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Matières premières

Du Jardin invisible vers les Jardins de Saragosse

Récit d’une aventure urbaine collective dans le quartier Saragosse, ville de Pau (64)
From the Invisible Garden to the Gardens of Saragosse – The story of a collective urban adventure in the Saragosse District in the French city of Pau (64)
Annabelle Eyboulet

Résumés

Le Jardin invisible est un dispositif de médiation paysagère mené par Bruit du frigo dans le cadre du réaménagement des espaces paysagers du quartier Saragosse dans la ville de Pau avec l’agence de paysage Base. Outil de prospection urbaine, Le Jardin invisible est un moment d’utopie urbaine pour expérimenter, tester et devenir acteur de son cadre de vie. C’est une action de concertation vivante et humaine en adéquation avec le territoire arpenté qui s’est mise en œuvre de novembre 2017 à janvier 2020 aux côtés des services de la ville et des acteurs associatifs locaux. Cet article expose les différentes étapes de travail et rend compte du maillage tissé avec et entre des individus rencontrés au gré des actions collectives. À la présentation chronologique de la démarche, s’ajoutent des extraits du journal de bord qui permettent d’entrer dans l’intimité du projet, de ce qui se joue au-delà du paysage.

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Texte intégral

Le cadre de la mission

1Mai 2017, Bruit du frigo répond aux côtés de l’agence de paysage Base (mandataire) et du bureau d’études SCE à l’appel d’offres portant sur l’aménagement paysager du quartier Saragosse à Pau (64). L’ambition de la ville de mener une concertation efficiente s’exprime clairement dans la mission de médiation paysagère demandée à l’équipe en amont de la conception des espaces verts. Deux secteurs sont majoritairement concernés :

  • le parc central : conforter et révéler les différentes fonctions de ce parc arboré de 2,2 hectares situé en cœur de quartier ;

  • le jardin linéaire : créer un espace de promenade et de déplacement doux et définir un tracé en connectant les jardins existants.

2Stimulateur d’imaginaire et outil de prospection urbaine, le Jardin invisible est né de cette demande afin de mobiliser les habitants dans la réappropriation de leurs espaces publics et d’accompagner l’agence de paysage Base dans la définition du programme des aménagements urbains du quartier.

Figure 1. État des lieux du territoire concerné

Figure 1. État des lieux du territoire concerné

Source : Bruit du frigo, 2020.

La démarche

3Le Jardin invisible répond à l’ambition de reconnecter et de dynamiser par la pratique collective les différents parcs situés en arrière d’immeubles afin d’amorcer un phénomène de mobilité sur le quartier et de préfigurer le jardin linéaire à venir. Il s’agit de parcs existants dont la connexion n’est pas perceptible. Nous nommons notre action Jardin invisible pour révéler ce fil vert traversant et reliant le quartier d’est en ouest. Le Jardin invisible s’est concrétisé à travers la création de six installations temporaires et d’un parcours graphique : un fil d’Ariane se déployant par le biais de différentes interventions graphiques (peintures au sol et fresque) et construites (microarchitectures collectives en bois). Ces installations sont le résultat d’une série d’ateliers de concertation menés en déambulation sur le quartier avec les habitants et les acteurs associatifs locaux. Chacune des structures conçues et construites est réversible et compile des usages variés afin de répondre au plus près aux demandes exprimées tout en s’attachant au contexte paysager dans lequel elle s’implante. Ces installations génèrent un parcours en ponctuant le Jardin invisible dans sa linéarité et participent à la vitalisation des sites qu’elles habitent par les usages et les pratiques qu’elles proposent.

4Réalisées dans le cadre de chantiers participatifs in situ, les installations éphémères sont nées d’un travail collectif. En complément des actions de concertation et de coconstruction, deux temps forts se sont bâtis pour fêter la fin de chantier, inviter les habitants à redécouvrir leur quartier, rêver et toucher du doigt des possibles à travers une programmation riche et variée. Une programmation qui invite le visiteur à parcourir et traverser les rues, les parcs et les jardins.

Se présenter – Rencontrer

5Afin de mieux comprendre le quartier et de rencontrer ses habitants et ses acteurs, l’équipe de Bruit du frigo s’installe pour une semaine en immersion dans le quartier. Une présence quotidienne pour ressentir le territoire, l’arpenter et offrir des espaces informels de rencontres propices à l’échange et à la discussion.

