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Essais

Imaginer la maison méditerranéenne en France à la période contemporaine

Imagining the Mediterranean House in Modern-Day France
Wie stellt man sich das Haus des französischen Mittelmeerraums in der Gegenwart vor?
Immaginare la casa mediterranea in Francia in epoca contemporanea
Imaginar la casa mediterránea en Francia en el periodo contemporáneo
Jean-Philippe Garric
p. 185-204

Résumés

La maison méditerranéenne, souvent étudiée dans l’Italie et dans l’Espagne des années 1920 aux années 1950, est ici abordée sur la longue durée de la période contemporaine, avec un point de vue centré sur la France. Ce déplacement restitue la contribution – et les contradictions – de la culture Beaux-Arts et enracine la question au seuil de la période contemporaine en reliant, au-delà de l’opposition entre identités nationales et internationalisme moderniste, deux moments cosmopolites : celui des Lumières et celui d’un Raoul Hausmann ou d’un Bernard Rudofsky. L’examen à nouveaux frais de ce topos partagé et disputé, dans une controverse à la fois artistique et géopolitique, entre identités, hybridités et appropriations, rappelle la portée heuristique de l’étude de l’architecture domestique et son potentiel critique pour la discipline architecturale. Il indique aussi des pistes pour penser l’acte d’édifier dans un rapport plus durable et moins dominateur au monde.

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Texte intégral

  • 1 Hausmann, Schmid, 1935, p. 33-35.
  • 2 Voir Pizza, 2020a.
  • 3 « Habiter une histoire hybride : maisons des origines en Méditerranée », journées d’études organisé (...)

1Le thème de la maison méditerranéenne se présente d’abord comme une question de définition. Il oppose en effet une idée globale à la variété infinie d’espaces bâtis et de représentations culturelles qu’elle recouvre. De l’affirmation enthousiaste de Raoul Hausmann (1886-1971) qui déclare à Ibiza, en 1935, « ici la maison méditerranéenne existe encore1 », à la récente exposition madrilène « Imaginando la casa mediterránea2 », dont le titre évoque une projection, une image, et non une réalité historique, et comme l’ont montré en détail les récentes journées d’études « Habiter une histoire hybride : maisons des origines en Méditerranée3 », la maison méditerranéenne ne recouvre pas seulement une catégorie plus protéiforme que celle du temple grec, de la villa palladienne ou de l’immeuble haussmannien. Elle constitue surtout une catégorie disputée, conflictuelle : à la fois classique et anticlassique, somptueuse et modeste, traditionnelle et neuve, proche de la nature et urbaine, hédoniste et régie par des règles austères. D’où l’hypothèse que la maison méditerranéenne existe, non pas comme un type, ni même comme un groupe d’édifices qui pourrait la résumer – à défaut de définition normative – mais comme un ensemble de projections du désir d’habiter une histoire hybride, enracinée dans un territoire historique, parcouru de récits, de mythes et de drames.

  • 4 Selon la formule de Gottfried Semper analysée par Estelle Thibault lors des journées d’études « Hab (...)

2Proposées par des architectes français, entre la fin du xviiie et la seconde moitié du xxe siècle, sous la forme de textes ou de dessins, voire de réalisations expérimentales, les contributions choisies pour constituer le corpus de cet article poursuivent, en la reformulant et en la renommant, l’ambition architecturale de vivre la Méditerranée à la période contemporaine. Mais que l’on parle de petite maison d’Italie, de villa romaine, grecque ou pompéienne, de maison de Capri, d’Ibiza ou du M’Zab, ou simplement de maison du Sud4, qu’il s’agisse de pavillons dans le paysage ou de maisons à cour, quels espaces, quels dispositifs, quels matériaux, quelles esthétiques, au service de quelles intentions et de quelles pratiques ? Quelles positions aussi pour ces projets, entre l’actualité de leurs formulations et la référence explicite ou non à l’antique ?

  • 5 Pour une définition globale de l’architecture Beaux-Arts, nous nous permettons de renvoyer à notre (...)

3Car la géographie de la maison méditerranéenne recouvre celle du modèle gréco-romain, qui forme l’assise de la culture architecturale classique, à la période moderne, puis de la culture Beaux-Arts5, à la période contemporaine, et le thème émerge d’abord comme une extension au programme de la maison, lorsque les architectes commencent à s’ouvrir à cette question durant leur Grand Tour, en marge de l’attention qu’ils accordent en priorité aux ruines.

4Mais les valeurs spécifiques qui s’y rattachent la dégagent d’emblée de ce seul rapport d’inféodation au monumental. À travers les périodes et les auteurs reviennent en effet de façon insistante un caractère élémentaire, premier – sur le plan pratique comme sur le plan esthétique – et une double réalité anthropologique, liée à l’expérience du construire et à celle de l’habiter. Outre sa dimension culturelle, la maison méditerranéenne se distingue ainsi par sa matérialité et ses modes constructifs, par les pratiques intimes et sociales spatialisées qu’elle abrite, par le lien qu’elle entretient avec la nature, le paysage, les éléments. Ses dimensions à l’échelle du corps humain – à l’inverse de la réification monumentale – permettent à ses concepteurs d’y projeter leurs expériences individuelles, leurs attentes, leurs désirs.

5Enfin, dans une géographie fracturée par des conflits géopolitiques, la maison méditerranéenne, envisagée comme l’expression authentique et directe des peuples, cristallise au xxe siècle les confrontations idéologiques, à la croisée des luttes politiques et artistiques, qui relient ainsi le caractère intime de l’acte d’habiter à des enjeux de civilisation.

  • 6 Sartoris, 1948.
  • 7 Voir notamment Lejeune, Sabatino, (2010) 2016.
  • 8 Bergdoll, 2016.
  • 9 Sujet de la première sous-partie de Hitchcock, (1958) 1977, p. 23-46.
  • 10 Allemand-Cosneau, Couapel et al., 1990 ; Pérouse de Montclos, 1976 et 1994.
  • 11 Parmi les contributions récentes, outre l’exposition déjà citée dirigée par Antoni Pizza, voir auss (...)

6Sous des dénominations qui varient, la maison méditerranéenne et de façon plus globale l’architecture méditerranéenne – l’« ordre » du « climat méditerranéen » selon le point de vue puissamment idéologique d’Alberto Sartoris6 (1901-1998) – ont suscité une abondante littérature, centrée sur l’Italie et sur l’Espagne, avec une attention particulière aux contributions germaniques et surtout autrichiennes7. Parmi ces publications, qui relèvent de la théorie de l’architecture ou, sinon, d’une histoire de l’architecture à visées opératoires écrite par des architectes dans une perspective de projet, seul Barry Bergdoll8, dans un essai synthétique, s’est attaché à définir l’architecture méditerranéenne comme un objet d’histoire culturelle, et à décrire son émergence au seuil de la période contemporaine et son évolution tout au long des xixe et xxe siècles. Dans le tour d’horizon qu’il propose, une seule référence, très circonscrite, relève stricto sensu du domaine de l’histoire de l’architecture : l’identification par Henry Russell Hitchcock d’une veine allemande d’édifices pittoresques : irréguliers et asymétriques, marqués par l’héritage de Karl Friedrich Schinkel (1781-1841), que l’historien de l’architecture américain inscrit dans la catégorie du « classicisme romantique9 ». En France, la question a aussi été abordée par l’historien de l’architecture Jean-Marie Pérouse de Montclos10, à propos du cas spécifique – voisin du précédent – de l’italianisme des constructions rustiques et de l’architecture civile de l’extrême fin du xviiie et du premier xixe siècle. Mais la très grande majorité des contributions émanent d’architectes ou d’architectes-historiens et portent sur des moments de l’architecture du xxe siècle où les thèmes de la Méditerranée et de la maison méditerranéenne reviennent au premier plan11. La France, en dépit de contributions consistantes et précoces, reste jusqu’à présent en retrait dans ce panorama, raison pour laquelle nous lui consacrons ici l’essentiel de notre attention, non sans convoquer d’autres exemples européens pour contextualiser notre propos.

