de ces pièces avec fracture(s) complexe(s). À l’exception de l’une d’entre elles, toutes entrent dans le regroupement déjà mentionné précédemment. Plus précisément, la majorité de ces pièces a une largeur comprise entre 4 et 4,5 mm et une épaisseur variant de 1 à 1,5 mm (fig. 23). Par contre, aucune ne se rencontre parmi les plus grands modules, le plus probablement associés au débitage en continuité de celui des lames.

Fig. 23 : Répartition des différentes lamelles retouchées selon leurs largeurs et épaisseurs

Fig. 23 : Répartition des différentes lamelles retouchées selon leurs largeurs et épaisseurs

Les analyses tracéologiques globales

Méthodologie

63Outre une centaine de pièces représentatives de l’outillage provenant de l’ensemble C 4III, un total de 95 lamelles, 83 retouchées et 12 non retouchées, aux caractères morpho- dimentionnels similaires à ceux des objets concernés par l’étude précédente, a été étudié selon un protocole d’analyses tracéologiques déjà appliqué dans d’autres sites (González et Ibañez, 1994). Toutefois, il en ressort que la nature particulière des modes d’utilisation de l’outillage lamellaire, habituellement considérés comme liés à des armatures de projectile ou des travaux de découpe peu intenses, complique la formation des micro‑traces. Pour cette raison, dans plusieurs cas, la détermination de l’activité réalisée n’a pu être fondée que sur l’étude des macro-traces, recoupant partiellement l’étude présentée précédemment. Cette situation se complique encore si on prend en compte le fait que, selon certaines analyses, la plupart (environ 2/3) des lamelles employées comme barbelures de projectile n’auraient pas comporté de traces lisibles (Caspar, 1988 ; Ibáñez, 1993).

Résultats

6440 lamelles retouchées et 5 sans retouche, représentant 47,4 % de l’échantillon, ont livré des traces d’utilisation identifiables avec un total de 48 zones actives repérées, soit une moyenne de 1,1 par pièce. Les activités identifiées sont variées (tabl. 3 et fig. 24 et 25).

Tab. 3 : Utilisation des lamelles retouchées

 

nombre

sans traces

utilisées

%

zones act.

z. a./pièce

lamelles

95

50

45

47,4

48

1,1

activité

z. active

%

action

z. active

%

projectile

16

33,3

coupage

16

33,3

boucherie

1

2,1

raclage

1

20,1

mat. tendre

9

18,7

projectile

9

33,3

mat. dure

5

10,4

indéterminé

6

12,5

m. semi-dure

4

8,3

TOTAL

48

100

Fig. 24 : Différentes lamelles de C 4III portant des traces d’utilisation et utilisations correspondantes

Fig. 24 : Différentes lamelles de C 4III portant des traces d’utilisation et utilisations correspondantes

Fig. 25 : Répartition des utilisations en tenant compte de toutes les zones actives

Fig. 25 : Répartition des utilisations en tenant compte de toutes les zones actives

p : projectile ; b : boucherie ; rt : raclage matériau tendre ; ct : coupage matériau tendre ; rsd : raclage matériau semi-dur ; csd : coupage matériau semi-dur ; rd : raclage matériau dur ; cd : coupage matériau dur ; ri : raclage matériau indéterminé ; ci : coupage matériau indéterminé ; i : utilisation indéterminée.

