- 1 Les termes étudiants, jeunes, sont pris au sens générique et ont à la fois valeur de féminin et de (...)
1Entre 2020 et 2021, les restrictions (confinement, couvre-feu, etc.) liées à la crise sanitaire ont profondément bouleversé le quotidien des Français, a fortiori des jeunes1 et des étudiants des universités, qui ont été les derniers à retrouver des conditions d’études « ordinaires ». La pandémie a accentué certaines inégalités, la question de la précarité et de la détresse psychologique est devenue un enjeu crucial pour les pouvoirs publics (Belghith et al., 2023). Dans son rapport annuel de 2022, la Cour des comptes ajoute qu’« en l’absence de connaissance précise de la population étudiante et de ses besoins, et de données fiables sur la notion de précarité étudiante, les pouvoirs publics n’étaient pas préparés à faire face à une crise majeure » (p. 120). Elle préconise ainsi de « mettre en place des indicateurs fiables et partagés de la précarité étudiante » (p. 121).
- 2 Le seuil de pauvreté utilisé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (I (...)
2Cependant, mesurer la précarité étudiante est un exercice périlleux puisqu’il est difficile de l’apprécier à l’aune des mesures classiques de précarité ou de pauvreté2. Comme le rappelle Philippe Cordazzo (2016, p. 183) : « Quiconque a étudié la précarité étudiante est confronté au caractère inopérant de ce type d’indicateur. En effet, la population étudiante est non seulement caractérisée par une forte hétérogénéité en termes économiques et d’autonomie, mais aussi par des dépenses très difficiles à mesurer. » Des propos qui font écho à ceux de Louis Gruel (2002) qui attirait l’attention sur le fait que le budget des étudiants ne peut être assimilé à celui des ménages. Il convient donc, comme l’a souligné la littérature scientifique sur le sujet (Verley et Zilloniz, 2011 ; Grignon, 2000), de trouver des modalités d’appréhension des conditions de vie des étudiants qui tiennent compte de leurs spécificités.
3Ainsi, plutôt que d’utiliser les termes de « précarité » ou de « pauvreté », qui renvoient principalement à une dimension économique, nous privilégions celui de « vulnérabilité », dont Robert Castel (1999) rappelle qu’elle « apparait suscitée par l’affaiblissement des protections » (p. 45). Ainsi, pour Marc-Henry Soulet (2005) et Axelle Brodiez-Dolino (2016, p. 5), la vulnérabilité « est universelle d’abord, puisque nous sommes tous vulnérables ; elle est aussi potentielle (par la possible, mais non certaine, concrétisation d’un risque), relationnelle et contextuelle (nous ne sommes vulnérables que dans un contexte donné, et en fonction des protections dont nous bénéficions), individuelle (elle ne frappe pas tous les acteurs de la même façon : face à une même exposition, certains seront plus touchés que d’autres) et enfin réversible (il est possible d’agir sur les facteurs et le contexte). La vulnérabilité est donc commune à tous les individus, mais non égale ». Cette approche s’avère particulièrement adaptée pour appréhender les conditions de vie des étudiants, car elle met en exergue les différentes dimensions de la vie des étudiants, inscrits dans un processus de transition vers l’âge adulte – où l’autonomisation progressive se fait au risque des protections familiales qui diminuent et d’une protection sociale pas toujours assurée (Maunaye et al., 2019 ; Portela et Raynaud, 2019 ; Amsellem-Mainguy et Cordazzo, 2018 ; Giret et al., 2016 ; Becquet, 2012).
- 3 Collet X., Toullalan S. (2016), Construction d’un indicateur de la précarité étudiante. Enjeux, déf (...)
- 4 Beaupère N., Collet X., Dagorne S. (2018), « Les conditions de vie et de santé des étudiants rennai (...)
4C’est dans cette perspective qu’un indicateur multidimensionnel permettant de mesurer la vulnérabilité étudiante est élaboré dès 2016 par le Réseau national des observatoires de l’enseignement supérieur (Résosup3). La méthodologie, qui rappelle celle mise en place par Eurostat pour mesurer la pauvreté par les privations, en complément des approches monétaires de la pauvreté (Blasco et Gleizes, 2019), semble tout à fait pertinente pour comparer la situation de différentes catégories d’étudiants (Galland, 2023). Expérimenté dans le cadre d’une enquête consacrée aux conditions de vie et de santé des étudiants à Rennes en 20174, l’indicateur révélait que plus de deux étudiants rennais sur dix (21,5 %) étaient en situation de vulnérabilité. De plus, les étudiants étrangers, les plus âgés et les décohabitants – ceux qui ont quitté le domicile de leurs parents – semblaient les plus fragiles (Beaupère et Collet, 2021). Cette étude montrait également que les difficultés rencontrées par les étudiants avaient un effet négatif sur les parcours d’études et in fine, la réussite au diplôme. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les vulnérabilités ont-elles augmenté sous l’effet de la crise sanitaire ? Les catégories d’individus concernées sont-elles toujours les mêmes ? Les étudiants en situation de vulnérabilité ont-ils, de nouveau, plus de risques d’être ajournés aux examens de fin d’année que les autres ?