La maison méditerranéenne comme anti-Parthénon

  • 12 Voir Bargues, 2015.
  • 13 Notamment depuis leur exposition en 1990 : voir Marchan-Fiz, Marí et al., 1990.

7Dans sa radicalité, la contribution d’Hausmann permet de poser en quelques phrases une série d’hypothèses. En 1933, après avoir fui l’Allemagne nazie pour se réfugier quelques années à Ibiza, avant que l’Espagne ne bascule à son tour dans la dictature, l’ancien Dada devenu apatride se livre à une étude des habitations traditionnelles de l’île12. Réalisant à cette occasion une série de photographies désormais bien connues13 (fig. 1), il publie aussi plusieurs articles dans des revues d’ethnologie ou d’architecture. En 1935, dans L’Architecture d’aujourd’hui, tout en décrivant l’organisation du plan de la maison d’Ibiza, il trace des perspectives très politiques :

Ces conditions primitives ainsi qu’une formation patriarcale de la famille se reflètent dans une architecture dont l’attrait sur nous est d’autant plus fort que la pureté de ses lignes et cubes se rencontre avec notre amour du vrai et du simple.

Ce qui nous rend la finca ibizenca précieuse, c’est qu’elle remonte dans sa conception jusqu’à l’Antiquité et qu’en même temps, elle est une chose vivante. La plupart des photographies montrent des maisons récemment construites. Elles sont rigoureusement pareilles aux maisons les plus vieilles dont une aurait approximativement 8 à 10 siècles d’existence.

Ici la maison méditerranéenne est encore une réalité. Je ne parlerai pas de l’analogie de la maison ibizenque et de l’architecture moderne de nos jours. Celle-ci n’est que superficielle […].

La construction est posée directement sur le sol, sans soubassement. L’on ne prend même pas la peine de niveler le terrain. Le sol est aplani et battu, quelquefois cimenté, pièce par pièce, d’où il en résulte une inégalité de niveau. […]

  • 14 Hausmann, Schmid, 1935, p. 33-34.

Carthage avait dominé l’île et y avait des pêcheries et une vaste industrie du verre. Ensuite Rome, les barbares, les Italiens du Nord et en dernier lieu, les Arabes qui, entre autres, introduisirent les grandioses cultures en terrasses14.

1. Raoul Hausmann, Maison paysanne [Ca’n Rafal] île d’Ibiza, 1934, Rochechouart, musée d’Art contemporain de la Haute-Vienne.

1. Raoul Hausmann, Maison paysanne [Ca’n Rafal] île d’Ibiza, 1934, Rochechouart, musée d’Art contemporain de la Haute-Vienne.

© Adagp, Paris, 2021 / Raoul Hausmann / Photo © musée d’art contemporain de la Haute-Vienne

8Adoptant une lecture typologique, qui ramène l’ensemble des maisons à un principe commun d’organisation, il insiste sur le lien organique entre la façon d’habiter et la forme architecturale, mais aussi – dans cet extrait – entre les « conditions primitives » et la pureté des lignes, soutenant ainsi l’hypothèse d’une architecture où esthétique et éthique coïncident. Il se montre plus ambigu sur l’appréciation de cette esthétique qui « se rencontre avec notre amour du vrai et du simple », dont il note que l’analogie avec « l’architecture moderne de nos jours […] n’est que superficielle ». Puis il insiste sur la permanence d’une tradition antique vivante et sur l’écologie d’une bâtisse affectant juste en superficie un sol qu’on « ne prend même pas la peine de niveler ». Enfin, il revendique la culture de l’île comme un idéal hybride et le fruit d’un brassage, une architecture métèque ou la patrie rêvée des apatrides : revendication forte alors que l’on parade costumé en Grec à Munich, au nom d’un régime qui pratique l’épuration ethnique.

  • 15 Poursuivant une orientation déjà présente dans la porte de Brandebourg à Berlin (Carl Gottard Langh (...)
  • 16 Voir Platzer, De Wit, 2007.
  • 17 Voir Rudofsky, 1931.
  • 18 Rudofsky, 1964.
  • 19 Voir Loren-Méndez, 2020.
  • 20 Pour reprendre le terme revendiqué par le « Manifeste pour la frugalité heureuse et créative » lanc (...)

9Ces demeures pauvres érigées par Hausmann en un contre-modèle – en anti-Parthénon – défient une réalité politique et culturelle contemporaine enracinée dans une tradition germanique néogrecque, qui remonte au début de la période contemporaine15. Loin d’être isolée, sa démarche trouve un écho au même moment dans le parcours d’un autre émigré de la Mitteleuropa, le Viennois Bernard Rudofsky (1905-1988), connu pour sa contribution déterminante à la culture architecturale du second xxe siècle16. Après l’obtention d’un doctorat consacré aux voûtes primitives en béton du Sud des Cyclades17 en 1931, ce dernier se fixe pour quelques années en Italie, où il commence une production architecturale atypique en association avec Luigi Cosenza (1905-1984). Dédiant alors plusieurs articles aux maisons de pêcheurs de l’île de Procida, il développe un intérêt pour ce qui apparaît comme des alter-architectures, et qui aboutit, quelque trente ans plus tard, à l’exposition à succès du Museum of Modern Art « Architecture Without Architects18 », mais également, de façon plus privée mais non moins militante, à la construction de sa propre maison à Frigiliana (Málaga)19 – qui épouse, elle aussi, les niveaux du sol existant – installant ainsi la maison méditerranéenne primitive au cœur de problématiques architecturales très actuelles, comme l’écologie, la frugalité20 ou la matérialité.

Du modèle antique à l’invention des petites maisons d’Italie

  • 21 Voir Guillemin, 1928.
  • 22 Voir Pinon, 1982 ; Gros, 2016.
  • 23 Winckelmann, 1764, p. 26 et 29.

10Comprendre l’organisation de la maison antique et comment y vivaient les Anciens suscite l’enthousiasme et les recherches des architectes et des auteurs depuis la Renaissance. Mais, en l’absence de ruines d’édifices résidentiels connues assez complètes, les sources se limitent longtemps à un corpus livresque de quelques textes, au premier rang desquels les descriptions des villas de Pline le Jeune21, les œuvres d’Horace et surtout le sixième livre du De Architectura de Vitruve, dont l’interprétation, liée à la conception des vestibules et des cours de palais, suscite un abondant travail érudit et graphique22. La redécouverte des cités ensevelies du Vésuve (celle d’Herculanum à partir de 1738 et celle de Pompéi, plus ancienne, mais dont les fouilles s’intensifient à cette même date) marque un tournant. Les visites et la manipulation des objets, qui peuvent alors avoir lieu, apportent une dimension concrète et sensible qui facilite l’appréhension, ou du moins l’imagination, d’une réalité antique encore vivante, pour parler comme Hausmann. Déjà, lorsqu’il décrit les premiers résultats des fouilles d’Herculanum et des sites voisins, Winckelmann cite, à Herculanum, « une Villa ou Maison de campagne, avec un jardin qui en dépendait, et cette maison s’étendait jusqu’à la mer » et, à Stabia, une autre « qui ressemblait assez à celle d’Herculanum23 ». Il passe aussi en revue toute une série de meubles, d’ustensiles et d’objets du quotidien, évoquant des pratiques de l’espace et des façons d’habiter.

11Aujourd’hui conservée au musée du Louvre, une composition de Charles Percier (1764-1838) de 1797 propose une première hypothèse de maison méditerranéenne, qui convoque abondamment l’antique à l’état de spolia (fig. 2). Les éléments sculptés s’y intègrent à l’architecture selon une logique qui tient à la fois du contre-emploi médiéval et de la mise en scène muséale, dans un édifice irrégulier, sédimentaire, doté d’une terrasse, d’une pergola, d’un comble ouvert à l’arrière-plan et d’un portique par lequel on devine une voile et la mer. L’ensemble n’est pas sans évoquer le « musée » aménagé quelques années plus tard par John Soane (1753-1837) dans sa maison londonienne.

