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Une procédure plutôt qu’une théorie : les praxéologies de Kotarbiński et de Garfinkel

A Procedure rather than a Theory : Kotarbinski’s and Garfinkel’s praxeologies 
Anna C. Zielinska
p. 173-188

Résumés

Si la praxéologie mérite aujourd’hui notre attention, c’est parce qu’elle permet de remonter aux origines des « théories de l’action », des sociologies de l’action ou des philosophies de l’action qui ont marqué le xxe siècle. Que veut dire, au fond, étudier l’action, en proposer ensuite une théorie, à visée soit descriptive soit normative ? Dans ce qui suit, on va étudier la question en compagnie de Tadeusz Kotarbiński (1886-1981), philosophe analytique, et de Harold Garfinkel (1917-2011), sociologue hétérodoxe. Ce texte défend l’idée selon laquelle parmi les conséquences les plus marquantes du travail de Garfinkel se trouve la démystification de la « théorie de l’action », et que certaines intuitions similaires sont déjà très présentes chez Kotarbiński (dont les travaux sur l’action constituent, selon Garfinkel, un « échec extrêmement important »). La praxéologie chez les deux auteurs n’est pas une discipline, mais une façon de voir la pratique étudiée comme un tout, à l’instar des recherches menées par les théoriciens de la Gestalt. La dimension athéorique de l’étude de l’action humaine proposée ici permet d’espérer qu’un jour, les phénomènes qui nous entourent vont pouvoir être étudiés pour ce qu’ils sont, et non pas pour ce qu’une théorie élégante permet d’en dire.

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Texte intégral

1 L’action comme problème philosophique

1Si la praxéologie mérite aujourd’hui notre attention, c’est parce qu’elle permet de remonter aux origines des « théories de l’action », des sociologies de l’action ou des philosophies de l’action qui ont marqué le xxe siècle. Elle permet donc de les questionner, de s’interroger sur cet intérêt soudain pour « l’action », sur la réification surprenante de cette notion lors des 150 dernières années. Certes, praxis, poiesis, pragma, tous ces termes nous accompagnent depuis l’Antiquité dans leurs diverses acceptions [Sandis 2020, 2019], [Laitinen & Sandis 2010], [O’Connor & Sandis 2012], mais ils étaient toutefois toujours essentiellement liés au cadre conceptuel philosophique plus large dans lequel ils évoluaient. L’ambition d’étudier l’action comme un objet en un sens ontologiquement autonome n’apparaît qu’à partir le xixe siècle, grâce, d’une part, à la révolution industrielle, à la réflexion sur le travail et la quantification de celui-ci, et, de l’autre, au développement de l’utilitarisme.

  • 1 Tadeusz Kotarbiński (1886-1981), philosophe polonais, ayant travaillé d’abord à l’université de Lv (...)

2Que veut dire, au fond, étudier l’action, en proposer ensuite une théorie, à visée soit descriptive soit normative ? Il se peut que l’idée de la philosophie de l’action ou de la théorie de l’action soit fondée sur un malentendu [Zielinska 2018]. Pour mieux comprendre ce malentendu, étudier la praxéologie (ou plutôt : étudier plusieurs tentatives intellectuelles de s’approprier cette notion) est particulièrement instructif. Dans ce qui suit, on va le faire en compagnie de Tadeusz Kotarbiński1 (1886-1981), philosophe analytique, et de Harold Garfinkel (1917-2011), sociologue hétérodoxe, dont les travaux déterminent le champ de l’ethnométhodologie. Mieux que quiconque, Garfinkel montre que la soi-disant théorie de l’action ne devrait pas conduire à la création de nouvelles entités théoriques obscures, mais bien plutôt à considérer la réalité humaine comme essentiellement actionnelle, réflexive, et dynamique, saisissable par la notion que nous avons décidé de qualifier dans ce volume de Gestalts praxéologiques.

3Est-ce une autre notion potentiellement obscure ? Il semble que non, car il s’agit là plutôt d’une invitation à se défaire du paradigme représentativiste et statique, et à voir ce que font les gens comme un tout, dont la compréhension ne passe pas par le détachement des éléments constitutifs, mais par la compréhension de l’articulation concrète des « contextures » composées des actions et des faits sociaux qui leur donnent leur sens. La Gestalt est la forme de l’ensemble qui doit être compris, cette forme ne doit pas être comprise comme une image statique, mais comme un tout praxéologique. Ici, « l’action » n’est plus réifiée, il s’agit d’un terme banal dont la signification n’a de pertinence que dans le contexte de son interprétation. La réalité du monde, celle qui s’impose de façon indépendante à la personne qui fait des choses, et celle qu’elle crée en les faisant, en sont des composantes essentielles.

2 La praxéologie, quelques éléments historiques

  • 2 Alfred Espinas (1844-1922) était un sociologue français, influencé par Herbert Spencer et Auguste (...)

