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Le jeu dans l'iconographie grecque, étrusque et romaine. Monde grec

Poupées grecques en images : du jeu au rite

Greek Dolls in Images: From Play to Rite
Véronique Dasen et Annie Verbanck-Piérard
p. 349-378

Résumés

Les représentations de « poupées articulées » ont été jusqu’ici identifiées uniquement sur les stèles funéraires attiques, à l’exception d’un lécythe attique à fond blanc. Cet article présente une série méconnue d’images sur quelques vases d’Italie du sud qui mettent en scène la manipulation de ce type de figurine féminine articulée en contexte nuptial. Cet ensemble permet de réexaminer la fonction de ces objets hors de la sphère du jouet et du simple divertissement. Différents niveaux d’interprétation se combinent autour de ces figurines qui évoquent tout à la fois les rites de passage liés à Artémis, les bienfaits d’Aphrodite et le sombre Hadès, destinée de la promise.

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Texte intégral

  • 1 P. ex. Manson, 1991 ; Dasen, 2019.
  • 2 P. ex. Argyriadi, 1991.
  • 3 Cette recherche a été réalisée dans le cadre du projet soutenu par le Fonds National Suiss (...)

1Les figurines féminines anthropomorphes grecques aux membres articulés (bras et/ou jambes), fabriquées d’ordinaire en terre cuite, os ou ivoire, sont communément appelées « poupées » à cause de leur taille réduite (en moyenne 12-25 cm) et de leur ressemblance avec les « Barbies » modernes dont elles partagent le corps sexué de femme adulte. Elles ont déjà fait l’objet de plusieurs publications liées à l’étude de sites archéologiques (sanctuaires, nécropoles, ateliers), à des expositions1 ou à des collections muséales2 qui documentent les différents types, mais encore d’aucune recherche d’ensemble approfondie3.

  • 4 Pour une synthèse du champ sémantique grec, Larson, 2001, p. 103-107 et Schwarzmaier, 2006 (...)
  • 5 Munich, Glyptothek GL 199; CAT 0.869a; Cavalier, 1988, p. 288, fig. 6.
  • 6 Cf. Scholie à Theoc., Id., II, 110 : « dagus est aussi korokosmion […] on les appelle égal (...)
  • 7 Theoc., Id., II, 110, évoque l’utilisation d’une figurine de cire, dagus, dans un (...)
  • 8 Pl., Phdr., 230b : « Et encore, le charme sans pareil de cette source qui coule sous le (...)
  • 9 Anth. Pal., IX, 326. Au iie s. apr. J.-C., Clément d’Alexandrie, Protr., 4, 58, 1-2, utili (...)
  • 10 Cf. Manson, 1991. Rath, 2016, p. 4, propose le terme « mannequin ».
  • 11 Sur la grande polysémie des termes grecs (athurma, paignion) et latins (ludicrum) pour dés (...)

2Parmi les acquis, textes, images et contextes de découverte indiquent que ces statuettes articulées sont étroitement liées à la culture matérielle d’une classe d’âge qui s’étend, dans l’Antiquité grecque, de l’enfance jusqu’au mariage pour les filles, le plus souvent après la puberté, vers quatorze ou quinze ans, pour les garçons à la majorité civique, marquée à Athènes par l’enrôlement dans l’éphébie à l’âge de dix-huit ans. Ce rapport est suggéré par la polysémie du vocabulaire (en grec korê, en latin pupa) qui désigne à la fois la « poupée » et la jeune fille non mariée ; le grec numphê signifie également la poupée et « l’épousée »4. Korê et pupa désignent aussi la « pupille » de l’œil (lat. pupilla, diminutif de pupa), renforçant l’idée que ces objets sont pensés comme des doubles, tout comme plangôn, la figurine en cire, sert parfois de nom propre pour une jeune fille5. La valeur de double de ce simulacre apparaît aussi dans l’usage du terme grec dagus, synonyme de numphê et de korê6, pour signifier la figurine en cire, parfois utilisée comme victime de substitution dans les rites magiques7. L’association avec la vie religieuse est également étroite. Dans le Phèdre de Platon, Socrate se promène dans un bois sacré le long d’un ruisseau et découvre des korai et agalmata, des statues de culte, offertes aux Nymphes8. Une épigramme de Léonidas de Tarente utilise kosmia comme synonyme de korê dans le contexte similaire d’offrandes votives consacrées aux Nymphes des sources9. Le terme français « poupée » (all. « Gliederpuppe », angl. « jointed doll »), que nous conservons par commodité, car dérivé du latin pupa, qui désigne ce type d’objet10, est donc à la fois réducteur et trompeur en assimilant les figurines articulées au concept moderne de « jouet ». Les Anciens n’ont pas de terme spécifique pour dire le « jouet » : en grec, athurma désigne un bel objet qui divertit et procure du plaisir, du coquillage au bijou, parfois en suscitant une émotion et une fascination qui font dangereusement tourner la tête, tandis que paignion a une connotation plus large d’amusement, tous deux tant pour les enfants que les adultes11.

1. L’archéologie des poupées articulées grecques

1.1. Typo-chronologie des figurines (principalement en terre cuite)

  • 12 Jeammet, 2003.
  • 13 Sur le décor des robes et l’identification avec une déesse « voyageuse » p (...)
  • 14 Langdon, 2007.

3Dans le monde grec (xe-iie s. av. J.-C.), la terre cuite est le matériau principal des « poupées » articulées, produites en atelier selon des techniques bien étudiées. Le mode de fabrication des plus anciennes figurines féminines articulées, ou « idoles cloches » (xe-viie s. av. J.-C.) a été finement analysé par Violaine Jeammet12. Formées d’un corps modelé ou façonné au tour et creux, aux seins marqués en relief sur un vêtement peint, orné de bijoux, elles ont la tête percée d’un trou de suspension qui traverse le cou. La cordelette de suspension reliait l’axe qui traversait la robe-cloche pour y fixer les jambes modelées. Leur fonction est encore discutée. Pour V. Jeammet, ces objets pourraient avoir une valeur symbolique en contexte funéraire : la figurine représenterait une divinité protectrice aux petites jambes animées pour guider les pas du défunt dans l’au-delà13, tandis que Susan Langdon les associe à l’ensemble d’objets qui composent dans la tombe une sorte de « maiden kit » en relation avec les rites de mariage inaccomplis14.

  • 15 Cf. la typologie de Griesbach, 2014.

4À la fin du vie siècle av. J.-C. débute une production de technique différente au moyen de moules, dont la filiation avec les « idoles-cloches » n’est pas avérée. L’évolution typo-chronologique de cette nouvelle production peut être découpée en trois types principaux15.

  • 16 Massar, 2019, fig. 1.
  • 17 Les deux exemplaires illustrés proviennent de contextes funéraires à Taren (...)
  • 18 Mitsopoulou-Leon, 2007, 2009.

5Le plus ancien, corinthien, a la face avant moulée, le revers est plat ; la figurine est articulée au niveau des épaules et des hanches, avec des bras et des jambes façonnés séparément. Elle porte des cheveux longs coiffés d’un polos (« bonnet ») percé d’un trou de suspension ; elle est vêtue d’une tunique courte, souvent peinte de motifs ; elle tient régulièrement dans les mains des instruments de musique (crotales, cymbales ou tambourin). Le second type est issu de la production attique (deuxième moitié du ve siècle av. J.-C.). Fabriquées au moyen de moules bivalves, les figurines sont plus élaborées. La tête n’est plus systématiquement percée, les cheveux sont souvent réunis en chignon, l’articulation se fait au niveau des genoux. Le corps est nu, avec des traits sexués finement marqués (seins, ventre renflé, fesses rebondies, sexe). Comme sur l’exemplaire conservé à Zurich (fig. 1 ; fin ve-début ive s. av. J.-C.), des bijoux sont parfois peints ou en relief (boucles d’oreille, collier…), ce qui suggère que l’objet a pu porter un vêtement qui ne s’est pas conservé. Dans les colonies grecques d’Italie du sud, comme à Tarente, les figurines fabriquées en terre cuite ou en os présentent des caractéristiques similaires, mais elles sont toujours figurées vêtues d’une tunique courte, la tête parfois coiffée d’un polos (fig. 2 ; fin ive-iiie s. av. J.-C.), d’une couronne végétale16, ou simplement avec des cheveux courts ou en chignon (fig. 3 ; ive s. av. J.-C.)17. De la fin du ve siècle av. J.-C. à l’époque hellénistique (iie s. av. J.-C.) se développe un troisième type, fabriqué en Attique, mais aussi dans d’autres ateliers (Grèce du nord, Asie Mineure, Italie du sud), qui représente une femme assise dont seuls les bras sont mobiles. Ce type se décline en variantes selon les régions : la femme est nue ou vêtue d’un chiton en relief, avec ou sans siège, les cheveux ornés de rubans ou d’une haute couronne, les pieds souvent chaussés de sandales à hautes semelles. Plus rares, des figurines assises masculines, formant parfois une paire avec l’exemplaire féminin, se multiplient à la fin du ve et au ive siècle av. J.-C.18

Fig 1. Poupée attique, terre cuite (H. 15,5 cm). Fin ve-début ive s. av. J.-C.

Fig 1. Poupée attique, terre cuite (H. 15,5             cm). Fin ve-début             ive s. av.             J.-C.

Zurich, Archäologische Sammlung der Universität Zürich, inv. 2266. © Archäologische Sammlung der Universität Zürich. Photo Frank Tomio.

Fig. 2. Statuette, os peint (H. 7.6 cm), d’une tombe, Tarente. Fin ive-iiie s. av. J.-C.

Fig. 2. Statuette, os peint (H. 7.6 cm),             d’une tombe, Tarente. Fin ive-iiie s. av. J.-C.

New York, Metropolitan Museum of Arts, inv. 11.212.43 (Rogers Fund, 1911). Photo du musée.

Fig. 3. Statuette, terre cuite peinte (H. 16 cm), de Tarente, Contrada Vaccarella, tombe 3. ive s. av. J.-C.

Fig. 3. Statuette, terre cuite peinte (H.             16 cm), de Tarente, Contrada Vaccarella, tombe 3. ive s. av. J.-C.

Tarente, Museo Archeologico Nazionale inv. 27994. Avec l’autorisation du Museo Archeologico Nazionale di Taranto.

  • 19 Cf. Paus. VIII, 23.6-7, sur la statuette d’Artémis que les enfants de Kondylea pendent (...)
  • 20 Hamdorf, 1996, p. 35-40 ; Rath, 2016, p. 37.