2. Charles Percier, Villa à l’italienne au bord de la mer (détail), 1797, Paris, musée du Louvre.

2. Charles Percier, Villa à l’italienne au bord de la mer (détail), 1797, Paris, musée du Louvre.

© RMN-Grand Palais / Michèle Bellot

12Si le dessin déploie une collection d’ornements, il engage aussi à se projeter dans un cadre bâti agrémenté de végétation, à la fois léger dans son désordre et chargé d’histoire. La composition architecturale, picturale et décorative, habitée avec sensualité – l’aménité du climat, la promesse d’un repas en plein air et en compagnie, le bruissement d’une fontaine et la mélodie d’un joueur de luth adressée à une femme qui l’observe –, magnifie le souvenir de la jouissance des heures passées aux visites sur le terrain. En plein soleil, à l’ombre légère de la pergola ou bien dans la pénombre fraîche de voûtes que l’on suppose antiques, cette architecture de l’accumulation décline toute une série d’espaces désirables.

  • 24 Horace, 1799.
  • 25 Comme nous l’avons montré. Voir Garric, 2016 ; Moon, 2017 : le dessin préparatoire de cette gravure (...)

13Du même auteur, les illustrations des œuvres d’Horace publiées par Pierre Didot l’aîné en 179924 et qui constituent sa première contribution imprimée à la reformulation du modèle antique dans le domaine du mobilier25, manifestent autrement sa sensibilité à un art de vivre et à un hédonisme antique (fig. 3). En-tête du premier livre des lettres, l’image de l’écrivain lui-même vêtu d’une toge légère qui lui découvre le torse et les épaules tandis qu’il médite, un calame dans la main droite, une tablette posée sous la main gauche, devant un paysage peuplé de temples et de fabriques, multiplie les détails évocateurs d’un lien étroit entre nature, art, culture et érotisme. Le cadre architectural y contribue aussi, qui est conçu pour créer une relation visuelle avec le lointain, mais aussi pour jouir du soleil, de l’ombre, de la fraîcheur de la fontaine jaillissante, sans oublier les plantes d’agrément ni la corbeille chargée de fruits à portée de main. Bien qu’elle ne livre de la maison qu’un aperçu très limité, la vue insiste sur l’inscription topographique, sur la présence du végétal, sur les usages et les plaisirs.

3. Abraham Girardet d’après Charles Percier, Horace admirant le paysage depuis sa loggia, bandeau décoratif pour les œuvres d’Horace, publiées par Pierre Didot l’aîné en 1799.

3. Abraham Girardet d’après Charles Percier, Horace admirant le paysage depuis sa loggia, bandeau décoratif pour les œuvres d’Horace, publiées par Pierre Didot l’aîné en 1799.

© Gallica / Bibliothèque nationale de France

  • 26 À propos du succès des « petites maisons » de la fin de l’Ancien Régime, qui deviennent progressive (...)

14Au tournant de 1800, la maison méditerranéenne n’est encore que la maison romaine antique ou désormais la maison d’Italie, puisque la péninsule reste la principale destination des jeunes artistes européens. Elle constitue donc en premier lieu une extension du modèle classique au domaine de l’habitat ordinaire, d’autant que sur place les architectes étudient d’abord l’Antique, puis les chefs-d’œuvre de la Renaissance et, accessoirement, les constructions rurales ou les simples maisons. Mais le thème fait aussi écho à une démocratisation de l’architecture : l’extension de son champ à des programmes modestes jadis abandonnés aux entrepreneurs26. L’idée s’impose, en phase avec les mutations de la commande parisienne, d’élargir l’étude du modèle classique, au-delà des grands monuments, à des édifices résidentiels parfois très petits, selon une évolution de la sensibilité qui coïncide avec une mutation sociologique. Percier et Pierre Fontaine (1762-1853) formulent ce lien avec l’actualité, en 1798, dans le « Discours préliminaire » de leur recueil des édifices de Rome :

Cependant il existe dans toute l’Italie, et sur-tout dans Rome, un grand nombre d’habitations, qui, sous les formes les plus simples, portent l’empreinte du génie, et font voir à l’artiste attentif qu’on peut encore acquérir de la gloire en soignant les plus petites productions. Cette observation doit consoler ceux qui professent un art dans lequel un concours bien rare de chances heureuses peut seul amener les occasions de faire de grands ouvrages. […]

  • 27 Percier, Fontaine, 1798, p. 3-4 et 6.

On verra que plusieurs plans, dont l’exécution coûterait moins que les plus petites maisons de Paris, sont soignés dans leur composition avec autant d’intérêt que les plus grands palais. On observera que ces édifices doivent leur éclat plutôt à l’arrangement de leur plan et à l’aspect de leur masse qu’à une vaine production d’ornemens27.

  • 28 Bien que les ambitions de Percier et Fontaine, bientôt au service de Napoléon, se tournent vite ver (...)
  • 29 Limité, dans leur premier recueil, à quelques exemples plutôt urbains, on ne le retrouve pas dans l (...)
  • 30 Tandis que les grandes compositions magnifiquement dessinées de Boullée ont été déposées à la Bibli (...)
  • 31 Bourgeois, 1804. Boullée et son principal collaborateur Jean Nicolas Louis Durand n’ayant pas visit (...)
  • 32 À propos des représentations contemporaines de ce pavillon, voir Garric, 2004, p. 173-174. Aujourd’ (...)

15Le goût pour la pureté des lignes, ou du moins pour la simplicité – présent chez Hausmann – apparaît déjà dans ce passage, qui ne revendique pas seulement une réponse à une évolution de la commande, mais proclame aussi la valeur des édifices de taille modeste, des petites architectures. Conforme à la doxa de l’architecture du xxe siècle, se dessine alors le principe qu’il n’y a pas de petit projet28. Plus présent dans les dessins rapportés d’Italie par Percier et Fontaine que dans leurs publications29, l’intérêt pour des édifices remarquables par leurs petites dimensions se retrouve à la même époque dans l’entourage d’Étienne-Louis Boullée (1728-1799), autour de son projet perdu de Recueil d’architecture privée30. Le Recueil de vues et fabriques pittoresques d’Italie dessinées d’après nature de Constant Bourgeois31s’y rattache. Conçu comme un outil pour les peintres et les dessinateurs désireux d’intégrer des fabriques à l’italienne à leurs paysages, il se préoccupe moins de la nature des programmes que de l’attrait des jeux de volumes. Mais on y remarque plusieurs habitations, dont un pavillon qui borde la via Flaminia, hors la porte du Peuple, que l’on devine à l’arrière-plan. Explicitement – et abusivement – présenté en légende comme une « petite maison », ce bâtiment a ensuite été maintes fois interprété dans des publications d’architecture (fig. 4)32.

4. Claude François Fortier d‘après Constant Bourgeois, Vue d’une petite maison dans le faubourg du Peuple à Rome, publié dans Bourgeois, 1804,pl. 8 bas.

4. Claude François Fortier d‘après Constant Bourgeois, Vue d’une petite maison dans le faubourg du Peuple à Rome, publié dans Bourgeois, 1804,pl. 8 bas.

© Derennes, bibliothécaire de Quimper

  • 33 Garnier, 1917.
  • 34 Il manque une étude sur cet artiste fécond, l’un des principaux architectes-artistes et dessinateur (...)
  • 35 Publié à titre posthume par son ami Pierre Fontaine, le cours de perspective de Thibault s’appuie s (...)

16Les édifices de cette vue architecturale très construite s’inscrivent dans la géométrie orthogonale du plan du tableau. L’auteur y oppose la masse sombre d’une bâtisse rustique au premier plan, où dominent les diagonales du toit et des contreforts, au mur lisse, nu et ensoleillé de la « maison ». Il insiste aussi sur la dimension domestique, avec le potager au premier plan, dont une rangée d’artichauts se lit clairement en bas à droite, et une femme vêtue à l’antique en son centre, qui incarne l’idée d’une Antiquité vivante, selon un procédé repris plus tard par Tony Garnier dans les perspectives d’Une cité industrielle33. Ce type d’approche répond aux travaux contemporains de l’architecte-dessinateur Jean-Thomas Thibault (1757-1826)34, collaborateur de Boullée, producteur de vues d’Italie et professeur de perspective de l’École des beaux-arts à partir de 1819, qui tient à ce titre un rôle important dans la transmission de cet imaginaire italophile en France et au-delà35.