4Selon Kotarbiński [1968], le terme « praxéologie » apparaît pour la première fois dans les textes de Louis Bourdeau qui l’emploie dans le second tome de sa Théorie des sciences [Bourdeau 1882]. Chez cet élève d’Auguste Comte, la praxéologie devrait être ce que la sociologie n’a pas réussi à devenir à cause de son étroitesse : une discipline qui s’intéresse à toutes les activités humaines. On le retrouve ensuite chez Alfred Espinas2, pour qui la praxéologie s’intéresserait alors « à toutes les manifestations collectives du vouloir », donc à des techniques élaborées tantôt en tant que champs spécifiques (étudiés par la technologie), tantôt en tant que champs non spécifiques, des pratiques coutumières au sens large [Espinas 1897, 8].

5Chez ces deux auteurs, la praxéologie est mentionnée en passant, et on n’en propose pas de développements théoriques importants. Le terme est ensuite repris par Tadeusz Kotarbiński, pour qui l’enjeu est alors de remédier à ce qu’il considérait comme des insuffisances de l’éthique utilitariste : le fait de mettre la charrue avant les bœufs, le fait de proposer des solutions pour guider l’action alors qu’il faut d’abord analyser et comprendre l’action elle-même. L’utilitarisme a également provoqué une certaine frustration au sein de l’École autrichienne de l’économie à la charnière des xixe et xxe siècles. Cette dernière cherchait un outil conceptuel pour parler des actions humaines en des termes qui seraient neutres de toute évaluation morale, alors que l’utilitarisme, doctrine dominante dans le monde intellectuel du xixe siècle, était par sa structure même normatif. Dès les années 1930, Ludwig von Mises (1881-1973) tente d’élaborer cette science neutre de l’action et reprend de Kotarbiński la notion de « praxéologie » pour la désigner.

6L’apparition du terme « action » signale un phénomène bien plus large et nouveau, que l’on observe à ce moment dans plusieurs aires géographiques, au sein de champs disciplinaires différents. L’action, aux yeux de nombreux penseurs, devient un objet de recherche distincte.

7Dans ce qui suit, il sera question d’un courant parmi d’autres au sein de cette multitude d’études, celui du sociologue américain Talcott Parsons (1902-1979). Il a constitué un point de départ pour la réflexion de Harold Garfinkel qui – selon l’hypothèse de cet article, mais aussi en suivant les intuitions des nombreuses et nombreux autres auteur⋅es de ce volume – a aidé à démystifier l’idée même de la théorie de l’action. On verra ensuite comment Garfinkel utilise la notion de praxéologie ou de néopraxéologie de façon assez spécifique, entre en dialogue critique avec Tadeusz Kotarbiński et, par son biais et indirectement, avec Ludwig von Mises. Qui a eu raison ? Les positions de Kotarbiński sont bien plus fines qu’elles ne paraissent, mais ce n’est que Garfinkel qui développe certaines des intuitions déjà présentes chez Kotarbiński, comme la conception de la praxéologie comme grammaire de l’action.

3 De la sociologie de l’action vers la néopraxéologie

8Au moment où le monde des théoriciens du choix rationnel d’un côté et les praxéologues à Vienne (puis aux États-Unis) et en Pologne élaboraient les détails de leur discipline (ou plutôt « disciplines », étant donné les différences fondamentales entre les deux praxéologies les plus célèbres), Talcott Parsons, épaulé par d’autres sociologues américains, travaillait sur une « théorie générale de l’action ». Le projet en question, censé jouer le rôle d’une « théorie générale des sciences sociales », devait remplir les trois missions suivantes :

  • 3 Toutes les traductions sont de l’auteure, sauf mention contraire.

Premièrement, il devrait aider à la codification de notre connaissance concrète déjà existante. Il peut y parvenir en fournissant des hypothèses généralisées pour la reformulation systématique des faits et des analyses, en élargissant l’étendue des implications d’une hypothèse particulière, et en unifiant des observations discrètes sous des concepts généraux. [...] Deuxièmement, la théorie générale dans les sciences sociales devrait guider la recherche. À travers la codification, elle nous rend capables de localiser et de définir avec plus de précision les limites de nos connaissances et celles de notre ignorance. [...] Troisièmement, la théorie générale, constituant le point de départ pour un travail spécialisé au sein des sciences sociales, simplifiera le contrôle des biais de l’observation et de l’interprétation entretenus à présent par la départementalisation de l’éducation et de la recherche en sciences sociales3. [Parsons & Shils 1951, 3]

9La théorie générale de Parsons devait alors proposer un tableau des connaissances pertinentes pour la réflexion sur l’action, permettant de saisir les interconnexions entre les structures générales de l’action. Cette théorie générale allait au-delà de la sociologie, se donnant pour mission de constituer un pont entre les disciplines diverses des sciences sociales, un langage commun à l’aide duquel on pourrait alors extraire les traits généraux de l’action en prenant en compte la quantité la plus grande d’aspects qui entrent en considération.

