Marc Azéma, vous êtes archéologue et diplômé en études cinématographiques. D’où vous vient cette double passion ?

Je suis avant tout passionné par l’image.

Je dessine depuis mon plus jeune âge. Enfant et adolescent, j’ai longtemps pensé devenir dessinateur de bande dessinée. Très vite, avec la démocratisation de la VHS et la fréquentation des salles obscures de ma ville, je suis devenu cinéphile, ce qui m’a poussé à m’intéresser à l’image animée.

À ma majorité j’ai commencé à réaliser des petits courts métrages avec les copains, à Narbonne et Gruissan. Je filmais avec une des premières caméras vidéo. Le rendu était très baveux, verdâtre, le VHS faisait des traces quand on filmait des images en mouvement (rires).

En parallèle je m’initiais au dessin animé et à la stop motion car comme bon nombre de jeunes de par le monde j’étais fan de SF et de cinéma fantastique. J’adorais King Kong (la version de 1933) et les films de Ray Harryhausen, le maître des effets spéciaux.

Toutes ces expériences autour de l’image animée m’ont amené, plus tard, à m’interroger sur les origines du cinéma et de l’animation.

Pour ce qui est de l’archéologie, je dirais que pour un Narbonnais il est naturel de s’y intéresser.

C’est au collège que j’ai eu un premier déclic en visitant le musée archéologique avec ma classe et mon professeur d’histoire. En 1980 la ville de Narbonne lança un concours de rédaction dans tous les collèges de la ville : « racontez en quelques pages une journée d’un petit narbonnais au ii^e siècle de notre ère à Narbo Martius ». Je participai au concours et finis second. Je ne le savais pas encore mais cette rédaction allait être fondatrice pour ma carrière de réalisateur de films documentaires. Avec un écho particulier avec celui que je termine aujourd’hui : « Narbo Martius la fille de Rome ».

Les gagnants de ce concours allaient partir à Rome pour représenter la ville de Narbonne et recevoir symboliquement une réplique de la louve capitoline symbolisant les liens entre Rome et sa « fille », Narbo Martius, première capitale en Gaule fondée en 118 av. J.-C. Ce voyage fut inoubliable et bien sûr fondateur.

Après mon bac scientifique, je passe quelques mois en fac de pharmacie, mais fréquente surtout les salles de cinéma.

Je sais que je veux être réalisateur. Je présente le concours Louis Lumière et la Femis à Paris à 18 ans ; et, sans aucune base, j’échoue complètement. Grâce à mes parents, je m’inscris en cours d’audiovisuel à la fac de Montpellier Paul Valéry, cours un peu trop théoriques à mon goût. Je m’inscris aussi en histoire de l’art dans l’idée de me perfectionner pour le concours de l’école Louis Lumière. Au fil des cours je m’intéresse de plus en plus à l’histoire de l’art. L’archéologie faisant partie du cursus, je m’initie avec curiosité à l’art antique, je découvre l’art roman et m’intéresse à la préhistoire. C’est lors d’un voyage en Dordogne, assez festif, que je découvre l’art pariétal : à la vue de ces images premières, quelque chose se passe en moi. Cela prendra plusieurs années pour que je prenne la mesure de l’impact qui s’est produit à ce moment-là.

Au moment de m’inscrire en maitrise, j’hésite entre un mémoire en art contemporain et un autre en préhistoire. Dans les deux cas, ce qui me passionnait c’était d’interroger à la fois le sens, la nature de l’art (graphique) et ses origines. C’est la rencontre à Aix en Provence avec le grand préhistorien Gabriel Camps qui fera pencher la balance : je lui dis que je voulais avant tout poursuivre des études de cinéma à Paris à la Sorbonne car je voulais être réalisateur mais que je voulais aussi poursuivre des études sur l’art préhistorique. Il m’encouragea à poursuivre un double cursus et à m’orienter sur l’étude de l’animation dans l’art paléolithique. Voilà comment cette double passion allait se concrétiser les années suivantes.

Pendant une quinzaine d’année je poursuis mes études sur l’animation dans l’art paléolithique tout en intégrant l’équipe Chauvet en 2001. Là, j’ai la chance de côtoyer les plus grands spécialistes, et je travaille en binôme avec Jean Clottes. On passe des centaines d’heures le nez sur la paroi à relever des lions et autres animaux dans la salle du fond.

En parallèle, je démarre à partir des années 1995 une carrière de réalisateur modeste. Je fais des documentaires tout en gardant l’idée de faire un jour un film de fiction.