6Diverses hypothèses circulent sur le mode d’animation des poupées articulées, mais aucune n’a encore été méthodiquement examinée et testée. De quelle manière l’attache était-elle fixée dans le trou au sommet de la tête ? Pourquoi cet orifice varie-t-il de taille et quelle était sa profondeur ? La figurine était-elle simplement suspendue en laissant le vent animer librement ses jambes ou volontairement secouée ? Les bras pouvaient-ils être activés en tirant sur une attache reliée à leur axe de suspension ? Quand l’orifice est absent, étaient-elles suspendues par une cordelette autour du cou19 ou des ficelles étaient-elles attachées aux différentes parties du corps comme pour les marionnettes à fil20 ?

1.2. Approche anthropologique : à la recherche d’une interprétation

  • 21 P. ex. de Jaucourt, 1751 : « Ce jouet des enfans étoit fort connu des Romains » ; B (...)
  • 22 Deonna, 1932, p. 113. Voir aussi Dörig, 1958.
  • 23 Chez Ar., Nu.,878-888, Strepsiade raconte ainsi que son fils « encore tout mioche, (...)
  • 24 Sur la présence de ces oiseaux en contexte votif, voir Ignatiadou, Papaikonomou, 20 (...)

7L’identité – humaine ou divine – et la fonction de ces figurines articulées sont encore débattues. Dès les premières publications21, l’analogie de taille, de forme et d’ergonomie avec les poupées modernes a invité à y reconnaître un jouet, « charmant l’enfance antique »22. Le silence des sources littéraires antiques interpelle toutefois. Alors que plusieurs auteurs grecs décrivent les activités de garçons avec différentes sortes de jouets, aucun ne mentionne de fillette s’amusant avec sa poupée dans un contexte profane23. La même singularité se retrouve dans les représentations figurées, limitée à la sphère funéraire, avec de possibles allusions à l’accomplissement de rites votifs, comme la présence du canard et de l’oie, des oiseaux associés aux sanctuaires d’Aphrodite et Artémis24.

  • 25 Anth. Pal., VI, 280 (anonyme) (trad. P. Waltz, CUF). Pour le monde romain, (...)

8La source littéraire majeure est une épigramme de l’Anthologie Palatine, de date incertaine (iie-ier s. av. J.-C. ?), qui décrit un acte votif. À la veille de son mariage, la jeune Timaréta consacre à Artémis ses biens les plus précieux qui caractérisaient les activités de son âge25 :

« Au moment de se marier, Timaréta, déesse de Limnatis, t’a consacré ses tambourins, le ballon qu’elle aimait, la résille qui retenait ses cheveux ; et ses poupées (koras), elle les a dédiées, comme il convenait, elle vierge, à la déesse vierge, avec les vêtements de ces petites vierges. En retour, fille de Lêto, étends la main sur la fille de Timarétos et veille pieusement sur cette pieuse fille. »

  • 26 Voir Neri, 1998, qui accepte la correction de Saumaise. Contra : Daux, 1973 qui pro (...)

9Ses poupées font partie de l’énumération, si l’on accepte la lecture koras (« poupées ») au lieu de komas (« cheveux ») de l’édition de Claude Saumaise (xviie s.)26.

  • 27 Cf. Merker, 2000 sur les plus de 900 figurines provenant du sanctuaire de Déméter e (...)
  • 28 Cf. Langdon, 2007.

10Les contextes archéologiques confirment que la fonction de ce type de figurines est particulière. Produites de manière sérielle au moyen de moules, elles proviennent en grand nombre de sanctuaires de divinités qui patronnent le mariage et la fécondité, ainsi que les passages d’âge (Déméter, Artémis, Apollon…)27. Elles sont aussi découvertes dans les tombes de jeunes individus, et plus particulièrement, quand le sexe peut être identifié, de filles en âge prénuptial28. Leur présence dans l’habitat est très rare.

  • 29 Thompson, 1943, p. 113 : « Their fragility would probably have caused more misery t (...)
  • 30 Gutschke, 2019.

11L’interprétation de ce type de figurine comme « jouet » au sens contemporain n’est donc pas adaptée à une réalité antique plus complexe. En 1943, Dorothy Burr Thompson avait déjà relevé que la fragilité de la terre cuite était incompatible avec un usage ludique29, ce que pourrait confirmer l’absence de traces d’usage. Les figurines en terre cuite seraient-elles le double en matériau durable de jouets réels, en matériaux périssables, comme l’a récemment proposé Frauke Gutschke30? Les particularités de certains types, notamment des exemplaires abrégés ou assis, qui ne sont guère compatibles avec un usage ludique, affaiblissent toutefois cette hypothèse ingénieuse.

  • 31 Sur la notion d’offrande par destination ou par transformation, cf. Morel, 1992.
  • 32 Thompson, 1943 ; Mylonopoulos, 2015, p. 235. Cf. Hamdorf, 1996, p. 50, fig. 50 pour (...)
  • 33 Griesbach, 2014 ; Huysecom-Haxhi, 2019. Voir aussi Huysecom-Haxhi et al., 2012.
  • 34 Sur ces rites, Sabetai, 2019.
  • 35 Reilly, 1997. Sur le concept de « représentation isolée » pour rendre compte de ces (...)

12Un consensus parmi les chercheurs reconnaît aujourd’hui dans ces objets une production spécialisée avec une valeur religieuse par destination31. Plusieurs hypothèses sur leur fonction sociale et rituelle peuvent être avancées. Comme l’avait proposé, en 1943 déjà, D. Burr Thompson, le nombre élevé de poupées complètes (fig. 1), tenant des instruments de musique, pourrait se rapporter aux performances publiques des jeunes filles se produisant lors des fêtes en l’honneur d’Artémis et d’autres divinités aux époques archaïque et classique32. Il est tentant d’associer les membres mobiles des figurines à la volonté de mettre en scène l’agilité et la grâce des participantes. D’autres aspects de l’évolution typologique des figurines semblent faire écho à des transformations sociales. Comme J. Griesbach et S. Huysecom-Haxhi l’ont démontré33, les poupées assises qui se multiplient au ive siècle av. J.-C., pourraient se rapporter aux rites de mariage dont le moment clef est la présentation de la mariée à la communauté pendant la fête ; les bras mobiles permettraient de mimer son habillement et son dévoilement, ainsi que les divers actes religieux à accomplir. Leur multiplication pourrait plus largement correspondre à la visibilité accrue du rôle des femmes dans la sphère privée et religieuse34. Pour les figurines aux membres abrégés (Torsopuppe), la piste ouverte en 1997 par Joan Reilly35 reste d’actualité sur leur valeur possible d’ex-voto anatomique, isolant les parties du corps importantes pour la reproduction.

  • 36 Schwarzmaier, 2006, 2008 ; Huysecom-Haxhi, 2008 ; Huysecom-Haxhi, Muller, 2015, p.  (...)
  • 37 Johnston, 1995, p. 361-387. Sur les croquemitaines, Dasen, 2015, p. 290-293.

13Les hypothèses convergent aussi pour associer le dépôt des objets dans la tombe à une mort prématurée, avant les noces36. Sarah Iles Johnston avait suggéré de comprendre la poupée comme le substitut symbolique de l’enfant que la jeune fille aurait dû concevoir, destiné à éviter que la défunte ne se transforme en revenante semant la mort parmi les femmes enceintes et les nouveau-nés37. Les figurines ne représentent toutefois pas un petit enfant, mais toujours une jeune femme désirable, au corps prêt pour le mariage.

  • 38 Costabile, 1991, 1996 ; Parisi, 2017. Nous remercions vivement M.-Chr. Villanueva-P (...)

14L’étude d’ensembles spécifiques, comme celui des centaines de figurines féminines agenouillées, parfois aux jambes et bras intentionnellement incomplets, de la grotte Caruso, un sanctuaire des sources dédié aux Nymphes (vie-iie s. av. J.-C.), proche de Locres Epizéphyrienne, a permis d’élaborer de nouvelles hypothèses renouvelant le débat, même si ces objets ne sont pas articulés. Felice Costabile et d’autres chercheurs ont démontré comment ces figurines constituaient à la fois des doubles de la mariée offerts à la divinité et une image de la divinité elle-même, dans un processus d’identification de la dédicante à la divinité, ici Perséphone lors de célébrations prénuptiales 38.

  • 39 Dasen, 2015, p. 327-330 : tombe à enchytrismos d’Abdère, tombe à ciste d’Ampurias (...)
  • 40 Jeammet, 2001, p. 11 ; Bourgeois et al., 2012-2013, p. 493, fig. 3 : Louvre, CA 145 (...)

15La biographie de ces objets est peu à peu reconstruite. Des indices suggèrent que les figurines furent offertes lors d’une occasion particulière pendant la petite enfance. Elles pourraient représenter la première reconnaissance de l’identité sexuée de l’enfant. Les individus les plus jeunes avaient entre deux et trois ans d’âge, ce qui correspond à la période de la première participation à des fêtes communautaires, comme les Apatouries ou les Anthesthéries à Athènes39. Le dépôt de la poupée dans la tombe, tout comme sa présence sur les stèles funéraires, comme nous le verrons plus loin, serait ainsi le signe positif d’une première intégration sociale, et pas uniquement de l’échec d’un rite inaccompli. L’excellent état de conservation des figurines, sans traces d’usure manifeste, pourrait confirmer l’absence d’usage ludique régulier jusqu’au moment de l’offrande lors des préparatifs de mariage. Certaines figurines semblent n’avoir jamais été manipulées, comme la poupée aux cheveux recouverts d’une feuille d’or conservée au musée du Louvre40.

2. Les représentations de poupées articulées grecques

16Si, dans le monde grec, les poupées articulées en terre cuite sont connues en grand nombre, leurs représentations figurées sont particulièrement rares. Deux ensembles d’images peuvent être identifiés.

2.1. En Attique : des stèles funéraires et un lécythe à fond blanc

  • 41 P. ex. CAT 0.915 ; Larson, 2001, fig. 3.2. p. 101-102 ; CAT 1.247. Sur la (...)
  • 42 CAT 1.367 ; Cavalier, 1988, fig. 2. CAT 0.780 ; Cavalier, 1988, fig. 5.
  • 43 Cavalier, 1988, p. 289-290.

