1Ce numéro de la revue Quaternaire réunit des articles issus de communications présentées lors du 11^ème colloque international sur le Quaternaire « Q11 - Au Centre des enjeux ».

2Le colloque Q11 a eu lieu à Orléans les 13, 14 et 15 février 2018, organisé par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières et l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans, sous le patronage de l’Association Française pour l’Etude du Quaternaire - Comité National Français de l’International Union for Quaternary Science. Orléans n’avait pas hébergé ce colloque depuis sa 2^ème édition, Q2, en 1997. Q11 a donc retrouvé Orléans avec pour objectifs de rassembler les communautés scientifiques œuvrant sur le Quaternaire afin de faire le point sur l’actualité des recherches menées et d’affirmer leurs liens avec les enjeux sociétaux majeurs tels que les risques, les ressources, les services ou l’aménagement des territoires.

3La spécificité de ce colloque en lien avec les enjeux societaux a été marquée notamment par une session dédiée aux données (données spatialisées, chroniques temporelles, bases de données, modèles, etc.) et à leur acquisition, gestion et diffusion pour la communauté scientifique, l’aménagement du territoire, la gestion des aléas et des ressources, ou le développement de nouveaux services.

4Le Quaternaire est une période singulière de l’histoire de la Terre. Elle voit l’installation des cycles glaciaires et interglaciaires, qui vont intervenir de manière significative sur les paysages, les environnements, la faune, etc. L’étude fine du Quaternaire a permis de mieux comprendre la dynamique du climat et d’apprécier dans quelle mesure le changement climatique actuel est différent des changements naturels survenus au cours des derniers millénaires. Cela a également permis d’appréhender les relations entre les différents compartiments du système Terre (océans, glace, atmosphère, écosystèmes continentaux). Ces aspects ont été abordés dans le cadre de plusieurs sessions, concernant les archives sédimentaires marines, littorales holocène, les paléoenvironnements continentaux des périodes glaciaires ou la dynamique du climat, la paléogéographie et les écosystèmes du Sahara aux zones arides tropicales.

5Ainsi, Stern et al. étudient les paléoenvironnements continentaux holocènes à partir d’archives sédimentaires fluviatiles de la moyenne vallée du Bao Bolon, affluent de la Gambie au Sénégal. Ils documentent en particulier la deuxième moitié de l’Holocène et, de manière relativement détaillée, la période contemporaine des sites archéologiques mégalithiques classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi que la phase d’anthropisation intense des dernières décennies.

6L’interprétation des archives sédimentaires et des stratigraphies, parfois complexes, s’appuie aujourd’hui sur des méthodes d’analyses et de datations performantes. Une session leur a été dédiée concernant les développements méthodologiques récents en géologie du Quaternaire.

7Bahain et al. présentent une réinterprétation du site archéologique de Menchecourt (Abbeville) dans la vallée de la Somme (France), à partir de données paléontologiques et géochronologiques (méthodes ESR et ESR/U-Th), permettant ainsi de positionner la mise en place de la séquence au sein des stades isotopiques marins (SIM) 7 et 6 et confirmant l’intérêt d’organiser dans le futur une étude plus poussée de cette localité majeure de la Préhistoire abbevilloise.

8Le Quaternaire voit également l’émergence du genre Homo, puis son évolution jusqu’à Homo sapiens. Au fur et à mesure, l’Homme fait société. Ces sociétés se structurent, évoluent en tant que groupes. Ces évolutions génétiques, évolutions et révolutions culturelles sont étroitement liées à l’évolution de l’environnement et à l’accès aux ressources. La session dédiée à la dynamique des écosystèmes continentaux dans les milieux préanthropisés au Quaternaire concernait l’appréhension des variations paléoenvironnementales par les bioindicateurs et leurs implications en termes de biostratigraphie, de paléobiogéographie, de paléobiodiversité et d’évolution humaine (relations Homme-Environnement). Rush et al. ont étudié les assemblages de grande faune de la grotte des Ramandils (Port-la-Nouvelle, Aude, France) pour reconstituer le cadre paléoenvironnemental et paléoclimatique des occupations néandertaliennes de cette grotte. Ils ont ainsi pu mettre en évidence une certaine variété de paysages continentaux, liée à un climat tempéré, influencé par une situation côtière méditerranéenne. Les grands mammifères de la grotte des Ramandils, correspondant à une faune du SIM 5 postérieure à l’Eemien, représentent différentes phases d’occupations néandertaliennes et illustrent une partie de la paléobiodiversité sur le territoire nord-ouest méditerranéen au Pléistocène supérieur.