6Équipées de notre Gator, 4 x 4 de poche qui nous permet d’arpenter le territoire dans chacun de ses recoins, nous partons à la découverte du quartier. Cet outil mobile et tout terrain deviendra la mascotte du projet, un signal pour les habitants symbolisant notre présence sur le territoire. Notre étude porte sur la création d’un jardin linéaire, un jardin qui viendra s’étirer pour connecter les espaces verts existants en arrière d’immeubles. Un jardin pour l’heure invisible. Ce sera notre leitmotiv, notre accroche, notre thématique. Nous décidons de partir à la recherche du Jardin invisible.

7Aux maraudes et à l’impromptu s’ajoutera le soutien des partenaires associatifs qui nous ouvriront leurs portes. Travailleurs sociaux, animateurs, chargés de mission, éducateurs, directeurs, ils partageront leur vision avec nous, leur expertise, une connaissance sensible du territoire, empirique et subjective, acquise par l’expérience et le terrain. Ils seront notre relais sur le terrain, une des clés essentielles de notre mission qui ne pourra se construire durablement sans leur soutien.

Carnet de bord – novembre 2017

En quête du Jardin invisible, chevauchant nos 4 roues motrices, nous rencontrerons durant ces 6 jours d’immersion les personnes qui donneront la couleur du projet à venir. Nous ne le savons pas encore mais l’histoire commence à s’écrire ici.

Le Gator fait sa sortie au marché du jeudi matin, sur la plaine des jeux, aux ouvertures des 4 écoles du quartier. Il part à la rencontre des associations locales et des commerçants. Nous griffonnons nos plans, nous questionnons, nous expérimentons au gré des balades buissonnières.

Les personnalités sont nombreuses, les rencontres multiples et la plus inattendue sera celle des ados. Ces insaisissables, ceux qui ne poussent pas les portes des structures socioculturelles, ceux-là sont cueillis par notre outil mobile qui a bien plus l’allure d’une golfette que d’une cylindrée. Un tour de Gator sera la récompense ultime qui nous permettra d’atteindre 1 h 30 d’échanges, de discussions sur le quartier, leurs vies, leurs habitudes. Nous aimons penser que la magie foraine, la touche d’extraordinaire surgissant au détour d’une barre d’immeuble un mercredi après-midi morose, suffit à raviver un peu d’imaginaire.

Figure 2. Immersion et action dans l’espace public (le Gator)

Figure 2. Immersion et action dans l’espace public (le Gator)

Source : Bruit du frigo, 2017.

Les numéros s’échangent, le bouche à oreille opère et nous remplissons notre carnet d’adresses des personnalités du quartier, de tous les âges, de tous les genres. On nous raconte l’officiel, l’officieux, les tentatives, les ratés, les réussites d’antan, le désespoir d’aujourd’hui. Entre fantasme et réalité il faudra faire le tri mais qu’à cela ne tienne, l’histoire collective est pétrie de fiction.

6 jours desquels nous revenons les bras chargés avec une playlist participative des plus éclectiques, une cartographie palimpseste des cheminements (mine de connaissances et d’anecdotes sur les pratiques de l’espace public), un trésor de savoir-faire et un jardin qui commence à se dessiner dans nos esprits.

Nous aurons appris que Saragosse a plusieurs visages. Avec ses 130 hectares et ses 14 000 habitants, les limites administratives du quartier se découpent en réalité en 4 territoires vécus avec leur identité et leur histoire.

Figure 3. Immersion et action dans l’espace public (le Gator)

Figure 3. Immersion et action dans l’espace public (le Gator)

Source : Bruit du frigo, 2017.

Mobiliser Concerter

8Après ce repérage immersif, nous prenons le temps de relire les notes, compiler les savoir-faire, les anecdotes contées. Nous partageons nos impressions et, d’une même voix, nous reconnaissons la bienveillance des habitants prompts à la discussion et le besoin unanime de rêver et de retrouver des espaces de convivialité. Nous imaginons alors le Jardin intérieur comme réponse éphémère à cette demande. Il s’agit d’un camp de base, espace de travail mais aussi café temporaire en cœur de quartier, en pied d’immeuble, dans l’ancien local de l’esthéticienne Prisci Beauté. Scénographié en jardin d’hiver, l’ancien centre de beauté se transforme durant 4 jours consécutifs en un espace d’ateliers et d’activités inventés pour s’exprimer sur le quotidien, les rêves et les envies partagés et imaginer les aménagements futurs de Saragosse.

9Avec la complicité des associations locales, nous transformons notre jardin intérieur quotidiennement : atelier de jardinage, cinéma de poche, challenge sportif, concours culinaire, espace bien-être. Chaque animation est un prétexte, un geste pour parler du quartier et inviter les habitants à s’exprimer à travers une pratique qui les concerne.

