• 1 Originaire du Puy-en-Velay, Pierre Julien entre comme élève dans l’atelier lyonnais d’Antoine-Miche (...)

1Alexis Potevin, que tous les auteurs nomment Poitevin, est né à Roussillon en 1764. Le jeune homme, après avoir reçu une formation à l’académie de Marseille et fréquenté quelques temps l’atelier parisien de Pierre Julien (1731-1804)1, regagne la région d’Apt. Vers 1806, il s’installe à Montpellier. Il acquiert rapidement une certaine renommée et reçoit de nombreuses commandes. Parmi une production diversifiée (portrait, décoration intérieure…), les commandes religieuses occupent la plus grande place.

• 2 BARJAVEL, 1841, p. 270-271.
• 3 PARROCEL, 1889, p. 301.
• 4 Ibid., p. 300.
• 5 Jean Jacques Bachelier, (1724-1806), 1999, p. 23 et p. 76-85.
• 6 Ibid.

5Fils d’Alexandre et de Suzanne Bontemps, Alexis Poitevin est né à Roussillon-les Apt dans le Vaucluse le 27 juin 17642. Le jeune homme et son frère aîné entrent à l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille. Il y obtient un accessit en 17823. Au mois de décembre 1783, Étienne Moulineuf (1709-1789) secrétaire perpétuel de l’institution lui remet une lettre de recommandation à l’attention de Jacques Bachelier (1724-1806)4 qui vient d’être nommé vice-directeur de l’Académie marseillaise. Ce dernier a fondé en 1766 à Paris une école de dessin gratuite destinée aux futurs ouvriers des manufactures du royaume5. Ils y reçoivent un enseignement totalement gratuit, basé sur la géométrie et l’architecture, la figure humaine, les animaux, les fleurs et les ornements. Pour Bachelier, qui avait été modeleur en chef puis directeur artistique de la manufacture de porcelaine de Vincennes, l’éducation artistique fait évoluer les formes des objets du quotidien et doit s’adresser au plus grand nombre6.

• 7 BARJAVEL, 1841, p. 270.

7Le mauvais temps retarde l’arrivée d’Alexis à Paris. Il n’est présent dans la capitale qu’au mois d’avril 1784, trop tard pour intégrer l’école de Bachelier. Sans doute conscient de détenir un certain talent et désireux de se vouer à la pratique du grand art, il entre dans l’atelier de Pierre Julien (1731-1804) tout en suivant les cours de l’Académie royale. Son séjour parisien s’avère de courte durée : il est de retour à Marseille en 1785, année où l’Académie lui décerne la première médaille. La même année, les Pénitents Noirs d’Apt lui commandent la représentation en terre cuite des douze apôtres, destinée à l’ornementation de leur chapelle7. Six ans après, il réalise aussi le baldaquin des fonts baptismaux de l’église de Roussillon-les-Apt.

• 8 Archives Paroissiale de Pézenas, lettre du 14 juillet 1812.
• 9 BARJAVEL, 1841, p. 270.
• 10 Ibid., p. 271.
• 11 Ibid., p. 271.

8À partir de 1806, le sculpteur réside à Montpellier. Sa demeure est située rue du Plan d’Agde près de l’église Saint-Roch8. Il conserve toutefois des liens avec sa région natale où il se rend régulièrement : il reçoit en 1810 la commande d’une statue de saint Pierre destinée à être placée au centre d’une fontaine de la ville d’Apt9. Quelques années après en 1814, il entreprend la décoration du salon de la maison de l’un de ses parents, située à Saint-Saturnin-les-Apt10. La même année il exécute le maître-autel de l’église de Saint-Christol dans le Vaucluse11. Il est selon Barjavel orné de vingt-deux figures, d’une gloire couronnée et est accompagné des sculptures de saint Christophe et de saint Julien de Brioude, les saints patrons du village.

• 12 MICHEL, 2008, p. 102.
• 13 Pézenas, Archives de la collégiale Saint-Jean. Lettre de Poitevin à Mr. Fabre (14 février 1812).