5Afin de répondre à ces questions, nous mobiliserons les données de deux enquêtes « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais » (cf. Encadré méthodologique) réalisées en 2017 (avant la crise sanitaire liée à la Covid-19) et en 2021 (pendant la crise sanitaire) qui présentent la particularité de mobiliser l’indicateur développé par Résosup. Cet article propose donc de mesurer l’évolution des vulnérabilités au regard de la période de crise sanitaire, d’identifier les profils d’étudiants les plus fragiles et de montrer en quoi la vulnérabilité affecte les résultats aux examens.
Encadré méthodologique
Contexte de l’étude
Depuis 2014, les observatoires des deux universités rennaises réalisent tous les trois ans une enquête auprès des étudiants sur leurs conditions de vie, d’études et de santé. Financée par les universités et des acteurs locaux, cette enquête s’inspire de l’enquête de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) et permet de mieux connaitre le profil des étudiants, leurs modes de vie, leurs projets et les difficultés qu’ils rencontrent.
Public interrogé
37 380 étudiants des deux universités rennaises (exceptés les sites de Saint-Malo, Saint-Brieuc et Lannion), de l’IEP, de l’ENSCR et de l’ENSa, et de six domaines de formation de niveau L1 à M2, ont été enquêtés : arts, lettres, langues et communication (ALLC) ; sciences humaines et sociales (SHS) ; santé ; droit, économie, gestion (DEG) ; sciences et technologies (S&T) ; sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Ont été inclus : les étudiants inscrits dans un cursus de santé de la première à la sixième année, de DUT et de licence professionnelle. Les étudiants de CPGEb et d’écoles paramédicales inscrits à l’université ont également été interrogés.
Les doctorants, les étudiants en reprise d’études ou encore les inscrits en télé-enseignement, constituant des populations spécifiques, n’ont pas été enquêtés. Ce choix méthodologique permet d’exclure de la population des personnes dont les conditions de vie pourraient être plus proches de celles d’actifs que d’étudiants.
Déroulement de l’enquête
Fin mars 2021, les étudiants concernés ont reçu sur leurs adresses électroniques (étudiantes et/ou personnelles) un lien leur permettant de répondre au questionnaire en ligne. Fin avril 2021, après avoir effectué plusieurs relances, 11 431 étudiants ont répondu (soit un taux de réponse de 30,6 %). Si l’échantillon est proche de la population globale enquêtée (données administratives : APOGÉE) concernant certaines variables (niveau d’études, nationalité, etc.), des disparités assez importantes ont été constatées. Afin d’améliorer la représentativité de l’échantillon, nous avons donc effectué un redressement sur deux variables : le sexe et le domaine de formation.
a. Institut d’études politiques (IEP) ; École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR) ; École nationale supérieure (ENS).
b. Classes préparatoires aux grandes écoles.
6L’indicateur synthétique de vulnérabilité élaboré par Résosup intègre trois dimensions : une première liée à la dimension économique décrite par des variables relatives aux difficultés financières (impossibilité de faire face à ses besoins, ne pas manger à sa faim et renoncement aux soins) ; une deuxième liée aux conditions de vie et de santé des étudiants (nécessité de travailler, rencontrer de grandes difficultés concernant son logement, mauvaise perception de son état de santé physique et psychologique) ; une troisième, liée à l’isolement, est saisie par des variables relatives à l’aide des proches et au sentiment de solitude.
- 5 Notons que depuis la création de cet indicateur en 2016, la crise du logement étudiant s’est aggrav (...)
7Chacune de ces variables est affectée d’un coefficient (1 ou 2) afin de peser plus ou moins sur le score final. Les variables relatives aux difficultés financières, plus révélatrices de vulnérabilité, sont ainsi affectées d’un coefficient 25.
8En clair, le fait de « se sentir souvent seul » augmentera par exemple le score de vulnérabilité de 1 point, tandis que « rencontrer des difficultés financières telles qu’il est impossible de faire face à ses besoins (alimentation, loyer, EDF, etc.) » l’augmentera de 2 points.
9À l’inverse, le fait de ne pas être concerné par un critère ne lui attribue aucun point. Le score de vulnérabilité d’un étudiant correspond à la somme des coefficients obtenus à chaque item. Un étudiant concerné par les deux critères précédemment cités, et aucun autre, aura donc un score de 3 (0+1+0+0+2+0+0+0+0).
10Le Tableau 1 présente les neuf variables utilisées pour la construction du score de vulnérabilité lors des enquêtes réalisées auprès des étudiants rennais en 2017 et 2021, ainsi que leurs poids et la part d’étudiants concernés par chacun des critères retenus.
Tableau 1. Coefficients et prévalence des composantes du score de vulnérabilité (en %).
Lecture : dans notre étude, c’est le critère « se sentir psychologiquement en mauvaise santé » qui concerne le plus grand nombre d’étudiants (54,5 %), alors qu’à l’opposé, « devoir renoncer à des soins pour raisons financières » concerne 5,5 % des étudiants.