10Partagés au sein d’une action collective, les gestes du quotidien libèrent une parole plus juste. On épluche des carottes, on rempote un plant de basilic, on sirote un thé ou un café, on discute. C’est à travers ces discussions informelles que chacun de nous peut dessiner sa carte mentale du quartier. Nous apprenons le quotidien, l’âge des enfants, la recette des beignets, l’adresse de l’atelier de mécanique ou le prénom du professeur de boxe. De l’anecdote, des petits riens, du vivant. Cette force vive fait la réussite d’une mission comme la nôtre. C’est en prenant le temps de la rencontre individuelle que l’on peut mener une action collective efficiente. Impliquer chaque personne à travers son savoir, à travers la compétence qui lui est propre au profit d’un projet commun. Ici, celui de l’aménagement de son cadre de vie.

11À cette parole libre s’ajoutent les outils pragmatiques qui nous aident à aller plus loin dans la collecte de données. Quels aménagements pour quel espace ? De quel endroit me parles-tu ? Ton fils va à l’école, tu passes par où pour aller le chercher ? Cartographie, références d’aménagements sont des supports simples et pratiques pour parler d’espace et simplifier le langage. Nous avons à cœur de concevoir des outils de médiation ou de concertation inspirés du jeu. Parler d’urbanisme n’est pas une évidence. Parée d’une dimension ludique, la notion est rendue accessible et la discussion devient plus fluide.

Figure 4. Le jardin intérieur

Figure 4. Le jardin intérieur

Source : Bruit du frigo, 2018.

Carnet de bord – février 2018

Le local est métamorphosé en une petite jungle chaleureuse d’un côté, une salle de jeux de l’autre. Les fauteuils seront intergénérationnels et occupés différemment en fonction de l’heure de la journée. Chaque jour, les habitués reviendront. Nos ados seront là, la confiance, toujours sur le fil, se consolidera.

  • Terrain de foot ou city stade ?

  • Muscu ou escalade ?

  • Ping-pong ou hamac ?

Les réponses sont hurlées d’une même voix. Les débats s’organisent, les arguments sont lancés, la discussion se fait sans nous, on note, spectatrices. Cette scène, le moment que nous vivons là, est en train de marquer notre propre vision du métier que nous menons. Parce que finalement un city stade ou un terrain de foot c’est si peu de chose face à la ferveur collective qui se joue devant nous.

Les journées se complètent, l’imaginaire s’exprime. Les idées sont nombreuses, se recoupent et le projet pour nous se précise.

Notre séjour se terminera boulevard des Pyrénées, dans le centre de Pau, une bière pression pour réconfort, un samedi soir sur la terre. C’est là, dans ce retour à une normalité plus proche de la nôtre, que nous prenons conscience de la rupture. De la fracture même. Frontière invisible qui nous frappe à la gueule. Saragosse, comme tant d’autres de ces quartiers, est une ville dans la ville, un huit clos de 14 000 habitants. Oui, il existe plusieurs réalités. Nous ne sommes pas magiciennes, nous ne changerons pas la face du quartier et encore moins son fonctionnement tacite. Mais nous sommes là pour suggérer, pour proposer, pour offrir une parenthèse qui se veut, qui s’espère poétique.

Cette deuxième résidence de 5 jours nous a livré une information riche et foisonnante. La cartographie s’est remplie quotidiennement, les jardins merveilleux se sont composés, les idées se sont exprimées. Nous avons recueilli la matière première du projet à venir.

Figure 5. Cartographie collective dans le jardin intérieur

Figure 5. Cartographie collective dans le jardin intérieur

Source : Bruit du frigo, 2018.

Préciser la stratégie

12Les éléments collectés sont organisés, classés et transposés dans un document de synthèse. Ce dernier permet de mettre en lumière les polarités sur le quartier, les flux, les usages existants, les fonctions détournées, les espaces de frictions à adoucir, d’autres à investir. Ces données empiriques sont le support de nos échanges avec la ville de Pau et l’agence de paysage Base. Les paysagistes se nourrissent de nos observations. Nous sommes leurs oreilles sur le quartier. Ils font preuve d’une vigilance sincère pour dessiner un jardin en adéquation avec le fonctionnement et les envies exprimées. Cette réflexion triangulaire construit la suite de notre mission : le test, l’expérimentation, la construction à l’échelle 1, le chantier !

13À l’issue de ces échanges collectifs, trois enjeux majeurs sont alors identifiés :

  • préfigurer le fil vert à venir et accompagner un phénomène de mobilité sur le quartier ;

  • répondre à une demande récurrente d’aménagements ludiques et sportifs pas assez nombreux ;

  • générer des lieux de rencontres et de convivialité.