9En parallèle, le sculpteur développe une activité importante et variée dans tout le département de l’Hérault et au-delà, dans le département voisin du Gard. En 1806, Jean-Antoine Chaptal alors ministre de l’intérieur commande à Poitevin quatre bustes de médecins célèbres pour décorer l’école de médecine de la ville12. Alexis Poitevin modèle le portait en terre cuite de Guy de Chauliac (1300-1368), celui de Théophile de Bordeu (22 février 1722-24 novembre 1776), ainsi que ceux de Boissier de la Croix de Sauvages (12 mai 1706-20 février 1767) et de Lazare Rivière (septembre 1589-16 avril 1655). On ne pouvait rêver meilleure publicité qu’une commande émanant d’un personnage aussi important, destinée à une institution prestigieuse. Les grandes familles montpelliéraines ont probablement sollicité le sculpteur pour bien d’autres portraits dont certains doivent toujours être conservés dans des collections privées. Un buste de jeune enfant daté de 1806 passé en vente en 2014, témoigne de cette activité (fig. 1). En 1812, Poitevin reçoit la commande du portrait de la fille de Monsieur Gontier de Pézenas pour assortir le buste de son fils réalisé par le sculpteur13.

• 14 Ibid.
• 15 Ibid.

10Poitevin poursuit dans l’Hérault une activité de décorateur. Il orne le plafond d’une pièce de l’hôtel Gontier à Pézenas d’un aigle de plâtre, et décore une cheminée14. Il intervient aussi dans la chapelle de l’ermitage de Saint-Simon propriété de la même famille15. Une photo ancienne montre sur l’autel une pietà en plâtre qui pourrait être l’œuvre du sculpteur. Les angelots sont très proches de ceux visibles, par exemple, sur le retable de Notre-Dame du Grau à Agde, ancienne église du couvent des capucins. Le commanditaire mauvais payeur a du mal à régler les nombreux travaux qu’Alexis Poitevin lui a réalisés.

• 16 BARJAVEL, 1841, p. 271.
• 17 NICOLAS, 1859, p. 176.
• 18 BARJAVEL, 1841, p. 271.

11Même si le plâtre est sa matière de prédilection, le sculpteur n’abandonne pas pour autant le travail de la pierre. Il reçoit la somme de 3 000 francs pour des travaux de sculptures destinés à l’Hospice d’Humanité de Nîmes16 dont la façade vient d’être refaite dans un style néoclassique par l’architecte Charles Durand en 181117. Il fournit une série de métopes pour l’entablement de la nouvelle construction ainsi que les statues de la Charité et de la Bienfaisance destinées à être placées de part et d’autre de l’entrée du bâtiment. Selon Barjavel, Alexis Poitevin serait mort à Nîmes peu de temps après l’achèvement de ce travail dans la misère la plus totale18. Des recherches dans les registres paroissiaux de Nîmes n’ont pas permis de retrouver la trace de son décès.

• 19 MICHEL, 2008, p. 102.

12La plus grande partie du travail de l’artiste est consacrée aux commandes émanant des paroisses héraultaises répondant aux besoins de mobiliers de l’Église après la période révolutionnaire. Alexis Poitevin conçoit et met en place en 1806 le retable de l’église Saint-Denis de Montpellier19 (fig. 2).

• 20 Archives municipales d’Apt, lettre d’Alexis Poitevin à Mr Archias maire d’Apt du 13 novembre 1809.

13L’œuvre lui a été demandée par Philippe-Joseph Manen, curé de la paroisse, grand amateur d’art. Augustin Pajou, de passage à Montpellier en 1786, lui avait dédié son bas-relief représentant Diogène cherchant l’homme. Trois ans après en 1809, Alexis Poitevin est chargé d’exécuter un retable pour l’église des Pénitents Bleus de Montpellier20 (fig. 3).

• 21 Archives paroissiales Pézenas, lettres de Poitevin à Monsieur Fabre du 14 et 20 février 1812.

14Dès lors, le sculpteur reçoit de nombreuses commandes pour les églises du département. Il propose en 1812 à la fabrique de la collégiale Saint-Jean de Pézenas de réaliser en plâtre le décor de la chapelle des fonts baptismaux21. Il doit représenter le Christ baptisé par saint Jean, placé dans un décor d’architecture formé de colonnes. L’ensemble surmonté d’un Dieu le père bénissant. Le montant des travaux est évalué à 700 francs y compris la fourniture de l’échafaudage. Poitevin demande une réponse rapide en raison des nombreuses sollicitations dont il fait l’objet de la part de commanditaires. Le projet n’aboutit pas. Un décor totalement différent du projet de Poitevin est commandé à un plâtrier nommé Prévôt. L’église Notre-Dame-du-Lac de Lunel conserve un décor très proche de celui décrit dans la lettre de Poitevin qui pourrait en être l’auteur (fig. 4).

• 22 BLAQUIÈRE, 1933, p. 59.
• 23 M. R. « Rapport sur l’église Saint Nazaire de Béziers », 1836, p. 217-218.