65En effet, 29 lamelles, dont les 5 non retouchées, montrent des stigmates liés à une utilisation en action coupante (16 zones actives) ou en raclage (10) de matières variées, tendres (peau, viande…), dures (matières osseuses) ou semi‑dures telles que le bois animal et/ou végétal (fig. 26). Dans 7 cas seulement, le mouvement du travail et le matériau concerné ont été déterminés précisément tandis que, dans 6 cas, ni le mouvement ni la dureté de la matière travaillée n’ont pu l’être clairement. En outre, pour les pièces à retouche alterne ou inverse, une correspondance nette a été remarquée entre la zone active et le tranchant opposé au bord portant la retouche inverse. Ce fait peut conduire à penser que, dans le cadre d’une utilisation emmanchée de la plupart de ces lamelles, c’était probablement ce bord qui était fixé sur le support. Quoiqu’il en soit, ces activités sont visiblement liées à des actions de découpe avec des couteaux, où les lamelles étaient associées à un support d’un autre matériau (bois végétal ?), utilisés en grande partie sûrement pour des activités de boucherie (désarticulation, découpe de la viande…), ou de raclage, là aussi à l’aide d’outils composites, correspondant peut-être à des travaux de précision sur matières diverses tels la finition et/ou la maintenance des hampes et des pointes de projectiles. En complément, il est intéressant de signaler que l’analyse des autres catégories d’outillage a révélé une fréquence élevée des activités associées aux matières organiques dures et semi‑dures (parmi lesquelles la fabrication et la maintenance des armatures de chasse ?).

Fig. 26 : 1 : découpe de matière dure organique ; 2 : découpe de peau ; 3 : découpe de matière organique dure ; 4 : raclage de matière tendre

Fig. 26 : 1 : découpe de matière dure organique ; 2 : découpe de peau ; 3 : découpe de matière organique dure ; 4 : raclage de matière tendre

66En prenant en compte la totalité des altérations macroscopiques, 16 lamelles, toutes retouchées (elles portent en majorité une retouche alterne), et dans la plupart des cas en silex local, possèdent une ou des traces, plus ou moins marquées, que nous considérons comme significatives d’une utilisation comme barbelures de projectile (fig. 27). Parmi ces lamelles, 9 (soit 9,5 % de toutes les pièces considérées et près de 19 % de celles avec traces d’utilisation) sont ainsi interprétées comme des armatures de projectiles possibles et 7 certaines (soit 7,4 % de toutes les pièces et 14,6 % de celles avec traces d’utilisation). Ces divers pourcentages sont sensiblement plus importants que ce qui a été indiqué à partir de la lecture des seules fractures complexes. Il y a plusieurs explications possibles, en particulier les critères utilisés, plus restrictifs dans un cas que dans l’autre. Nous y reviendrons à la fin de cet article.

Fig. 27 : Exemples de fractures et esquillements d’impact

Fig. 27 : Exemples de fractures et esquillements d’impact

67Quoiqu’il en soit, comme pour les autres traces d’utilisations, celles dues à l’impact se trouvent généralement sur le tranchant opposé au bord portant la retouche inverse, ce qui semble confirmer que les tranchants ainsi retouchés étaient en contact avec la hampe. Les causes de cette localisation, en apparente contradiction avec les conclusions de la précédente étude, seront discutées plus loin. Sauf deux exemplaires appointés, elles ont une morphologie rectangulaire et rectiligne avec un module relativement petit (11,3 x 4,75 x 1,8 mm en moyenne). De fait, en comparant sur le plan morphométrique les lamelles utilisées comme éléments de projectiles et celles employées pour les autres activités, des différences non négligeables semblent apparaître : les premières sont globalement de morphologie plus régulière et sont moins larges que les secondes, avec toutefois un certain chevauchement des deux ensembles autour de 5 mm (fig. 28). Ce type de différentiation métrique a été aussi remarqué pour les lamelles des plusieurs sites basques de la fin du Paléolithique supérieur avec des largeurs moyennes de 6 mm ou plus pour les lamelles utilisées en boucherie et inférieure à 6 mm pour les autres (Ibáñez y González, 1996).

Fig. 28 : Graphique de box and whiskers de la largeur des lamelles analysées

Fig. 28 : Graphique de box and whiskers de la largeur des lamelles analysées

Bilan et perspectives

68Les études, menées sous différents angles, des lamelles de l’Aurignacien archaïque récoltées ces dernières années dans la salle de Saint-Martin de la grotte d’Isturitz, permettent un certain nombre d’observations. Certaines données - comme la priorité absolue accordée à la production lamello‑laminaire par les tailleurs de l’Aurignacien archaïque - ne font que confirmer ce qui a déjà été dit pour d’autres séries (pour une vue d’ensemble : Bon, 2005 ; pour un aperçu plus spécifique aux lamelles : Le Brun-Ricalens, éd., 2005), et nous ne reviendrons pas dessus.