10La sociologie de Parsons, avec ses très grandes ambitions, s’est révélée assez rapidement insatisfaisante. Du fait de sa généralité, elle ne parvenait pas à saisir les rationalités individuelles des agents qui concernaient non seulement les objectifs standards de leurs actions mais également une méta-réflexion sur celles-ci. Vers la fin des années 1950, Harold Garfinkel, alors étudiant de Parsons, prend ses distances, en soutenant notamment que les faits sociaux ne sont pas des choses, mais les accomplissements pratiques des acteurs sociaux qui utilisent, en les considérant comme connus et allant de soi, des procédés ordinaires et pourtant ingénieux. À la sociologie quantitative prônée par Durkheim et appliquée par la majorité des sociologues, il propose de substituer une sociologie qualitative, c’est-à-dire une sociologie qui prenne en compte l’individu et ses motivations [Luze 1996, 23].

11Toutefois, même si on a tendance à considérer l’ethnométhodologie comme l’opposé exact du fonctionnalisme de Parsons, notons que Garfinkel, surtout à partir des années 1980, soulignait l’importance de Vers une théorie générale de l’action dans son propre développement. Sa discipline – qu’il va nommer ethnométhodologie ou néopraxéologie – ne s’est donc pas formée en opposition au fonctionnalisme, mais pour la détailler : elle voulait occuper le terrain que l’analyse formelle laissait en partie délibérément inoccupé. Les sujets d’étude de Garfinkel varient énormément, c’est donc sa méthode, et non ce qu’il étudie, qui est intéressant : tantôt les personnes en quête de changement de sexe, tantôt la rationalité des comportements dans la vie mondaine, ou encore les prises de décision dans une clinique psychiatrique [Heritage 1984, 1].

12Dans son introduction à un inédit de Garfinkel, Anne Warfield Rawls tente de montrer que la dette de Garfinkel à l’égard de Parsons est plus grande que ce que l’on croit habituellement. Elle note en particulier que Garfinkel aurait attribué à Parsons le mérite d’avoir inversé la conception hobbsienne du contrat social :

Alors que Hobbes et les philosophes du contrat social qui l’ont suivi ont soutenu que des êtres rationnels verraient la nécessité d’établir un contrat social comme seul moyen d’éviter un état de guerre perpétuel, Parsons a suggéré que ce n’est que dans le contexte d’un contrat social préalable et implicite que les humains peuvent fonctionner comme des « individus rationnels ». [Garfinkel 2019, 1–2]

13Pour Garfinkel, Parsons lui-même n’est pas arrivé à prendre au sérieux ses propres thèses – c’est-à-dire l’existence d’un contrat implicite qui soit véritablement constitutif – et continuait à penser que l’examen des éléments sociaux à travers leurs fonctions (comme le langage par exemple) est fondamental.

14En 1967, Garfinkel définit l’ethnométhodologie de la façon suivante :

Qu’est-ce que l’ethnométhodologie ? Les études qui suivent se proposent de traiter les activités pratiques, les circonstances pratiques et le raisonnement sociologique pratique comme des thèmes d’étude empirique, en accordant aux activités les plus communes de la vie quotidienne l’attention habituellement accordée aux événements extraordinaires. Elles cherchent à les traiter en tant que phénomènes de plein droit. [Garfinkel 2007, 51]

15Le terme a été inventé par Garfinkel lors de son travail sur les délibérations d’un jury d’assises. Ayant enregistré les conversations qui ont eu lieu à huis clos dans la salle, le sociologue a pu écouter des discussions sans intervention d’un chercheur extérieur. Les membres du jury mettaient alors en œuvre l’ensemble de leur savoir ordinaire, dont le caractère non professionnel et la conscience réflexive des limites de celui-ci étaient mis en jeu d’une façon qui échappe d’habitude aux analyses des sociologues. Ces personnes formulaient des jugements, tout en remettant sans cesse en question la validité de leurs propres observations et de leurs énoncés, s’interrogeant non seulement sur les méthodes qu’ils employaient lors de leurs délibérations, mais aussi sur la méthodologie qui émergeait de ces interrogations dans le contexte donné. Frappé par cette perpétuelle remise en question et par le caractère dynamique de ce savoir collectivement élaboré, Garfinkel a décidé d’observer de plus près ces phénomènes.

16Depuis, les études en ethnométhodologie se sont concentrées sur l’analyse des phénomènes particuliers, sans se soucier de la création de théories qui examinent la cohérence des structures et des réseaux, comme cela est souvent le cas avec la sociologie fonctionnaliste, autrement dit classique ; les structures ne sont intéressantes qu’« en tant que phénomènes d’ordre réalisé » [Garfinkel 2001, 33]. En conséquence, l’expression même de « théorie ethnométhodologique » doit être considérée comme un oxymore. De plus, les recherches en ethnométhodologie ne s’intéressent pas aux mécanismes psychologiques impliqués dans les pratiques étudiées, car ce qui attire son attention c’est la façon chiasmatique, entrecroisée, dont les phénomènes ordonnent notre réalité. Le logos de l’ethnométhodologie appartient aux agents, et ce qui change du point de vue du sociologue est le fait qu’il s’intéresse non à saisir les structures générales, mais à comprendre les enjeux des actions concrètes telles qu’elles sont interprétées par les agents. L’ethnométhodologie semble être davantage le nom du phénomène étudié (ethnométhodes mais aussi ethnoméhodologies) que celui d’une discipline.