14Ce jardin invisible, ce fil vert qui viendra reconnecter les parcs existants, est bel et bien inexistant et imperceptible par les habitants. À nous de révéler cette continuité, de relever le défi du décloisonnement en redonnant vie à ces espaces délaissés. C’est en préfigurant des usages et en imaginant une identité visuelle commune que nous permettrons aux habitants d’identifier ces différents parcs comme faisant partie d’un tout.

15Afin de répondre à ces objectifs, la stratégie de préfiguration se découpe en deux temps : la création de trois aménagements éphémères en chantier participatif et la programmation d’un temps fort festif et convivial pour mettre en usage les installations.

Les aménagements éphémères

16En mettant en commun les envies collectées lors des ateliers participatifs, un programme collectif commence à se dessiner. À partir de cette matière riche, nous réinterprétons en forme pour concevoir trois microarchitectures généreuses. La diversité des demandes exprimées se traduit dans la réversibilité des usages proposés par ces mobiliers. La polyvalence des fonctions offre une approche inclusive de l’espace public. Ces trois installations s’implanteront dans trois sites différents pour amorcer un tracé, pour dérouler un fil invisible entre chaque espace investi. Généreux dans leurs formes, ces trois totems habitent et valorisent les espaces paysagers existants :

  • le SuperBall – mobilier sportif et collectif ;

  • la Piste – mobilier ludique ;

  • l’Agora – mobilier détente et convivialité.

Figure 6. Implantation des structures dans le Jardin invisible : le SuperBall, la Piste, l’Agora

Figure 6. Implantation des structures dans le Jardin invisible : le SuperBall, la Piste, l’Agora

Source : Bruit du frigo, juin 2018.

Pourquoi l’éphémère ?

17La qualité éphémère des constructions est fondamentale en ce qu’elle offre l’opportunité du test, de la rature mais aussi de l’audace dans la forme. L’installation éphémère permet de faire la démonstration de certains possibles, d’un espace public plus généreux, et de valider ou d’invalider le potentiel pressenti des lieux. Elle offre la vision d’un urbanisme plus permissif et transversal. Une expérience qui fabrique des espaces d’utopies urbaines et marque l’histoire collective d’un quartier. Par la suite, l’expérience du site et le test permettront aux paysagistes d’ajuster le programme définitif du parc, de pérenniser ou non les fonctions proposées par les aménagements de préfiguration dans le projet final.

Le temps fort

18Nous avons à cœur de mener la préfiguration au-delà de la seule expérimentation spatiale. Ce que nous nommons « l’activation » (rendre l’objet actif et l’habitant acteur) consiste à donner vie à nos structures à travers la programmation d’un événement. Donner à voir l’espace public sous un jour différent, apporter un peu d’extra dans l’ordinaire du quotidien, faire un pas de côté pour insuffler une touche de poésie.

19La programmation de cet événement se construit dans la connexion au territoire, à ses acteurs. Nous l’écrivons avec les associations, les travailleurs sociaux, les habitants « pilotes ».

20En préambule des actions décrites plus haut, nous avons pris le temps de rencontrer chacun des acteurs du quartier. Se présenter, frapper à la porte et proposer un cadre de collaboration dont les lignes, amovibles, étaient à définir ensemble.

21L’implication des associations locales fait partie intégrante du processus de fabrication de notre projet. Nous ne sommes pas acteurs de quartier. Notre nomadisme offre un regard vierge sur les territoires dans lesquels nous intervenons. Notre attention s’attarde sur des détails que le quotidien efface. Cette vision n’a de sens et n’est rendue valide que si elle est complétée et partagée avec celles et ceux qui font le territoire, qui le vivent, l’animent, l’habitent.

22La création de ce temps fort est le cadre proposé à chaque structure rencontrée. Privilégier la multiplicité des pratiques et faire de l’espace public le lieu des possibles. Créer l’opportunité du partage, de la rencontre entre des univers qui d’ordinaire se côtoient peu ou se méconnaissent par le biais d’une action commune. Le choix sera fait collectivement de mutualiser énergies et savoir-faire et de coupler ce temps fort aux fêtes de quartier, à l’issue du chantier participatif.

23Chaque partenaire répond à des objectifs et à des envies qui lui appartiennent et qui sont mis au profit d’un projet commun, qui s’insèrent dans un processus collégial. Nous nous réunirons mensuellement pour élaborer le programme des fêtes qui adviendront sous une identité visuelle commune.