17Le premier ensemble se compose de stèles funéraires attiques de l’époque classique. En 1988, Odile Cavalier a réuni un ensemble de seize stèles grecques échelonnées dans le ive siècle av. J.-C., qui donnent à voir une fille, plus ou moins jeune, tenant une figurine féminine qui occupe une place centrale dans la scène, qu’elle soit tendue à un autre personnage ou présentée au spectateur du relief. Les différents types attestés archéologiquement (debout, assis, aux membres abrégés) peuvent être identifiés et semblent être interchangeables. Sur les seize stèles recensées, la majorité des poupées sont debout, nues, aux membres diversement abrégés, au niveau des épaules, des coudes, et/ou des genoux, dans différentes combinaisons41. Seules deux stèles montrent des exemplaires vêtus et assis42. Comme O. Cavalier l’a relevé43, leur manipulation semble varier selon les âges : les plus jeunes saisissent le torse de manière familière, les autres les tiennent avec précaution come des objets précieux.

  • 44 CAT 2.204 ; Cavalier, 1988, p. 291 ; Larson, 2001, fig. 3.3, p. 103-104.
  • 45 CAT 0.851 ; Cavalier, 1988, fig. 4. Deux autres exemplaires sont signalés par Cavalier (...)

18Quatre reliefs suggèrent une manière de les manipuler suspendues. La stèle la plus détaillée représente une servante debout qui tend de la main droite à sa maîtresse, dont le corps n’est pas conservé, une poupée articulée, en apparence nue, aux bras clairement détachés du corps, comme en mouvement, suspendue à une cordelette (fig. 4 ; première moitié du ive s. av. J.-C.)44; la servante porte dans la main gauche un coffret dont dépasse un bout de tissu dont la fonction est incertaine : s’agirait-il du vêtement de la poupée ? Sur un second relief, conservé au musée du Céramique, Kallistonikè, fille de Lysistratos, en chitôn, la tête de face, inclinée, coiffée d’une stephanè qui maintient ses cheveux courts et bouclés, semble tenir par une ficelle au sommet de la tête une figurine nue aux membres abrégés (fig. 5 ; deuxième moitié du ive s. av. J.-C.)45.

Fig. 4. Stèle funéraire, marbre blanc (H. 66 cm, L. 36 cm).

Fig. 4. Stèle funéraire, marbre blanc (H.             66 cm, L. 36 cm).

Athènes, Musée archéologique national, inv.  1993. © Hellenic Ministry of Culture and Sports / Hellenic Organization of Cultural Resources Development.

Fig. 5. Stèle funéraire, marbre blanc (H. 52 cm, L. 39, 5 cm).

Fig. 5. Stèle funéraire, marbre blanc (H.             52 cm, L. 39, 5 cm).

Athènes, Musée du Céramique, inv. P 1140 I 161. © Hellenic Ministry of Culture and Sports / Hellenic Organization of Cultural Resources Development.

  • 46 Oakley, 2004, p. 169, fig. 131-132.
  • 47 Un sakkos, une sorte de foulard qui enserre les cheveux, est suspendu dans le champ de (...)
  • 48 Cf. le garçon qui avance vers la tombe avec un cerceau sur un lécythe à fo (...)

19Sur les vases attiques, seul un lécythe à fond blanc attribué au Peintre de Thanatos peut être rattaché à cette série (fig. 6 ; vers 440 av. J.-C.)46. La scène représente une jeune fille vêtue d’un fin chitôn, aux cheveux relevés en chignon47, qui marche vers un monument funéraire érigé sur un socle en tenant des deux mains une figurine debout, vêtue et coiffée comme elle. De l’autre côté du monument, une femme, peut-être la mère, observe l’enfant en portant un panier d’offrandes, un bras levé comme pour la saluer. La jeune fille toutefois ne la regarde pas, mais avance les yeux fixés sur la poupée. La scène fait ainsi apparaître la présence invisible de la jeune défunte à la tombe, caractérisée par son bien le plus précieux, la poupée, inséparable de son identité, comme sur les stèles funéraires48.

Fig. 6. Lécythe à fond blanc, terre cuite peinte (H. 26 cm), P. de Thanatos. Vers 440 av. J.-C.

Fig. 6. Lécythe à fond blanc, terre cuite             peinte (H. 26 cm), P. de Thanatos. Vers 440 av. J.-C.

Palm Beach, collection privée. Crédit photographique : New York, Metropolitan Museum of Art, avec l’aimable autorisation du collectionneur.

  • 49 Berlin, Antikensammlung Misc. 10823a. b et G.I. 165/166 (de Kyme) ; Schwarzmaier, 2020 (...)

20Relevons aussi les représentations miniaturisées de poupées aux membres abrégés dans le décor de somptueuses boucles d’oreilles en or de la fin du ive s. av. J.-C., à l’iconographie nuptiale, associées tantôt à des danseuses voilées et à Nikè jouant aux osselets, tantôt à des Érôtes manipulant un iunx, comme sur de somptueux exemplaires conservés à Berlin49.

2.2. En Italie du sud : trois vases apuliens

21Le second ensemble est constitué de trois vases apuliens du ive siècle av. J.-C. (fig. 7-12), qui sont regroupés ici pour la première fois et dont l’étude propose une interprétation spécifique. On sait combien, en iconographie grecque, chaque élément est un signe, dans une combinatoire qui forme un tout cohérent et donne la ou les signification(s) de l’image. Il conviendra donc d’observer brièvement toutes les composantes des scènes figurées pour tenter de comprendre ce qu’impliquent les poupées en représentation, leur ergonomie et les modalités de leur manipulation.

2.2.1. Lécythe

  • 50 RVAp 1, p. 341, n° 24 ; CVA Schweiz 2, Zürich 1, p. 52-53, pl. 34, 4-8 (...)

22Sur un grand lécythe à l’ornementation soignée, conservé dans la collection archéologique de l’Université de Zurich (fig. 7)50, un jeune homme debout au centre de l’image, de profil, nu, un himation pendant de l’épaule gauche, est entouré de deux jeunes femmes assises. La scène se clôture à gauche par une jeune femme debout, le pied posé sur un rocher, genou relevé, et par une autre, debout à droite. Les jeunes femmes sont élégamment vêtues de fins chitôns brodés, un himation drapé sur les genoux ; elles sont parées de bijoux et leurs cheveux relevés sont maintenus par des bandeaux.

Fig. 7 et 8. Lécythe apulien, terre cuite peinte (H. 29,6 cm). Vers 350-340 av. J.-C. P. de Varrese.

Fig. 7 et 8. Lécythe apulien, terre cuite               peinte (H. 29,6 cm). Vers 350-340 av. J.-C. P. de Varrese.

Zurich, Archäologische Sammlung der Universität, inv. 2654. © Archäologische Sammlung der Universität Zürich, inv. 2654. Photos Frank Tomio. (fig. 7 : vue générale ; fig. 8 : détail de la poupée).

23Des deux femmes assises, celle de droite, qui semble la plus majestueuse et tient un coffret ouvert, n’attire toutefois pas l’attention du jeune homme : il est entièrement tourné vers l’autre figure féminine, qui lui présente une phiale, et il brandit entre eux deux un instrument généralement désigné comme xylophone, qui introduit dans la scène une connotation musicale. Plusieurs autres marqueurs soulignent la mise en valeur de cette jeune femme : son tabouret est assorti d’un repose-pied ; dans le champ, au-dessus de sa tête, une balle (plutôt qu’une phiale) est peinte en blanc et, surtout, derrière elle, une compagne tient une figurine, suspendue à un doigt de la main droite (fig. 8). La mobilité de la statuette articulée est suggérée par le geste délicat. Le rehaut blanc est altéré et il ne reste plus que la trace en silhouette de la poupée, mais on devine aisément qu’elle est vêtue d’une tunique courte, qu’elle semble tenir des crotales et que les pieds sont bien marqués, sinon chaussés (de hautes sandales ?). La tête est ronde et proportionnellement assez volumineuse : cheveux relevés, coiffe ? La proximité avec le bras de la jeune femme assise est indéniable, même si les regards ne convergent pas vers la poupée.

24À droite de l’image, en responsio de la présentation de la poupée, c’est un miroir et un éventail que présente la jeune femme, confirmant l’aura de beauté et de séduction qui émane de chacune des figures.

  • 51 Denoyelle, Iozzo, 2009, p. 140-141, 144-145.

25Les dimensions du lécythe et la qualité de sa conservation renvoient à une fonction funéraire du vase. À l’examen de l’œuvre, il est également apparu que le goulot était encore obstrué par un bouchon (antique ?) d’argile ou de plâtre, ce qui indique qu’il aurait été déposé plein d’huile parfumée dans la tombe. Le style dénote un peintre raffiné et inventif, en l’occurrence le peintre de Varrese, excellent peintre des années 360-340 av. J.-C., qui assure la transition entre le style apulien moyen et le style récent51.

2.2.2. Amphore

  • 52 Collection privée, anciennement New York, Collection Shelby White/Leon Levy (...)

26Comme le lécythe de Zurich, c’est également au peintre de Varrese qu’est attribuée une grande et élégante amphore, à la décoration foisonnante, actuellement dans une collection privée (fig. 9)52. Sur la face principale, répartie en deux registres, se déroulent plusieurs rencontres entre un jeune homme et une jeune femme, alternativement debout ou assis. La succession des couples se déploie suivant une métrique précise, comme pour un vers scandé, et une dernière figure clôt le rythme. De plus, à l’extrémité droite, se trouve un haut coffre surmonté d’une balle. Les femmes portent un fin chitôn et un himation souple, le plus souvent noué autour de la taille, et aux pieds, des chaussures légères ; parées de bijoux, elles sont coiffées d’un cécryphale. Les hommes, non vêtus, sinon de la draperie d’un himation simplement enroulé autour du bras ou posé sur un siège, sont couronnés de myrte (peu distinct pour le personnage central). Dans le champ se répartissent bandeaux et rubans, étoffes (ceinture ?), rosaces, canthare.


Fig. 9 et 10. Amphore apulienne, terre cuite peinte (H. 92,7 cm). Vers 350-340 av. J.-C.

Fig. 9 et 10.               Amphore apulienne, terre cuite peinte (H. 92,7 cm). Vers 350-340               av. J.-C.

P. de Varrese. Collection privée. © Christie’s 2012. (fig. 9 : vue générale ; fig. 10 : détail de la poupée).

27Sur l’épaule, une femme assise sur un haut fleuron, tenant une phiale « à œufs » est entourée d’ornements végétaux exubérants. Entre les deux registres, une petite frise intermédiaire s’orne d’une tête féminine de profil, jaillissant entre deux guirlandes florales.