4 Normer ou décrire ?

17La description de l’action cherchée par Garfinkel vise à sortir l’analyse de l’action du cadre de la taxinomie sociologique. Pour lui, les comptes rendus de la sociologie formelle sont normatifs au sens où ils imposent la compréhension des faits observés à travers les normes propres du sociologue. Ces comptes rendus conforment les faits à ces normes et perdent ce faisant ce qui, dans les actions décrites, était important pour les agents. Le chercheur constitue ici la source de la normativité, et il impose cette dernière aux sujets observés en interprétant leurs actions en fonction de ce qui lui paraît important, en utilisant les méthodes statistiques, etc. Dans ce contexte, Garfinkel postule le rejet de ce type de normativité qui ne permet pas de prendre au sérieux les logos des acteurs.

  • 4 « Their descriptions are written by design to be read praxeologically – i.e., to be misread – as w (...)

18Il existe, certes, des outils d’analyse [advisories] que les chercheurs en ethnométhodologie peuvent utiliser, mais ce ne sont pas des grilles d’analyse au sens classique, ils doivent être lus de travers [mis-read], d’une façon qui s’adapte à ce qui est pertinent dans la situation donnée, en s’autocritiquant, en mesurant constamment leurs propres limites4. Les éléments de ces descriptions, qui ouvrent les possibilités d’une analyse propre aux études des ethnométhodologies, toujours selon Garfinkel, se trouvent dans la façon dont les personnes qui ont écrit les instructions utilisent, par exemple, la clause et cetera, leur emploi du vocabulaire interprétatif comme méthode documentaire d’interprétation, et celui des propriétés des expressions indexicales, autrement dit les expressions dont l’usage n’a de sens que dans le contexte dans lequel elles sont prononcées, par exemple moi, lui, vous, ils, mais également ici ou maintenant. Ces expressions, présentes de façon tout à fait banale dans notre langage quotidien, peuvent être l’objet de plusieurs usages, corrects – comme des fonctions cognitives –, et incorrects – comme des « intentionnalités transcendantalisées de la conscience analytique » [Garfinkel 1996, 18].

19Une analyse qui engage des questions psychologiques et fournit des explications précisément à ce niveau, perd la spécificité sociale de l’action et rend impossible sa description, car elle nécessiterait une régression infinie des explications. En proposant une explication psychologique, nous serions condamnés à des questions récurrentes du type : mais que se cache-t-il derrière cette explication causale, quelles causes sous-tendent les raisons explicitées par l’agent ? Nous retrouvons ici ce caractère délibérément superficiel des descriptions dans la praxéologie de Tadeusz Kotarbiński, et le choix de ce type de descriptions nous paraît être une avancée essentielle dans la réflexion sur l’action en tant qu’objet de la philosophie.

20En sociologie, la question est sans doute plus compliquée, et la démarche proposée par Garfinkel n’est pas la seule possible. Ce que la philosophie peut apprendre de son travail est l’effort de saisir ce qui constitue la partie pertinente et partageable de l’action humaine, la partie qui peut alors être réutilisée effectivement dans la compréhension de l’action. Dans la philosophie, le besoin de comprendre est soumis au désir de trouver des points d’appui pour guider l’action, il s’inscrit ainsi dans un cadre normatif très large, qui ne devrait peut-être pas être aussi univoquement rejeté par Garfinkel et qui est une des forces principales de la praxéologie de Kotarbiński. Ajoutons ici une observation utile de Georg von Wright, rappelant qu’il est erroné d’assimiler la notion de prescriptif à celle de normatif : les lois de la nature constituent des normes sans pour autant être prescriptives [Wright 1963, 1].

5 Garfinkel lecteur de Kotarbiński, ou le refus de l’apriorisme en praxéologie

21Jusqu’à très récemment, on ne savait pas vraiment si Garfinkel avait lu Kotarbiński, on ne savait pas non plus si son usage de la même notion que le philosophe polonais – praxéologie – était due au hasard ou à une inspiration superficielle par le mot. Grâce à des publications récentes – volumes édités par Anne W. Rawls en 2019 et Michael Lynch en 2022 –, nous savons que Garfinkel a lu Kotarbiński, et cela plus d’une fois. Initialement, dans une série de textes consacrés à Parsons, il ne faisait que mentionner Kotarbiński en tant que fondateur de la praxéologie. Dans ses séminaires plus tardifs en revanche, il va décrire la façon de faire de l’auteur polonais comme un échec intéressant.

  • 5 « As the enterprise of praxeology was described by Kotarbiński it consists programmatically speaki (...)

