Entretien avec Inès Barbosa de Oliveira
Texte intégral
Ça a été un peu impressionnant pour moi de faire le compte et de constater qu’il y a déjà 25 ans que Penser l’éducation existe. Et vraiment, c’est un sacré passé. I.B.
Stéphanie Gasse (SG) : Pouvez-vous nous raconter votre lien avec la revue Penser l’éducation ? Comment l’avez-vous connue ? Comment y contribuez-vous ?
- 1 Inès Barbosa de Oliveira est professeur à l’université Estácio de Sá (Brésil), membre du comité sci (...)
Inès Barbosa de Oliveira (IB1) : J’ai connu Penser l’éducation avant même qu’elle n’existe. Jean Houssaye m’a envoyé, à l’époque par lettre postale, la proposition de la revue, toute prête. C’était la première revue internationale que je voyais, car il y avait déjà un comité éditorial avec des personnes de tous les pays. Il m’invitait à suivre le projet, à l’accompagner en tant que représentante du Brésil. J’étais très honorée à l’époque. J’étais très jeune, je venais d’avoir un poste à l’université. Évidemment, j’ai dit oui, et on a commencé à travailler pour la revue. Dans un premier temps, je n’ai pas fait grand-chose. J’accompagnais un peu de loin. Et puis j’ai réussi à revenir en France et à prendre l’habitude de revenir, et à chaque fois, on prenait des nouvelles de la revue. On prenait un numéro, en papier à l’époque, toujours en papier d’ailleurs. Je contribuais aussi en proposant parfois des textes. On envoyait à Jean Houssaye des propositions d’articles, surtout avec ma collègue Nilda Alves avec laquelle je travaille depuis toujours. On faisait aussi des rapports, des expertises sur d’autres textes. C’est comme ça qu’a commencé mon lien avec la revue.
SG : Quelle est pour vous la spécificité de la revue Penser l’éducation ?
IB : Je crois qu’il y en a deux : la première, c’est le fait que cette revue est la première que j’ai connue avec un comité éditorial aussi riche, avec la participation de différents pays. Je crois que c’est encore une marque assez exclusive de Penser l’éducation. Deuxièmement, Penser l’éducation est une revue qui a deux focus différents, complémentaires, ce qui est très rare : la philosophie de l’éducation et l’histoire des idées pédagogiques. Je crois que c’est aussi une marque de la revue.
SG : Vous qui la connaissez de longue date, aujourd’hui Penser l’éducation a 25 ans, quel regard portez-vous sur l’évolution de la revue aujourd’hui ?
IB : Ça a été un peu impressionnant pour moi de faire le compte et de constater qu’il y a déjà 25 ans que Penser l’éducation existe. Et vraiment, c’est un sacré passé. Je crois qu’actuellement la revue garde bien ses objectifs premiers par rapport au sujet. Cependant, je ne suis pas très sûre qu’elle ait gardée, aussi marquée qu’au début, la dimension internationale des contributeurs. Avec Penser l’éducation, les auteurs peuvent contribuer sur leur propre thématique dans leur pays, dans le domaine de l’éducation comparée, mais pas seulement. Ils peuvent aussi publier dans le domaine de l’histoire de l’éducation ou de la philosophie de l’éducation de leur pays. Je trouve que ça, c’est très important.
Mon avis général sur l’évolution de la revue, c’est qu’elle va très bien. C’est une revue très bien classée actuellement. Elle publie des choses importantes, des articles qu’on utilise. À mon avis, c’est une revue qui a bien évolué, qui a su accompagner les changements dans le temps, même si j’ai encore un doute par rapport à la valorisation de son caractère international initial. C’est une interrogation que j’ai car actuellement, je n’accompagne pas beaucoup les publications de la revue. Peut-être qu’il faut faire un peu attention à cette dimension-là.
SG : Les experts de la revue sont pour un grand nombre des universitaires qui œuvrent à l’international, comme vous au Brésil. Quel regard brésilien portez-vous sur les publications qui sont proposées au sein de la revue Penser l’éducation ?
IB : Je ne suis pas sûre de pouvoir beaucoup parler d’un regard brésilien sur les publications qui sont proposées au sein de la revue. Ceci parce que, comme je l’ai dit antérieurement, je n’accompagne pas beaucoup d’articles ni de publications présentes dans la revue. Cependant, les articles que je suis amenée à expertiser, ceux que j’approuve, sont très bons. Je pense que c’est une revue qui est solide dans son domaine. Elle est très sérieuse et, à mon avis, ce caractère international fait vraiment une différence positive par rapport à d’autres revues semblables, qui sont centrées sur leur pays, avec des experts de leur propre pays, des articles de leur propre pays. Penser l’éducation a été pensée dès le début différemment des autres revues que je connais, qui sont plutôt nationales. Même si on a des revues qui ont des experts internationaux dans leur comité éditorial, je ne pense pas qu’ils soient aussi variés que dans Penser l’éducation.