Champ : ensemble des répondants en 2017 (n = 7 974) et en 2021 (n = 11 431).
Source : enquête « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais », 2017 et 2021.
11Au regard des résultats, deux classes ont été distinguées (Graphique 1). La première est composée par les étudiants en situation de vulnérabilité, la seconde par les étudiants qui ne sont pas dans cette situation. La construction de ces classes relève d’un arbitrage qui tient compte de la répartition des scores et des « degrés » de fragilité des étudiants. Le recours à la médiane pour discrétiser les classes n’était pas pertinent puisque 47,5 % de la population ont obtenu un score de 0 en 2017.
12La première classe, composée des étudiants qui obtiennent un score égal ou supérieur à 3, révèle un cumul de difficultés dans différentes dimensions, ce qui les pénalise fortement. La seconde classe regroupe des étudiants qui ont un score compris entre 0 et 2. S’ils rencontrent des difficultés, elles sont « restreintes » à une dimension ou relèvent de dimensions différentes qui peuvent être « compensées » par d’autres.
13En 2021, près d’un tiers des étudiants rennais (32,5 %) est en situation de vulnérabilité alors qu’ils étaient 21,5 % en 2017. Cette forte augmentation s’explique probablement par les effets de la crise sanitaire, puisque la part d’étudiants se sentant en mauvaise santé psychologique ou physique et se sentant souvent seuls a quasiment triplé (Tableau 1). En outre, plus de la moitié des étudiants rennais estiment que la crise sanitaire a eu un effet négatif sur leur état de santé physique (Annexe, Tableau 1) et près de huit étudiants rennais sur dix estiment que la crise sanitaire a eu un effet négatif sur leur état de santé psychologique (Annexe, Tableau 2).
Graphique 1. Répartition des étudiants selon le score de vulnérabilité (en %) en 2017 et 2021.
Lecture : en 2021, 67,5 % des étudiants ont un score inférieur ou égal à 2.
Champ : ensemble des répondants en 2017 (n = 7 974) et en 2021 (n = 11 431).
Source : enquête « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais », 2017 et 2021.
- 6 Parmi les 11 431 étudiants ayant répondu au questionnaire, près de la moitié (5 279) se sont exprim (...)
14Les extraits6 qui suivent, rédigés par les étudiants à la fin du questionnaire, confortent ce constat :
À cause du virus je n’ai quasiment plus de vie sociale. Je suis retourné chez mes parents car vivre à Rennes pour quelques heures seulement revient trop cher. De plus j’ai beaucoup de mal à m’organiser et à comprendre les attendus et fonctionnement de l’université. Je n’ai pu faire aucune connaissance durant le peu de temps que j’ai été sur place. J’espère vraiment que la situation va changer. (Étudiant, 18 ans, L1 arts, lettres, langues et communication)
À cause de la Covid-19, mon année universitaire que je devais faire au Canada a été annulée. Cela a été dur de m’en remettre au début mais j’ai eu le soutien de ma famille et mes amis m’envoyaient régulièrement des messages pour me remonter le moral. Malheureusement, mon année de L3 s’est faite en totalité en distanciel depuis octobre. Ce qui fait que j’ai passé toute mon année dans ma chambre pour mes cours et dormir. Le fait de sortir avec mes amis me manque énormément, ça me pèse mais je me dis que je ne suis pas la seule dans ce cas donc je relativise. (Étudiante, 20 ans, L3 sciences humaines et sociales)
Ma vie d’étudiante est bien mise à mal à cause de cette crise sanitaire. Pour moi les études étaient le moment où je pouvais m’épanouir, être libre, faire mes choix, faire des rencontres et découvrir le monde par moi-même. De ce fait, je me retrouve bloquée et étouffée par quelque chose que je n’ai pas choisi et sur lequel je n’ai aucun pouvoir. Alors oui des efforts sont faits par la fac, oui il y aura toujours une critique à apporter aux décisions prises par les autorités, cependant j’ai la sensation de perdre des années de ma vie et de la voir filer sans pouvoir la retenir. Je suis déçue par ma vie d’étudiante. Profondément. (Étudiante, 19 ans, L2 droit, économie, gestion)
Cette année, la vie étudiante à Rennes a été compliquée. Difficulté de se retrouver entre étudiants de la même promo pour travailler, peu d’échanges avec les autres. Peu de moments de détentes hors contexte scolaire : on ne sort pas de chez soi, et la maison devient l’école. On pense tout le temps aux cours, on a du mal à relativiser, à déconnecter. Heureusement, j’étais en colocation avec des amis, ce qui m’a permis de m’accrocher.