22En 1962, pour Garfinkel, la praxéologie est une discipline cherchant « les similitudes des méthodes qui ont fait leurs preuves dans de nombreux domaines d’activité différents », s’occupant principalement des « valeurs techniques de l’action, c’est-à-dire l’efficience, l’efficacité, l’économie, la productivité, la cohérence, etc. ». Il ajoute que « la théorie des jeux et la méthodologie scientifique sont des exemples de disciplines praxéologiques5 » [Garfinkel 2019, 167]. Il semble considérer à ce stade que les « règles praxéologiques » sont des règles que l’enquête sociologique doit discerner selon le contexte, qui donnent à voir comment les agents donnent un sens à ce qu’ils font dans une situation donnée. Dans le dialogue avec Parsons, ce côté praxéologique se présente comme une libération de l’application des concepts sociologiques à un phénomène observé. L’utilisation de la notion de praxéologie dans des séminaires de 1980 se fait dans une discussion différente, plus philosophique et moins techniquement sociologique.

23En 1980, nourri de ces deux traditions et entouré de ses étudiants et collègues, Garfinkel parle des sciences en puisant dans d’autres références, et, parmi les philosophes, en citant Thomas Kuhn et Karl Polanyi. Les pratiques scientifiques l’intéressent parce qu’il voit son propre travail comme une pratique de la phénoménologie en tant que « forme distincte d’investigation empirique » [Garfinkel 2022, 13]. « Les sciences de la découverte sont des sciences de l’action pratique », dit-il lors d’un séminaire consacré au fonctionnement des sciences (Discovering work of the sciences, 1er juillet 1980) [Garfinkel 2022, 173]. Pour en parler, il ne faut pas se laisser séduire par la recherche des éléments constitutifs de ces actions comme s’ils pouvaient nous donner un accès privilégié à une prétendue structure fondamentale sous-jacente. La description du travail de découverte d’un physicien va devoir en conséquence inclure un contenu technique, car il est impossible de parler des « pratiques en général ».

24C’est dans ce séminaire qu’il retourne à Kotarbiński qu’il critique pour des raisons à la fois bonnes et exagérées – il se peut qu’il lui attribue quelques engagements méthodologiques de Ludwig von Mises. La praxéologie de Kotarbiński serait alors :

  • 6 « [...] a tremendously important failure in the social sciences, where the attempt was made to est (...)

un échec extrêmement important dans les sciences sociales, où l’on a essayé d’établir comme une étude disciplinaire, et peut-être même comme une science, l’étude des actions efficaces, où l’on chercherait des stratégies d’action efficaces qui seraient indépendantes des circonstances dans lesquelles cette efficacité serait manifeste et observable. En d’autres termes, Kotarbiński a tenté d’établir la praxéologie comme une science de l’action pratique efficace6. [Garfinkel 2022, 176–177]

25Dans un autre texte, j’ai soutenu la thèse de l’étonnante proximité entre Garfinkel et Kotarbiński sur un point : celui du refus de proposer une théorie de l’action toute faite, qui aurait des retombées normatives à découvrir a priori [Zielinska 2018]. L’idée est loin d’être banale, car l’apriorisme de ce type a été défendu notamment par Ludwig von Mises, lui aussi adepte de la notion de praxéologie quand il décrivait son champ de recherche dans le célèbre traité publié en 1949, Human Action. Il y proposait un élargissement de l’économie vers une science plus générale :

La théorie moderne de la valeur recule l’horizon scientifique et élargit le champ des études économiques. Ainsi émerge de l’économie politique de l’école classique une théorie générale de l’agir humain, la praxéologie. [von Mises 1985, 3–4]

  • 7 La Methodenstreit [querelle méthodologique] fait référence à la distinction profonde entre les mét (...)

26La praxéologie, dans cette perspective, est une science qui inclut à la fois l’économie et la théorie du choix, et les économistes ne peuvent pas se passer des découvertes de cette dernière. Von Mises souligne la nouveauté de la praxéologie qui permet à ses yeux de fournir de véritables fondements logiques et épistémologiques de l’agir humain, et ainsi de réfuter les critiques que l’économie a pu subir de la part des « historicistes » lors de la Methodenstreit germano-autrichienne7. Pour von Mises ce problème dépassait toutefois l’enjeu de la fondation de la science économique, il s’agissait bel et bien de la possibilité d’un savoir objectif tout court, dans la lutte contre « le polylogisme et l’irrationalisme ».

27Ceux à qui la théorie de von Mises s’oppose en premier lieu sont facilement identifiables : les racistes, les socialistes et les irrationalistes, autrement dit tout ceux qui, selon l’économiste autrichien, mettaient en question « l’universalité des lois de l’agir humain ». La praxéologie devait prouver définitivement que les lois précises de l’économie sont universellement valides, indépendantes de l’appartenance de classe ou de la race des agents. La transparence axiologique de la praxéologie postulée par von Mises peut s’expliquer, semble-t-il, par plusieurs facteurs, aussi bien historiques que stratégiques.