17Rappelons aussi, à titre de comparaison, que cette même année 1804, dans le contexte culturel différent mais étroitement lié au précédent de la Prusse, une variété de points de vue identique sur la maison méditerranéenne s’exprime à travers les dessins et les textes rapportés par le jeune Schinkel de son premier voyage en Italie et en Sicile. Sa description des habitations paysannes d’Anacapri, notamment, affirme des valeurs de simplicité élémentaire dans les formes et les matières, et l’importance du rapport du bâti à la végétation :

On gravit plusieurs centaines de marches taillées dans la roche jusqu’à cette terre qui, cultivée de la plus belle des manières, s’habille, sous la verdure des orangers et des vignes, des habitations de paysans les plus charmantes et parfaitement tenues.

  • 36 « Man steigt viele hundert in den Felsen gehauene Stufen zu diesen Lande hinan, welches, auf das li (...)

On découvre au sommet une belle plaine fertile, dans laquelle les plus jolies petites maisons, magnifiquement façonnées et les plus propres, surpassent tout ce que j’ai jamais vu dans des terres rurales. Ces logements se composent uniquement d’une cuisine et de quelques chambres à coucher. Le reste de l’espace est couvert de pergolas et de tonnelles emplies de vignes qui ont grandi sur des piliers. Cela tient au fait que les maisons sont blanchies chaque année36.

  • 37 Schinkel, 1994, p. 131.

18L’un des principaux dessins réalisés à cette occasion adopte une composition proche de celle de la gravure de Bourgeois : un édifice au premier plan à gauche baigné d’ombre et associé à un arbre, un arrière-plan montueux où se dresse une fortification et, au centre, une petite maison verticale et ensoleillée. Toutefois l’absence de toit, sur ces habitations couvertes en terrasse, qui se réduisent à des volumes blancs, ainsi que la préférence accordée dans ce cas à une bâtisse disposant d’un escalier extraordinaire, le distinguent plus radicalement de ses équivalents français contemporains. Avec cet édifice, il anticipe encore davantage sur les valeurs architecturales de dénuement, d’abstraction géométrique ou de blancheur de certaines des avant-gardes du siècle suivant37 (fig. 5).

5. Karl Friedrich Schinkel, Maison de paysan [Bauernhaus] à Anacapri, 1804, plume et lavis sépia, Berlin, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz.

5. Karl Friedrich Schinkel, Maison de paysan [Bauernhaus] à Anacapri, 1804, plume et lavis sépia, Berlin, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz.

© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Jörg P. Anders

  • 38 Schinkel, 1994, p. 145.
  • 39 Ensemble de bâtiments emblématiques du goût à l’italienne de Schinkel et de son école, réalisé de 1 (...)

19Mais le même architecte recueille quelques jours après, cette fois en Sicile, les éléments d’une autre demeure, plus somptueuse : une élégante maison de campagne, dont le jardin s’étage sur le flanc d’un relief, avec un ensemble de portiques, de rampes, de pergolas, de pavillons ouverts reliés par des ponts et des escaliers38 (fig. 6). Une telle « implantation à l’anglaise sur le versant d’un relief pour une villa » selon une note du 30 mai 1804, représente cette fois non plus un objet d’observation étonnant et exotique, mais la matière d’un projet contemporain, qui annonce de futures réalisations, notamment la maison du jardinier de Charlottenhof, dans le parc du palais de Sanssouci à Potsdam39. Ici la maison méditerranéenne n’est plus modeste et primitive, conformément aux besoins frugaux des paysans. Elle réintègre des enseignements et des références classiques, selon une approche gouvernée par l’archéologie, qui domine au xixe siècle.

6. Karl Friedrich Schinkel, Maison de campagne près de Syracuse, 1804, plume et lavis sepia, Berlin, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz.

6. Karl Friedrich Schinkel, Maison de campagne près de Syracuse, 1804, plume et lavis sepia, Berlin, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz.

© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Kupferstichkabinett, SMB

De l’archéologie aux raffinements de la vie à l’antique

  • 40 Même si cette dernière ne disparaît pas totalement, comme l’illustre Boussard, 1881. Sur cet archit (...)

20L’attention qui se manifeste autour de 1800 pour les architectures méditerranéennes les plus modestes et les plus éloignées de l’idéal monumental académique ne connaît guère de développements directs. Dans la France et dans l’Europe du xixe siècle, en écho des succès et du rayonnement de l’École des beaux-arts de Paris et de l’implication des élites qu’elle produit dans les enquêtes archéologiques, notamment à Pompéi, l’attrait pour le luxe et le riche décor des demeures antiques l’emporte le plus souvent sur la fascination pour les petites maisons40, donnant lieu cependant à une série de propositions et de réalisations qu’il convient d’évoquer brièvement.

  • 41 Parmi les nombreux architectes français qui se rendent en Italie au xixe siècle, François Mazois (1 (...)

21Cette quête de magnificence s’exprime à travers l’abondante production graphique des études et des fantasmes de papier : une veine qui comprend les restitutions académiques des maisons de Pline, mais surtout, désormais, les relevés et les restitutions les plus détaillées et soignées des ruines de Pompéi, ainsi que les multiples extrapolations, plus ou moins fidèles ou imaginaires, qui leur font écho41.

  • 42 Culot, Pinon, 1982.
  • 43 Traduction par Anne-Marie Guillemin extraite du t. I des Lettres de Pline, publiée aux éditions Les (...)

22S’agissant de l’exercice de la villa Laurentine de Pline, auquel un ouvrage a été consacré42, contentons-nous de souligner combien le texte antique, à l’origine de plusieurs projets de restauration, multiplie les notations sensuelles, relatives au contexte naturel et au climat. Il évoque les jouissances que ces lieux enchanteurs procurent à l’auteur de la lettre, également propriétaire de la demeure. Pline décrit ainsi « une salle à manger assez belle, en saillie sur le rivage, que les vagues, quand le vent d’Afrique soulève la mer, viennent, déjà brisées et expirantes, effleurer légèrement » ; « une petite chambre qui par une de ses fenêtres donne entrée au soleil levant et par l’autre retient le soleil couchant » ; « une petite chambre à coucher, radieuse de l’éclat du soleil, de l’éclat de la mer » ; un pavillon de jardin où, étendu, « on a à ses pieds la mer, derrière soit des villas, à sa tête des bois », etc43. Au-delà du défi que représentait l’exercice de transcrire en dessins le contenu d’un texte descriptif – défi qui impliquait la connaissance la plus complète possible de l’art d’habiter des Romains –, il s’agissait bien d’une ode aux plaisirs tirés du voisinage de la Méditerranée, par le biais d’une multitude d’espaces subtilement calculés et disposés à cet effet. À une époque où l’on est encore peu porté aux bains de mer ou à construire le littoral, les élèves de l’École des beaux-arts ne pouvaient qu’y trouver un fécond horizon de désir et, pour les anciens pensionnaires de la villa Médicis, un aliment de leur nostalgie du séjour italien.

  • 44 Désormais au département des estampes et de la photographie de la BNF : voir Chougnet, Garric, 2020
  • 45 Voir Lance, 1860.
  • 46 Bouchet, Raoul-Rochette, 1828-1842 ; Bouchet, 1852 et 1851. Il publie en outre, toujours avec Raoul (...)

23On pourrait convoquer de nombreuses autres productions graphiques, comme les dessins luxuriants de Théodore Labrouste (1799-1885), que le frère aîné d’Henri réalise pour son plaisir à 80 ans passés44. Mais c’est peut-être Jules Bouchet (1799-1860) qui tient le premier rang parmi les contributeurs les plus enflammés à cette entreprise collective cherchant à ressusciter sur le papier le cadre quotidien et jusqu’aux atmosphères intimes de la vie privée des Anciens45. Auteur avec Raoul Rochette d’un volume sur la maison du Poète tragique de Pompéi, puis d’une monographie sur la villa Laurentine de Pline, mais aussi d’un recueil de vues pittoresques animées à l’antique46, il expose au Salon en 1849 des aquarelles qui conduisent alors un critique à écrire :

  • 47 Lance, 1860, p. 7-8.