15Le sculpteur entreprend en 1813 la restauration du décor du chœur de la cathédrale Saint-Nazaire de Béziers réalisé par le stucateur Joseph Seletti en 1766, fortement endommagé pendant la Révolution22 (fig. 5). Il conçoit pour la même église les retables des chapelles Saint-Sébastien (fig. 6) et de l’Ange Gardien23 (fig. 7). Il est probablement l’auteur du décor de la chapelle Notre-Dame de la Sède dont la partie centrale avec ses nuées peuplées d’angelots adopte une composition très proche de la partie centrale du retable de l’église Notre-Dame du Grau (fig. 8).

• 24 MICHEL, 2008, p. 67-68.

18Le retable de l’église Saint-Denis de Montpellier a été détruit lors de l’agrandissement du chœur réalisé en 189424. Seuls un monumental bas-relief où l’on peut voir le martyre de saint Denis et deux statues représentant saint Rustique prêtre reconnaissable à ses chasuble, étole croisée et manipule et saint Éleuthère diacre portant la dalmatique, martyrs compagnons du saint, ont été conservés. Ils ont été replacés dans le nouveau chœur en 1894.

• 25 MICHEL, 2008, p. 102.

20La composition du retable devait être proche de celle des retables de Sainte-Eulalie ou de Notre-Dame du Grau. Le bas-relief placé en hauteur devait occuper la travée centrale du monument, les deux figures de saints les travées latérales. L’ensemble devait être surmonté d’un couronnement occupant la partie arrondie du mur du chevet. Il été occupé par une gloire peuplée de chérubins dans laquelle se trouvait une représentation du Christ portant sa croix25.

• 26 DELALAIN, 1874 p. 125-126.
• 27 Renseignements communiqués par Guilhem Van den Haute.

21L’église de la confrérie des Pénitents Bleus de Montpellier ayant été vendue comme bien national et détruite par son acquéreur, les confrères achètent en 1803 l’ancienne église du couvent de la Mercy. Dans la foulée l’église est déclarée succursale de la paroisse Saint-Denis. Quelques années après, les Pénitents font placer un retable dans le chœur26. Réalisé en plâtre et bois par Poitevin27 , il est, précise Delalain, « orné de rosaces et de modillons, et éclairé par un lanternon pratiqué au milieu de la voûte ». La travée centrale est destinée à recevoir un tableau représentant l’Annonciation de la Vierge, les travées latérales deux statues : l’une de saint Barthélémy, l’autre de saint Cléophas.

• 28 DELALAIN, 1874, p. 120.

22Le tableau central est ensuite remplacé par le Christ sculpté en 1772 par Dom Cibiei sculpteur de Carrare, provenant de l’ancienne chapelle de la confrérie28. Il reste au centre du retable jusqu’en 1843, année du départ de la confrérie de la chapelle, suite à un différend l’opposant à la fabrique.

• 29 MAURIN, 1928, p. 45.

27Une composition très proche se retrouve dans le retable du maître-autel de l’ancienne église des Capucins d’Agde, appelée Notre-Dame du Grau (fig. 10). L’édifice est racheté en 1794 par deux anciens religieux du couvent devenu curés : le Père Meau et le Père Fabry. Afin de rouvrir au culte l’église privée de son chœur et de tous ses décors anciens, les deux curés commandent le grand retable du maître autel à Alexis Poitevin29.

• 30 Le retable est classé au titre des objets depuis le 9 décembre 1988 (https://www.pop.culture.gouv.f (...)

32Alexis Poitevin est sollicité pour restaurer le retable de la chapelle de la Vierge de la décanale Saint-Louis de Sète30 (fig. 19). L’œuvre date du XVIII^e siècle. Réalisée en bois et marbre elle repose sur un soubassement de pierre. La présence de statues de saint Dominique et de sainte Catherine de Sienne dans les travées latérales peut indiquer que la chapelle abritait une confrérie du Rosaire.

• 31 Classé au titre objet le 25 janvier 1963 (https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM84000516(...)

35Elle s’inspire du décor qu’il a imaginé en 179131 pour le maître-autel de l’église Saint-Michel de Roussillon (fig. 23).

• 32 BARJAVEL, 1841, p. 270.
• 33 Pézenas, archives de la collégiale Saint-Jean. Lettre de Poitevin à Fabre (20 février 1812).