L’invisible

24En filigrane de chacune de nos actions, il existe une temporalité incompressible et invisible. La partie immergée de l’iceberg sans quoi le projet n’aurait pas tout à fait la même saveur. Cet invisible compile conception, écriture, réflexion, programmation, réunions, partage et transmission. Deux parties immergée et émergée qui forment un tout.

25Nous sommes des médiatrices, un médium entre les habitants, les acteurs locaux, les paysagistes et les commanditaires. Notre posture pourrait ressembler à un verre culbuto, comme on en trouve sur les bateaux. Ces verres au cul bombé qui tournoient et se balancent en fonction de la gîte du navire pour que jamais le liquide contenu ne déborde. Nous côtoyons deux réalités : celle du terrain avec sa brutalité et son goût si prononcé d’authenticité, celle pour laquelle nous travaillons quotidiennement. Et puis celle de l’ingénierie, du bureau. C’est cet invisible qui tisse les partenariats, qui écrit la programmation, qui bâtit pas à pas les fondations du projet. Des oreilles, on devient la parole, on interprète, on retranscrit pour que les décideurs, les ingénieurs, les techniciens puissent s’imprégner d’un morceau de terrain et considérer les besoins et les attentes. Nous sommes sur le fil, à un endroit fragile qui peut basculer. Nous conseillons mais ne sommes pas maîtresses des décisions finales. Nous travaillons à rendre ces réalités plus poreuses. Médiatrices au plus près des individus, nous mettons les énergies à l’œuvre pour leur faire vivre une aventure collective et poétique. Un bien immatériel qu’on s’engage à leur offrir.

Figure 7. Chantier participatif

Figure 7. Chantier participatif

Source : Bruit du frigo, 2018.

Expérimenter – valoriser

26Le chantier est un événement en tant que tel dans la démarche de Bruit du frigo. Il est participatif par nature et se met en place dans l’espace public, toujours in situ.

27Le chantier est une irruption dans le quotidien d’un quartier. L’équipe, l’outillage, les matériaux génèrent un espace physique fort et visible. Il forme comme une parenthèse offrant une relation privilégiée avec les habitants. S’il peut bousculer par sa logistique bien huilée, il rassure par la vitalité qui s’en dégage. C’est un espace ouvert qui, au lieu d’empêcher ou d’interdire, invite et incite. Il propose un acte collectif : construire et partager un commun. Il offre la possibilité de s’engager pour soi et pour son quartier et valorise les savoir-faire et compétences des personnes volontaires. Aux missions de construction s’ajoutent les tâches collectives, celles qui assurent le bien-être du groupe.

28Le chantier est précieux en ce qu’il concrétise le travail de concertation mené en amont. Il permet l’expérimentation réelle d’une idée. Une forme est en train de naître, un objet tangible résultera de l’action en cours et validera la parole.

29Des temps dédiés aux groupes constitués par les structures sociales complètent les participations spontanées : chantiers jeunes, insertion… Des visites de chantier sont organisées à destination des écoles. Un moment interactif qui permet d’aborder de multiples sujets. Le quartier, l’urbanisme, l’architecture, les métiers qui composent une équipe plurielle.

30Le chantier du Jardin invisible sera mobile et se déplacera sur les 3 sites accueillant une microarchitecture. Un déplacement qui invitera les habitants mobilisés sur une installation à suivre l’équipe sur la suivante pour fédérer un groupe et l’amplifier. Subtilement, l’équipe amorcera un mouvement sur le quartier et connectera par cette présence les différents jardins entre eux. Une ébauche du tracé du futur jardin linéaire.

Carnet de bord – mai 2018

C’est le moment de reprendre la route, avec une excitation particulière. 14 jours, 8 constructeurs, 3 aménagements. La tension sera constante jusqu’au dernier jour pour finir à temps. À trop vouloir être généreux, n’avons-nous pas vu trop gros, trop grand ? Le doute est dissimulé, c’est une affaire intime qui se vit au creux du ventre, quand la nuit tombe et que le sommeil résiste.

Premier jour et déjà la visite des habitants qui observent, s’approchent, questionnent et reviendront les prochains jours pour participer à cette construction collective. L’acte est concret, les kilomètres de planches empilées sont bien palpables. La perplexité n’a plus sa place. Ils sont ravis de voir une telle énergie se déployer pour leur quartier et veulent en être ! Cette implication se retrouvera dans le soin et le respect apportés au mobilier par la suite. Mettre un peu de soi dans un bien commun participe à l’appropriation et au respect de l’espace bâti. Nous en sommes convaincus et c’est bien pour cela que le vandalisme ne nous effraie pas.