La personnalité de l’artiste s’y montrait dégagée de certaines entraves. C’était la réalisation d’autant de beaux rêves […] ces dessins réalisés à l’aquarelle, mais avec une suavité de tons, une sobriété de coloris, quelque chose de si exquisément vaporeux dans l’effet général, que ces ravissantes images, bien qu’idéalisées par le sentiment poétique de l’artiste, semblaient de réelles évocations du passé lointain qui les avait inspirées47.

  • 48 Jensen, 1903.

24L’une de ces aquarelles (fig. 7), aujourd’hui au musée Vivenel à Compiègne, qui mériterait d’être versée au dossier déjà épais des liens entre archéologie et psychanalyse, anticipe à sa façon la résurgence du passé de la fameuse nouvelle de Wilhelm Jensen, Gradiva. Une fantaisie pompéienne48 publiée en 1903.

7. Jules Bouchet, Scène amoureuse d’invention dans un intérieur pompéien, 1849, plume et aquarelle, Compiègne, musée Vivenel.

7. Jules Bouchet, Scène amoureuse d’invention dans un intérieur pompéien, 1849, plume et aquarelle, Compiègne, musée Vivenel.

© Photo Christian Schryve / musée Antoine Vivenel, Compiègne

  • 49 L’édifice était situé au 16-18, avenue Montaigne, de 1860 à 1891 : voir Coligny, Gautier, Houssaye, (...)
  • 50 Goetz, 2019.
  • 51 Gay-Mazuel, 2016.

25Parmi les réalisations les plus remarquables issues de ce mouvement, qui reste à étudier, figurent la maison pompéienne du prince Jérôme Napoléon à Paris49, inspirée de la villa de Diomède à Pompéi, dessinée et construite par Alfred-Nicolas Normand (1822-1909) entre 1856 et 1860, la Maison romaine d’Épinal bâtie par Jean Boussard (1844-1923) entre 1892 et 1894, ou la villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer, conçue et exécutée par Emmanuel Pontremoli (1865-1956) pour Théodore Reinach entre 1902 et 190850. Des trois, seule la dernière jouit d’une situation et d’un environnement conformes aux rêves méditerranéens de leurs promoteurs. Mais ces reconstitutions offrent cependant aux élites du Second Empire ou de la Troisième République des palais qui leur permettent d’habiter un instant, au moins par l’intention, les délices et les raffinements d’un éden antique fantasmé. Peu nombreuses à atteindre un tel luxe et une telle maîtrise du dessin du mobilier et des éléments d’art décoratif51, ces réalisations singulières s’enracinent dans la culture architecturale méditerranéenne partagée des principaux architectes d’alors.

La maison méditerranéenne aux origines des mouvements modernes

  • 52 Hoffmann, 1897.
  • 53 Dessinant ainsi le contexte des premières recherches de Rudofsky, mais aussi du projet de maison mé (...)
  • 54 Voir Sekler, (1982) 1986, p. 17-24 ; Gravagnuolo, 2016.

26L’intérêt pour les maisons méditerranéennes primitives se renouvelle en Europe autour de 1900. À ce titre, il faut mentionner notamment le voyage de fin d’études en Italie de Josef Hoffmann (1870-1956) en 1896, qui débouche l’année suivante sur un court texte et une série de dessins de maisons de Capri dans la revue viennoise Der Architekt52, avant d’autres publications et présentations marquantes pour toute une génération de ses élèves et, de façon plus générale, pour la Sécession viennoise53. À défaut de fondements très sûrs, le rapprochement qu’il établit alors entre ces maisons et les mouvements anglais héritiers de William Morris, favorables à l’artisanat, y sonne comme un manifeste54.

  • 55 Garric, 2017.
  • 56 Garnier, 1917. Voir Savorra, 2009.

27En France, dans la même génération, mais dans un domaine architectural qui reste dominé par le système Beaux-Arts55, l’apport le plus remarquable revient à Tony Garnier (1869-1948), un autre « pionnier du mouvement moderne ». Il ne propose pas, comme Hoffmann, une nouvelle lecture de la maison méditerranéenne issue d’études graphiques sur le terrain ni ne formule, non plus, ses positions sous la forme de textes, mais, de retour de son séjour à la villa Médicis, il retravaille ce thème dans sa production graphique et dans son ouvrage majeur Une cité industrielle56, à propos desquels le théoricien moderniste Sigfried Giedion (1888-1968) a concédé l’idée d’une « synthèse réussie » :

  • 57 Giedion, (1941) 1978, p. 152.

Tony Garnier se sentait proche du classicisme, comme en témoigne le modelage de ses bâtiments. Dans sa Cité industrielle, il se libéra, toutefois, de cette prédilection. Ses maisons, aux terrasses et aux jardins installés sur des toits plats constituent une synthèse réussie entre la construction d’inspiration moderne et la vieille tradition des civilisations méditerranéennes57.

  • 58 Gras, 2021, p. 66.

28Surtout, l’architecte lyonnais teste ses idées à travers la mise en œuvre de cinq maisons entre 1910 et 1934. Les trois premières en particulier, construites pour lui-même, pour son épouse et pour son « amie » sur trois parcelles communicantes, entre 1910 et 1921, forment un ensemble que l’on a pu décrire comme « sobre et dépourvu de tout élément de décor architectural » ou comme une « petite opération de lotissement d’un caractère homogène, en avance sur son temps58 ». Ces réalisations ainsi que ses productions « de papier » présentent une architecture de maçonnerie, dépouillée, jouant sur un rapport de complémentarité avec la végétation et recourant à des éléments ponctuels et indépendants de sculpture ou d’ornement. Mais les premières offrent en plus une dimension exploratoire, qui tient à la fois au caractère atypique des programmes développés et des espaces bâtis, à la fois à la façon dont elles s’articulent avec sa production théorique dessinée ou imprimée. Si elles possèdent les marqueurs esthétiques de la maison méditerranéenne – simplicité des lignes, dépouillement ornemental de la maçonnerie, couvertures en terrasses, jardins construits de pergolas, de portiques qui s’enchaînent au bâti, etc. –, elles constituent aussi la part la plus intime de l’œuvre architectural, celle qui, répondant à l’usage privé, autorise aussi ce qu’un travail pour un commanditaire rend plus difficile : les tâtonnements et l’expérimentation de dispositions atypiques.

29En témoigne la configuration tout à fait singulière de la « maison » de madame Garnier, son épouse (fig. 8). Librement inspirée des Propylées de l’Acropole d’Athènes, elle comprend deux petits volumes clos sur rue, de plan carré : une maison de modestes dimensions à gauche de l’entrée, un atelier en pendant à droite. De mêmes surfaces, les deux volumes diffèrent en hauteur, puisque le logement se développe sur deux niveaux. Ils encadrent une courette qui donne accès à un portique assez monumental, d’où l’on gagne un jardin formel, limité par des murs doublés de pergolas. Dans cette vaste construction s’inscrit donc une maison minuscule, d’environ 30 mètres carrés par étage, avec des murs de cinquante centimètres d’épaisseur et un immense portique couvert formé de piles en béton, plus spectaculaire que propice à un quelconque usage. Les accointances sont encore frappantes, entre la culture Beaux-Arts et la modernité des trois maisons en béton de Tony Garnier, ensemble surnommé « la villa romaine », avec ses patios, ses pergolas, ses portiques et ses jardins, transposés assez loin des rives de la Méditerranée. Mais l’on perçoit surtout un ensemble monumental détourné pour un usage domestique, à l’image des structures antiques colonisées, aux époques de décadence, par des habitations.

8. Tony Garnier, Plan de la maison de madame Garnier, construite à partir de 1913 à côté de sa propre maison, publiée dans Garnier, 1917, pl. 117.

8. Tony Garnier, Plan de la maison de madame Garnier, construite à partir de 1913 à côté de sa propre maison, publiée dans Garnier, 1917, pl. 117.

© Archives de Lyon, 3SAT/2

30L’affirmation de tendances plus abstraites, qui semblent balayer cette fois les résistances du modèle classique, forme, au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’un des épisodes les plus intenses et les mieux connus. La revendication de la Méditerranée se présente alors plutôt comme un problème de référence, voire d’imitation, qui dérange l’idée d’une création moderne dégagée de tout héritage, même si le modèle de la maison méditerranéenne se voit enrôlé au service de causes nationales, ou à l’inverse pour sa supposée universalité atemporelle.