36On y voit la cuve baptismale placée sous un baldaquin orné d’une gloire où figure le père éternel. L’ensemble mêle la pierre et le plâtre32. En 1812, Poitevin propose à la fabrique de la collégiale Saint-Jean de Pézenas de faire une « gloire ou sera le père éternel orné d’anges avec Jésus Christ baptisé par St Jean… avec ordre d’architecture et colonnes » pour le prix de 700 francs33. Le projet n’a pas abouti.

• 34 Mathieu 3, 16-17.

40Une représentation de Dieu le père prend place en son centre. À ses pieds figure le Saint-Esprit sous la forme d’une colombe. Un phylactère parcourt les nuées et porte une inscription latine : Hic est filius meus deilectus in quo mihi bene complacui ipsum³⁴.

• 35 M. R. Rapport sur l’église Saint Nazaire de Béziers, 1836, p. 217-218.

44Dans un rapport publié en 1836 dans le Bulletin de la société archéologique de Béziers, un auteur anonyme dresse la liste des ouvrages exécutés par Poitevin pour la cathédrale de la ville35. Il cite la restauration du décor du chœur, la création du décor des chapelles de l’Ange-Gardien, de saint Michel et des fonts baptismaux ainsi que d’une statue de saint Félix. Ces travaux sont tous conservés. Cependant, l’auteur ne parle pas du décor de la chapelle Notre-Dame de la Sède que l’on peut cependant rapprocher de la manière de Poitevin. La disparition des registres de la Fabrique ne permet pas de préciser l’histoire et la chronologie de ces décors.

• 36 BLAQUIÈRE, 1933, p. 59.

45Les décors des chapelles de l’Ange-Gardien et des fonts baptismaux sont signés et datés. Pour le premier, seuls les trois premiers chiffres sont visibles (180...) ; le second porte la date de 1816 (fig. 26 et 27). Le sculpteur intervient au moins à trois reprises dans la cathédrale dans un intervalle environs dix années. Peu de temps après son arrivée à Montpellier en 1806, Alexis Poitevin reçoit la commande d’un retable pour la chapelle de l’Ange-Gardien et pour celle de saint Michel, très proche stylistiquement. Il revient une seconde fois, d’après Constant Blaquière en 1813, pour restaurer le décor du chœur fortement endommagé pendant la Révolution36. Le sculpteur intervient une dernière fois en 1816.

• 37 PINTRE, 2011, p. 84-94.
• 38 Ibid., p. 91.

46Le chœur de Saint-Nazaire est doté par le chapitre cathédral d’un nouveau décor à partir de 176537. L’architecte Villacroze dresse le dessin d’un nouvel autel destiné à accompagner les décorations du sanctuaire, dont les colonnes et l’autel de marbre sont réalisés par Jean-Antoine Fabre marbrier de Montpellier et le décor de plâtre par un dénommée Joseph Seletti. Il comprend, y compris la gloire, des « statues au nombre de huit de sept pieds de haut dont quatre évangélistes avec leurs attributs, un enfant de 4 pieds sur chaque colonne et pilastre avec leurs guirlandes et ou la gloire et tombeau, ou chasse des saint Nazaire et Celse patrons de cette église et le globe et enfant supportant la croix qui doit surmonter tout l’ouvrage »38 (fig. 28).

• 39 M. R. Rapport sur l’église Saint Nazaire de Béziers, 1836, p. 217-218.

48L’auteur anonyme du rapport de 1836 et plus récemment Marie Pintre notent une différence de facture entre la gloire centrale et le reste du décor. Le canon trapu des évangélistes n’est pas adapté aux niches qui abritent les statues. Les éléments restaurés par Poitevin n’ont pas la finesse d’exécution de ceux dus à Seletti. L’auteur anonyme39 du rapport écrit à propos des représentations des évangélistes :

• 40 Ibid.

51Le décor de la chapelle des fonts baptismaux est l’œuvre la plus imposante d’Alexis. Il est signé : Potevin fecit 1816. L’auteur du rapport de 183640 qui ne jure que par les artistes du Moyen Âge dénigre les œuvres réalisés par le sculpteur. Toutefois, à propos du décor de la chapelle des fonts baptismaux, pour lui le plus abouti du sculpteur, il note :

• 42 M. R. 1836, p. 217-218.

59Il convient pour terminer, de mentionner la statue d’un diacre, conservée dans la chapelle Saint-Joseph (fig. 39). L’œuvre présente toutes les caractéristiques des réalisations de Poitevin (canon ramassé, traitement sommaire des tissus, visage...). Elle est très proche du saint Éleuthère du retable de l’église Saint-Denis de Montpellier et rappelle les figures des évangélistes visibles dans le chœur. Il s’agit probablement de saint Félix de Séville, diacre martyrisé au IV^e siècle en Espagne, mentionné par l’auteur anonyme42.

