L'origine de la géométrie d'Edmund Husserl à travers l'histoire et la philosophie des sciences
Plan
Cahier thématique de Philosophia Scientiæ 29/1 (février 2025)
Editeurs invités : Andrea Ariotto, Baris Dirican, Davide Pilotto
Date limite de soumission : 1er octobre 2023
Date de notification : 1er janvier 2024
Adresses de soumission : andrea.ariotto@sorbonne-universite.fr ; baris.dirican@ens.psl.eu; davide.pilotto@etu.sorbonne-universite.fr.
Appel
La plupart des recherches sur les rapports entre la phénoménologie d’Edmund Husserl et les problématiques issues de la philosophie et de l’histoire des sciences ont jusqu’à présent dirigé leur attention vers la production théorique du premier Husserl, en soulignant principalement ses intérêts scientifiques – en particulier logiques – et en les reliant à la tradition logique autrichienne ou aux moments fondateurs de la philosophie analytique. Alors que ces recherches se sont appuyées le plus souvent sur les Recherches logiques de Husserl (1900-1901), les implications de la tournure transcendantale de la pensée husserlienne – à partir de la publication des Idées I en 1913 – et le développement de la phénoménologie génétique dans les années vingt et trente sont toujours restées aux marges des travaux en histoire de la philosophie des sciences. Par rapport au projet de théorie de la science formulé dès les Prolégomènes à une logique pure (1900), la pensée du dernier Husserl, qui s’exprime de manière paradigmatique dans le troisième appendice à La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale sur L’Origine de la géométrie, semble modifier de manière radicale ce projet, en ouvrant des nouvelles pistes de recherche.
Le présent appel à contributions vise à mettre l’accent sur les thèmes développés dans L’origine de la géométrie, en tant que texte exemplaire des nouveautés théoriques de la pensée husserlienne tardive, à partir des questions soulevées par les sciences et leur histoire. Les quelques pages qui constituent ce texte ont été publiées par Eugen Fink en 1939 dans la Revue internationale de philosophie, avant d’être incluses en 1954 dans le sixième volume des œuvres complètes de Husserl ; ensuite, L’origine de la géométrie a progressivement acquis une influence considérable principalement dans le contexte philosophique francophone, notamment à partir de la célèbre Introduction de Jacques Derrida (1962).
En dépit de son intérêt pour les problématiques les plus variées, L’origine de la géométrie, en tant qu’appendice au § 9a de La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, se noue directement aux considérations husserliennes sur l’instauration du style propre à la physique mathématique moderne, représentée par la figure emblématique de Galilée. Dans le propos de Husserl, la « géométrie galiléenne » assume une valeur exemplaire quant au problème de l’historicité de toute science et, plus généralement, de la constitution historique de tout objet idéal, ce qui implique la prise en compte de la totalité des sciences envisagées en tant qu’objets culturels. La question de l’historicité des formations scientifiques est directement liée au problème de l’origine du sens : en effet, confronté au développement historique des sciences, le problème husserlien est plutôt celui de la structure conceptuelle de celui-ci, c’est-à-dire de l’origine du sens en tant qu’institution du sens fondateur d’une discipline qui en détermine la validité. Ce n’est pas un hasard si la méditation husserlienne sur l’historicité des sciences dérive de l’effort de thématiser le sens originaire qui détermine la validité d’une discipline scientifique et de fonder la possibilité de revenir à ce sens originaire, en rendant possible sa réactivation. Il est donc question, en général, de la manière dont le sens se transmet au sein d’une communauté et à travers les différentes époques, aussi bien qu’aux mutations de sens qui peuvent survenir.
Plusieurs analyses possibles peuvent être développées à partir de ces thèmes. Sans prétention d’exhaustivité, dans le cadre de ce dossier thématique, on pourra aborder les points suivants :
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La question du sens de la science à partir de la pensée du dernier Husserl.
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La reconstruction husserlienne de la formation de la science moderne et ses modèles historiographiques.
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Les formes assumées par l’historicité de la connaissance scientifique.
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La constitution historique de l’objectivité et de l’objet scientifique.
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Les formes d’expression de l’activité scientifique, ainsi que le rapport de la connaissance scientifique aux textes écrits.
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Les objets scientifiques en tant qu’objets culturels ayant la forme de « traditions sédimentées ».
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Le rôle des pratiques scientifiques et préscientifiques dans la formation et la validation des notions et des disciplines.
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La valeur paradigmatique de la géométrie et son rapport avec les autres disciplines scientifiques (les mathématiques, la physique, etc.).
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La place et le statut du sujet engagé dans la connaissance scientifique.
Les articles pourront se concentrer à la fois sur le contexte philosophique et scientifique qui nourrit les problématiques husserliennes issues de L’origine de la géométrie et sur les auteurs avec lesquels Husserl est en dialogue, ainsi que sur l’héritage et la place occupés par sa pensée dans la philosophie et l’histoire des sciences successives. Un aspect de premier intérêt consiste dans le rapport de la pensée de Husserl avec des auteurs moins connus au sein de la tradition phénoménologique (comme Jacob Klein ou Oskar Becker) ou avec des traditions différentes qui partagent des intérêts similaires (par exemple l’empirisme logique, l’épistémologie française ou le pragmatisme). Seront également prises en considération les contributions qui confrontent l’approche phénoménologique aux problèmes qui appartiennent traditionnellement au domaine de la philosophie des sciences avec le but de montrer l’apport et les limites d’une épistémologie phénoménologique. Les propositions qui portent sur l’idée générale de science, la notion husserlienne de scientificité et les formes de rationalité scientifique de manière moins technique pourront également faire partie du dossier. En tout cas, nous encourageons de manière particulière les propositions qui se focaliseront explicitement sur les liens de ces approches possibles avec L’origine de la géométrie.
Le thème de ce dossier se lie au séminaire des doctorant.e.s et de jeunes chercheur.euse.s en phénoménologie sur « L’origine de la géométrie de Husserl et son héritage », qui s’est déroulé entre novembre 2022 et juin 2023 à Sorbonne Université, à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à l’École normale supérieure. Le séminaire a été organisée par Andrea Ariotto (EA 3552, ED 433, Sorbonne Université), Eleonora Degli Esposti (EA 3563, ED 280, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Baris Dirican (UMR 8547, ED 540, École normale supérieure), Davide Pilotto (EA 3552, ED 433, Sorbonne Université) et Riccardo Valenti (EA 3563, ED 280, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
Les manuscrits doivent être soumis, en anglais ou en français, et préparés pour une évaluation en double aveugle par les pairs.
Un résumé en français et un résumé en anglais (200-300 mots) doivent être inclus.
La longueur des articles est limitée à 40 000 caractères (espaces, bibliographie et notes comprises).
Adresse pour l’envoi des soumissions : andrea.ariotto@sorbonne-universite.fr ; baris.dirican@ens.psl.eu ; davide.pilotto@etu.sorbonne-universite.fr.
Format de l’article, voir les instructions aux auteurs : http://philosophiascientiae.revues.org/452