  • 4 À l’image, par exemple, de ce qui a été récemment fait pour les pointes à base fourchue du Magdalén (...)

69Dès lors, d’autres nous paraissent plus intéressantes à reprendre mais nous tenons dès à présent à rappeler que, bien que très vraisemblables, elles ne doivent être considérées que comme des hypothèses qu’il faudra confirmer par la poursuite des recherches. En ce sens, il apparaît indispensable de compléter les analyses déjà entreprises par la mise en œuvre d’autres études parmi lesquelles des expérimentations4 - englobant, dans le cas présent, la totalité de la vie des lamelles depuis leur production jusqu’à leur découverte - doivent occuper une place privilégiée. Cet impératif sera toujours sous- entendu dans les lignes qui suivent.

70Les lamelles étudiées ici, retouchées ou non, ont visiblement servi en tant qu’armatures d’objets composites. Tout ou partie d’entre elles y étaient sans doute fixées le long d’au moins un côté grâce à une méthode que nous ignorons (rainure sur la pièce-support ? Rainure et colle ? Colle seule ?). Dans le cas des lamelles à retouche inverse, il est tout au plus possible de supposer, si on se fie à l’absence de micro‑traces d’utilisation sur le bord portant cette retouche, que la fixation se faisait par l’intermédiaire de ce bord. Toutefois, la présence de plusieurs spécimens munis d’au moins une extrémité pointue pourrait suggérer pour ceux-ci une fixation en position apicale.

71Il est sûr, par contre, que ces lamelles ont eu des fonctions diverses, comparables par exemple à celles de Fumane (Broglio et al., op. cit.) ou de la couche VII de Labeko Koba (Rios, étude en cours). Plusieurs activités ont en effet été mises en évidence parmi lesquelles la boucherie, la finition ou la maintenance d’outils et/ou d’armes en matériaux durs ou semi‑durs (os, bois animal ou végétal…) et les lamelles étaient alors certainement associées à des couteaux et des « racloirs ». Les supports lamellaires correspondants paraissent relativement variés même si leur morphologie reste assez souvent régulière et leur profil plutôt rectiligne. Lorsqu’il y a eu retouche, ce qui ne semble pas obligatoire, elle pouvait apparemment être indistinctement alterne, inverse ou directe.

72D’autre part, la présence de fracturations complexes et les autres analyses tracéologiques montrent que diverses lamelles ont été utilisées comme armatures de projectile composite, attestant ainsi l’emploi de telles armes dans l’Aurignacien archaïque d’Isturitz. Nous ignorons cependant à quelle sorte de projectiles étaient destinées ces lamelles. S’agissait‑il de sagaies ou de flèches ? En effet, même si les premières sont les plus communément admises, un article récent est venu rappeler, fort justement, que l’emploi de l’arc dès l’Aurignacien ne pouvait être exclu (Cattelain, 2006). La présence d’un seul fragment de pointe, en bois de cervidé, dans les ensembles C 4d1 et C 4 III, pourtant riches, est un indice que cette partie de l’arme était principalement - si l’on tient compte des lamelles pointues mentionnées précédemment - en bois végétal, faute d’autre matériau ou pour des raisons plus complexes (Liolios, op. cit. ; Otte, 2001). De leur côté, les éléments lithiques destinés à cette sphère d’activité ont été plus soigneusement sélectionnés que ceux destinés aux autres fonctions. Ainsi, paraissent avoir été privilégiés ceux présentant les caractères morphométriques permettant d’obtenir à terme une certaine normalisation. Celle‑ci a vraisemblablement impliqué de mettre en œuvre une retouche, de type inverse - souvent intense - ou alterne, même s’il n’est pas totalement exclu que des exemplaires non retouchés aient pu avoir la même fonction. Il semble par ailleurs que le module des pièces destinées aux projectiles était globalement moins important que celui des autres lamelles utilisées. Cela va de pair avec le fait que ce ne sont apparemment pas les plus grands supports qui ont été choisis. Ceux de module important - nous pensons en particulier aux grandes lamelles à retouche directe qui ne portent pas de stigmates caractéristiques d’impact - pourraient ne pas être associés aux projectiles, mais plutôt aux fonctions évoquées précédemment.