• 43 Remerciements à Joël Puisais, compagnon plâtrier.
• 44 NÈGRE, 2006, p. 93-97 et 143-151.

60Alexis Poitevin sculpte la pierre et le marbre, modèle l’argile. Mais son médium de prédilection reste le plâtre. Il aurait pu céder à la modernité et utiliser pour son travail des éléments préfabriqués en carton pierre. Ce matériau constitué d’un mélange de papier de soie bouillie ou de pâte à papier, de colle de peau versée à chaud et de craie permet de mouler des corniches, des frises, des chapiteaux et même des statues. Les très nombreux modèles diffusés par catalogue permettent aux artisans une infinité de compositions44.

• 45 SABRIE, 1994, p. 191-242.
• 46 MALLET, 2006, p. 59-62.
• 47 NEPIPVODA, 2011.

61Mais le sculpteur délaisse ce nouveau matériau pour s’inscrire dans une longue tradition locale du travail du plâtre. En Provence et en Languedoc, les romains ornent leurs demeures de décor de stuc45. Au Moyen Âge, les églises se parent de retables et de décors de plâtre46. Au XVII^e siècle apparaissent de véritables virtuoses de cette technique comme Jean Sabatier47. Ce fils d’un maître-plâtrier de Béziers porte cet art à son plus haut degré.

62Poitevin perpétue encore au XIX^e siècle cette pratique. Il élabore des œuvres monumentales en plâtre ou se combinent technique de construction et de décoration. Le travail du plâtre ne nécessite pas un matériel particulier. Truelles, spatules, gouges burins et maillet de bois suffisent pour travailler un matériau qui peut aussi bien se modeler que se sculpter et offre à l’artiste une liberté créative infinie.

• 48 PUISAIS, 1995.

63Pour les décors d’architecture, le sculpteur travaille comme les artistes du XVII^e siècle48. Il commence par installer une structure de maçonnerie en collaboration avec des maçons. Elle est ensuite recouverte d’un enduit de plâtre grossier donnant le volume de base sur lequel le sculpteur va bâtir son décor. Il y fixe de petites maçonneries de plâtre de façon à former diverses épaisseurs et différents décrochements. Suit la mise en place de la modénature puis en dernier des sculptures.

• 49 Archives de la Collégiale Saint-Jean de Pézenas.
• 50 NEPIPVODA, 2023, p. 4-10.

70Alexis Poitevin a laissé dans le département de l’Hérault une œuvre importante et de qualité. Mais il n’est pas le seul à travailler le plâtre en ce début du XIX^e siècle. Quelques noms d’artiste ou d’artisan apparaissent au détour d’un document d’archives. Les marguilliers de la collégiale Saint-Jean de Pézenas lui préfèrent pour le décor des fonts baptismaux de leur église un plâtrier dénommé Prévot49. Ce dernier met aussi en place le décor de la chapelle de sainte Philomène de la même église, dans lequel est placée une statue de la sainte réalisée par le sculpteur piscénois Joseph-Martin Relin, qui s’est spécialisé dans la production d’extraordinaires œuvres de plâtre (fig. 41)50. On lui doit aussi le saint Michel terrassant le dragon de l’église de Tourbes (fig. 42) ou le saint Sébastien de l’église d’Alignan-du-Vent (fig. 43 et 44). Peut-être a-t-il rencontré Poitevin lors de sa venue à Pézenas ? D’autres artisans ou artistes travaillant le même médium restent probablement à découvrir.

• 51 PONSONAILHE, 1899, p. 639-649.

72Dans un décor d’architecture intégrant des colonnes en marbre de Caunes, quatre niches abritent la représentation des évangélistes (fig. 46). La travée centrale a disparu. Le décor du chœur de l’église Saint-Gervais Saint-Protais à Saint Gervais-sur-Marre est composé d’une gloire de plâtre intégré dans un décor d’architecture (fig. 47). L’un des saints, les bras levés, rappelle le personnage représentant Saint-Nazaire, que le sculpteur Seletti a représenté dans la même attitude (fig. 48). La blancheur du plâtre est mise en valeur par un décor peint de très grande qualité. On peut aussi citer la gloire de l’église de Puissalicon, détruite dans les années 1970, connue par des cartes postales anciennes, réalisé par Rellin selon Charles Ponsonailhe51.