Les projets à court terme sont fragiles, on a du mal à se projeter à cause de la situation sanitaire. Les projets peuvent tomber à l’eau à cause d’un nouveau couvre-feu, confinement… C’est démoralisant. Je n’arrive pas à me projeter, et à voir l’avenir de façon favorable. (Étudiante, 22 ans, M2 sciences et technologies)
15Notons que les variables relatives aux difficultés financières ont vu leur prévalence diminuer entre 2017 et 2021. Pour expliquer ce résultat, plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Tout d’abord, l’année universitaire 2020-2021, marquée par une généralisation des cours en distanciel, a incité beaucoup d’étudiants à rester vivre chez leurs parents ce qui leur a permis de bénéficier du rôle protecteur joué par la cellule familiale. Parallèlement, l’État a proposé différentes mesures pour faciliter l’accès à l’alimentation et aux soins (repas à 1 euro dans les restaurants universitaires, chèque psy, etc.).
16Si près d’un tiers des étudiants rennais est en situation de vulnérabilité, ce seuil diffère fortement en fonction des variables sociodémographiques. Ce sont les femmes, les étudiants les plus âgés, issus des classes populaires, de nationalité étrangère et décohabitants qui semblent les plus fragiles (Tableau 2).
- 7 De plus, des études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistique (...)
17Un peu plus d’un tiers des étudiantes est en situation de vulnérabilité contre 30,5 % des étudiants (Tableau 2), les femmes étant en proportion moins nombreuses à ne présenter aucun critère de vulnérabilité (24 % ont un score de 0 contre 29 % des hommes). Les critères les plus distinctifs entre ces deux populations sont la santé psychologique et l’isolement : 58,5 % des femmes déclarent se sentir en mauvaise santé psychologique contre 49 % des hommes et 37 % déclarent se sentir souvent seules contre 31 % pour les hommes7. Elles ont également plus fréquemment déclaré avoir renoncé à des soins pour raisons financières depuis la rentrée (6,5 % contre 3,5 %). Ces écarts entre femmes et hommes se retrouvent en population générale (Fourcade et al., 2013). Selon Caroline Després et al., (2011, p. 3) « les femmes déclarent plus souvent renoncer à des soins pour raisons financières que les hommes » et « à état de santé comparable, les femmes tendent à s’estimer en plus mauvaise santé que les hommes ». Les auteurs notent que ces écarts « traduisent sans aucun doute des différences d’attentes en matière de soin » (ibid.).
18Dans notre étude, l’avancée en âge révèle également une augmentation des vulnérabilités, car si un peu plus du quart des moins de 21 ans et un tiers des 21-22 ans sont en situation de vulnérabilité, c’est le cas de près de la moitié des étudiants de 23 ans et plus. Cette situation peut s’expliquer par la diminution progressive des aides familiales et la plus grande autonomie financière, volontaire ou contrainte, des étudiants les plus âgés. Parmi les variables ayant servi à la construction de l’indicateur de vulnérabilité, ce sont principalement celles liées aux difficultés économiques qui pèsent le plus sur ce résultat. Ainsi, les étudiants de 23 ans et plus sont deux fois plus nombreux à déclarer rencontrer des difficultés financières (24,5 % contre 11 %) et à devoir renoncer à des soins pour raisons financières (8 % contre 4,5 %) que les étudiants de moins de 21 ans. Ils sont également trois fois plus nombreux à déclarer devoir travailler pour vivre (36,5 % contre 13 %).
19Outre l’indépendance financière, la transition vers l’âge adulte des étudiants se traduit aussi par l’accès à une indépendance résidentielle qui semble être une source de vulnérabilité importante : 43 % des étudiants décohabitants sont en situation de vulnérabilité, contre 28,5 % des semi-décohabitants (étudiants ne vivant plus chez leurs parents, mais y retournant au moins deux week-ends par mois) et 23 % des cohabitants. Ce résultat fait d’ailleurs écho aux travaux d’Élise Verley et Sandra Zilloniz (2011) qui montrent l’intérêt de distinguer les décohabitants et les semi-décohabitants pour appréhender et mesurer les difficultés économiques. En effet, à l’instar des étudiants vivant encore chez leurs parents, les étudiants semi-décohabitants bénéficient plus souvent du rôle protecteur de la famille. Ainsi, seulement 5 % des semi-décohabitants et 6,5 % des cohabitants déclarent ne pas avoir de proches sur qui compter en cas de besoin, quand cette situation concerne 13,5 % des décohabitants.
20Les étudiants étrangers sont aussi deux fois plus nombreux que les étudiants français en situation de vulnérabilité (61 % contre 30,5 %). Leurs fragilités sont multidimensionnelles, car se cumulent des difficultés économiques (ils sont quatre fois plus nombreux à déclarer rencontrer des difficultés financières), des difficultés liées à leurs conditions de vie (ils sont trois fois plus nombreux à déclarer avoir rencontré de grandes difficultés concernant le logement) et des difficultés liées à l’éloignement de la cellule familiale (ils sont six fois plus nombreux à déclarer ne pas avoir de proches sur qui compter en cas de besoin).