Nous sommes installés entre deux « spots ». À l’ouest de l’Agora en cours de fabrication : celui qu’on appelle le spot des « jeunes vieux ». Des hommes essentiellement, qui se regroupent quotidiennement au pied de cet immeuble. Certains appellent cela un « lieu de fixation », nous parlons d’« espace de vie ». À 180 degrés, le spot des « vieux ». Les personnes âgées se retrouvent quotidiennement elles aussi sur les quelques bancs aux planches éparses installés sous le séquoia, majestueuse présence du jardin. Ces deux groupes nous observent depuis leur poste respectif. On se salue courtoisement, nous ferons connaissance pas à pas. Il faut savoir montrer patte blanche quand on surgit dans le quotidien.

Notre mobilité sur le chantier profite à celle des habitants. G. et C. se sont fait la main sur l’Agora, le goût du bois les a séduites, elles assemblent, vissent et découpent. Dans notre jargon on parle de « capacitation » ou encore d’« empowerment », des mots barbares, des mots concepts qui prennent sens ici, dans le faire, dans l’action. De jour en jour, les personnes qui nous suivent prennent confiance. Celle-ci s’installe et se ressent dans l’assurance des gestes, dans la façon de venir habiter l’espace. Notre mission devient la leur, le groupe advient. Nous avons fait intrusion dans un quotidien, nous en faisons à présent partie.

Le chantier arrive à son terme, il est l’heure des premiers au revoir d’une partie de l’équipe qui poursuit sa route vers d’autres quartiers, d’autres âmes, d’autres histoires. Ceux qui restent retiennent les larmes. La fin se fait déjà ressentir mais il ne faut pas lâcher, il faut garder le rythme, puiser encore l’énergie pour finir en beauté : demain on se fête ! 

Figure 8. Le SuperBall

Figure 8. Le SuperBall

Source : Bruit du frigo, 2018.

Observer – poursuivre

31Quatre mois après la fabrication des aménagements de préfiguration, l’équipe revient dans le quartier. Un temps d’observation nécessaire pour écrire la suite de notre mission et réajuster le programme urbain des paysagistes en cours de dessin.

32Nous nous réunissons avec nos partenaires de terrain afin d’échanger quant à la vie des structures, leur appropriation ou non par les habitants et les associations. Le bilan est positif. Le pragmatisme du projet et la réalisation rapide des aménagements ont permis de rendre le projet urbain plus concret. L’action a facilité la projection des habitants dans le futur du quartier et les différents espaces concernés par la réhabilitation.

33Les installations éphémères font partie du paysage à présent. La répartition des usages dans l’espace a participé au bon fonctionnement des aménagements et au déplacement des personnes sur le quartier.

Carnet de bord – Bilan – octobre 2018

Si nous retrouvons avec chaleur et joie sincère les personnes qui ont partagé l’aventure 2018 avec nous, certains absents manquent à l’appel. Les déménagements, les nouvelles attributions de logement, la fragilité sociale, ou encore une embauche sont autant d’aléas qui expliquent les mouvements sur le quartier. Nous faisons la connaissance de certaines personnalités incontournables pas encore rencontrées mais aussi d’habitants nouvellement installés. La vie.

« Alors, qu’est-ce que vous allez nous construire cette fois ? »

Les irréductibles qui nous observaient de loin en loin nous réservent un accueil chaleureux. Ils témoignent de la vie de l’Agora, de son usage, nous font quelques recommandations. Nous reprenons la cartographie des débuts et les cheminements quotidiens. Celle-ci a évolué. Nous aimons penser que les nouveaux chemins tracés le long des jardins sont aussi une répercussion de notre travail, de nos aménagements temporaires.

Le Jardin invisible est entré dans le langage courant. SuperBall, Piste et Agora sont toujours là. Ces structures font partie du paysage à présent. C’est agréable de revenir plusieurs mois plus tard et d’observer l’appropriation. La vie sur les aménagements, les marques, l’usure : l’absence d’herbe entre les deux cages du SuperBall, les traces de passage sur les courbes de la piste ou encore les tags tatoués sur les planches de l’Agora. Si celle-ci a connu quelques dégradations, elle n’en est pas moins utilisée. À nous d’en observer l’usage, de comprendre pourquoi et de réajuster. Sa présence met en lumière des problématiques plus anciennes sur le quartier. La fabrication de mobilier urbain et l’expérimentation que nous menons ne pourront pas résoudre tous les maux, ce serait si simple. La préfiguration permet de comprendre l’espace mais aussi ce qui s’y vit plus intimement, mettre en lumière les problématiques sociales et chercher des remèdes. Notre objectif est là aussi.