31Ainsi en 1931 dans AC Documentos de actividad contemporánea, la revue du GATEPAC (Grupo de Artistas y Técnicos Españoles para el Progreso de la Arquitectura Contemporánea), José Luis Sert (1902-1983), qui signe à partir des années 1960 avec la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence (1964) des architectures ancrées dans la matérialité de leurs territoires méditerranéens, proclame : « À Ibiza les styles historiques n’existent pas », en rapprochant des vues de maisons traditionnelles de l’île des maisons récemment construites par Jacobus Johannes Pieter Oud (1890-1963), du Weissenhofsiedlung de Stuttgart.

  • 59 Jacobus Johannes Pieter Oud, Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Walter Gropius, Ludwig Hilberseimer, (...)
  • 60 « In vielfältigen horizontalen Terrassierungen drängt sich in unwohnlicher Enge eine Häufung von fl (...)
  • 61 Voir Elsaesser, 2018.

32On sait comment ce dernier ensemble fut taxé de méditerranéen, non par ses auteurs mais par ses détracteurs. Dès le stade du projet, en 1926, cette réalisation d’avant-garde – l’une des plus marquantes en Europe en matière de logement, conçue par Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) avec la participation de douze architectes de premier plan59, parmi lesquels Peter Behrens (1868-1940), Le Corbusier (1887-1965) et Bruno Taut (1880-1938) – fut en effet dénoncée comme anti­allemande par l’architecte art déco Paul Bonatz (1877-1956). Celui-ci pointait les mêmes caractères que revendiquaient alors les représentants du mouvement moderne, en parlant d’un « ensemble de volumes cubiques couverts en terrasse, étagés irrégulièrement, serrés de façon étroite et inconfortable sur le flanc d’une colline, qui rappelle davantage un faubourg de Jérusalem qu’un quartier résidentiel de Stuttgart60 ». La propagande nazie reprit ensuite l’idée d’un « village arabe » et décida sa démolition, sans mettre ce projet à exécution. De ces anathèmes, il est resté une carte postale emblématique61 (fig. 9).

9. Stuttgart. Weissenhofsiedlung, village arabe, carte postale réalisée à partir d’un photomontage utilisant une carte postale publiée vers 1927.

9. Stuttgart. Weissenhofsiedlung, village arabe, carte postale réalisée à partir d’un photomontage utilisant une carte postale publiée vers 1927.
  • 62 Voir Taut, 2014.
  • 63 Voir Mercier, 1922 ; Rozet, 1930 ; D’Armagnac, 1934 ; Gers, 1936.
  • 64 Voir Gerber, 1994.

33Il faut dire que la culture méditerranéenne des Européens avait connu une évolution importante en particulier depuis les années 1860 avec le développement des empires coloniaux, ouvrant d’autres horizons à la quête d’une architecture méditerranéenne des origine, réduite aux besoins élémentaires de l’homme. La vallée du M’Zab suscite ainsi dès les années 1930 un intérêt contemporain de celui d’Hausmann pour Ibiza ou de Bruno Taut pour le Japon62, donnant lieu à de nombreuses publications et même à des pratiques touristiques, grâce notamment au chemin de fer de la compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, qui atteint la ville de Ghardaïa63. Le Corbusier s’y rend en voiture depuis Paris, via l’Espagne et le Maroc en 1931, et y retourne deux ans plus tard en avion, avant d’y envoyer son élève Jean Bossu (1912-1983) en 193864.

34Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cette Méditerranée lointaine, échouée dans les vallées fertiles des oueds apparaissait, aux yeux des nouvelles générations d’étudiants et d’architectes, comme un horizon désirable où l’esthétique et l’éthique fusionnaient. André Ravéreau (1919-2017) élève de l’atelier Perret en faisait partie, qui y consacra l’essentiel de sa vie. En restituant son expérience de la maison mozabite (fig. 10), il notait son émerveillement devant ce qu’il voulait comprendre comme une leçon universelle et une forme de nécessité à la fois sociale, écologique et atemporelle :

  • 65 Ravéreau, 2007, p. 48.

Pour moi, le grand émerveillement du M’Zab, c’est le dimensionnement de la cellule, qui est une chose exacte : elle n’a pas besoin d’être augmentée, elle ne peut pas être augmentée, elle ne peut pas non plus être réduite. Elle correspond au strict nécessaire. Concentrant tous leurs efforts sur les problèmes d’hydraulique et de génie civil, barrage, puits, etc., ils ont construit leurs maisons à la hâte, c’est une maison « de secours » en quelque sorte. Ils n’ont pas été conduits à l’orner. Je pense que cet habitat est le résultat d’une notion d’urgence. Mais tellement bien pensé qu’ils ont pu le vivre dix siècles. Ce que nous voyons n’a pas été inventé au bout de dix siècles, c’est initial. Il n’y a pas de tâtonnements, ou alors imperceptibles65.

10. Manuelle Roche, Terrasse d’une maison au M’Zab, publiée dans Ravéreau, 1981, p. 138.

10. Manuelle Roche, Terrasse d’une maison au M’Zab, publiée dans Ravéreau, 1981, p. 138.

© Adagp, Paris, 2021 / Manuelle Roche

  • 66 Rykwert, 1972.
  • 67 Le Corbusier, 1928, p. 2.

35Le parti initial de cet essai consistait à inscrire le thème de la maison méditerranéenne dans la longue durée, avec un point de vue centré sur la France, quand l’historiographie privilégie l’étude du phénomène en Italie et en Espagne, des années 1920 aux années 1950. Déplacer ainsi l’épicentre géographique de l’étude pour restituer la contribution – et les contradictions – de la culture Beaux-Arts, déterminante en Europe et dans le monde durant le long xixe siècle, impliquait d’étendre le cadre chronologique : enraciner la question au seuil de la période contemporaine, permettait, en dépassant l’opposition entre identités nationales et internationalisme moderniste, de relier deux moments cosmopolites, celui des Lumières et celui d’un Raoul Hausmann ou d’un Bernard Rudofsky. Cette ambition universaliste, d’abord inscrite dans la continuité de l’héritage gréco-romain, puis compatible en apparence avec la prédilection des avant-gardes de l’entre-deux-guerres pour les jeux plastiques de volumes blancs et dépouillés, révèle d’emblée sa dimension individuelle et sensible, liée à l’expérience esthétique d’habiter la nature et le paysage historique et culturel de la Méditerranée. Ses tenants se montrent attentifs à des valeurs étrangères à la culture architecturale académique : la dimension anthropologique, l’approche sensorielle, le rapport du corps à l’espace. Loin de l’abstraction théorique ou spirituelle des cabanes primitives, des « maisons d’Adam au Paradis », étudiées par Joseph Rykwert66, la maison méditerranéenne procède d’une confrontation au réel et de son interprétation qui, pour constituer un décentrement, n’en fait pas toujours une origine primitive de la culture savante, mais ouvre aussi à des approches alternatives. Procédant du bas vers le haut, celles-ci opposent de façon plus ou moins explicite la réalité de l’acte d’habiter à « la production agonisante et sentant la charogne des Académies conservatrices aveugles », selon les mots et le point de vue de Le Corbusier67 ; une inversion de l’échelle des valeurs du palais des princes à la maison des hommes, dont son pamphlet Un palais – Une maison (1928) constitue l’un des manifestes.

36Ce topos à la fois partagé et disputé, abordé de façon limitée dans le cadre de cette contribution, mérite certes une étude plus étendue, restituant l’amplitude plus vaste et la complexité plus grande de ce qui s’apparente à une controverse multiséculaire, à la fois artistique et géopolitique, entre identités, hybridités et appropriations d’un héritage multiple mais commun. Cependant, même centré ainsi sur le terrain français, cet examen à nouveau frais permet de rappeler la portée heuristique de l’étude de l’architecture domestique, très au-delà du seul domaine du logement, et son potentiel critique pour la discipline architecturale dans son ensemble. Il indique aussi des voies qui répondent au souci actuel de penser l’acte d’édifier dans un rapport plus durable, moins prédateur et moins dominateur au monde.