73Il est par contre très délicat de définir avec précision quelle était la part occupée par les différents usages au sein de ceux affectés à l’outillage lamellaire, ceci d’autant plus que chacune des approches tracéologiques exposées a conduit à des pourcentages différents. Ce résultat, qui pourrait paraître curieux, sinon contradictoire, n’est à notre avis que la preuve de ce que nous avons souligné précédemment, à savoir l’obligation de mettre en œuvre des analyses différentes mais complémentaires dans la recherche des fonctions qu’avait l’outillage, qu’il soit lithique ou osseux. Concernant l’utilisation comme armatures de projectile, celle-ci a sans aucun doute donné un éventail assez large de stigmates, pouvant aller de l’absence de traces visibles à des esquillements marqués et des fractures complexes qui pourraient ainsi au final être proportionnellement assez peu nombreuses ; il est à cet égard possible que la fragilité des lamelles, déjà signalée, ait pu provoquer de nombreuses fractures simples, la pièce s’étant alors brisée avant de subir des forces suffisantes pour produire un autre type de fracture. Pour autant, il est évident que ces éventuels endommagements ont dépendu de bien d’autres facteurs. Nous en signalerons certains :

  • d’une part, la nature et l’intensité du « lien » - dont nous ignorons tout - entre les différents composants du projectile a nécessairement eu une influence. Une lamelle pouvant se détacher assez aisément subissait à coup sûr moins de contraintes que si elle avait été maintenue fortement ;

  • d’autre part, une pièce ayant eu une longue durée d’usage a probablement eu plus d’occasions d’accumuler les témoignages de celui-ci qu’une autre abandonnée à peine utilisée ;

  • enfin, même en ne prenant en compte qu’un seul tir, le contact avec l’animal - ou avec tout autre élément - s’est certainement traduit différemment selon la dureté de ce qui a été touché, le type de projectile, la force du lanceur...

74Une autre contradiction apparente vient de la position de ces traces par rapport au bord portant la retouche inverse, probablement celui collé contre le projectile, puisque les fractures complexes paraissent plutôt associées à ce bord alors que les autres stigmates sont surtout visibles sur le bord opposé. Nous pensons en fait qu’une partie de ces fractures complexes pourraient être la conséquence plutôt d’un choc entre les lamelles - disposées alors en série(s) - ou contre ce projectile, que du contact avec la cible.

75Pour en revenir aux lamelles dans leur globalité, quels étaient les rapports entre les modalités de production et l’utilisation des productions correspondantes ? Ces supports nous paraissent multifonctionnels mais qu’en était-il pour les Aurignaciens archaïques et comment concevaient-ils ce que nous appelons lamelles ? Concernant la production de celles-ci, s’agissait-il pour eux d’obtenir des pièces destinées à plusieurs fonctions, en utilisant indifféremment tous les schémas qu’ils maîtrisaient ? Ou chacun de ces derniers a-t-il correspondu à des produits à finalité propre ?

76Nous pouvons remarquer que :

  • d’une part, il y a d’un côté des lamelles dont la production est liée à celle des lames et de l’autre des pièces obtenues indépendamment de celle‑ci ;

  • d’autre part, il y a d’un côté des lamelles ayant semble-t-il eu une fonction comparable à celle de certaines lames (couper, racler…) et, de l’autre, des pièces employées comme armatures de projectile, rôle qu’apparemment aucune lame n’a eu.