28Chaque couple du registre supérieur est uni par un geste d’offrande ou de libation. Au centre, une femme est assise sur un tabouret richement orné, assorti d’un repose-pied ; elle tient sur les genoux un large coffret. Le jeune homme qui la regarde tend vers elle la main droite. Une guirlande fleurie forme une sorte de pergola autour de la jeune femme, la mettant ainsi en valeur. Mais c’est le couple situé à gauche de la scène qui retient l’attention par son originalité (fig. 10). Une jeune femme assise sur un diphros okladias, un « xylophone » posé sur les genoux, se tourne vers un jeune homme debout qui lui présente une figurine suspendue au bout d’une cordelette. Les bras écartés et les jambes ballantes de la poupée donnent à penser qu’elle est articulée. Elle est vêtue d’une tunique courte, claire et rehaussée de traits plus foncés au col et à la taille, resserrée par une ceinture, et semble avoir les cheveux courts (relevés ?). Les bras assez allongés pourraient indiquer qu’elle tient des crotales.

29Sur cette face A, les échanges amoureux suggèrent la mise en beauté des corps (nudité masculine et parures féminines), les jeux de séduction et d’approche, ritualisés par leur répétition iconographique, par les attributs et par les codes gestuels.

30Le contexte et la disposition de la face B, bien différents, déterminent la fonction funéraire du vase. Au centre, une haute stèle se dresse sur un socle peint d’un rameau blanc. Elle est ornée de bandeaux noués et sert de support à une large coupe dont la couleur claire, la panse godronnée et les anses évoquent sans doute le métal ouvragé. De part et d’autre de la stèle, sur deux registres, deux hommes et deux femmes répartis en chiasme présentent diverses offrandes, analogues aux objets tenus sur l’autre face : couronnes et bandeaux, phiales, ciste, grappes, de même que des rameaux à baies et petites feuilles.

2.2.3. Pélikè

  • 53 Denoyelle, Iozzo, 2009, p. 147-154.
  • 54 Don du Cercle royal des Amis de Mariemont, en hommage au Docteur Jacques Hubinont.

31Parmi les peintres de la génération suivante dans la lignée du peintre de Varrese, un atelier célèbre domine incontestablement la production apulienne récente du troisième quart du ive siècle av. J.-C. : celui de peintre de Darius53. C’est dans ce cercle qu’il faut placer, semble-t-il, une belle pélikè, jusqu’ici inédite, dont l’iconographie vient compléter les deux exemples qui viennent d’être décrits (fig. 11)54.

32La face principale, lumineuse grâce aux nombreux rehauts blancs et jaunes, est d’une grande lisibilité, malgré sa réelle complexité et la profusion de détails. Quels sont les personnages en présence ? Au centre, tous les regards se tournent vers une belle jeune femme assise de trois quarts, vêtue d’un long chitôn souple et fin, qui lui dénude l’épaule droite. Les plis d’un léger himation lui couvrent les jambes. Elle est parée de bijoux : collier, bracelet, boucles d’oreille, diadème, et coiffée d’une longue chevelure bouclée et partiellement dénouée. Le tabouret, assorti à un repose-pied, est représenté en perspective.

33La jeune femme, dont le visage est presque vu de face, s’est tournée vers un jeune homme debout à gauche de l’image, appuyé sur un bâton et portant sur le bras gauche un himation aux longs plis verticaux. À droite de la scène, une compagne, cheveux dans un sakkos, est à l’avant-plan d’un grand bassin, un loutèrion posé sur une colonnette. Au registre supérieur, un Éros ailé tend une couronne. Une seconde figurante, assise à droite, présente une grande ciste décorée. Toutes les femmes, ainsi qu’Éros, sont parées de bijoux. Elles portent des chaussons souples. Quelques objets sont répartis dans le champ de l’image : une phiale, un large bandeau.

34La face secondaire représente une scène générique de rencontre amoureuse : à gauche, une femme assise sur un rocher, tenant une pelote et un coffre, fait face à un jeune homme debout qui lui tend une couronne fleurie et ornée d’un ruban ; il tient un grand rameau feuillu, sans doute de laurier. Ils sont surplombés d’un Éros aux ailes déployées, tenant une phiale.

Le jeune homme

  • 55 Cf. par ex. la « tombe de l’athlète » dans Rouillard, Verbanck-Piérard, 2003. (...)
  • 56 En grec, le terme de pardalis ne différencie pas le léopard au pel (...)

35Il est caractérisé comme bel athlète : c’est ce qu’indiquent le strigile et l’aryballe qu’il tient de la main gauche, mais aussi sa nudité. Tarente était célèbre pour ses athlètes55. Ce jeune homme, encore imberbe, a donc le temps et les moyens de passer une partie de sa journée à exercer son corps à la palestre. Mais le gymnase, à cette époque, est aussi un lieu de discussions, d’apprentissage, de lecture, et de pratique philosophique. Pensons qu’à Athènes, vers 335-330 av. J.-C., Aristote fonde son Lycée et qu’à Tarente même, le souvenir d’Archytas est encore très présent. L’athlète est celui qui fortifie son corps, mais aussi son esprit, voire son âme. Fréquenter le gymnase est une composante essentielle de la paideia grecque ; on y apprend les vertus du loisir intellectuel, la scholè. Le fin bâton sur lequel le jeune homme s’appuie suggère lui aussi l’arrêt du mouvement pour le débat, la discussion, la dialectique. À ses pieds, le petit félin tacheté est une autre allusion à son statut privilégié : il s’agit vraisemblablement d’une jeune pardalis56, plus rare, plus luxueuse et plus exotique que le chien, ou même le chat, moins apprécié.

36L’aryballe introduit un autre élément – insaisissable – qui auréole l’image : le parfum luxueux, dont le bel éphèbe s’est enduit après le bain et qui le rend irrésistible. La couronne que porte le jeune homme n’est toutefois pas l’emblème de la victoire sportive, car c’est une couronne de myrte à petites feuilles, semblable à celle que présente Érôs au-dessus de la jeune femme. Ce feuillage à haute charge symbolique caractérise notamment le mariage et désigne le jeune homme comme marié ou futur marié. Le geste de son bras droit levé est important : il présente à la jeune femme une petite figurine, qui sera explicitée ci-dessous (fig. 12).

Fig. 11 et 12. Pélikè apulienne, terre cuite peinte (H. 44,6 cm). Vers 340-320 av. J.-C.

Fig. 11 et 12. Pélikè apulienne, terre cuite peinte (H.                 44,6 cm). Vers 340-320 av. J.-C.

Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, inv. Ac.2016/47. © Musée royal de Mariemont. Photos M. Lechien. (fig. 11 : vue générale ; fig. 12 : détail de la poupée).

La jeune femme

  • 57 Cf. encore dans le monde romain, Catul., Carm., III, 4-6 : « Le plaisir de ma chér (...)

37La jeune femme tient, un peu imprudemment, un oiseau en rehaut blanc (colombe ?) au-dessus du petit félin tacheté qui tente de l’attraper. Elle introduit ainsi le spectateur dans le monde familier des animaux de compagnie. L’oiseau est souvent associé à l’idée de charme et de séduction et peut servir de cadeau amoureux, thème bien connu dans toute la tradition iconographique et littéraire57.

  • 58 Cf. sur une hydrie du peintre de Ganymède, Zurich Arch. Slg Univ. 4007 (pétrificat (...)

38La jeune femme est également caractérisée comme musicienne, grâce à l’instrument qu’elle tient : une grande cithare. Elle vient peut-être d’interpréter un morceau de musique (plectre ou onglet sur les genoux). La cithare est un instrument à cordes pincées, lourd et difficile à jouer ; c’est un instrument de virtuose, qui est celui d’Apollon. Elle se distingue de la simple lyre, plus légère, à carapace de tortue, ou de la harpe. La cithare qualifie cette jeune femme comme une personne cultivée58, voire une musicienne et une poétesse (telle Sappho) ou une Muse. Musique, poésie, chant sont indissociables dans l’éducation féminine d’un certain rang social, qui serait ainsi « assorti » à celui du jeune homme.

  • 59  Les couronnes de myrte, feuillage d’Aphrodite, d’Apollon et d’Asclépios, sont (...)

39Il convient de noter aussi, pour mémoire, que la cithare est l’instrument du chanteur mythique Orphée, qui descend dans les Enfers pour tenter de ramener son Eurydice, en séduisant par sa musique les dieux des Enfers, comme l’atteste une importante série d’images apuliennes. L’instrument serait-il ici une discrète – mais relativement improbable – allusion à l’orphisme59?

Les deux compagnes 

  • 60 Sur les balles/pelotes/pommes, métaphores de la séduction, Dasen, 2016.
  • 61 Passage si célèbre et paradigmatique d’Hom., Od., 6, 154-159 ; Bouvier, (...)
  • 62 Il faut noter l’absence de kalathos.

40De façon attendue, celles-ci renvoient au monde du gynécée, aux activités féminines. En effet, l’une d’elles, coiffée d’un sakkos, tient une pelote de laine, bien mise en évidence : on retrouve l’allusion bien connue aux travaux de la laine qui caractérisent l’activité principale des femmes au foyer en Grèce ; elles jouent et jonglent parfois avec ces « pelotes », les transformant alors en petites balles (sphaira)60. La question se pose de savoir si elles sont analogues aux balles avec lesquelles les jeunes filles jouent dans les prairies en fleurs, ou au bord de l’eau, comme Nausicaa61. La seconde compagne, cheveux relevés en chignon et noués dans un cécryphale, tient un grand coffret, ou une ciste, recelant des rubans, des voiles, des textiles fins, des bijoux, des récipients de parfum : tous les attributs de l’élégance et de la parure62.

  • 63 Cf. la pélikè apulienne d’Oxford, Ashmolean Museum AN 1896-1908. G (...)

41Sur le bord droit de la scène apparaît une grande vasque sur pied, sans doute en marbre blanc : c’est le loutèrion, associé au bain et à la toilette, tant pour les hommes, dans le cadre du gymnase, que pour les femmes au gynécée63. Tout particulièrement, c’est le bain nuptial qui est sous-entendu, moment sacralisé et ritualisé. Le loutèrion fait écho au strigile, comme l’alabastre disposé dans le champ répond à l’aryballe.

Éros 

42Très fréquent dans la céramique apulienne, androgyne, Éros tend une couronne de petites feuilles, semblable à celle que porte le jeune homme. La couronne est bien en vue, au milieu du registre supérieur et ne surplombe pas directement la jeune femme assise. Il suffira de rappeler ici le rôle très important d’Éros en Italie du sud : divinité primordiale, autonome, son action ne se limite pas à la sphère d’Aphrodite et à la sexualité. Il protège toutes les étapes de la vie et apporte l’harmonie et la concorde.