21Enfin, les étudiants issus des classes populaires semblent nettement plus exposés au risque de vulnérabilité que les étudiants issus des classes moyennes et supérieures (54 % contre respectivement 29,5 % et 19,5 %). Un résultat qui met en évidence l’importance des solidarités familiales face aux vulnérabilités, ainsi que l’influence de l’origine sociale. Dans notre enquête, les étudiants issus des classes populaires sont trois fois plus nombreux à déclarer devoir travailler pour vivre que les étudiants issus des classes supérieures. Pour les familles les plus défavorisées, les activités rémunérées concurrentes aux études permettent en effet aux étudiants de compléter les faibles revenus des parents et de contribuer ainsi aux dépenses que les aides publiques ne suffisent pas toujours à couvrir (Pinto et al., 2019). De plus, comme le soulignent les étudiants, le montant des aides, notamment des bourses, varie d’une année à l’autre ; quand les revenus pris en considération dans le calcul ont augmenté, les montants des bourses diminuent. Or, les augmentations de revenus peuvent être très temporaires (ce fut le cas avec les heures supplémentaires réalisées dans certains secteurs d’activités pendant la crise sanitaire) et l’aide apportée par les familles ne pas forcément augmenter en conséquence.
Tableau 2. Prévalence de la vulnérabilité en fonction des caractéristiques sociodémographiques (en %).
| Variables |
Modalités |
En 2017 |
En 2021 |
| Pas de vuln.* |
Vuln. |
Test Khi2 |
Pas de vuln. |
Vuln. |
Test Khi2 |
| Sexe |
Femmes |
76,5 |
23,5 |
*** |
66 |
34 |
*** |
| Hommes |
81 |
19 |
69,5 |
30,5 |
| Âge |
Moins de 21 ans |
85 |
15 |
*** |
71,5 |
28,5 |
*** |
| 21-22 ans |
80 |
20 |
66 |
34 |
| 23 ans et plus |
70,5 |
29,5 |
54 |
46 |
| Origine sociale |
Classe populaire |
72 |
28 |
*** |
46 |
54 |
*** |
| Classe moyenne |
80 |
20 |
70,5 |
29,5 |
| Classe supérieure |
84,5 |
15,5 |
80,5 |
19,5 |
| Nationalité |
Français |
80 |
20 |
*** |
69,5 |
30,5 |
*** |
| Étranger |
57 |
43 |
39 |
61 |
| Mode d’habitation |
Cohabitants |
90,5 |
9,5 |
*** |
77 |
23 |
*** |
| Semi-décohabitants |
84,5 |
15,5 |
71,5 |
28,5 |
| Décohabitants |
67,5 |
22,5 |
57 |
43 |
| Ensemble |
78,5 |
21,5 |
- |
67,5 |
32,5 |
- |
* Vuln. = vulnérabilité
Test du Khi2 : un test du KHI-DEUX est une méthode utilisée dans le domaine de la statistique pour vérifier ou non la relation de deux caractères qualitatifs. Ici, le test a une très forte significativité (p < 0,001), validant les différences observées.
Lecture : 34 % des étudiantes rennaises sont en situation de vulnérabilité en 2021.
Champ : ensemble des répondants en 2017 (n = 7 974) et en 2021 (n = 11 431).
Source : enquête « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais », 2017 et 2021.
22En 2021 comme en 2017, les étudiants les plus exposés aux facteurs de vulnérabilité sont inscrits en arts, lettres, langues et communication et sciences humaines et sociales (Tableau 3). À l’inverse, les étudiants de STAPS et de santé semblent moins soumis au risque de vulnérabilité. Ce constat fait écho aux résultats obtenus à l’université de Lille en 2019 (ODiF, 2020).
23De plus, l’enquête montre que si la part d’étudiants en situation de vulnérabilité a fortement augmenté sous l’effet de la crise sanitaire, les difficultés rencontrées renvoient aussi à des préoccupations spécifiques à leur année d’études. Ainsi, interrogés au printemps 2021 (période de cours en distanciel), les inscrits en L1 ou en L2 étaient pour la plupart soit en terminale soit en première année d’enseignement supérieur en 2020 (période de confinement) : ils n’ont donc pas eu l’opportunité de connaitre une année universitaire ordinaire. Leurs réponses révèlent que ce contexte semble avoir particulièrement affecté leur apprentissage du « métier d’étudiant » (Coulon, 1997), leur compréhension de la pédagogie universitaire et leur sociabilité. Pour les L3, la situation semble quelque peu différente, puisque si les périodes de cours en distanciel et autre couvre-feu les ont également affectés, ils ont pour la majorité d’entre eux déjà tissé un réseau amical lors des années précédentes et connaissent les attendus académiques en termes de travail. Dans leurs réponses, ce sont les incertitudes liées à la poursuite d’études (sélection en master, recherche d’une entreprise pour un contrat en alternance, recherche de stage, etc.) qui sont particulièrement prégnantes. Les étudiants de M1 et M2 rapportent quant à eux l’impossibilité ou la difficulté d’effectuer des stages ou une alternance en entreprise dans des conditions normales. Certains ont également vu leurs projets d’échanges internationaux annulés, les privant ainsi d’une expérience de mobilité qu’ils espéraient. Ainsi, dans un contexte d’incertitude économique, les étudiants de master soulignent leurs appréhensions relatives au marché du travail et à leur future insertion professionnelle.