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Ottani Cavina, 2016 : Anna Ottani Cavina, « Jean-Thomas Thibault, paysages d’Italie (1786-1792) », dans Pierre Rosenberg, Louis-Antoine Prat (dir.), De David à Delacroix. Du tableau au dessin, actes de colloque (Paris, Salon du dessin, 2016), Paris, Échelle de Jacob, 2016, p. 63-69.

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Schinkel, 1994 : Karl Friedrich Schinkel, « An Valentin Rose », dans Reisen nacht Italien, t. I. Erste Reise 1803-1805, Berlin / Weimar, Aufbau Verlag, 1994.

Sekler, (1982) 1986 : Eduard F. Sekler, L’œuvre architectural de Josef Hoffmann : monographie et catalogue des œuvres, Marianne Brausch (trad. fr.), Bruxelles, Mardaga, 1986 [éd. orig. : Josef Hoffmann: Das architektonische Werk. Monographie und Werkverzeichnis, Salzbourg / Vienne, Residenz Verlag, 1982]. 

Szambien, 1984 : Werner Szambien, Jean Nicolas Louis Durand 1760-1834. De l’imitation à la norme, Paris, Picard, 1984.

Taut, 2014 : Bruno Taut, La Maison japonaise et ses habitants, Daniel Wieczorek (trad. fr.), Paris, Éditions du Linteau, 2014.

Thibault, 1827 : Jean-Thomas Thibault, Application de la perspective linéaire aux arts du dessin, Paris, Mmes Thibault, J. Renouard, Bance aîné, 1827.

Winckelmann, 1764 : Johann Joachim Winckelmann, Lettre de M. l’abbé Winckelmann, antiquaire de Sa Sainteté, à monsieur le comte de Brühl, chambellan du roi de Pologne, électeur de Saxe. Sur les découvertes d’Herculanum, Dresde / Paris, N. M. Tilliard, 1764.

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Notes

1 Hausmann, Schmid, 1935, p. 33-35.

2 Voir Pizza, 2020a.

3 « Habiter une histoire hybride : maisons des origines en Méditerranée », journées d’études organisées par Jean-Philippe Garric et Éléonore Marantz, les 12 et 13 octobre 2021 à l’Institut national d’histoire de l’art à Paris.

4 Selon la formule de Gottfried Semper analysée par Estelle Thibault lors des journées d’études « Habiter une histoire hybride : maisons des origines en Méditerranée », dans une intervention intitulée « La “maison à cour” du “Sud”, dans le cours d’architecture comparée de Gottfried Semper ».

5 Pour une définition globale de l’architecture Beaux-Arts, nous nous permettons de renvoyer à notre article : « The French Beaux-Arts ». Voir Garric, 2017.

6 Sartoris, 1948.

7 Voir notamment Lejeune, Sabatino, (2010) 2016.

8 Bergdoll, 2016.

9 Sujet de la première sous-partie de Hitchcock, (1958) 1977, p. 23-46.

10 Allemand-Cosneau, Couapel et al., 1990 ; Pérouse de Montclos, 1976 et 1994.

11 Parmi les contributions récentes, outre l’exposition déjà citée dirigée par Antoni Pizza, voir aussi Pizza, 2020b, et la thèse militante et tardive de Jean-François Lejeune (Lejeune, 2019) qui, dix ans après l’ouvrage collectif cité note 7, revient sur la dimension urbaine de la question et ses enjeux contemporains. Rossella Froissart, Jérémie Cerman, Yves Chevrefils Desbiolles et Poppy Sfakianaki (dir.), The Mediterranean of Artists: A Critical Modernity, 1880-1945, numéro thématique de Artlas Bulletin, vol. 10, no 2, 2021, notamment l’article introductif de Rossella Froissart, « L’invention artistique de la Méditerranée », p. 5-19.

12 Voir Bargues, 2015.

13 Notamment depuis leur exposition en 1990 : voir Marchan-Fiz, Marí et al., 1990.

14 Hausmann, Schmid, 1935, p. 33-34.

15 Poursuivant une orientation déjà présente dans la porte de Brandebourg à Berlin (Carl Gottard Langhans, 1788-1791), Schinkel, qui à partir de 1815 dote la capitale prussienne de plusieurs édifices monumentaux, se distingue de la production parisienne ou londonienne des années précédentes par l’insistance de ses références grecques, installant ainsi une tradition nationale, dont la réalisation la plus emblématique reste le Walhalla, le panthéon allemand construit à Donaustauf dans la vallée du Danube à l’imitation d’un temple classique dorique grec (Leo von Klenze, 1830-1842).

16 Voir Platzer, De Wit, 2007.

17 Voir Rudofsky, 1931.

18 Rudofsky, 1964.

19 Voir Loren-Méndez, 2020.

20 Pour reprendre le terme revendiqué par le « Manifeste pour la frugalité heureuse et créative » lancé en 2018 par l’ingénieur Alain Bornarel, l’architecte-urbaniste Philippe Madec et la critique d’architecture Dominique Gauzin-Müller [URL : https://www.frugalite.org/fr/le-manifeste.html].

21 Voir Guillemin, 1928.

22 Voir Pinon, 1982 ; Gros, 2016.

23 Winckelmann, 1764, p. 26 et 29.

24 Horace, 1799.

25 Comme nous l’avons montré. Voir Garric, 2016 ; Moon, 2017 : le dessin préparatoire de cette gravure est conservé au musée d’Angers.

26 À propos du succès des « petites maisons » de la fin de l’Ancien Régime, qui deviennent progressivement un modèle d’habitat principal, voir Ollagnier, 2016 ; Duvette, 2021 et 2022.

27 Percier, Fontaine, 1798, p. 3-4 et 6.

28 Bien que les ambitions de Percier et Fontaine, bientôt au service de Napoléon, se tournent vite vers d’autres horizons, cette démarche, loin d’être isolée, participe d’un mouvement d’ensemble.

29 Limité, dans leur premier recueil, à quelques exemples plutôt urbains, on ne le retrouve pas dans leur second, consacré aux maisons de plaisance : de belles demeures dotées de vastes parcs (Percier, Fontaine, 1809).

30 Tandis que les grandes compositions magnifiquement dessinées de Boullée ont été déposées à la Bibliothèque nationale, un recueil d’architecture privée, signalé par plusieurs sources contemporaines, n’a jamais été retrouvé. On estime qu’il a pu servir de base, après sa mort, à plusieurs publications signées par les anciens collaborateurs de l’architecte visionnaire : en premier lieu Jean Nicolas Louis Durand (1760-1834), mais aussi le Nantais François Léonard Séheult (1768-1840) et l’architecte graveur Charles Normand (1765-1840). À propos du Recueil d’architecture privé de Boullée, voir Pérouse de Montclos, 1994, p. 166 et suiv. ; Szambien, 1984 ; Garric, 2004.

31 Bourgeois, 1804. Boullée et son principal collaborateur Jean Nicolas Louis Durand n’ayant pas visité l’Italie, les dessins de ce peintre qui s’y était rendu trois fois ont pu leur servir de ressource : voir Garric, 2004.

32 À propos des représentations contemporaines de ce pavillon, voir Garric, 2004, p. 173-174. Aujourd’hui disparu, il semble correspondre au casino Del Monte devenu casino ou palazzina Vagnuzzi après son rachat par Luigi Vagnuzzi en 1822 : voir Poniatovski, 1821.

33 Garnier, 1917.

34 Il manque une étude sur cet artiste fécond, l’un des principaux architectes-artistes et dessinateurs d’architecture de son temps, au-delà d’articles relatifs aux dessins acquis par le Louvre : Bonnardin, 1991 ; Ottani Cavina, 2016. Voir aussi Garric, 2004, p. 119-126 et Crosnier Leconte, 2020.

35 Publié à titre posthume par son ami Pierre Fontaine, le cours de perspective de Thibault s’appuie sur des exemples de paysages et de fabriques à l’italienne : voir Thibault, 1827. Une version allemande a paru peu après : Anwendung der Linien-Perspective auf die zeichnenden Kuenste. Nachgelassenes Werk von J. T. Thibault…, Albrecht Reindel (trad. all.), Nuremberg, Johann Leonhard Schrag, 1834.