28Parmi les motivations idéologiques de von Mises à élaborer une discipline a priori qui étudierait ce qui gouverne les actions humaines en tant que telles, se trouvait le rejet de la conception de l’économie qu’il attribuait au marxisme, à côté de son opposition à l’École historique allemande. Il voulait donc libérer l’économie (en libérant avant cela la praxéologie) des contraintes historiques imposées par le marxisme et par l’historicisme, et lui donner une légitimité qui serait indépendante des enjeux engendrés par la lutte de classes marxiste. Pour lui, ces prismes historiques par lesquels on observait les phénomènes économiques ôtaient à ceux-ci leur rationalité, autrement dit : leur scientificité. Cette dernière devait pourtant être sauvée en premier lieu dans le domaine général, celui de l’action, pour ensuite être naturellement attribuée à un domaine plus restreint, celui de l’économie à proprement parler.

29La dramatisation des enjeux est propre au style de l’écriture de von Mises, à sa rhétorique emphatique, mais cache une difficulté épistémologique majeure, qui s’ajoute aux enjeux idéologiques cités. Comment peut-on à la fois défendre le subjectivisme extrême en ce qui concerne la conception de la valeur (comme le fait l’École Autrichienne), tout en se positionnant en défenseur de l’universalisme rationaliste ? La prétendue scientificité de la praxéologie de von Mises a été contestée dès sa conception, et aujourd’hui sa doctrine n’est citée que par les chercheurs intéressés par l’histoire de la pensée économique. Même ceux qui ont défendu la pertinence de l’apriorisme en économie ne pensent pas qu’il soit suffisant pour résoudre les problèmes qui troublaient von Mises [Mongin 2007].

30Von Mises pose la question de l’action de façon extraordinairement générale, trop générale pour qu’on puisse y répondre. La question même en devient inintelligible, quand il se demande :

Qu’est-ce qui se passe quand on agit ? Que signifie de dire qu’un individu, ici et maintenant, à tel moment et en tel lieu, à n’importe quel moment et en n’importe quel lieu, agit ? [von Mises 1985, 50]

31Le lecteur est tantôt stupéfait tantôt amusé par la question même, car il n’est pas clair pourquoi le fait d’agir pose problème. Il n’est pas clair de surcroît dans quelle mesure ce problème peut être résolu par une théorie générale de l’action. On ne comprend pas non plus ce que l’auteur entend par « ce qui se passe » (outre ce qui se passe effectivement) et « que signifie agir » (indépendamment de l’action concrète) ? Ce sont bien les non-dits que Garfinkel va exploiter de fait contre la praxéologie de von Mises.

32Il est donc clair que la praxéologie comme champ disciplinaire ou discipline, ne peut pas procéder a priori, ou proposer des règles générales d’action. Peut-elle toutefois fournir un ensemble d’outils normatifs qui pourraient éventuellement être élaborés de façon inductive à partir de l’expérience ? Il n’est pas tout à fait déplacé d’interpréter l’ambition de Kotarbiński comme allant dans ce sens. Et c’est bien de cette façon que Garfinkel a lu Kotarbiński, en considérant le travail du philosophe polonais comme « un échec extrêmement important ».

33Là où Garfinkel pointe quelque chose d’essentiel, c’est au moment où il met en évidence le caractère irréalisable et issu des méthodologies du début du xxe siècle (présent aussi bien dans la cybernétique que dans les premiers travaux de l’École de Francfort) de sa démarche, consistant à vouloir saisir l’ensemble de ce qui est fondamental pour comprendre la complexité du comportement humain. Les généralisations à partir des observations circonstancielles se font au prix d’une circularité absurde :

  • 8 « The very thing that you ruled out in order to buy generality is the thing that you have to then (...)

La chose même que vous avez exclue pour obtenir la généralité est la chose que vous devez ensuite chercher à obtenir du praticien, de façon à ce que le conseil que vous lui donnez puisse en valoir la peine pour lui, à ce qu’il soit en mesure de voir votre conseil comme applicable à lui8. [Garfinkel 2022, 177]

34La néo-praxéologie de Garfinkel formule de fait de façon plus radicale ce que Kotarbiński suggère, et cela se manifeste à travers deux points cruciaux. Le premier est le caractère essentiellement non absolu d’une pensée sur l’action. Toute réflexion sur l’action, toute praxéologie donc, est, et doit être, élaborée en vue d’un objectif, ce qui permet d’établir des critères de pertinence adéquats aux besoins initiaux, qui restent d’ailleurs dynamiques. Contrairement aux postulats de la praxéologie de von Mises, il ne peut pas y avoir de théorie générale de l’action tout court, en particulier parce que l’« action » est un phénomène n’ayant pas de limites qui s’imposeraient naturellement. Il faut donc un angle explicite d’analyse.

35Le second point est celui de la primauté accordée aux raisonnements effectifs de l’agent qui se voit confier, aussi bien dans l’analyse de Garfinkel que dans la praxéologie de Kotarbiński, une autonomie dans le travail de justification des énoncés qu’il est susceptible de formuler pour décrire ou expliquer ses actions. Kotarbiński refuse l’imposition de lignes directrices d’un corps doctrinal non parce qu’il n’est pas bien de le faire, non pour des raisons idéologiques quelconques, mais parce qu’il est inutile et trompeur de le faire, car l’action effective se produit autrement.