Tableau 3. Prévalence de la vulnérabilité en fonction des niveaux d’études et domaines de formation (en %).
| Variables |
Modalités |
En 2017 |
En 2021 |
| Pas de vulnérabilité |
Vulnérabilité |
Test Khi2 |
Pas de vulnérabilité |
Vulnérabilité |
Test Khi2 |
| Niveau d’études |
Bac+1 |
81 |
19 |
** |
70 |
30 |
** |
| Bac+2 |
78,5 |
21,5 |
67,5 |
32,5 |
| Bac+3 |
78 |
22 |
66 |
34 |
| Bac+4 |
76 |
24 |
65 |
35 |
| Bac+5 |
78,5 |
21,5 |
67 |
33 |
| Domaine de formation |
ALLC |
70 |
30 |
*** |
55 |
45 |
*** |
| SHS |
72,5 |
27,5 |
59,5 |
40,5 |
| DEG |
82,5 |
17,5 |
70 |
30 |
| S&T |
82,5 |
17,5 |
75 |
25 |
| STAPS |
85,5 |
15,5 |
76 |
24 |
| Santé |
89,5 |
10,5 |
78,5 |
21,5 |
| Ensemble |
78,5 |
21,5 |
- |
67,5 |
32,5 |
- |
Lecture : 30 % des étudiants rennais de niveau Bac+1 sont en situation de vulnérabilité en 2021.
Champ : ensemble des répondants en 2017 (n = 7 974) et en 2021 (n = 11 431).
Source : enquête « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais », 2017 et 2021.
24Le risque de vulnérabilité est déterminé par des facteurs étroitement dépendants. Ainsi, l’avancée en âge s’accompagne d’une augmentation de la décohabitation, l’origine sociale n’expose pas les étudiants aux mêmes risques de vulnérabilité et cette interdépendance des facteurs explique pour partie les différences observées, notamment entre les filières. Par exemple, les étudiants des classes supérieures, plus nombreux en santé, sont moins souvent en situation de vulnérabilité (Tableau 3). Analyser le risque d’être vulnérable nécessite donc de raisonner « toutes choses égales par ailleurs » à partir d’un modèle de régression logistique incluant les caractéristiques sociodémographiques (sexe, nationalité, âge, type d’habitation, origine sociale) et les caractéristiques liées au contexte d’études (domaine de formation et année de diplôme) (Tableau 4).
Tableau 4. Régression logistique sur la probabilité pour un étudiant d’être en situation de vulnérabilité.
| Variables |
Modalités |
2017 |
2021 |
| Odds ratio |
Signif. |
Odds ratio |
Signif. |
| Constante |
|
|
*** |
|
*** |
| Sexe (réf. homme) |
Femme |
1,258 |
*** |
1,138 |
** |
| Nationalité (réf. française) |
Étrangère |
2,146 |
*** |
1,909 |
*** |
| Âge (réf. moins de 21 ans) |
21-22 ans |
1,611 |
*** |
1,446 |
*** |
| Plus de 23 ans |
2,880 |
*** |
2,122 |
*** |
| Type d’habitation (réf. cohabitant) |
Semi-décohabitants |
1,711 |
*** |
1,311 |
*** |
| Décohabitants |
3,803 |
*** |
2,166 |
*** |
| Origine sociale (réf. classe supérieure) |
Classe populaire |
1,741 |
*** |
3,267 |
*** |
| Classe moyenne |
1,291 |
*** |
1,512 |
*** |
| Domaine de formation (réf. S&T) |
ALLC |
1,795 |
*** |
2,358 |
*** |
| SHS |
1,719 |
*** |
2,071 |
*** |
| DEG |
1,138 |
ns |
1,540 |
*** |
| STAPS |
1,142 |
ns |
1,208 |
ns |
| Santé |
0,762 |
ns |
1,010 |
ns |
| Année de diplôme (réf. Bac+1) |
Bac+2 |
0,830 |
* |
1,003 |
ns |
| Bac+3 |
0,578 |
*** |
0,884 |
ns |
| Bac+4 |
0,421 |
*** |
0,640 |
*** |
| Bac+5 |
0,338 |
*** |
0,518 |
*** |
Note concernant le modèle de régression : dans le modèle présenté, la personne de référence est un homme de nationalité française, âgé de moins de 21 ans, vivant chez ses parents (cohabitant), d’un milieu social très favorisé (classe supérieure), inscrit dans le domaine des sciences et technologies (S&T) en première année de licence (Bac+1).
Odds ratio : définit le rapport de côtes (chances) ou le risque rapproché d’être en situation de vulnérabilité que de ne pas l’être et il indique l’effet multiplicateur de ce risque par rapport à la situation de référence. Par exemple dans le modèle (cf. Tableau 4), un étudiant de classe populaire a 3,267 fois plus de « risques » d’être en situation de vulnérabilité qu’un étudiant de classe supérieure.