Le iunx

  • 64 Cf. Theoc., Id., II, la Magicienne ; Pirenne-Delforge, 1993 ; Böhr, (...)

43Près de la main gauche d’Éros est entrelacé un fin ruban relié à un petit élément circulaire (ovale en raison de la perspective) avec un croisillon central, qui surplombe la tête de la jeune femme : on reconnaît aisément le petit instrument métallique appelé iunx, l’une des inventions d’Aphrodite, qui peut être utilisé dans la magie amoureuse. C’est une sorte de petit disque ou cercle en métal, attaché le long d’un fil que l’on tire ; en tournant, il produit un sifflement ou une vibration sonore susceptible de séduire l’être aimé, ou de ramener l’amant qui va voir ailleurs64 !

La poupée

44De la main droite, le jeune homme tend vers la jeune femme une petite statuette féminine, peinte en rehaut blanc, suspendue à un fil enroulé autour de son index. La poupée est vêtue d’une tunique courte ; les membres allongés semblent mobiles, la coiffure est courte et bouffante. À la jonction avec l’attache de la cordelette, le rehaut blanc semble s’être étalé sur une petite zone verticale, sans que l’on puisse affirmer que le peintre ait voulu représenter un polos ou tout autre attribut.

2.2.4. Les trois poupées apuliennes : points communs

45Sur les trois vases apuliens qui viennent d’être décrits et qui, tous, évoquent une ambiance nuptiale, les figurines suspendues présentent de nombreux points communs (fig. 7-12). Tout d’abord, la façon dont la poupée apparaît dans l’image : un personnage debout l’exhibe aux regards en la tenant sous sa main droite grâce à une cordelette bien visible, enroulée autour d’un doigt. Le geste n’est pas celui d’un véritable échange : il ne s’agit pas de donner, ni de prendre, mais bien de montrer, d’exposer, de concentrer l’attention, voire de symboliser. Faudrait-il le comprendre, par exemple, comme la réminiscence d’une offrande dans un sanctuaire (cf. supra, 1.2) ? Il convient de remarquer que la poupée n’est pas manipulée par la protagoniste principale et qu’il n’y a pas de véritable face-à-face entre la personne qui tient la statuette et la jeune femme assise qui lui est associée. Sur le lécythe de Zurich, celle-ci ne semble pas (encore ?) avoir remarqué la présence de la poupée et, sur les deux autres vases, elle se retourne vers l’objet qui l’attire, la fascine et piège son regard, comme peut le faire le iunx aux effets ensorcelants.

46Même si la statuette ne paraît pas être animée, ni agitée, ni manipulée par le fil de suspension, elle n’est pas pour autant figée et c’est bien l’idée de légèreté et de mobilité qui est suggérée, peut-être aussi celle d’un balancement presque hypnotique ou d’une délicate rotation. Le rehaut blanc, agrémenté de détails colorés, lui confère un rôle important dans l’image, même si elle n’est pas en position centrale. Il évoque également la fragilité et la qualité de la matière, que ce soit la terre cuite ou des matériaux plus légers comme l’ivoire, l’os ou le bois peint, peut-être la cire ou le tissu.

47Le vêtement et la coiffure sont semblables pour chacune des poupées : une tunique courte et, dans la mesure où l’on peut en juger, des cheveux courts ou relevés, sans coiffe ni polos. Sur deux des vases, la poupée tient des crotales et pourrait porter des sandales à haute semelle ou des chaussures.

2.2.5. La jeune fille et la danse en chitôn court

48Ces différents éléments, répétés, qui associent la grâce d’un mouvement potentiel et le son des instruments, orientent l’interprétation vers l’idée de la danse et font des poupées de véritables actrices de la scène figurée.

  • 65 En Russie du Sud, par ex. une danseuse au tambourin (non articulée), Berlin, (...)

49Dans un tel contexte, le chitôn court acquiert une signification prégnante. Il diffère nettement du long vêtement porté par les participantes. La plupart des statuettes articulées, en terre cuite ou en os, évoquées dans la première partie de l’article, et notamment pour Tarente (fig. 2-3), étaient vêtues de la sorte, semble-t-il. Si, le plus souvent, les endumata et les parures étaient peints, dans les cas où la poupée est nue, mais parée de bijoux, on peut éventuellement formuler l’hypothèse d’une tunique en fin tissu enfilée ultérieurement. On retrouve le chitôn court sur bien d’autres terres cuites non articulées, danseuses et/ou musiciennes, en contexte votif ou funéraire, de l’Italie du sud à la mer Noire65. Certaines sont très proches des poupées apuliennes en image.

50La tunique courte est souvent citée comme costume des jeunes Lacédémoniennes, qualifiées de phainomèrides, en lien avec leur éducation athlétique. Mais un bref excursus, momentanément centré sur la céramique attique où le motif des danseuses en chitôn court est relativement bien attesté, permet de souligner la diversité des contextes, des accompagnements musicaux, des coiffures et coiffes (bandeaux, couronnes, couronnes « à pointes », kalathiskoi…) et du vêtement lui-même, parfois limité à une simple jupe à bretelles, ainsi que l’évolution chronologique.

  • 66 Ghali-Kahil, 1965 et 1977.
  • 67 Par ex. hydrie, Londres, BM 1873.0820.354 (avec cithare), BAPD 214266 ; phiale (prov (...)
  • 68 Moscou, Musée Pouchkine II1B987, BAPD 9008443. Motif qui n’est pas san (...)

51Les témoignages les plus connus et les plus significatifs d’un contexte rituel sont les cratérisques retrouvés dans plusieurs sanctuaires attiques d’Artémis, principalement à Brauron, et figurant des courses de fillettes ou d’adolescentes, vêtues de tuniques courtes, ou nues66. Pour le peintre de la Phiale et ses contemporains, ce sont plutôt des scènes de « leçon de danse » en présence d’adultes, femmes et hommes, qui semblent privilégiées67. Sur une oinochoè de Kertch, deux jeunes femmes en chitôn court brodé et kalathiskos encadrent un trépied (chorégique ? apollinien ?)68.

  • 69 Paris, Louvre, CA 1890, BAPD 220623.
  • 70 Par ex. Athènes, MAN 1256 et 12894 ; Metzger, 1942 ; Kaltsas, Shapiro, (...)
  • 71 BAPD 11634. Une seconde danseuse à gauche du couple est attestée par un autre fragme (...)
  • 72 Plin., HN, XXXIV, 19, 41. Il n’est pas possible de reprendre ici l’importante biblio (...)

52La sphère nuptiale est, quant à elle, bien attestée par un lécythe du peintre de Meidias montrant deux jeunes danseuses en présence d’un Érôs aulète69, ou encore par plusieurs lébètes gamikoi de la figure rouge tardive70. Nous y joindrons les fragments de chous du peintre d’Hélène (fig. 13 ; vers 380 av. J.-C.)71, représentant le même type de danse lors du mariage – à Sparte – de Ménélas et d’Hélène, qu’il est tentant de rapprocher du début de l’Idylle XVIII de Théocrite. Dans ce cas précis, le lien avec les célèbres saltantes Lacaenae du sculpteur Callimaque72 pourrait être évoqué, mais il paraît trop restreint de limiter le motif de la danseuse en tunique courte et kalathiskos à une coutume exclusivement spartiate.

  • 73 Un autre corpus est également attesté, mais ne sera pas détaillé ici : (...)
  • 74 RVAp 1, p. 4-9.
  • 75 Cf. aussi le rhyton attique de Toronto, Royal Ontario Museum 360, du p (...)
  • 76 Schwarzmaier, 2020, p. 85, fig. 6.

53En céramique italiote73, la comparaison s’impose avec le magnifique cratère en calice apulien du peintre de la Danseuse de Berlin, où une adolescente virevolte en cadence au son de l’aulos (fig. 14 ; vers 430-410 av. J.-C.)74. Mais le contexte pourrait bien être celui du symposion75. Un autre témoignage important est fourni par l’orfèvrerie grâce à un somptueux pendant d’oreille conservé à Berlin (fig. 15 ; fin ive s. av. J.-C.)76: ici, la mobilité même du bijou participe directement de la mise en beauté de la danseuse coiffée d’un kalathiskos.

Fig. 13. Fragment de chous attique, terre cuite peinte (H. 12,7 cm). Vers 380 av. J.-C. P. d’Hélène.

Fig. 13. Fragment de chous attique, terre cuite peinte (H. 12,7               cm). Vers 380 av. J.-C. P. d’Hélène.

Tübingen, Eberhard-Karls-Universität, Archäologisches Institut, inv. 1219. © Tübingen, Eberhard-Karls-Universität, Arch. Institut.

Fig. 14. Cratère apulien, terre cuite peinte (H. 26,5 cm). P. de la Danseuse de Berlin. Vers 440-420 av. J.-C.

Fig. 14. Cratère apulien, terre cuite               peinte (H. 26,5 cm). P. de la Danseuse de Berlin. Vers 440-420               av. J.-C.

Berlin, Antikensammlung, inv. F 2400. © Antikensammlung, Staatliche Museen zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz. Photo Johannes Laurentius.

Fig. 15. Boucle d’oreille, or, Berlin, Antikensammlung, inv. 30219, 389. Fin ive s. av. J.-C.

Fig. 15. Boucle d’oreille, or, Berlin,               Antikensammlung, inv. 30219, 389. Fin ive s. av. J.-C.

© Antikensammlung, Staatliche Museen zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz. Photo Johannes Laurentius.

  • 77 Ar., Ran., 407-416.
  • 78 Paus., V, 16, 2.
  • 79 Soph., frag. 872.
  • 80 Ath., 14, 629e. Quel sens faut-il donner ici à cette épiclèse ? Dans l (...)

54La terminologie serait également à examiner. La tunique courte est le plus souvent désignée, dans les commentaires modernes, par le terme général de chitoniskos, qui est toutefois également associé aux hommes dans les textes antiques. Il serait sans doute approprié de se référer ici au diminutif chitônion, tel qu’il apparaît par exemple dans un passage des Grenouilles d’Aristophane77, où se mêlent, non sans grivoiserie, la danse des jeunes filles (meirakiskai) dans le chœur des initiés, l’érotisme et l’intervention voyeuriste de Dionysos et Xanthias. À propos de la course des parthenoi pour la fête d’Héra à Olympie, Pausanias parle de chitôn « juste au-dessus du genou »78. Un fragment de la tragédie Hermione de Sophocle décrit un astolos chitôn plissé, qui laisse voir les cuisses79. Parmi les épiclèses d’Artémis figure le terme de Chitônè, déesse honorée à Syracuse et à Milet par une danse et par la musique de l’aulos80.