6 Praxéologie comme grammaire

36Garfinkel est plus lucide devant les problèmes face auxquels Kotarbiński tentait de garder une certaine souplesse, teintée d’une probable nostalgie des règles. Quel est toutefois le sérieux qu’il faut accorder à ces dernières chez le philosophe polonais ? Les règles ne devaient à ses yeux pas être comprises comme des principes ultimes d’action : il s’agissait davantage de rappels, qui ressemblent plus à des proverbes qu’à des indications univoques. Les proverbes n’ont nullement la prétention d’être définitifs et universels, mais, rappelés à un moment propice, constituent une sorte de refuge intellectuel, bien que la décision finale concernant ce qu’il faudrait faire revient à celle ou celui qui agit.

  • 9 Notons que citer Wittgenstein comme référence dans ce contexte vise non pas à valider ou à invalid (...)

37Il est vrai que Garfinkel va plus loin, et ne pense pas que la praxéologie ou l’ethnométhodologie devraient avancer des règles quelconques. Il propose une approche résolument descriptive, qui intègre des problématiques absentes chez Kotarbiński. Mais les deux auteurs se retrouvent assez près de Wittgenstein9 quand ils essaient d’éviter les écueils des « hypostases » linguistiques, autrement dit, des situations où l’on présuppose que certains objets existent seulement parce qu’il existe des mots qui le suggèrent [Kotarbiński 1929, 62]. Selon Hutchinson (dans ce volume), Wittgenstein et Garfinkel sont proches dans leur rejet des solutions cognitivistes et transcendantales, et dans la volonté d’éviter d’appuyer leurs explications sur des entités théoriques postulées. Wittgenstein, comme Garfinkel après lui, « intègre sa discussion sur les Gestalten dans nos pratiques plus larges » [Hutchinson 2022, 75], en sortant du domaine proprement psychologique et en entrant dans l’ordinaire.

Là où Gurwitsch et Merleau-Ponty proposent des comptes rendus analytiques des phénomènes de la Gestalt, Wittgenstein et Garfinkel nous ramènent à la manière dont la grammaire et nos pratiques quotidiennes nous fournissent des comptes rendus de ces phénomènes. [Hutchinson 2022, 75]

  • 10 Kotarbiński, outre son travail sur la praxéologie, a également développé une position ontologique (...)

38Si c’est cela le point clé méthodologique qui lie Wittgenstein à Garfinkel, alors Kotarbiński fait sans doute partie de la même famille philosophique10. Kotarbiński n’était pas épistémologiquement naïf, malgré l’apparence très positiviste de son travail. Il a été bien trop aristotélicien pour croire que, dans le domaine de l’action, il existait un espoir de trouver des principes qui valent partout. Et c’est bien pour cette raison qu’il va insister sur la particularité des tâches de la grammaire :

N’est-il pas vrai que plus une maxime praxéologique est générale, plus l’idée qu’elle divulgue est banale ? Que voulez-vous ? Ces doutes ne sont peut-être pas infondés. En attendant, n’en est-il pas de même avec la grammaire descriptive ? Celle-ci ne fait, elle aussi, que rendre compte des relations qui sont perçues comme des truismes par quelqu’un qui maîtrise une langue donnée. En revanche, la grammaire exprime clairement ces truismes qui ne sont que ressentis, elle les rassemble, les systématise et aide ainsi indirectement à mieux parler. Par conséquent, des intentions analogues relatives au monde de l’action ne seront peut-être pas totalement illusoires ? La praxéologie pourra peut-être codifier les truismes de la fonctionnalité de la même manière que la grammaire ne fait que classer ce qui est habituellement déjà connu dans le langage ? [Kotarbiński 1955, 9]

39La grammaire « aide indirectement à mieux parler », la praxéologie, à mieux agir, en s’arrêtant sur les actions ratées et sur des maladresses [cf. Laugier 2022]. Les apparents truismes cessent de l’être justement face à des difficultés.

7 Conclusion

40On a vu plus haut que parmi les conséquences les plus marquantes du travail de Garfinkel se trouve la démystification de la « théorie de l’action », et que certaines intuitions similaires sont déjà très présentes chez Kotarbiński. La praxéologie n’est pas une discipline, mais un paradigme. Elle permet de voir la pratique étudiée comme un tout, composé de l’agent et du monde qui donne sens à ses actions, à l’instar des recherches menées par les théoriciens de la Gestalt. Elle met en évidence la structure dynamique du monde, des facultés et des actions humaines. Les Gestalts praxéologiques désignent ici non pas des entités mystérieuses qu’il faudrait ajouter à notre vocabulaire analytique et désormais étudier en tant que telles. La notion semble utile dans la mesure où elle permet de tracer les origines théoriques du type de réflexion menée dans cet article et dans ce volume, pour conduire, très probablement, vers une certaine libération du langage dans lequel se feront les futures analyses, aussi bien sociologiques, que philosophiques et psychologiques de l’action.