SG : Dans Penser l’éducation, il est question de philosophie de l’éducation, d’histoire des idées pédagogiques. Comment ces deux champs se portent-ils selon vous au milieu des autres champs disciplinaires des sciences de l’éducation et de la formation ?
IB : Au Brésil, on ne trouve pas beaucoup de revues qui relient ces deux thèmes comme dans Penser l’éducation. En fait, au Brésil, déjà, on ne parle pas beaucoup d’histoire des idées pédagogiques. Cette histoire est ancrée dans le domaine de l’histoire de l’éducation, plus ample. Je pense que ça a beaucoup à voir avec la trajectoire de Jean Houssaye lui-même, ses travaux sur les pédagogues, leurs pensées mais aussi ses travaux plus philosophiques, qui cherchent dans l’histoire des idées pédagogiques, des changements, des innovations. Peut-être qu’en France, les choses sont mieux marquées dans ce domaine que chez nous au Brésil.
Par rapport à l’histoire des idées pédagogiques, je trouve ce domaine très intéressant parce qu’il ne valorise pas seulement la grande histoire de l’éducation mais aussi le fait que différents penseurs, différents pédagogues ont conçu leur proposition pédagogique avec conviction et détermination, en cherchant tout ce qui pouvait être fait pour l’éducation des enfants, des jeunes, des adultes. Je trouve cela très intéressant et très spécifique. Cela nous permet de comprendre l’évolution de l’histoire de l’éducation à partir de l’étude des pédagogues et pas seulement à partir des philosophes. Chez nous, au Brésil, c’est très rare de voir la philosophie collée à l’histoire de l’éducation. La philosophie de l’éducation y est un peu trop ancrée, je dirais, sur les grandes idées philosophiques. Ce que je regrette personnellement, parce que les philosophes de l’éducation brésiliens ne se sentent pas concernés par Paulo Freire par exemple.
Toujours à propos de l’évolution de la revue, il me semble que l’histoire des idées permet aussi d’accueillir des travaux qui vont au-delà des expériences des pédagogues. Finalement, à mon avis, à chaque fois qu’on produit des changements, des nouveautés, des compréhensions nouvelles, des conceptions curriculaires de formation ou d’autres domaines spécifiques, qui ont eux aussi leur propre histoire, ce sont des contributions effectives pour l’histoire des idées pédagogiques. Ils sont donc aussi dans le domaine de la revue.
SG : Existe-t-il au Brésil des revues qui, comme Penser l’éducation, se consacrent exclusivement à ces deux champs de recherche en éducation ?
IB : Chez nous je n’en connais pas, aucune. Je connais des revues qui acceptent ces deux champs-là et d’autres qui sont des revues spécifiques de philosophie de l’éducation, ou d’histoire de l’éducation, de sociologie de l’éducation, de formation des enseignants, etc. Mais chacune se propose de travailler sur un de ces sujets, jamais sur deux en même temps. Concernant Penser l’éducation, elle est très liée à la trajectoire du CIVIIC, et maintenant du CIRNEF, qui garde cette idée initiale de Jean Houssaye, de travailler toujours sur ces deux domaines, dans la complémentarité.
Pour terminer cet entretien, je tenais à vous remercier pour vos questions, pour l’importance que vous accordez à ma connaissance de la revue. Je suis là depuis le début, même avant le début. Je suis très contente que la revue arrive à ses 25 ans et je compte bien rester avec vous et chez vous avec mes petites contributions possibles, d’ici les prochaines 25 années… Merci beaucoup.
Notes
1 Inès Barbosa de Oliveira est professeur à l’université Estácio de Sá (Brésil), membre du comité scientifique et de lecture de la revue Penser l’éducation.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Stéphanie Gasse, « Entretien avec Inès Barbosa de Oliveira », Penser l’éducation, 50 | 2022, 111-114.
Référence électronique
Stéphanie Gasse, « Entretien avec Inès Barbosa de Oliveira », Penser l’éducation [En ligne], 50 | 2022, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 08 juillet 2025. URL : http://journals.openedition.org/pensereduc/736 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pensereduc.736
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