En 2003 je soutiens ma thèse de doctorat. Elle est publiée en deux volumes mais mon éditeur, Romain Pigeaud (éditions Errance), me suggère d’aller plus loin et d’écrire un ouvrage plus grand public à partir de mes recherches. Le projet m’intéresse, mais je mets la condition que ce livre intègre des vidéos et soit très visuel.

Le propos de cet ouvrage, un peu osé, était de démontrer les origines paléolithiques de la narration graphique, de l’animation séquentielle et du cinématographe ! Un ouvrage atypique donc que je voulais sans le savoir transmédia et transversal (pour ce qui est des disciplines qu’il implique). Les premières critiques positives vinrent du milieu du cinéma. La « Préhistoire du cinéma » (errance / Actes Sud) bénéficia d’une couverture presse très importante en France mais aussi dans le monde. Le petit narbonnais n’en revenait pas.

Il fallait aller au bout de ma double passion en réalisant un documentaire sur mon travail de recherche. Un producteur parisien, MC4, voulut faire le film mais me convainquit vite de passer devant la caméra pour défendre mon propos. J’acceptais l’idée. Je savais que le propos serait moins personnel mais probablement plus didactique et grand public. Je coréalisais donc le film « Quand homo sapiens faisait son cinéma » avec Pascal Cuissot. Il fut diffusé sur la chaine Arte et me permit ainsi d’aller au bout d’une grande expérience : être à la fois devant et derrière la caméra sur un sujet présentant mes théories sur l’art paléolithique, et proposant une explication à travers le concept de narration graphique.

Voilà comment ma double passion s’est confortée. À vrai dire encore une fois il n’y a qu’une passion, c’est celle de l’image.

L’archéologie est arrivée un peu par accident et m’a permis de m’intéresser aux origines de l’image et à ses propriétés narratives. En étudiant les premières images de l’humanité, j’effectuais inconsciemment un voyage intérieur vers mes premières amours, la bande dessinée et le cinéma !

Vous écrivez en 2011 un ouvrage iconoclaste : La préhistoire du cinéma. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre regard novateur sur l’art de la préhistoire ?

Iconoclaste... pourquoi donc ? J’ai abordé, d’abord inconsciemment puis consciemment au début des années 2000, l’étude de l’art le plus ancien de l’humanité avec ma double compétence, de préhistorien et de réalisateur/graphiste. Et ce avec le plus grand sérieux, puisque j’ai passé quinze ans sur ma thèse de doctorat !

Dès mes premières observations j’ai ressenti que cet art premier n’était pas juste une succession de signes, de symboles plus ou moins bien organisés sur les parois comme il a été longtemps de coutume de le considérer.

Je me suis rendu compte que l’animation avait une place prépondérante dans cet art. En effet les images « bougent » sur les parois, lorsque des mouvements sont représentés, mais aussi grâce aux éclairages fluctuants des lampes à torche ou à graisse qui faisaient vaciller ces formes conçues pour être vues en trois dimensions, sur les parois des grottes.

En analysant ces mouvements, que ce soit en potassant des ouvrages d’éthologie (des centaines d’heures !) ou en observant le vivant, je me suis rendu compte que ces animations renvoyaient à des comportements précis : chevaux au galop, bisons s’affrontant, lions chassant… Ces représentations constituaient des séquences qui pouvaient se combiner entre elles. Voilà donc comment fonctionnait cet art : il s’agissait de la première forme de narration graphique, soit une proto bande dessinée !

Ceux qui l’avaient réalisée étaient allés parfois très loin dans la décomposition du mouvement des animaux, préfigurant ainsi le dessin animé ! Par exemple un objet daté d’il y a 15 000 ans, une rondelle en os, portait sur chaque face l’image d’un chamois représenté dans une position différente. La mise en rotation rapide superposait visuellement les deux images et composait une dynamique visuelle. C’est précisément le principe du thaumatrope, objet inventé au début du xix^e siècle et qui marque le début du cinéma.

Voilà un très bref résumé de mes quinze années de recherches de doctorat et de la vingtaine d’années passées à travailler dans et sur la grotte Chauvet. Dans le cadre de mes articles et ouvrages scientifiques je me suis un peu autocensuré, évitant de parler directement de bande dessinée, de dessin animé ou de cinéma. En revanche la notion de « Préhistoire du cinéma » m’a permis d’affiner mon discours et de le vulgariser. Et c’est précisément en vulgarisant mes recherches que j’ai pu dépasser, avec une certaine jubilation, cette pudeur scientifique. Aujourd’hui dans mes écrits, interviews ou conférences, j’ai à cœur de dire que ces formes d’art populaires que sont la bande dessinée et le cinéma sont en fait présentes dès l’origine des arts figuratifs. Elles font partie de leur ADN fondateur et préexistent à l’écrit bien évidemment, qu’elles ont initié.