77Faut-il faire un lien entre ces deux sériations et penser que les lamelles, possédant une plus grande variabilité dimensionnelle, produites en continuité des lames, étaient dévolues aux même usages que celles‑ci, tandis que n’étaient utilisées pour les armes que celles issues des schémas autonomes, dont on a vu qu’ils permettaient d’obtenir des supports plus homogènes ? Il nous semble prématuré d’apporter une réponse définitive, mais il n’est peut-être pas fortuit que les plus grands supports, visiblement débités sur les mêmes nucléus que les lames, ainsi que ceux portant une retouche directe similaire à celle de ces dernières, paraissent ne pas avoir été des armatures de projectiles. Autrement dit, au sein des supports que nous dénommons « lamelles », existeraient deux catégories d’objets ayant joué des rôles différents : d’une part, ceux utilisés pour l’armement et, d’autre part, ceux destinés à l’outillage affecté à des activités de boucherie et/ou de manufacture, complémentaire de celui réalisé avec les « lames ». Ces derniers, parmi lesquels les « grandes lamelles », considérées comme caractéristiques de cette phase de l’Aurignacien, n’auraient été que de petites ou très petites « lames » pour ceux qui les produisaient.

78Nous aurions ainsi, dès l’Aurignacien archaïque, l’association d’une production autonome de supports, de module assez réduit et de morphologie relativement normalisée, à vocation cynégétique, et celle d’autres supports possédant une forte variabilité dimensionnelle destinées à d’autres activités plus « domestiques », tout en restant prudent sur le sens à donner à ce terme (Tartar et al., 2006). Vus sous cet angle, sans vouloir gommer toute une série de distinctions plus ou moins concrètes, les rôles dévolus à la production lamino‑lamellaire de l’Aurignacien archaïque d’Isturitz ne seraient pas fondamentalement différents de ceux reconnus dans l’Aurignacien ancien et nous aurions dans les deux cas, d’un côté, des « lamelles » obtenues de façon autonome à partir de nucléus sur éclat et, de l’autre, des « lames » issues d’autres types de nucléus, pour lesquels étaient privilégiés des blocs de plus grand module (Normand, à paraître b).

79Il est bien évident que ces réflexions n’en sont qu’au stade d’hypothèses et, quoiqu’il en soit, elles ne reflètent qu’une partie d’un ensemble très complexe qui dépasse de loin le sujet de cet article. En effet, au-delà de simples interrogations sur la fonction d’un type de support à un moment donné de l’Aurignacien, c’est la nature, l’articulation et l’évolution du binôme armes/outils durant l’Aurignacien archaïque qu’elles nous permettent d’aborder, autorisant des comparaisons avec l’Aurignacien ancien. C’est donc au final la question des liens existant dans ce domaine entre ces deux moments de l’Aurignacien que soulèvent ces interrogations, faisant apparaître la nécessité d’y apporter des réponses pour contribuer à la compréhension du début de ce technocomplexe.

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Notes

1 Plutôt que celle de « Protoaurignacien », nous avons choisi cette dénomination en accord avec les arguments développés récemment par F. Bon (Bon, 2006). Il est bien évident, ainsi que le souligne cet auteur, qu’il ne faut y voir en aucun cas un jugement de valeur sur la qualité des productions matérielles et encore moins sur leurs auteurs.