  • 81 Cf. supra, n. 32 et 33. Calame, 2019, p. 171-353, étudie successivement, dans le mon (...)
  • 82 Calame, 2019, p. 162-165 pour l’hyménée (ou épithalame).

55Ce survol iconographique et lexical, très sommaire et qui doit être complété par d’autres séries documentaires, permet de constater que le chitôn court, associé ou non à une coiffe rituelle, concerne essentiellement la danse des fillettes et des adolescentes, plus rarement des jeunes femmes, et peut être mis en relation avec l’apprentissage choral et orchestique, ainsi qu’avec différentes manifestations cultuelles, principalement, mais pas uniquement, en l’honneur d’Artémis (dans ce cas, il peut aussi s’agir de courses) et d’Aphrodite81. Or ce sont là précisément deux déesses « de référence » qui pourraient, l’une comme l’autre, favoriser l’interprétation de nos poupées apuliennes : celles-ci se rapporteraient aussi bien aux chœurs en l’honneur d’Artémis et au dépôt dans ses sanctuaires lors d’un passage de classe d’âge, qu’aux célébrations d’hyménées à la porte du thalamos82.

56Même si les poupées analysées dans cet article ne portent pas le célèbre panier, la sphère chorégraphique se révèle donc cruciale : c’est celle des jeunes filles déployant toute leur grâce dans des chœurs de danse organisés lors de certaines fêtes de la cité tarentine, au cours desquelles leur beauté juvénile et leur bonne éducation de filles de citoyens leur assurent un avenir nuptial de leur rang, sous le regard de tous.

2.2.6. Vases apuliens : bilan

  • 83 Pour l’association des deux termes, Bruit, 1996.

57C’est donc bien une classe d’âge précise, l’adolescente – parthenos et korè83 protégée d’Artémis, et bientôt nymphè protégée d’Aphrodite – que rappelle la frêle figurine articulée, projection idéale d’un moment de féminité privilégiée, fierté et promesse des familles, incarnation de la charis aux yeux des hommes et des dieux.

58Le geste de présentation de la poupée serait-il la métaphore intimiste, chargée d’émotion, d’une tradition d’offrande de korè dans un sanctuaire lors d’un prochain mariage, qui n’aura peut-être pas lieu ?

  • 84 Cf. Hsch., s.v. νυμφίδες : sorte de sandales ou chaussons pour les noc (...)

59Si les phases de la vie de la femme grecque ont souvent été réduites à deux étapes, avant et après le mariage, la terminologie variée et l’iconographie confirment que les distinctions subtiles entre enfance, adolescence, mariage, maternité, vieillesse, étaient bien établies et bien observées. Grâce à la subtilité de l’imagerie apulienne, plus évocatrice que de nombreux textes grâce à l’association démultipliée de signes parlants, plusieurs moments s’entrecroisent et s’associent pour dire à la fois la jeune fille et la jeune femme préparée pour le mariage, sous le signe omniprésent de la séduction. Sur nos trois vases, l’environnement prénuptial (pro gamou ou pro tou gamou) est rendu par la figurine, les animaux favoris, la longue chevelure bouclée, l’apprentissage musical, la balle, les éléments floraux ; et les noces, par la mise en beauté préalable : les parures, les coiffes, ceintures et bandeaux, les chaussons84, le trousseau (coffres), le bain nuptial, les parfums, les joies d’Aphrodite (iunx), les sièges et repose-pied décorés, les couronnes de myrte, le miroir, l’éventail, etc. Le rôle des autres jeunes femmes est assez ambigu, sans doute volontairement : anciennes compagnes de jeu et de danse, qui ont accompagné la jeune fille lors de processions et chanté avec elle, pour elle, ou parentes, qui peuplent le gynécée.

60Un bref instant, pour tous les spectateurs – dans l’image et hors image – dont le regard est irrésistiblement attiré par la figurine, se superposent plusieurs reflets simultanés : la jeune danseuse en chitôn court, si vivante dans la joie des chœurs, la statuette articulée en terre cuite déposée en ex-voto – par destination ou transformation – pour les déesses vénérées à la veille des noces, et enfin le double de la korè qui l’accompagnera à jamais dans la tombe. Il est indéniable que, pour ces représentations vouées aux gestes à accomplir pro tou gamou et à l’espoir nuptial, la poupée ne peut se résumer à un « simple » jouet rappelant la petite enfance.

61La forme même des céramiques n’est pas indifférente : si l’amphore renvoie à la gestion de l’oikos, le lécythe et la pélikè se rattachent explicitement aux huiles parfumées, à répandre et à conserver. Aphrodite et, avec elle, les autres déesses de la vie familiale des femmes attendent la nymphè qui franchira le seuil.

  • 85 Pouzadoux, 2013.

62Un dernier point reste à souligner : les vases tarentins, surtout de l’apulien récent, ont été retrouvés en grand nombre dans les sépultures des communautés italiques environnantes, où ils participaient au decorum funéraire. Les scènes peintes ont certainement exercé un rôle important dans l’hellénisation et l’interculturalité et leur lecture doit tenir compte de cet autre regard85.

63Qu’il s’agisse effectivement de vases pour la tombe, c’est de toute façon ce qu’attestent les grandes dimensions, l’état de conservation et, indéniablement, la face B de l’amphore. L’atmosphère joyeuse qui devrait présider à la transition vers de futures noces en est troublée. Les images montrent le cours normal de ce qui aurait dû se passer, mais que la mort a brutalement interrompu. Souvenir et nostalgie : tout n’est plus désormais qu’offrande au tombeau, y compris la poupée peinte. Le passage se fera vers Hadès, qui a lui-même ravi Korè.

  • 86 Sujet qu’il n’est pas possible de développer ici davantage. Cf. par ex. Casadio, Joh (...)

64La lecture doit donc se transposer sur le mode funéraire, et, dans le contexte apulien, se devinent peut-être des promesses d’un au-delà bienheureux (dionysiaque ? initiatique86 ?), qui devrait tant bien que mal compenser la perte définitive du bonheur conjugal.

Conclusion

  • 87 Cavalier, 1988, 2019.

65Au terme de cette recherche, les lacunes à combler demeurent nombreuses. Dans quel contexte et comment ces figurines étaient-elles manipulées par les vivants (contexte profane, religieux ou les deux ?), par quelle classe d’âge (que pré-adulte ?), quel sexe (les filles uniquement ?). Du point de vue iconographique, pourquoi les filles ne sont-elles jamais représentées en train de manipuler ces figurines, en Grèce comme à Rome, en dehors de la petite série des stèles funéraires attiques d’époque classique87 ?

66Les différents types, complets, abrégés, assis, étaient-ils interchangeables et équivalents ? Furent-ils produits par les mêmes ateliers ? Une recherche systématique sur les objets et leur représentation, leur contexte de production et de découverte devrait permettre de mieux définir leur valeur et leur fonction dans le sanctuaire ou dans la tombe et, peut-être, de mesurer l’attachement que leur portaient les enfants, les jeunes gens et leur entourage au moment même de la séparation.

Remerciements 

67Pour leur aide et l’envoi de photographies, nous tenons à remercier D. Ignatiadou (Athènes, Musée archéologique national), Léonidas Bournias (Athènes, Musée du Céramique), A. Schwarzmaier (Berlin), Ch. Clarke (London, Christie’s), I. McPhee (Melbourne), G. Shepherd (Melbourne, Trendall Research Centre), J. Mertens et M. Muratov (New York), R. Keresey (New York, Sotheby’s), E. Degl’Innocenti et L. Mancini (Taranto), A. Heinemann (Tübingen), Chr. Reusser et M. Bürge (Zurich), de même que les différents musées et les collectionneurs privés qui nous ont accordé les autorisations de reproduction. Nous remercions aussi les participants du webinar Locus Ludi (20.10.2021) et du séminaire « Anthropologie et image » (Paris, EHESS, 18.3.2021) pour leurs utiles remarques et commentaires, ainsi que les reviewers de Pallas.

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Bibliographie

Abréviations

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Notes

1 P. ex. Manson, 1991 ; Dasen, 2019.

2 P. ex. Argyriadi, 1991.

3 Cette recherche a été réalisée dans le cadre du projet soutenu par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (FNS) Poupées articulées grecques et romaines (xe s. av. J.-C./ viie s. apr. J.-C.). Approches archéologiques et anthropologiques. Il développe une des facettes de la culture ludique grecque antique révélée par le projet Locus Ludi. The Cultural Fabric of Play and Games in Classical Antiquity financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC), programme de recherche et d’innovation de l’Union Européenne Horizon 2020 (# 741520).

4 Pour une synthèse du champ sémantique grec, Larson, 2001, p. 103-107 et Schwarzmaier, 2006. Rossie, 2019, signale que dans le Sahara tunisien et au Maroc, l’usage dans les langues arabe et berbère est similaire : les petites filles jouent au mariage avec des figurines anthropomorphes qu’elles appellent « la mariée » (arousa en arabe, tislit en amazigh) et « le marié » (arous en arabe, isli en amazigh).

5 Munich, Glyptothek GL 199; CAT 0.869a; Cavalier, 1988, p. 288, fig. 6.

6 Cf. Scholie à Theoc., Id., II, 110 : « dagus est aussi korokosmion […] on les appelle également numphên. Certains, comme les Athéniens, appellent ces figurines modelées en cire plangona ». Voir aussi Hsch., s.v. datus (dagus) « comme kourallion, petite korê, ou figurine en cire blanche, numphê leukokeros ». Cf. aussi infra n. 9.

7 Theoc., Id., II, 110, évoque l’utilisation d’une figurine de cire, dagus, dans un rituel de magie amoureuse. Dans La quenouille d’Erinna, toutefois, le contexte est celui d’activités de deux jeunes filles en âge de se marier : « Nous nous attachions à nos poupées, dagudes, dans la chambre nuptiale, thalamos, semblables à de futures épousées, nymphai, sans l’ombre d’un souci » (trad. personnelle) ; Neri, 2003, F4, 20, p. 320-21, sur l’interprétation d’un jeu prénuptial.

8 Pl., Phdr., 230b : « Et encore, le charme sans pareil de cette source qui coule sous le platane, la fraîcheur de son eau : il suffit de mon pied pour me l’attester ! C’est à des Nymphes, c’est à Achéloüs, si j’en juge par ces figurines, par ces statues de dieux, qu’elle est sans doute consacrée », ἥ τε αὖ πηγὴ χαριεστάτη ὑπὸ τῆς πλατάνου ῥεῖ μάλα ψυχροῦ ὕδατος, ὥστε γε τῷ ποδὶ τεκμήρασθαι. Νυμφῶν τέ τινων καὶ Ἀχελῴου ἱερὸν ἀπὸ τῶν κορῶν τε καὶ ἀγαλμάτων ἔοικεν εἶναι (trad. P. Vicaire, CUF).