Vous avez réalisé de nombreux documentaires depuis le début des années 2000, et obtenu de nombreux prix. Quelle est la constante dans votre travail ?

La constante de mon travail est là encore liée à ma double formation – j’allais dire personnalité (rires). Je suis un créatif, un rêveur et en même temps quelqu’un de méthodique, à l’esprit scientifique. Je tiens à ce que mes documentaires soient le plus rigoureux possible, mais sans être indigestes. Quand on travaille pour le grand public, il est difficile de faire un documentaire scientifique « hardcore ». Pour rendre le propos intelligible, j’essaie de plus en plus d’introduire de la fiction via des « fils rouges » narratifs. C’est une constante de mes derniers documentaires tv : utiliser le point de vue d’un personnage fictif ou ayant existé et visualiser son point de vue via des animations 2D ou 3D, puis lancer des séquences purement documentaires en fonction de l’avancée de la narration.

C’est le cas par exemple de mes deux documentaires consacrés à l’une de mes idoles, le dessinateur Jack Kirby, un des plus grands dessinateurs de bandes dessinées américain co-créateur des super héros Marvel. En ce moment je mets la dernière main à « Narbo Martius la fille de Rome » où le fil rouge narratif permet de suivre une jeune romaine dans Narbonne antique, interprétée en voix off par Olivia Ruiz. Le film « Jeanne Élisabeth, une histoire européenne » suit ce même parti pris.

Marc Azéma, comment s’est présentée l’opportunité de réaliser le film « Jeanne Élisabeth, une histoire européenne » ?

La société Passé Simple qui produit mes films répond à des appels d’offres muséographiques, et il y a deux ans nous avons gagné celui concernant la réalisation d’un film pour le musée de l’Éphèbe dans le cadre d’une très belle exposition, « Fortune à bord ! »

Vous superposez deux niveaux de narration dans le film : une narration scientifique, où apparaissent les principaux acteurs de la fouille et de l’étude du bateau, et un niveau de fiction, mis en dessin par Jean-Michel Arroyo. Pourquoi ce double récit ?

J’ai voulu raconter l’histoire d’un navire en parallèle du travail des historiens et des archéologues. Et je ne peux que remercier le musée de l’Éphèbe d’avoir accepté de traiter cette histoire en introduisant ce fameux fil rouge narratif.

Ce ne sont pas à proprement parler des docu-fictions car la partie documentaire reste présente mais le séquençage par le fil rouge narratif permet « d’enjoliver » le récit grâce à de l’imagerie et donc de mieux atteindre le public. Et personnellement cela me permet de pouvoir régulièrement mettre la main dans ce qui me passionne depuis toujours : le dessin et l’animation.

En travaillant ainsi, j’associe à mon travail des artistes, des dessinateurs de BD comme Jean-Michel Arroyo, des artistes 3D comme dans « Narbo Martius », des infographistes comme dans mes films sur Jack Kirby - sachant que pour ces derniers j’ai moi-même conçu la moitié des animations reprenant et animant des cases de Kirby selon la technique du camera mapping, largement utilisée sur la Jeanne également. C’est un effet infographique permettant de rentrer dans une image 2D et de la parcourir avec une caméra virtuelle.

C’est une technique ancienne au charme intact. Elle nécessite un important travail préparatoire. Je la pratique depuis une douzaine d’années, mon premier court métrage « promenade à Nemausus », permettant de déambuler dans la Nîmes antique illustrée par mon ami Jean-Claude Golvin. J’avais utilisé cette technique quelques années avant pour donner vie aux illustrations de Gilles Tosello dans le cadre d’un audiovisuel pour le centre d’interprétation du Mas d’Azil.

La voix du jeune mousse est tenue par celle, reconnaissable entre toutes, d’un vétéran du cinéma français, Jean-Claude Carrière. Pourquoi ce choix ?

J’en rêvais ! Car j’admire, comme tous les cinéphiles, ce grand monsieur. En écrivant le point de vue du jeune mousse racontant le périple de la Jeanne, je ne pouvais m’empêcher de penser au film de Jean-Jacques Annaud, Le nom de la rose, adapté au cinéma par Jean-Claude Carrière. Carrière étant héraultais d’origine et de cœur, féru d’histoire et fier de ses racines, je tentais le coup par l’entremise de mon ami Michel Piquemal. Jean-Claude a accepté, j’étais aux anges...