Champ : ensemble des répondants en 2017 (n = 7 974) et en 2021 (n = 11 431).
Source : enquête « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais », 2017 et 2021.
25La régression logistique confirme globalement les résultats de l’analyse descriptive, mais deux points méritent d’être soulignés. Tout d’abord, les quatre variables qui agissent le plus sur le risque d’être en situation de vulnérabilité sont l’origine sociale, la nationalité, l’âge et le type d’habitation, rappelant une nouvelle fois l’importance du soutien familial. Notons que les étudiants issus des classes populaires, déjà identifiés comme les plus fragiles en 2017, sont également ceux qui semblent avoir été le plus affectés par la crise sanitaire. En 2021, un étudiant issu des classes populaires a 3,267 fois plus de risques d’être en situation de vulnérabilité que ceux des classes supérieures, alors que ce risque était de 1,741 en 2017 (Tableau 4).
- 8 Source : Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) (2022), Repères e (...)
26Un second résultat qui peut paraître contre-intuitif mérite d’être mis en exergue : alors que la probabilité d’être en situation de vulnérabilité augmente avec l’âge, elle diminue à mesure de la progression dans le cursus. L’hypothèse selon laquelle les déterminants de la réussite et de la poursuite d’études dépendent fortement de la vulnérabilité des étudiants permet d’expliquer ce constat (Beaupère et Collet, 2019). Cette hypothèse est confortée par les statistiques nationales relatives à la composition sociale aux différents niveaux de diplôme : « Les études longues à l’université sont plus le fait d’enfants de cadres : leur part passe de 29 % en cursus licence à 39,5 % en cursus doctorat. Inversement, les enfants d’ouvriers représentent 11,6 % des effectifs en cursus licence et 5,6 % en cursus doctorat8. »
27Afin d’étayer cette hypothèse, nous avons agrégé les données des enquêtes (2017 et 2021) avec les données administratives des universités (respectivement variable « résultats diplôme 2016-2017 et 2020-2021 »).
28Les chances de réussite aux examens sont déterminées par des facteurs trop nombreux et trop fréquemment liés entre eux pour être analysés à l’aide de croisements classiques entre deux variables. On sait par exemple que la sélectivité et les exigences académiques de certaines formations affectent les taux de réussite ; ainsi, en droit ou en médecine, ils sont moins élevés que dans les autres formations. De même, les caractéristiques sociodémographiques (sexe et origine sociale) et celles relatives aux conditions d’études (passé scolaire, niveau d’étude, etc.), variables pouvant être liées entre elles, influent également sur la réussite universitaire. Mesurer les effets des vulnérabilités étudiantes sur la réussite universitaire nécessite donc une fois de plus de raisonner « toutes choses égales par ailleurs », à partir d’un modèle de régression logistique incluant les caractéristiques sociodémographiques et les caractéristiques liées au contexte.
29Globalement, les résultats confirment ceux largement partagés dans la littérature sur le sujet (cf. entre autres Landrier et al., 2016 ; Gruel, 2002). Tout d’abord, le passé scolaire et les caractéristiques individuelles des étudiants influent sur la réussite universitaire. En effet, comparativement aux bacheliers S, les bacheliers technologiques et professionnels ont plus de risques d’être ajournés aux examens de fin d’année. En outre, avoir obtenu son baccalauréat en retard accroît ce risque. En revanche, les étudiants de nationalité française et ceux issus des classes supérieures sont nettement moins exposés à ce risque d’échec (Tableau 5). Ces résultats mettent également en évidence l’importance du contexte d’études. Ainsi, une fois l’écueil de la première année franchi, le risque d’échec diminue de manière significative.
30Alors qu’en 2017 aucune différence significative n’était constatée, en 2021, un étudiant boursier a près de 40 % de risques en plus d’être ajourné aux examens de fin d’année que les autres (odds ratio = 1,374). Un résultat qui s’explique probablement par le fait que les étudiants aux conditions de vie les plus précaires (et donc boursiers) ont été les plus touchés par la crise sanitaire. Une hypothèse qui semble se vérifier dans notre étude puisque l’analyse montre qu’à caractéristiques équivalentes, les étudiants en situation de vulnérabilité ont 2,5 fois plus de risques d’être ajournés aux examens que les autres en 2021. Un risque qui s’est accru sous l’effet de la crise sanitaire puisqu’il était de 2 en 2017.