9 Anth. Pal., IX, 326. Au iie s. apr. J.-C., Clément d’Alexandrie, Protr., 4, 58, 1-2, utilise korokosmia que le scholie commente ainsi : « On désigne par le terme κοροκόσμια ces figurines fabriquées à partir de cire ou de chaux et modelées à l’image de jeunes filles vierges ou de jeunes filles mariées. De même que les Doriens, les Athéniens les appellent δαγῦδας » (scholia in Clem. Alex., Protr., IV, 58, 1-2 Stählin, Treu). Dans la littérature latine, relevons que chez Varro, Sat. Men., Les Aborigènes, frg. 1, pupa et sigilla désignent aussi des statuettes de divinités.

10 Cf. Manson, 1991. Rath, 2016, p. 4, propose le terme « mannequin ».

11 Sur la grande polysémie des termes grecs (athurma, paignion) et latins (ludicrum) pour désigner le jouet en tant qu’objet de plaisir et d’amusement au sens large, Casevitz, 2018 ; Kidd, 2019, p. 99-104 ; Kidd, 2021 ; Dieu, 2022 ; Patera, 2022. Cette ambiguïté est sensible chez Pl., Leg., 803c, qui décrit l’homme comme paignion de dieu (θεοῦ τι παίγνιον) : faut-il comprendre que l’être humain est « le jouet » ou « l’amusement » de la divinité ?

12 Jeammet, 2003.

13 Sur le décor des robes et l’identification avec une déesse « voyageuse » protégeant les vivants et les morts, Jeammet, 2003, p. 25-39 (avec une possible représentation dans la procession sur un sarcophage de Tanagra, ibid., p. 37, fig. 34). Sur la présence de modèles en terre cuite de chaussures dans les tombes comme symbole du passage de la vie à la mort, ibid., p. 38, fig. 35.

14 Langdon, 2007.

15 Cf. la typologie de Griesbach, 2014.

16 Massar, 2019, fig. 1.

17 Les deux exemplaires illustrés proviennent de contextes funéraires à Tarente. La figurine en os (fig. 2) d’un contexte précis inconnu, celle en terre cuite (fig. 3) d’une tombe à fosse de la Contrada Vaccarella découverte en 1914 : une personne de constitution adulte était ensevelie avec 10 osselets percés et un fragment de pinax en terre cuite. Sur les différents types de poupées de Tarente, voir Graepler, 1997, tombes 32.6, 40.3, 91.1, 96.4, fig. 188, et p. 212-220.

18 Mitsopoulou-Leon, 2007, 2009.

19 Cf. Paus. VIII, 23.6-7, sur la statuette d’Artémis que les enfants de Kondylea pendent par une cordelette autour du cou, à l’origine de son épiclèse Apanchomênè « pendue ».

20 Hamdorf, 1996, p. 35-40 ; Rath, 2016, p. 37.

21 P. ex. de Jaucourt, 1751 : « Ce jouet des enfans étoit fort connu des Romains » ; Becq de Fouquières, 1869, p. 25-31 ; Lafaye, 1909, p. 768-769.

22 Deonna, 1932, p. 113. Voir aussi Dörig, 1958.

23 Chez Ar., Nu.,878-888, Strepsiade raconte ainsi que son fils « encore tout mioche, pas plus haut que ça, modelait chez nous des maisons d’argile, sculptait des bateaux en bois, construisait de petits chariots de cuir, et, avec l’écorce des grenades, faisait des grenouilles à merveille » (trad. H. Van Daele, CUF). Dans La quenouille (supra n. 7), Baucis et Erinna sont en âge de se marier et s’activent dans le thalamos, la chambre nuptiale.

24 Sur la présence de ces oiseaux en contexte votif, voir Ignatiadou, Papaikonomou, 2021.

25 Anth. Pal., VI, 280 (anonyme) (trad. P. Waltz, CUF). Pour le monde romain, une scholie du poète Pers., II, 68-70 fait référence à un rite qui a pu se dérouler dans l’espace cette fois domestique du laraire : « Ces offrandes sont pour ces divinités tout aussi superflues que sont les poupées (pupae) consacrées à Vénus par les jeunes filles au moment de leur mariage. En effet, il était de coutume que les jeunes filles, avant de se marier, consacrent à Vénus quelques offrandes, témoins de leur virginité » (trad. personnelle). Sur les poupées romaines, voir l’article de Ch. Bianchi dans ce numéro.

26 Voir Neri, 1998, qui accepte la correction de Saumaise. Contra : Daux, 1973 qui propose de rétablir komas, « cheveux ». Sur la coupe rituelle des cheveux, Anth. Pal., VI, 276 et le commentaire de Brulé, 1996.

27 Cf. Merker, 2000 sur les plus de 900 figurines provenant du sanctuaire de Déméter et Coré à Corinthe. Pour un bilan de la distribution des trouvailles, Larson, 2001, Gutschke, 2019.

28 Cf. Langdon, 2007.

29 Thompson, 1943, p. 113 : « Their fragility would probably have caused more misery than the heart of a practical parent would have endured ».

30 Gutschke, 2019.

31 Sur la notion d’offrande par destination ou par transformation, cf. Morel, 1992.

32 Thompson, 1943 ; Mylonopoulos, 2015, p. 235. Cf. Hamdorf, 1996, p. 50, fig. 50 pour le matériel d’une tombe attique (vers 430 av. J.-C.) conservé à Munich regroupant poupée articulée, modèles de panier en terre cuite, et figurine de canéphore. Sur le parcours initiatique des filles et la fonction des chœurs, p. ex. Sabetai, 2008 ; Calame, 2019.

33 Griesbach, 2014 ; Huysecom-Haxhi, 2019. Voir aussi Huysecom-Haxhi et al., 2012.

34 Sur ces rites, Sabetai, 2019.

35 Reilly, 1997. Sur le concept de « représentation isolée » pour rendre compte de ces formes abrégées, voir aussi Croissant, 2017.

36 Schwarzmaier, 2006, 2008 ; Huysecom-Haxhi, 2008 ; Huysecom-Haxhi, Muller, 2015, p. 434-436.

37 Johnston, 1995, p. 361-387. Sur les croquemitaines, Dasen, 2015, p. 290-293.

38 Costabile, 1991, 1996 ; Parisi, 2017. Nous remercions vivement M.-Chr. Villanueva-Puig de ses remarques judicieuses à ce sujet.

39 Dasen, 2015, p. 327-330 : tombe à enchytrismos d’Abdère, tombe à ciste d’Ampurias et de Michalitsi (fig. 11.7). Les poupées grecques de l’époque moderne (xvie-xixe s.), offertes à l’occasion du baptême par la marraine, sont vêtues en mariée ou portent cousues des pièces de monnaies en amulettes (fig.11.8).

40 Jeammet, 2001, p. 11 ; Bourgeois et al., 2012-2013, p. 493, fig. 3 : Louvre, CA 1457. Cf. Dasen, 2015, p. 330, sur la fête japonaise Hina Matsuri ou « fête des poupées » où les filles dédient des figurines richement vêtues pour propitier leur avenir d’épouse et de mère.

41 P. ex. CAT 0.915 ; Larson, 2001, fig. 3.2. p. 101-102 ; CAT 1.247. Sur la stèle d’Avignon, voir en dernier lieu Cavalier, 2019.

42 CAT 1.367 ; Cavalier, 1988, fig. 2. CAT 0.780 ; Cavalier, 1988, fig. 5.

43 Cavalier, 1988, p. 289-290.

44 CAT 2.204 ; Cavalier, 1988, p. 291 ; Larson, 2001, fig. 3.3, p. 103-104.

45 CAT 0.851 ; Cavalier, 1988, fig. 4. Deux autres exemplaires sont signalés par Cavalier, 1988, n. 42. Le port d’un diadème évoque une parure de fête. Cf. Plangôn supra n. 5; Ignatiadou, Papaikonomou, 2021.

46 Oakley, 2004, p. 169, fig. 131-132.

47 Un sakkos, une sorte de foulard qui enserre les cheveux, est suspendu dans le champ derrière elle. Cf. les cheveux relevés de Hippè, au moment d’apporter ses offrandes à Artémis, Anth. Pal., VI, 276, supra n. 26.

48 Cf. le garçon qui avance vers la tombe avec un cerceau sur un lécythe à fond blanc de la même époque, face à un homme qui pourrait être son père ; Londres, BM 1920,1221,3 ; Dasen, 2018, fig. 2.

49 Berlin, Antikensammlung Misc. 10823a. b et G.I. 165/166 (de Kyme) ; Schwarzmaier, 2020, p. 77-85, fig. 1-2. Pour le iunx, cf. infra n. 64.

50 RVAp 1, p. 341, n° 24 ; CVA Schweiz 2, Zürich 1, p. 52-53, pl. 34, 4-8 et dessin p. 53.

51 Denoyelle, Iozzo, 2009, p. 140-141, 144-145.

52 Collection privée, anciennement New York, Collection Shelby White/Leon Levy n° 245 ; Christie’s New York, Live Auctions 4925, Antiquities, 2012, Lot 278. RVAp Suppl. II, p. 88, n° 30e. La description de A.D. Trendall n’évoque pas de « poupée » pour cette amphore. Mais il en mentionne une, très expressément, pour le vase suivant, une oinochoè de l’ancienne collection Geddes à Melbourne, RVAp Suppl. II, p. 88, n° *30f, pl. XVI, 1. Or, sur les photographies aimablement envoyées par les Trendall Archive, il n’est pas possible de distinguer une telle silhouette et la position des mains des deux personnages semble contredire cette lecture. Y aurait-il eu confusion lors de la rédaction des deux notices ? Une vérification directe sur l’oinochoè n’a toutefois pas été réalisée et le doute subsiste. Nous remercions Ian Mc Phee et Gillian Shepherd pour leur aide précieuse à ce sujet.