2 Il faut ajouter à cet inventaire 5 pièces où le débitage lamellaire n’a été qu’amorcé.

3 Un de ces blocs a une longueur légèrement inférieure à 5 cm.

4 À l’image, par exemple, de ce qui a été récemment fait pour les pointes à base fourchue du Magdalénien (Pétillon, 2006).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Emplacement de la grotte d’Isturitz et principaux axes de circulation potentiels
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Titre Fig. 2 : La vallée de l’Arberoue depuis l’entre sud de la grotte
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-2.jpg
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Titre Fig. 3 : La colline de Gaztelu avec ses principaux sites
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Titre Fig. 4 : Plan de la grotte d’Isturitz, extension des couches aurignaciennes et situation de la zone en cours de fouille
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Titre Tab. 1 : Synthèse des stratigraphies décrites selon les auteurs et les secteurs
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Titre Fig. 5 : Plan de la zone actuellement fouillée
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Titre Fig. 6 : Nucléus à surfaces d’exploitation multiples
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Titre Fig. 7 : Nucléus de morphologie carénée
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Titre Fig. 8 : Nucléus sur « tranche » d’éclat à débitage unipolaire
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Titre Fig. 9 : Nucléus sur « tranche » d’éclat à débitage bipolaire
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Titre Fig. 10 : Nucléus pyramidal
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-11.jpg
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Titre Fig. 11 : Nucléus de morphologie prismatique
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Titre Fig. 12 : Répartition des types de fragments lamellaires dans les ensembles C 4d1 et C 4III
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Fichier image/jpeg, 38k
Titre Fig. 13 : Répartition des types de retouche affectant les lamelles dans les ensembles C 4d1 et C 4III
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Titre Fig. 14 : Morphologie des fragments proximaux des lamelles retouchées
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Titre Fig. 15 : Echantillon de lamelles retouchées de C 4d1 de morphologie régulière
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Titre Fig. 16 : Largeur des lamelles retouchées, ensembles C 4d1 et C 4III confondus
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Fichier image/jpeg, 41k
Titre Fig. 17 : Largeur des lamelles retouchées, selon les types de retouche
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Titre Fig. 18 : Épaisseur des lamelles retouchées, ensembles C 4d1 et C 4III confondus
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Titre Fig. 19 : Épaisseur des lamelles retouchées, selon les types de retouche
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Titre Fig. 20 : Quelques lamelles retouchées de C 4d1 portant des fractures complexes (a et f) ou des fractures complexes et des endommagements autres (b, c, d et e)
Légende Les 2 échelles se rapportent respectivement aux exemplaires non agrandis et à ceux agrandis.
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-21.jpg
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Titre Fig. 21 : Quelques lamelles retouchées de C 4III portant des fractures complexes (a, c, d et g) ou des fractures complexes et des endommagements autres (b, e et f)
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Titre Fig. 22 : Position de la fracture complexe par rapport au bord de la lamelle
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Titre Fig. 23 : Répartition des différentes lamelles retouchées selon leurs largeurs et épaisseurs
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-24.jpg
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Titre Fig. 24 : Différentes lamelles de C 4III portant des traces d’utilisation et utilisations correspondantes
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-25.jpg
Fichier image/jpeg, 96k
Titre Fig. 25 : Répartition des utilisations en tenant compte de toutes les zones actives
Légende p : projectile ; b : boucherie ; rt : raclage matériau tendre ; ct : coupage matériau tendre ; rsd : raclage matériau semi-dur ; csd : coupage matériau semi-dur ; rd : raclage matériau dur ; cd : coupage matériau dur ; ri : raclage matériau indéterminé ; ci : coupage matériau indéterminé ; i : utilisation indéterminée.
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-26.jpg
Fichier image/jpeg, 33k
Titre Fig. 26 : 1 : découpe de matière dure organique ; 2 : découpe de peau ; 3 : découpe de matière organique dure ; 4 : raclage de matière tendre
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-27.jpg
Fichier image/jpeg, 43k
Titre Fig. 27 : Exemples de fractures et esquillements d’impact
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-28.jpg
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Titre Fig. 28 : Graphique de box and whiskers de la largeur des lamelles analysées
URL http://journals.openedition.org/palethnologie/docannexe/image/9171/img-29.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Christian Normand, Magen O’Farrell et Joseba Rios Garaizar, « Quelle(s) utilisation(s) pour les productions lamellaires de l’aurignacien archaïque ? Quelques données et réflexions à partir des exemplaires de la grotte d’Isturitz (Pyrénées‑Atlantiques, France) »Palethnologie [En ligne], 1 | 2009, mis en ligne le 01 janvier 2009, consulté le 23 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/palethnologie/9171 ; DOI : https://doi.org/10.4000/palethnologie.9171

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Auteurs

Christian Normand

Service Régional de l’Archéologie Aquitaine, 54 rue Magendie, 33074 Bordeaux Cedex, TRACES-UMR 5608, Toulouse-Le Mirail

Articles du même auteur

Magen O’Farrell

UMR 7055, Préhistoire et Technologie Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie, 21 Allée de l’Université, 92023 Nanterre Cedex

Joseba Rios Garaizar

Departamento de Ciencias Históricas, Universidad de Cantabria, Avda de los Castros, s/n 39005 Santander (España)

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Droits d’auteur

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