34Notre mission a continué une année supplémentaire afin de poursuivre la préfiguration du jardin linéaire et d’accompagner paysagiste et maîtrise d’ouvrage dans la transmission du programme urbain aux habitants. Une mission complète et totale qui s’est close par une action dans l’espace public pour présenter l’avant-projet du jardin linéaire, le résultat technique d’une mission de médiation paysagère. Cette dernière étape a permis d’expliciter aux habitants le résultat de ces deux années de concertation et de participation citoyenne. Exposer comment la parole, l’expérimentation et le test ont permis de bâtir un projet urbain au plus près de leurs attentes. Paysagiste et maîtrise d’ouvrage se sont attachés à intégrer à leur réflexion cette donnée empirique qu’est la médiation paysagère pour proposer un programme généreux en adéquation avec la vie et la spécificité de ce quartier.

35À ce jour (mars 2022), le parc central a été livré, le jardin linéaire quant à lui entre en travaux. Les aménagements de préfiguration sont toujours en place. Une microarchitecture a été enlevée, source de conflit. Certaines structures de préfiguration ont été intégrées au programme définitif, d’autres seront remplacées pour pérenniser les fonctions proposées. Le travail de concertation n’a pas bousculé le paysage du quartier mais s’est présenté comme un outil, une aide pour les concepteurs. La considération de la vie sur site, des habitudes, des déplacements a permis d’ajuster certains choix, de personnaliser le programme. La médiation paysagère pensée et intégrée dès la genèse du projet assure la couche finale, la finition pour livrer un projet fluide et en adéquation avec le territoire.

Figure 9. L’Agora

Figure 9. L’Agora

Source : Bruit du frigo, 2018.

Conclure

36Le Jardin invisible est un travail qui s’est tissé dans la durée. La temporalité de ce projet au long cours a permis de fabriquer des bases solides en prenant le temps de la rencontre, de la compréhension et de l’expérience. Notre démarche s’est mise en route à partir d’un travail de terrain pour ressentir, expérimenter soi-même le territoire, rencontrer des individus et tenter de dessiner avec eux le visage collectif de leur quartier.

37Il fallait partir d’un territoire cartographié, questionner les limites administratives, comprendre les barrières symboliques, tenter de les soulever, atténuer les frontières, rendre compte de territoires vécus, de quartiers sensibles. Nous avons rencontré des personnes, des personnalités distinctes, des spécificités et des savoir-faire. Nous avons collecté des envies, des frustrations, des folies – poétiques pour certaines, empêchantes pour d’autres –, des besoins, des utopies. Si nous nous sommes heurtées à l’incompréhension parfois, c’était pour mieux se laisser porter par la générosité et la bienveillance à d’autres endroits.

38Notre rôle : compiler, tisser, déconstruire pour fabriquer un projet commun, une expérience lisible et compréhensible pour chacun. Se saisir de l’action collective pour en faire le levier de la rencontre et du dialogue, pour imaginer ensemble un bien commun. Nous avons cherché à rendre l’activité quotidienne un tant soit peu extra-ordinaire pour laisser surgir la rêverie et l’imaginaire. Cherché à révéler le potentiel des espaces que nous traversions en nous attachant à la singularité d’une anecdote, d’une phrase, d’une personne, d’un groupe ou d’une histoire. C’est ainsi que le Jardin invisible s’est révélé pas à pas, devenant peu à peu les Jardins de Saragosse.

39Ce travail de terrain, de mobilisation et d’écoute a porté ses fruits dans la participation des habitants tant dans la dimension événementielle que dans l’intérêt porté au projet urbain. Nous avons généré des espaces de poésie et enclenché des temps de rencontres et d’échanges qui perdurent aujourd’hui entre les habitants.

40D’un point de vue opérationnel, les données collectées à travers les outils de concertation et l’expérience sensible vécue sur le territoire ont nourri la réflexion des paysagistes. La collaboration entre l’agence de paysage Base et Bruit du frigo fut riche et porteuse de sens dans la conception du parc central et du jardin linéaire. C’est grâce à l’écoute, à la confiance et à la liberté données à Bruit du frigo tant par l’agence Base que par la ville de Pau, qu’une telle démarche a pu exister.

41L’installation des microarchitectures a participé à la valorisation des espaces paysagers du quartier et a accompagné leur appropriation par les habitants. Certains parcs sont devenus de véritables destinations, celui du SuperBall notamment. En deux années de mission, nous avons pu observer des changements dans l’appropriation des sites et les déplacements des habitants. Ces observations positives participeront à la pérennisation de certains usages dans le programme définitif et invitent déjà à poser un regard différent sur le quartier.

