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Texte intégral

1J’ai connu Léone et Hubert Teyssandier à Paris III, en année de licence, quand j’ai suivi avec bonheur les TD de Mme Teyssandier sur Shakespeare, ainsi que les cours que M. Teyssandier dispensait à l’ENS de Fontenay aux Roses et à Paris III. Ensuite j’ai pu profiter des cours d’Hubert jusqu’en année de DEA. Léone comme Hubert étaient des professeurs merveilleux, chaleureux, pétillants d’intelligence, éminemment humains. La passion qu’ils manifestaient pour leurs sujets respectifs était communicative, et l’on avait vraiment envie de donner le meilleur de soi-même pour ne pas les décevoir.

2Plus tard j’ai repris contact avec Hubert pour lui demander de diriger la thèse que je voulais entreprendre. Il m’accueillit alors dans les réunions de la SAIT qui se tenaient souvent le samedi matin, où nous parlions avec animation des rapports entre textes, et entre textes et arts. La revue Polysèmes commençait à exister, et il y avait là nombre de ses doctorantes et doctorants. En effet, chaque année, de nouvelles recrues venaient grossir les rangs de ceux qui voulaient être dirigés par Hubert, si bien qu’au cours de sa carrière il a dirigé plus de soixante thèses en littérature anglophone ; et j’ai pu former là des amitiés solides et durables avec des femmes et des hommes qui sont devenus mes collègues.

3C’est à cette époque que « M. et Mme Teyssandier » sont devenus pour moi « Léone et Hubert », des amis autant que des enseignants admirables, chacun à sa manière. Nous étions nombreux, les « thésards », à être invités chez eux, par petits groupes, et nous avions parfois l’impression, dans cette relation presque filiale, d’être les enfants qu’ils n’avaient pas eus. J’ai pris souvent le chemin du 55 Boulevard de Charonne, où, après la laideur grise des trottoirs, on entrait dans le jardin arboré, calme, éclaboussé de soleil, de leur résidence, et l’on montait jusqu’à l’appartement, lumineux, avec son piano quart de queue et ses étagères croulant sous les livres. Je me souviens aussi du studio-bureau, deux étages plus haut, où Hubert recevait individuellement ses doctorants pour éplucher le dernier quota de pages rédigées, et donner son avis, avec la bienveillance et l’esprit de critique constructive qui le caractérisaient.

4Plus tard encore, devenue leur collègue, je continuais à leur rendre visite chez eux, souvent avec mon mari, souvent avec d’autres couples d’amis et collègues, et eux s’aventuraient parfois au-delà du périphérique pour venir nous voir chez nous. Nous parlions de tout et de rien, de la vie universitaire, de livres, de musique, de politique, des numéros en cours d’élaboration de la revue Polysèmes, qu’Hubert nous avait « léguée », à nous les jeunes ; et ils étaient toujours gais, vifs et charmants.

5Puis vint le temps de la tristesse, du deuil, car après la mort de Léone, Hubert était devenu désemparé, presque éteint ; il avait perdu sa joie de vivre et son sourire malicieux, et préférait nous donner rendez-vous dans un café ou un restaurant plutôt que chez lui, pour fuir cet appartement devenu soudain si insupportablement silencieux et vide. Ce souvenir me fait mal, mais n’efface pas pour moi l’image des années heureuses, l’image d’un couple uni et heureux, et d’un professeur d’exception, d’un directeur de thèse dénué de vanité, de suffisance, préoccupé seulement de l’épanouissement de tout ce potentiel qu’il savait déceler en chacun. Je suis heureuse et honorée de contribuer à ce numéro qui lui rend un hommage tellement mérité.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Catherine Pesso-Miquel, « Témoignage »Polysèmes [En ligne], 26 | 2021, mis en ligne le 30 décembre 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/polysemes/9637 ; DOI : https://doi.org/10.4000/polysemes.9637

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Auteur

Catherine Pesso-Miquel

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Droits d’auteur

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