36 « Man steigt viele hundert in den Felsen gehauene Stufen zu diesen Lande hinan, welches, auf das lieblichste angebaut, unter der Grün von Orangen und Weine mit den niedlichsten und reinlichsten Wohnungen der Landleute prangt. Überrascht steht man oben auf einer schönen fruchtbaren Ebene, in denen die lieblichsten Häuschen, die von schöner Form und Reinlichsten alles übertreffen, was ich von ländlichen Anlagan jemals sah. Diese Wohnungen bestehn nur aus einer Küche und wenigen Zimmer zum Schlafen. Das übrige ist auf Pfeilern überwölbter Raum und Lauben voll Wein, der über Säulenstellungen fortgerankt ist. Man putzt der Wirklichkeit wegen jedes Jahr die Häuschen weiss ab. » (Schinkel, 1994, p. 133.)

37 Schinkel, 1994, p. 131.

38 Schinkel, 1994, p. 145.

39 Ensemble de bâtiments emblématiques du goût à l’italienne de Schinkel et de son école, réalisé de 1829 à 1840 pour Friedrich Wilhelm IV d’après un projet de Schinkel par son élève Ludwig Persius (1803-1845).

40 Même si cette dernière ne disparaît pas totalement, comme l’illustre Boussard, 1881. Sur cet architecte, signalons le doctorat d’Arnaud Shoonheere, « Jean Boussard (1844-1923). Premier architecte des Postes, Téléphones et Télégraphes » en préparation à l’École pratique des hautes études, sous la direction de Jean-Michel Leniaud.

41 Parmi les nombreux architectes français qui se rendent en Italie au xixe siècle, François Mazois (1783-1826), qui consacre sa vie au sujet, occupe la première place. Autorisé dès 1809 à accéder au site alors contrôlé par les Murat, il en tire de très nombreux dessins qui donnent lieu à une publication monumentale en quatre volumes (Mazois, 1813-1838) mais aussi à un ouvrage de vulgarisation à succès (Mazois, 1819).

42 Culot, Pinon, 1982.

43 Traduction par Anne-Marie Guillemin extraite du t. I des Lettres de Pline, publiée aux éditions Les Belles Lettres et citée dans Culot, Pinon, 1982, p. 97-99.

44 Désormais au département des estampes et de la photographie de la BNF : voir Chougnet, Garric, 2020.

45 Voir Lance, 1860.

46 Bouchet, Raoul-Rochette, 1828-1842 ; Bouchet, 1852 et 1851. Il publie en outre, toujours avec Raoul-Rochette une monographie de la villa Pia : voir Bouchet, Raoul-Rochette, 1837.

47 Lance, 1860, p. 7-8.

48 Jensen, 1903.

49 L’édifice était situé au 16-18, avenue Montaigne, de 1860 à 1891 : voir Coligny, Gautier, Houssaye, 1866 ; Baudez, 2013.

50 Goetz, 2019.

51 Gay-Mazuel, 2016.

52 Hoffmann, 1897.

53 Dessinant ainsi le contexte des premières recherches de Rudofsky, mais aussi du projet de maison méditerranéenne au Lido de Venise, dessiné pour Alexander Moissi par Adolf Loos en 1923 : voir Rukschio, Schachel, 1987.

54 Voir Sekler, (1982) 1986, p. 17-24 ; Gravagnuolo, 2016.

55 Garric, 2017.

56 Garnier, 1917. Voir Savorra, 2009.

57 Giedion, (1941) 1978, p. 152.

58 Gras, 2021, p. 66.

59 Jacobus Johannes Pieter Oud, Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Walter Gropius, Ludwig Hilberseimer, Bruno Taut, Hans Poelzig, Max Taut, Josef Frank, Mart Stam, Peter Behrens et Hans Scharoun participèrent à la construction.

60 « In vielfältigen horizontalen Terrassierungen drängt sich in unwohnlicher Enge eine Häufung von flachen Kuben am Abhang hinauf, eher an eine Vorstadt Jerusalems erinnernd als an Wohnungen für Stuttgart. » Bonatz, 1926.

61 Voir Elsaesser, 2018.

62 Voir Taut, 2014.

63 Voir Mercier, 1922 ; Rozet, 1930 ; D’Armagnac, 1934 ; Gers, 1936.

64 Voir Gerber, 1994.

65 Ravéreau, 2007, p. 48.

66 Rykwert, 1972.

67 Le Corbusier, 1928, p. 2.

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Table des illustrations

Titre 1. Raoul Hausmann, Maison paysanne [Ca’n Rafal] île d’Ibiza, 1934, Rochechouart, musée d’Art contemporain de la Haute-Vienne.
Crédits © Adagp, Paris, 2021 / Raoul Hausmann / Photo © musée d’art contemporain de la Haute-Vienne
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Titre 2. Charles Percier, Villa à l’italienne au bord de la mer (détail), 1797, Paris, musée du Louvre.
Crédits © RMN-Grand Palais / Michèle Bellot
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Titre 3. Abraham Girardet d’après Charles Percier, Horace admirant le paysage depuis sa loggia, bandeau décoratif pour les œuvres d’Horace, publiées par Pierre Didot l’aîné en 1799.
Crédits © Gallica / Bibliothèque nationale de France
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Titre 4. Claude François Fortier d‘après Constant Bourgeois, Vue d’une petite maison dans le faubourg du Peuple à Rome, publié dans Bourgeois, 1804,pl. 8 bas.
Crédits © Derennes, bibliothécaire de Quimper
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Titre 5. Karl Friedrich Schinkel, Maison de paysan [Bauernhaus] à Anacapri, 1804, plume et lavis sépia, Berlin, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz.
Crédits © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Jörg P. Anders
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Titre 6. Karl Friedrich Schinkel, Maison de campagne près de Syracuse, 1804, plume et lavis sepia, Berlin, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz.
Crédits © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Kupferstichkabinett, SMB
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Titre 7. Jules Bouchet, Scène amoureuse d’invention dans un intérieur pompéien, 1849, plume et aquarelle, Compiègne, musée Vivenel.
Crédits © Photo Christian Schryve / musée Antoine Vivenel, Compiègne
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Titre 8. Tony Garnier, Plan de la maison de madame Garnier, construite à partir de 1913 à côté de sa propre maison, publiée dans Garnier, 1917, pl. 117.
Crédits © Archives de Lyon, 3SAT/2
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Titre 9. Stuttgart. Weissenhofsiedlung, village arabe, carte postale réalisée à partir d’un photomontage utilisant une carte postale publiée vers 1927.
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Titre 10. Manuelle Roche, Terrasse d’une maison au M’Zab, publiée dans Ravéreau, 1981, p. 138.
Crédits © Adagp, Paris, 2021 / Manuelle Roche
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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Philippe Garric, « Imaginer la maison méditerranéenne en France à la période contemporaine »Perspective, 2 | 2021, 185-204.

Référence électronique

Jean-Philippe Garric, « Imaginer la maison méditerranéenne en France à la période contemporaine »Perspective [En ligne], 2 | 2021, mis en ligne le 30 juin 2022, consulté le 21 septembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/perspective/25690 ; DOI : https://doi.org/10.4000/perspective.25690

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Auteur

Jean-Philippe Garric

Architecte et historien de l’architecture, Jean-Philippe Garric est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne. Il a consacré de nombreux travaux aux représentations graphiques et aux livres d’architecture, ainsi qu’aux échanges entre la France et l’Italie. Il a notamment publié Recueils d’Italie. Les modèles italiens dans les livres d’architecture français (Sprimont, Mardaga, 2004) ; Percier et Fontaine, les architectes de Napoléon (Paris, Belin, 2012) ; La ligne et l’ombre. Dessins d’architectes, xvie-xixe siècles (avec P. Chougnet, Paris, BNF Éditions, 2020) ; et dirigé Charles Percier. Architect and Designer in an Age of Revolutions (New Haven, Yale University Press, 2016).

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