9Localement, c’est au Quaternaire que se dessinent les paysages orléanais qui ont accueilli le colloque Q11. Les réseaux hydrographiques du bassin de la Loire moyenne s’installent. Les cours d’eau évoluent et migrent tout au long du Quaternaire. A la toute fin du Quaternaire, la Loire occupe l’actuel Val de Loire, au sein duquel elle va « divaguer » pendant l’Holocène. Tout au long du Quaternaire, les berges de la Loire et de ses affluents ont constitué un habitat privilégié pour les Hommes. On trouve aujourd’hui dans les terrasses fossiles du bassin de la Loire moyenne les preuves d’occupations humaines parmi les plus anciennes de l’Europe. Au nord de la Loire, sur la plaine de Beauce, ce sont les dépôts de lœss, parfois épais de plusieurs mètres, qui constituent le paysage typique de cette région et enregistrent les témoins d’occupations humaines passées. Ainsi, au sein de la session concernant les confrontations inter-sites / interarchives / interméthodes pour reconstituer la variabilité spatio-temporelle et la modélisation des écosystèmes, deux études locales sont publiées ici. Coussot et al. s’intéressent au comblement d’un paléovallon par des limons en contexte de plateau beauceron à Courville-sur-Eure (Eure-et-Loir, France). Les datations OSL effectuées sur cette coupe montrent que le comblement s’étend de la seconde partie du Pléistocène moyen jusqu’à l’Holocène. Les études micromorphologiques et granulométriques concernent la période comprise entre le dernier interglaciaire eemien et le Pléniglaciaire weichsélien moyen. Outre l’aspect purement chronostratigraphique, de telles séquences sont importantes pour la recherche archéologique en contexte préventif en raison de leur fort potentiel de conservation des sites paléolithiques.

10Un peu plus au sud de la région Centre, dans le Val de Loire tourangeau, Marquet et al. ont étudié une coupe de 11 m de remplissage sédimentaire dans le site préhistorique de La Roche-Cotard IV (Indre-et-Loire, France). L’étude pluridisciplinaire (sédimentologie et micromorphologie, faunes de petits et grands vertébrés, industrie lithique, géochronologie par OSL et ¹⁴C) a permis de proposer que la grotte (LRC I) a été impénétrable par Homo sapiens au moins à partir du début du stade isotopique marin 3 (60 ka) et donc que les productions pariétales à caractère symbolique de la grotte sont très probablement à attribuer à l’Homme de Néandertal.

11Les paysages actuels et la majeure partie des formations de surfaces sur lesquelles nous vivons sont hérités de l’impact de la cyclicité climatique Quaternaire, et notamment du dernier cycle glaciaire (fin du Pléistocène) - interglaciaire (Holocène). Au premier lieu, on pensera aux sols, support du vivant, fondement de notre agriculture et de notre alimentation. Aujourd’hui, se pose la question de la gestion de ces ressources (eau, sol, air, biodiversité…) et de l’impact des activités humaines sur celles-ci (pollution, extinctions, changement climatique…). Ainsi, au-delà des avancées significatives des dernières décennies sur la compréhension du Quaternaire, cette période demeure d’une modernité remarquable car elle est en lien constant avec les questionnements de notre société. La session concernant les trajectoires conjointes des sociétés et des écosystèmes continentaux durant l’Anthropocène a accueilli la contribution d’Armynot du Châtelet et al. concernant la caractérisation par les foraminifères des environnements archéologiques et du cadre paysager de l’emporium mérovingien et carolingien de Quentovic, dans l’embouchure de la Canche (France). Il leur a été possible de reconstituer l’environnement de cet emporium qui correspond à un paysage estuarien à la transition entre le marais maritime et la vasière intertidale, propice au développement de l’habitat à l’époque carolingienne.

12Au final, ce numéro regroupe six contributions qui reflètent la diversité et la richesse des 118 communications proposées lors des trois journées du colloque Q11 - Au Centre des enjeux. Ce colloque a pu se tenir dans de bonnes conditions et les frais de publication de ce numéro thématiques ont été couverts grâce au soutien du BRGM, de l’Université d’Orléans, de l’Observatoire des Sciences de l’Univers en région Centre, du CNRS (INEE, INSU), du Réseau Thématique MIDI, du Labex Voltaire, du CROUS Centre-Val de Loire, de la Société Française des IsotopeS, de la région Centre-Val-de-Loire, d’Orléans Métropole et de plusieurs partenaires privés : Cemex, Beta Analytic, Antea et Pacea.