• 1 Voir bibliographie indicative citée dans l’appel à communication du présent numéro. Une approche qu (...)
• 2 Plusieurs institutions muséales, patrimoniales et scientifiques sont actuellement associées à ce gr (...)
• 3 Voir plus spécifiquement, dans le cadre du présent numéro, les contributions de Sarah Muñoz, Magali (...)
• 4 https://restadistucco.ch/it

2Les publications ou manifestations portant sur ce matériau protéiforme reflètent l’indispensable approche interdisciplinaire qui nécessite d’être privilégiée1. Les manifestations et travaux actuels s’appuient sur ce dynamisme qu’autorise la confrontation des méthodologies et des disciplines. Ainsi, le groupe de recherche sur le décor en stuc dans les grandes demeures françaises, de la Renaissance à 1850, créé en 2023, s’attache désormais au partage des connaissances et des références entre restaurateurs, scientifiques du patrimoine, artisans, conservateurs et universitaires2. Le premier colloque organisé par le groupe, au mois de décembre 2023, a ainsi permis de proposer un état de la question général sur les décors de stuc, sur la terminologie, les acteurs et les modèles3. Parmi les initiatives récentes attachées à une plus grande visibilité et une revalorisation patrimoniale des artistes, des techniques et des décors de stuc, la plateforme Resta di stucco, promue par des chercheurs de l’École universitaire professionnelle de la Suisse italienne (SUPSI) sous la direction de Giacinta Jean, constitue une ressource pour des études futures autant qu’un modèle pédagogique4.

• 5 BORMAND, Marc et BOUQUILLON, Anne (dir.), Reliefs en stuc de la Renaissance italienne, Techné, n° 5 (...)
• 6 GARIANI, Gianluca et al., « Multi-analytical approach for the compositional and micro-structural st (...)

3Utilisé comme matériau de construction en particulier dans les régions riches en gypse, le plâtre est surtout connu et étudié par les historiens de l’art et de l’architecture pour son application dans les décors portés ou les moulages. Des études scientifiques permettent ponctuellement de dissiper le flou qui peut exister sur les mélanges et dosages associés à l’utilisation du plâtre, comme l’a présenté récemment le numéro de la revue Techné sur les reliefs en stuc de la Renaissance italienne5. Les prélèvements et analyses systématiques sur un corpus de reliefs permettent de comprendre les logiques d’usage de la chaux ou du plâtre selon la chronologie, les lieux et les besoins recherchés. L’analyse des compositions devient en outre un critère d’attribution possible à un artiste, un artisan, ou plus prudemment à une région et une époque de production6.

• 7 Voir aussi, en particulier pour les XIX^e et XX^e siècles, BUILLES, Claude, Le plâtre de la montagne  (...)

7En Occitanie, les sites d’extraction les plus importants pour les deux siècles derniers se situent dans l’Aude (Portel des Corbières) et en Ariège (Arnave, Arignac et Bédeilhac). L’extraction, puis la production de ces « plâtres de la montagne » jusqu’à leur commercialisation à Toulouse sont, à chaque étape du processus, précisément étudiés dans le présent numéro par Fabienne Fortier pour les XVII^e et XVIII^e siècles7. Julien Salette cherche pour sa part à mesurer comment le traitement de ces plâtres de la montagne influe sur leurs modes d’utilisation et permet leur identification. Ces carrières, en recul au siècle suivant, rappelle combien la mécanisation de la production devient alors un enjeu essentiel. L’extraction du gypse et de la production du plâtre connaît dans certains bassins un essor industriel au XIX^e siècle, comme le montre Alexandre Vernin avec l’exemple et l’organisation de la Société plâtrière du Midi, située dans le Vaucluse.

• 8 SABRIé Maryse et Raymond, « Le Clos de la Lombarde à Narbonne (Aude). Peintures murales de la Maiso (...)

8Si l’art de réaliser des formes en relief dans un matériau plastique est documenté dans le Midi au moins depuis l’Antiquité, au cours des siècles, son usage comme son évolution restent difficiles à apprécier8.

• 9 Voir la contribution de Sarah MUÑOZ au colloque cité en note 2 : « Usages et techniques du stuc en (...)

10À partir du début de l’époque moderne particulièrement, la documentation exploitée diversifiée et souvent inédite, permet de préciser la définition donnée au plâtre dans les dictionnaires autant que dans des livres de recettes manuscrits. Les sources écrites, du XVI^e au XIX^e siècle, attachées aux pratiques au sein des ateliers associent les connaissances issues de traités ou d’ouvrages encyclopédiques à la volonté de les corriger ou de les amender en gardant la trace d’expériences individuelles. Ces sources permettent de pallier, pour ces siècles passés, la perte de l’oralité et de l’apprentissage par la démonstration sur les chantiers. À travers l’exemple de documents d’une grande densité, l’article de Sarah Muñoz montre que les recettes de fabrication des décors de stuc qui ont été compilées entre le XVI^e et le XVII^e siècle, mettent en œuvre tantôt du plâtre, de la chaux ou un mélange des deux9. Plus largement l’étude précise les acceptions accordées au plâtre, au gypse ou au stuc et leur évolution, ainsi que, jusqu’au XVIII^e siècle les techniques propres à l’utilisation du plâtre, du modelage à la fonte. Par la suite, l’exemple de l’atelier de Léopold et Marcel Mérignargues, décrit par Flore César, s’inscrit dans le prolongement de ces acquis propres aux praticiens. Il restitue, pour les XIX^e et XX^e siècles, le témoignage manuscrit d’un savoir-faire fondé sur la transmission de l’expérience concrète, telle que des techniques permettant d’améliorer les qualités du plâtre en lui associant, en fonction des usages, du carton, de la gélatine ou des fibres végétales.

• 10 BARRAL I ALTET, Xavier, « Le décor en stuc, aux XI^e et XII^e siècles. Catalogne et Roussillon », in (...)

12Les décors à base de plâtre ont souffert de mauvaises conditions de conservation et de l’adaptation des intérieurs au goût du jour. Des jalons, fruits d’études ponctuelles, actent cependant l’utilisation du plâtre10. La restauration de décors du Moyen Âge ou du début de l’époque moderne, permet de combler la disparition de sources textuelles directes pour comprendre les usages concrets du plâtre. Les travaux de restauration du retable de la chapelle du Christ au Jardin des Oliviers dans la cathédrale de Rodez, restitués dans l’article d’Ariane Dor, Rosalie Godin et Hugo Quelart, permettent de nourrir ce corpus mal conservé et d’appréhender les caractéristiques techniques du plâtre polychromé dans le premier quart du XVI^e siècle, associées à l’étude d’un type iconographique, en ronde bosse, encore peu documenté pour le plâtre dans cette période.

• 11 Pour le XVII^e siècle, JULIEN, Pascal, « Le retable de Gaillard Bor en l’abbatiale Notre-Dame de Gra (...)

14La variété des usages du plâtre par les maîtres-gypiers interroge la définition des pratiques artistiques et la place de ce matériau dans la statuaire. Dans ce domaine, l’article de Denis Nepipvoda met en lumière l’œuvre d’Alexis Poitevin, originaire du Vaucluse et sculpteur polyvalent qui, après une formation académique, s’est spécialisé dans la sculpture en plâtre, modelé ou taillé. Dans le Gard et l’Hérault, le sculpteur a travaillé le gypse de façon à imiter le marbre ou en l’associant à la polychromie et la dorure, pour des bustes, des reliefs et des rondes-bosses, qu’il s’agisse de décors privés ou de commandes religieuses11.