La musique du film est signée de Thierry Gomar, pouvez-vous nous parler de votre compagnonnage avec le percussionniste ?

Thierry est un ami et depuis quelques années nous travaillons ensemble sur mes docus ou autres films. Je sais qu’il s’intéresse à l’archéologie et s’interroge lui aussi sur les origines et le sens de l’art qu’il pratique. Il est narbonnais et le fait que nous devions travailler ensemble est devenu au fil du temps une évidence ! Sa musique de la Jeanne Élisabeth est superbe et celle qu’il vient de composer pour Narbo Martius se marie très bien avec la voix d’Olivia Ruiz.

De multiples lieux apparaissent dans le documentaire : le bateau du Drassm, le musée, le littoral, le fond marin, la BNF, la Suède... Ce documentaire vous a conduit à travailler avec de multiples spécialistes : comment se sont passés les différents contacts et les différentes interventions ?

J’avoue que je me suis régalé de participer à ce film. Très rapidement la direction du musée, son directeur Bertrand Ducourau et Marc Sauer, ont étroitement collaboré tout en me laissant carte blanche par rapport au traitement graphique et fictionnel que j’avais proposé. Avec Marine Jaouen le courant est passé immédiatement. Elle a contribué à la réussite des restitutions dessinées par Jean-Michel Arroyo et s’est pleinement investie dans le tournage.

À partir de « Jeanne Élisabeth, une histoire européenne », vous avez créé un documentaire long, « L’Odyssée de la Jeanne Élisabeth ». Qu’apporte ce changement de format ?

Le changement de format permet d’obtenir une durée plus classique de 52 mn qui correspond aux standards de la télévision. Ainsi le film va vivre sa vie sur les chaînes et les festivals. Il va circuler. Au niveau du contenu, cela permet de développer le contexte historique dans lequel s’est déroulé le périple de la Jeanne Élisabeth et également d’aller un peu plus loin dans l’explication des travaux effectués par les archéologues et les restaurateurs.

Vous avez créé les Rencontres d’Archéologie de la Narbonnaise en 2013, ce qui en dit long sur votre attachement à ce territoire. Pouvez-vous nous parler ce lien ? 

Cela fait plus de vingt ans que je présente mes films dans les différents festivals en Europe et au fil des ans j’ai tissé des liens d’amitiés avec leurs organisateurs. Au début des années 2000 je me suis dit qu’il fallait créer un événement dans le midi de la France. Il y avait Amiens, Bordeaux, mais rien sur les rives de la méditerranée. Mon attachement au Sud m’a fait songer à Marseille, Montpellier, Nîmes... mais l’évidence était de créer un festival dans ma ville natale, Narbonne.

C’était un challenge car Narbonne est une ville méconnue du grand public - quand bien même elle est superbe, ce dont un nombre croissant de personnes se rend compte ! Une petite ville qui a dormi ces derniers siècles mais dont le passé historique et archéologique est particulièrement glorieux.

Depuis 2013, le festival n’a cessé de grandir jusqu’à devenir un événement transmedia autour de l’archéologie. À ma connaissance, il n’y a pas d’équivalent en Europe, voire dans le monde. Je ne voulais pas simplement que les RAN diffusent des films : d’autres festivals le font très bien notamment celui d’Amiens organisé par Tahar ben Redjeb ou celui de Nyon en Suisse organisé par Christophe Goumand.

Grâce à une organisation gérée de main de maitre par Céline Thomasset et Élodie Ulldemolins, notre manifestation mêle aujourd’hui films, livres et jeux vidéo autour de l’archéologie, avec toute une programmation de conférences, des expositions, et une rencontre professionnelle qui ravit nos partenaires institutionnels (Drac, Inrap, Département, Région, Ville, Agglo.), les médias (chaîne Histoire, revues Historia, Dossiers de l’archéologie...) et les éditeurs (Lombard, Ubisoft...).

Chaque année nous mobilisons nos partenaires pour disposer d’un budget digne de ce rendez-vous. Mais nous devons encore augmenter notre capacité à produire, afin de faire de ce festival ce que Blois est à l’histoire, Angoulême à la bd… ou Cannes au cinéma. Telle est notre ambition !