53 Denoyelle, Iozzo, 2009, p. 147-154.

54 Don du Cercle royal des Amis de Mariemont, en hommage au Docteur Jacques Hubinont.

55 Cf. par ex. la « tombe de l’athlète » dans Rouillard, Verbanck-Piérard, 2003.

56 En grec, le terme de pardalis ne différencie pas le léopard au pelage tacheté de la panthère au pelage uni. Ashmead, 1978 : sur quelques vases attiques, cet animal indiquant l’érotisme, la séduction pafumée et la sophistication distrait la jeunesse « dorée ». En céramique apulienne, les félins sont fréquents dans les rencontres amoureuses. Pour Tarente en particulier, voir Wuilleumier, 1939, p. 218, 375.

57 Cf. encore dans le monde romain, Catul., Carm., III, 4-6 : « Le plaisir de ma chérie, / plus aimé d’elle que ses propres yeux, / l’oiseau de miel » (trad. P. Martin, CUF). En iconographie, cf. par ex. l’hydrie de Meidias du musée de Florence, mettant en scène Adonis dans les bras d’Aphrodite : c’est Eurynoè qui tient le moineau. Cf. aussi le lébès gamikos campanien de Londres, BM 1867,0508.1284 et un lécythe de Gnathia du musée de Tarente avec une Nikè à l’oiseau. Merci à A. Attia pour ces références.

58 Cf. sur une hydrie du peintre de Ganymède, Zurich Arch. Slg Univ. 4007 (pétrification de Niobè), trois instruments à cordes, associés à deux kalathoi : monde féminin.

59  Les couronnes de myrte, feuillage d’Aphrodite, d’Apollon et d’Asclépios, sont également utilisées lors des initiations ; Kunze-Götte, 2006.

60 Sur les balles/pelotes/pommes, métaphores de la séduction, Dasen, 2016.

61 Passage si célèbre et paradigmatique d’Hom., Od., 6, 154-159 ; Bouvier, 2021.

62 Il faut noter l’absence de kalathos.

63 Cf. la pélikè apulienne d’Oxford, Ashmolean Museum AN 1896-1908. G.269/V550, BAPD 430006.

64 Cf. Theoc., Id., II, la Magicienne ; Pirenne-Delforge, 1993 ; Böhr, 1997.

65 En Russie du Sud, par ex. une danseuse au tambourin (non articulée), Berlin, Antikensammlung TC 882 ; Grassinger et al., 2008, fig. 338.

66 Ghali-Kahil, 1965 et 1977.

67 Par ex. hydrie, Londres, BM 1873.0820.354 (avec cithare), BAPD 214266 ; phiale (prov. Sounion), Boston, Museum of Fine Arts 97.371, BAPD 214328 ; amphore de Nola, Bruxelles, Cab. Méd. de la Bibliothèque royale, 13, BAPD 214214 ; sur d’autres vases, la fillette est nue. De Polygnotos, l’hydrie de Naples, MAN 81398 (H 3232), BAPD 213444, représente une variété de danseuses (parmi lesquelles deux sont en chitôn court et kalathiskos) et d’acrobates : exercices pour les fêtes ou les banquets ?

68 Moscou, Musée Pouchkine II1B987, BAPD 9008443. Motif qui n’est pas sans rappeler la célèbre « colonne d’acanthes à l’omphalos » de Delphes.

69 Paris, Louvre, CA 1890, BAPD 220623.

70 Par ex. Athènes, MAN 1256 et 12894 ; Metzger, 1942 ; Kaltsas, Shapiro, 2008, p. 326-327 ; Athènes, Agora P22118, BAPD 230922. Cf. déjà une pyxis à figures noires d’Athènes, MAN 14909, BAPD 2660.

71 BAPD 11634. Une seconde danseuse à gauche du couple est attestée par un autre fragment.

72 Plin., HN, XXXIV, 19, 41. Il n’est pas possible de reprendre ici l’importante bibliographie consacrée à cette référence et au motif figuré qui lui a été associé par recoupement de différents textes et qui se prolonge dans l’art néo-attique.

73 Un autre corpus est également attesté, mais ne sera pas détaillé ici : les danses masculines au kalathiskos, comme sur le célèbre cratère lucanien des Carneia : Tarente, MAN, 8263, Denoyelle, Iozzo, 2009, p. 108-110, et celui de Leyde, RMO, RSx 4 (… du peintre du kalathiskos !).

74 RVAp 1, p. 4-9.

75 Cf. aussi le rhyton attique de Toronto, Royal Ontario Museum 360, du peintre de Marlay, BAPD 216213.

76 Schwarzmaier, 2020, p. 85, fig. 6.

77 Ar., Ran., 407-416.

78 Paus., V, 16, 2.

79 Soph., frag. 872.

80 Ath., 14, 629e. Quel sens faut-il donner ici à cette épiclèse ? Dans l’iconographie, Artémis chasse avec un chitôn court ou du moins relevé grâce à sa ceinture. Cf. le site Banque des épiclèses grecques (BDEG) de l’Université de Rennes https://epiclesesgrecques.univ-rennes1.fr/.

81 Cf. supra, n. 32 et 33. Calame, 2019, p. 171-353, étudie successivement, dans le monde grec en général et à Sparte en particulier, les chœurs en l’honneur d’Artémis, Apollon, Héra, Aphrodite, Athéna, Dionysos, Déméter, Hélène… Depuis les Parthénées d’Alcman, les jeunes filles de Lacédémone sont célèbres pour leurs qualités chorales et leurs danses en l’honneur des divinités poliades. Serait-ce aussi le cas à Tarente ?

82 Calame, 2019, p. 162-165 pour l’hyménée (ou épithalame).

83 Pour l’association des deux termes, Bruit, 1996.

84 Cf. Hsch., s.v. νυμφίδες : sorte de sandales ou chaussons pour les noces.

85 Pouzadoux, 2013.

86 Sujet qu’il n’est pas possible de développer ici davantage. Cf. par ex. Casadio, Johnston, 2009.

87 Cavalier, 1988, 2019.

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Table des illustrations

Titre Fig 1. Poupée attique, terre cuite (H. 15,5 cm). Fin ve-début ive s. av. J.-C.
Crédits Zurich, Archäologische Sammlung der Universität Zürich, inv. 2266. © Archäologische Sammlung der Universität Zürich. Photo Frank Tomio.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-1.jpg
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Titre Fig. 2. Statuette, os peint (H. 7.6 cm), d’une tombe, Tarente. Fin ive-iiie s. av. J.-C.
Crédits New York, Metropolitan Museum of Arts, inv. 11.212.43 (Rogers Fund, 1911). Photo du musée.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 250k
Titre Fig. 3. Statuette, terre cuite peinte (H. 16 cm), de Tarente, Contrada Vaccarella, tombe 3. ive s. av. J.-C.
Crédits Tarente, Museo Archeologico Nazionale inv. 27994. Avec l’autorisation du Museo Archeologico Nazionale di Taranto.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-3.jpg
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Titre Fig. 4. Stèle funéraire, marbre blanc (H. 66 cm, L. 36 cm).
Crédits Athènes, Musée archéologique national, inv.  1993. © Hellenic Ministry of Culture and Sports / Hellenic Organization of Cultural Resources Development.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-4.jpg
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Titre Fig. 5. Stèle funéraire, marbre blanc (H. 52 cm, L. 39, 5 cm).
Crédits Athènes, Musée du Céramique, inv. P 1140 I 161. © Hellenic Ministry of Culture and Sports / Hellenic Organization of Cultural Resources Development.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-5.jpg
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Titre Fig. 6. Lécythe à fond blanc, terre cuite peinte (H. 26 cm), P. de Thanatos. Vers 440 av. J.-C.
Crédits Palm Beach, collection privée. Crédit photographique : New York, Metropolitan Museum of Art, avec l’aimable autorisation du collectionneur.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-6.jpg
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Titre Fig. 7 et 8. Lécythe apulien, terre cuite peinte (H. 29,6 cm). Vers 350-340 av. J.-C. P. de Varrese.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 390k
Crédits Zurich, Archäologische Sammlung der Universität, inv. 2654. © Archäologische Sammlung der Universität Zürich, inv. 2654. Photos Frank Tomio. (fig. 7 : vue générale ; fig. 8 : détail de la poupée).
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 821k
Titre Fig. 9 et 10. Amphore apulienne, terre cuite peinte (H. 92,7 cm). Vers 350-340 av. J.-C.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-9.jpg
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Crédits P. de Varrese. Collection privée. © Christie’s 2012. (fig. 9 : vue générale ; fig. 10 : détail de la poupée).
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-10.jpg
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Titre Fig. 11 et 12. Pélikè apulienne, terre cuite peinte (H. 44,6 cm). Vers 340-320 av. J.-C.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-11.jpg
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Crédits Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, inv. Ac.2016/47. © Musée royal de Mariemont. Photos M. Lechien. (fig. 11 : vue générale ; fig. 12 : détail de la poupée).
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-12.jpg
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Titre Fig. 13. Fragment de chous attique, terre cuite peinte (H. 12,7 cm). Vers 380 av. J.-C. P. d’Hélène.
Crédits Tübingen, Eberhard-Karls-Universität, Archäologisches Institut, inv. 1219. © Tübingen, Eberhard-Karls-Universität, Arch. Institut.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-13.jpg
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Titre Fig. 14. Cratère apulien, terre cuite peinte (H. 26,5 cm). P. de la Danseuse de Berlin. Vers 440-420 av. J.-C.
Crédits Berlin, Antikensammlung, inv. F 2400. © Antikensammlung, Staatliche Museen zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz. Photo Johannes Laurentius.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-14.jpg
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Titre Fig. 15. Boucle d’oreille, or, Berlin, Antikensammlung, inv. 30219, 389. Fin ive s. av. J.-C.
Crédits © Antikensammlung, Staatliche Museen zu Berlin – Preussischer Kulturbesitz. Photo Johannes Laurentius.
URL http://journals.openedition.org/pallas/docannexe/image/25114/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 229k
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Pour citer cet article

Référence papier

Véronique Dasen et Annie Verbanck-Piérard, « Poupées grecques en images : du jeu au rite »Pallas, 119 | 2022, 349-378.

Référence électronique

Véronique Dasen et Annie Verbanck-Piérard, « Poupées grecques en images : du jeu au rite »Pallas [En ligne], 119 | 2022, mis en ligne le 25 septembre 2023, consulté le 18 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/pallas/25114 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pallas.25114

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Auteurs

Véronique Dasen

Professeure d’archéologie classique
Université de Fribourg
Directrice du projet ERC AdG Locus Ludi. The Cultural Fabric of Play and Games in Classical Antiquity (# 741520)

Articles du même auteur

Annie Verbanck-Piérard

Conservatrice honoraire, Antiquités grecques et romaines
Musée royal de Mariemont
Collaboratrice scientifique - Université libre de Bruxelles et Université de Liège

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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