41Les travaux cités – et cela est évidemment bien plus vrai pour Garfinkel que pour Kotarbiński – ont en conséquence ouvert la voie à des travaux théoriques certainement moins imposants du point de vue de la construction conceptuelle abstraite, mais – comme en partie les écrits de Ludwig Wittgenstein – ils ont aussi marqué le crépuscule de l’époque des théories en sciences sociales. C’est bel et bien l’époque dans laquelle nous nous trouvons, et il ne faut pas désespérer qu’un jour les phénomènes qui nous entourent vont pouvoir être étudiés pour ce qu’ils sont, et non pas pour ce qu’une théorie élégante permet d’en dire.

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Bibliographie

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Notes

1 Tadeusz Kotarbiński (1886-1981), philosophe polonais, ayant travaillé d’abord à l’université de Lvov (aujourd’hui en Ukraine), ensuite à l’université de Varsovie. Il a publié sur la logique, l’ontologie, la philosophie de l’action et la philosophie morale. Son Traktat o dobrej robocie [1955] est considéré comme l’ouvrage de référence pour la praxéologie dans la tradition philosophique issue de l’École de Lvov-Varsovie. cf. [Kotarbiński 2007], [Woleński 2012].

2 Alfred Espinas (1844-1922) était un sociologue français, influencé par Herbert Spencer et Auguste Comte. Outre les ouvrages que nous citons, il publia notamment Des Sociétés animales, étude de psychologie comparée [1877], sa thèse de doctorat.

3 Toutes les traductions sont de l’auteure, sauf mention contraire.

4 « Their descriptions are written by design to be read praxeologically – i.e., to be misread – as worksite-specific instructions for their observability, followability, completeness, sufficiency, their bodily/equipmental intertwining, their in-course evolving elaboration, their autonomous criticism, and the rest in procedurally enacted coherent details of structures» [Garfinkel 1996, 18].

5 « As the enterprise of praxeology was described by Kotarbiński it consists programmatically speaking of the search for similarities of successful methods in many different domains of activity. Praxeology seeks to formulate statements of methods and to extend their generality seeking as wide a domain of applicability as possible. The technical values of action, i.e., efficiency, efficacy, economy, productivity, coherence, and the like are praxeology’s principal concern. The theory of games and scientific methodology are instances of praxeological disciplines. »

6 « [...] a tremendously important failure in the social sciences, where the attempt was made to establish as a disciplined study, and possibly even as a science, the study of effective actions where the search would be for strategies of effective action that were independent of the circumstances in which that effectiveness was demonstrable and witnessable. Which is to say, Kotarbiński attempted to establish praxeology as a science of effective practical action. »

7 La Methodenstreit [querelle méthodologique] fait référence à la distinction profonde entre les méthodes et les conceptions du monde des penseurs allemands et autrichiens. Les Allemands (de tradition hégélienne d’abord, et plus tard avec Gustav von Schmoller) soutenaient une version déterministe du monde où tout est gouverné par des lois de l’Histoire et de la Nature, ce qui rendait nécessaire une construction historiciste de l’économie. En réponse à cela, les Autrichiens (Carl Menger et ses continuateurs) construisaient les lois de l’économie de façon apriorique.

8 « The very thing that you ruled out in order to buy generality is the thing that you have to then look to the practitioner to provide for you, in order that the advice that you give him would be worth his time; in order indeed that he could even hear that your advice concerned him particularly. »

9 Notons que citer Wittgenstein comme référence dans ce contexte vise non pas à valider ou à invalider les idées de ceux qu’on compare à lui, mais surtout à rendre le travail de Kotarbiński accessible au lecteur contemporain. La comparaison sert donc à situer Kotarbiński sur une « carte » de la philosophie contemporaine.

10 Kotarbiński, outre son travail sur la praxéologie, a également développé une position ontologique de référence au sein de l’École de Lvov-Varsovie, le réisme : une doctrine qui, par élimination, conclut que les seules entités qui existent sont les choses, res. Ce minimalisme ontologique annonçait la volonté d’un minimalisme d’appliquer la parcimonie théorique dans les autres domaines de la philosophie, y compris dans la philosophie pratique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anna C. Zielinska, « Une procédure plutôt qu’une théorie : les praxéologies de Kotarbiński et de Garfinkel »Philosophia Scientiæ, 26-3 | 2022, 173-188.

Référence électronique

Anna C. Zielinska, « Une procédure plutôt qu’une théorie : les praxéologies de Kotarbiński et de Garfinkel »Philosophia Scientiæ [En ligne], 26-3 | 2022, mis en ligne le 18 octobre 2022, consulté le 12 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/3633 ; DOI : https://doi.org/10.4000/philosophiascientiae.3633

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Auteur

Anna C. Zielinska

AHP-PReST, UMR 7117, Université de Lorraine, CNRS, Université de Strasbourg (France)

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