Cette année nous avons une programmation excellente et malgré le Covid nous avons pu maintenir en distanciel l’édition 2020 en bénéficiant de notre savoir-faire et de ceux de nos partenaires (Passé Simple et Defacto notamment) en matière de production audiovisuelle. Films, entretiens, conférences, rencontres professionnelles et expositions ont été mis à disposition des internautes. Nous sommes ravis car le public était au rendez-vous, un public non seulement régional mais international ! C’est de bon augure pour l’édition 2021 qui comprendra aussi un salon du livre et de la bd d’archéologie, que nous n’avons pas pu organiser au Palais des archevêques de Narbonne cette année, à cause de la crise sanitaire.

Notre région a un lien évident avec l’archéologie, le patrimoine archéologique. Quel est selon vous l’avenir du film archéologique ? Et quelle est la place du numérique et des dispositifs multimédias dans la médiation de l’archéologie ?

Notre région est bien sûr intimement liée à l’archéologie. Sans parler des grands sites de dinosaures (Esperaza), les premiers hommes modernes ont été définis à Aurignac en Haute-Garonne. Non seulement la Région compte de nombreux sites majeurs pour la préhistoire et l’Antiquité, mais nous comptons aussi de grands archéologues, du narbonnais Paul Tournal qui appartient maintenant à l’histoire de la discipline, jusqu’à des grands spécialistes mondialement reconnus comme Jean Guilaine ou Jean Clottes.

Les spectateurs s’intéressent de plus en plus à leur passé, ce qui explique le succès du documentaire en archéologie. Depuis quelques années le public demande de plus en plus de restitutions 3D pour s’immerger dans ce passé et voir les résultats des travaux conduits par les archéologues. C’est la raison pour laquelle la rencontre pro que nous organisons dans le cadre des RAN mêle archéologie et 3D car c’est un enjeu majeur, à la fois pour l’étude des vestiges archéologiques mais aussi pour la médiation des résultats obtenus sur le terrain. Ces rencontres obtiennent un franc succès et j’en suis très heureux car il est pour moi important que les scientifiques et les professionnels du film ou du jeu vidéo se croisent et discutent pour travailler ensemble et profiter des formidables outils apportés par la révolution numérique.

C’est aussi le meilleur moyen d’embarquer les plus jeunes qui utilisent quotidiennement ce genre d’outil, en particulier à travers le jeu vidéo ou en visionnant des séries fantasy sur Netflix.

Sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?

Je suis en train de finir un documentaire, « Narbo Martius la fille de Rome » qui permettra au spectateur de voir enfin à quoi ressemblait la première capitale de la Gaule grâce aux 3D conçues par la société narbonnaise « Passé Simple ».

Avec la voix d’Olivia Ruiz ce voyage immersif permettra aussi de croiser les archéologues qui travaillent à Narbonne depuis plus de vingt ans comme Corinne Sanchez qui dirige les fouilles du port antique de Narbonne, ou encore Raymond Sabrié qui a révélé les fabuleuses maisons décorées de fresques du clos de la Lombarde. Sans oublier l’équipe de l’Inrap qui a dégagé dans les cours d’un collège les fondations du capitole de la ville, un des plus grands temples de l’Antiquité ! Le spectateur pourra voir ces monuments disparus en 3D ...

Dès décembre j’enchaine sur la réalisation d’un autre documentaire qui me tient très à cœur, sur les pionniers français du jeu vidéo. Je fais partie de la première génération de joueurs de jeux vidéo. Comme la bande dessinée ou le cinéma, ils font partie de mon ADN et figurent dans ma boîte à outils pour faire mes documentaires. « La Frenc Touch du jeu vidéo » est un film que je veux faire depuis très longtemps. Bien sûr j’ai en développement d’autres films liés à l’archéologie, à une échelle régionale mais aussi internationale. Mais il est trop tôt pour en parler.

Enfin un autre grand projet est le développement de la visite en réalité virtuelle de Narbo Martius « virtua Narbo Martius » que nous avons commencé il y a deux ans et qui aujourd’hui intéresse beaucoup de partenaires.

Ce projet est soutenu par la société américaine Epic Games (créateur du jeu vidéo Fortnite). La Région Occitanie nous soutient également et nous sommes en pourparlers avec d’autres partenaires. Il permettra au public de visiter la première capitale en Gaule avec un casque VR et/ou en ligne d’ici fin 2021 ! Sur le modèle de Versailles 3D ou Chauvet 3D. J’étais d’ailleurs associé en mars dernier au lancement de Chauvet 3D au musée de l’homme à Paris à la demande de Google et du SMERGC (qui gère la Caverne du pont d’arc en Ardèche). Je suis intervenu aux côtés du directeur mondial de google arts et cultures pour présenter une conférence faisant le lien entre les origines de l’art, l’image animée et le virtuel.