Tableau 5. Régression logistique sur la probabilité pour un étudiant d’être ajourné aux examens de fin d’année (2016-2017 et 2020-2021).
| Variable |
Modalité |
2017 |
2021 |
| Odds ratio |
Signif. |
Odds ratio |
Signif. |
| Constante |
|
|
*** |
|
*** |
| Seuil de vulnérabilité (réf. pas de vulnérabilité) |
Vulnérabilité |
1,945 |
*** |
2,568 |
*** |
| Sexe (réf. homme) |
Femme |
1,303 |
*** |
0,795 |
*** |
| Nationalité (réf. française) |
Étrangère |
1,341 |
n.s |
1,365 |
* |
| Âge (réf. moins de 21 ans) |
21-22 ans |
1,060 |
n.s |
1,112 |
n.s |
| Plus de 23 ans |
1,339 |
* |
1,434 |
** |
| Type d’habitation (réf. cohabitant) |
Semi-décohabitants |
0,919 |
n.s |
0,719 |
*** |
| Décohabitants |
0,779 |
*** |
0,778 |
*** |
| Origine sociale (réf. classe supérieure) |
Classe populaire |
1,294 |
*** |
1,283 |
* |
| Classe moyenne |
1,227 |
*** |
1,237 |
* |
| Bourse (réf. non) |
Oui |
0,934 |
n.s |
1,374 |
*** |
| Domaine de formation (réf. DEG) |
ALLC |
1,005 |
n.s |
0,518 |
*** |
| SHS |
1,120 |
n.s |
0,320 |
*** |
| S&T |
0,998 |
n.s |
0,759 |
*** |
| STAPS |
2,220 |
*** |
0,504 |
n.s |
| Santé |
3,656 |
*** |
0,823 |
n.s |
| Année de diplôme (réf. Bac+1) |
Bac+2 |
0,367 |
*** |
0,422 |
*** |
| Bac+3 |
0,210 |
*** |
0,243 |
*** |
| Bac+4 |
0,247 |
*** |
0,099 |
*** |
| Bac+5 |
0,148 |
*** |
0,109 |
*** |
| Type de Bac (réf. S) |
ES |
1,366 |
*** |
1,051 |
n.s |
| L |
1,747 |
*** |
2,156 |
*** |
| Technologique |
2,414 |
*** |
1,412 |
*** |
| Professionnel |
3,089 |
*** |
2,244 |
*** |
| Autre |
1,385 |
n.s |
1,369 |
n.s |
| Âge au Bac (réf. à l’heure) |
En avance |
0,845 |
n.s |
1,060 |
n.s |
| En retard |
1,559 |
*** |
2,243 |
*** |
Lecture : un étudiant en situation de vulnérabilité a 2,568 fois plus de « risques » d’être ajourné aux examens que les autres.
Champ : ensemble des répondants en 2017 (n = 7 974) et en 2021 (n = 11 431).
Source : enquête « Conditions de vie et de santé des étudiants rennais », 2017 et 2021.
- 9 Observatoire de la direction des formations (ODiF) (2020), Vulnérabilité étudiante et résultat aux (...)
- 10 Bugeja F., Frouillou L. (2023), « À l’université, le cercle vicieux de la précarité étudiante », Th (...)
- 11 Pôle Études, ComUE d’Aquitaine (2019), Enquête « Conditions de vie des étudiants 2018 ». Une mesure (...)
31L’indicateur multidimensionnel conçu par Résosup s’avère particulièrement opérant pour appréhender les conditions de vie des étudiants. Déjà testé dans plusieurs établissements et différents territoires (université de Lille9, université Paris Nanterre10, région Nouvelle-Aquitaine11, etc.), cet indicateur éprouvé peut être une réponse aux préconisations de la Cour des comptes (cf. Introduction).
32Un premier résultat probant montre que la part d’étudiants en situation de vulnérabilité a fortement augmenté sous l’effet de la crise sanitaire ; dans ce contexte, les étudiants étrangers, les plus âgés, ceux issus des classes populaires et les décohabitants semblent les plus fragiles. Notons que les étudiants issus des classes populaires, déjà identifiés comme les plus vulnérables en 2017, sont également ceux qui semblent avoir été le plus affectés par la crise sanitaire. Ce constat met en exergue les inégalités entre les étudiants qui ont pu bénéficier de la protection de leur famille et ceux dont les familles ont subi les conséquences de la crise.
33En outre, la probabilité d’être vulnérable diminue à mesure de la progression dans le cursus. Un constat bien établi, déjà mis en évidence en 2017, et qui s’explique par les déterminants de la poursuite d’études et de la réussite au diplôme qui dépendent des conditions de vie et d’études. En effet, les étudiants aux conditions de vie les plus précaires ont quitté l’université, suite à des échecs, des abandons ou des réorientations. L’analyse de la réussite universitaire menée en 2021 au regard des scores de vulnérabilité conforte cette hypothèse, puisqu’elle démontre « toutes choses égales par ailleurs », que les étudiants en situation de vulnérabilité ont 2,5 fois plus de risques d’être ajournés aux examens de fin d’année que les autres. Un risque qui s’est d’ailleurs accru sous l’effet de la crise sanitaire.
34Dans ce contexte, et alors que les schémas directeurs de la vie étudiante se mettent en place dans les établissements d’enseignement supérieur, les initiatives collectives telles que les épiceries solidaires, les aides au logement proposées l’État, la gratuité des transports mis en place par certaines collectivités locales ou encore l’accès aux services de soins sur les campus universitaires, apportent des protections supplémentaires qui contribuent à améliorer les conditions d’études des jeunes, favorisant ainsi leur réussite et in fine, leur insertion professionnelle.
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