42La création de nouveaux lieux urbains a mis en lumière certaines problématiques du quartier : phénomène de squats, conflits d’usages… Il s’agit aujourd’hui de préparer au mieux l’arrivée des aménagements pérennes en prenant en considération ces dysfonctionnements. Un travail au long cours est engagé avec les éducateurs de rue. Les partenaires locaux sont conscients de la nécessité de travailler hors les murs et d’inciter à la mise en place d’actions collectives au sein du quartier. Offrir les conditions de la rencontre, du dialogue et de la vitalité. Ces problématiques ne doivent pas prendre le dessus sur les aspects positifs de la préfiguration. Elles ne doivent pas enrailler les missions comme les nôtres mais au contraire révéler la nécessité d’agir de manière transversale. Les enjeux d’urbanisation et de paysage doivent être pensés au sein d’une action globale qui met en lien et en réseau les réflexions d’ordre social, culturel et économique.

43Ce constat nous conforte dans la nécessité d’un urbanisme alternatif, d’un urbanisme de préfiguration qui défriche et teste des possibles, d’un urbanisme laboratoire, qui mise autant sur le processus que sur le résultat, d’un urbanisme permissif, qui offre une place réelle à l’informel, à l’initiative et à l’appropriation.

« Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. »
Samuel Beckett

Figure 10. Cartographie sensible du Jardin invisible

Figure 10. Cartographie sensible du Jardin invisible

Cette illustration représente les différentes actions menées durant les deux premières années du projet. Elle évoque les ateliers, les chantiers participatifs mais illustre également certaines anecdotes vécues, plus personnelles. Elle a été imaginée pour les habitants du quartier et leur a été distribuée à l’issue du projet.

Source : Alice Queva, Bruit du frigo, 2020.

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Bibliographie

Contal, M.-H. (dir.), 2014, Ré-enchanter le monde. L’architecture et la ville face aux grandes transitions, Paris, Alternative, coll. « manifestô ».

Foerster-Baldenius, B., Stirnemann, F. (dir.), 2019, Floating University Berlin 2018 – an illustrated report, Berlin, Raumlaborberlin.

Mahey, P., 2005, Pour une culture de la participation, Paris, Adels.

Nicolas-Le Strat, P., 2016, Le Travail du commun, Rennes, éditions du commun.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. État des lieux du territoire concerné
Crédits Source : Bruit du frigo, 2020.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 243k
Titre Figure 2. Immersion et action dans l’espace public (le Gator)
Crédits Source : Bruit du frigo, 2017.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 188k
Titre Figure 3. Immersion et action dans l’espace public (le Gator)
Crédits Source : Bruit du frigo, 2017.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 251k
Titre Figure 4. Le jardin intérieur
Crédits Source : Bruit du frigo, 2018.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 243k
Titre Figure 5. Cartographie collective dans le jardin intérieur
Crédits Source : Bruit du frigo, 2018.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 841k
Titre Figure 6. Implantation des structures dans le Jardin invisible : le SuperBall, la Piste, l’Agora
Crédits Source : Bruit du frigo, juin 2018.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1,5M
Titre Figure 7. Chantier participatif
Crédits Source : Bruit du frigo, 2018.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 780k
Titre Figure 8. Le SuperBall
Crédits Source : Bruit du frigo, 2018.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 796k
Titre Figure 9. L’Agora
Crédits Source : Bruit du frigo, 2018.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 869k
Titre Figure 10. Cartographie sensible du Jardin invisible
Légende Cette illustration représente les différentes actions menées durant les deux premières années du projet. Elle évoque les ateliers, les chantiers participatifs mais illustre également certaines anecdotes vécues, plus personnelles. Elle a été imaginée pour les habitants du quartier et leur a été distribuée à l’issue du projet.
Crédits Source : Alice Queva, Bruit du frigo, 2020.
URL http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/28233/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 580k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Annabelle Eyboulet, « Du Jardin invisible vers les Jardins de Saragosse »Projets de paysage [En ligne], 26 | 2022, mis en ligne le 28 septembre 2022, consulté le 17 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/paysage/28233 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paysage.28233

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Auteur

Annabelle Eyboulet

Annabelle Eyboulet est cheffe de projet au sein de Bruit du frigo, médiation et création urbaine, dont la démarche vise à favoriser la transition vers un urbanisme durable, partagé et accueillant, en proposant des façons alternatives d’imaginer et de fabriquer notre cadre de vie.
a.eyboulet[at]bruitdufrigo[dot]com

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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