1Jean Sommé, professeur émérite de géographie physique à l’université de Lille, nous a quittés le 20 septembre 2018 dans sa 87^ème année. Il fut membre de l’AFEQ dès 1964, président de 1986 à 1990 et directeur de publication des Bulletins de l’association de 1980 à 1987. Il fut vice-président du Comité National Français de l’INQUA de 1980 à 1988. Son travail et sa personnalité ont durablement marqué la communauté des géologues du Quaternaire et il a participé à façonner notre association telle qu’elle existe aujourd’hui.

2Né en 1931, Jean Sommé a passé ses années d’enfance à Paris et en région parisienne. Après la Seconde Guerre mondiale, il a mené des études secondaires à Hirson, puis des études supérieures littéraires à Lille. Il a produit ses premiers travaux de géomorphologie en 1955 dans le cadre de son Diplôme d’Études Supérieures à la Faculté des Lettres de Lille sur « les confins Nord-Est du bassin de Rennes ». Reçu à l’agrégation de Géographie en 1958, il est ensuite nommé professeur du second degré à Roubaix puis à Lille. En 1963, il devient assistant à la Faculté des Lettres de Lille.

3À son arrivée à la Faculté en 1963, Jean Sommé reprend l’étude de la géomorphologie et de la géologie du Quaternaire de la région du Nord, sujets qui avaient été délaissés depuis la Première Guerre mondiale. En à peine plus de dix ans, et en plus de sa charge d’enseignement, il dresse un tableau d’ensemble de la géomorphologie des plaines du Nord et développe une approche stratigraphique des formations superficielles. Il cartographie les dépôts de la plaine maritime et lève de nombreux fronts de briqueteries (beaucoup sont alors encore actives). Ses travaux sur les loess lui valent très tôt la reconnaissance de ses pairs. Ces différents thèmes de recherche se retrouvent dans sa thèse de doctorat d’État soutenue en 1975 sous la direction de Mme Beaujeu-Garnier : « Les plaines du Nord de la France et leur bordure. Étude géomorphologique ». Ce mémoire reste un ouvrage de référence qui définit le cadre géomorphologique et stratigraphique du Quaternaire régional.

4Jean Sommé était attaché aux concepts de « litho-pédostratigraphie », de « morphostratigraphie », d’« enregistrement-réponse », de « formations superficielles corrélatives de la morphogenèse ». Dans des plaines au relief modéré mais riches d’une couverture sédimentaire quaternaire continue et épaisse, il a étudié des dépôts dont l’intérêt stratigraphique et paléoenvironnemental dépasse le cadre régional et proposé des séquences de référence comme les hauts niveaux marins de Loon-Plage et d’Herzeele, la formation fluviatile interglaciaire eemienne d’Erquinghem-sur-la-Lys, ou les dépôts du Début Glaciaire weichselien du golfe de Watten. Il collabore tout naturellement à l’étude stratigraphique de gisements préhistoriques, notamment sur les terrasses fluviatiles de Biache-Saint-Vaast où furent découverts des restes humains néandertaliens.

5Au-delà d’un parcours académique exemplaire qui l’a conduit à jouer un rôle dans de nombreuses instances scientifiques et administratives, c’est l’homme de qualité que nous voudrions évoquer. Jean Sommé était un scientifique rigoureux qui a promu la précision de l’observation, le levé de coupes détaillées et le respect strict des règles stratigraphiques. En cela, il fut probablement le plus « géologue des géographes » selon l’expression de son ancien étudiant et ami Pierre Antoine. La rigueur, la discipline et le soin apportés dans ses travaux étaient une marque de fabrique. Son goût et son talent pour le dessin est perceptible dans ses coupes et cartes aux traits nets et précis. Esprit littéraire, son verbe était à l’image de sa production graphique. Il trouvait les mots justes, les déployaient en une syntaxe fluide et évidente, et avait indéniablement le sens de la formule. Ils participaient à rendre intelligibles des réalités parfois complexes, à circonscrire l’étendue des connaissances et méconnaissances. Homme de caractère, il n’hésitait pas à bousculer les concepts mal étayés, les idées reçues ou, au contraire, à soutenir une idée ou une interprétation qui n’avait pas la faveur du plus grand nombre. Il était de ces personnes qui empêchent de penser en rond et n’hésitait pas à pointer contradictions ou faiblesses de raisonnement. Grand lecteur, il possédait une connaissance incroyablement pointue des auteurs anciens comme Jules Ladrière, pionnier de la stratigraphie des loess, qu’il appréciait tout particulièrement. Nous ne pouvons que regretter qu’un ouvrage sur le Quaternaire rédigé par Jean Sommé n’ait pas pu vu le jour.

6Un des traits de caractère de Jean Sommé, qui ne transparaît pas dans ce qui précède, était son humour parfois iconoclaste mais toujours de bon aloi. Nous avions toujours un réel plaisir à discuter avec lui. Il ne lui déplaisait pas aussi de développer un petit côté libertaire face à l’absurdité de certains comportements ou obligations administratives totalement déconnectés du monde réel. Il était un « agitateur » selon l’expression de son ami géologue Jean-Pierre Colbeaux.

7Jean Sommé nous lègue plus qu’une somme incontournable sur la géomorphologie et le Quaternaire régional du nord de la France. Il est, pour beaucoup de ceux qui l’ont connu, un exemple d’humanité et de rigueur scientifique.

8Une journée de travail sur les plaines du Nord, co-organisée par l’AFEQ CNF-INQUA, la SGN et l’INRAP s’est tenue en son hommage à Villeneuve-d’Ascq, le 13 octobre 2017. Ce fut l’occasion pour les plus jeunes des participants d’apprécier sa vivacité et sa finesse d’esprit et, pour les moins jeunes, collègues ou anciens étudiants, de lui témoigner leur amitié. Ce numéro de Quaternaire rassemble trois articles sur le nord de la France : un sur les dépôts loessiques en fond de vallée par Laurent Deschodt, un sur la plaine maritime par Mathieu Lançon et Muriel Boulen, et un sur la fin du Paléolithique moyen et son contexte environnemental et chrono-stratigraphique par Jean‑Luc Locht. Ce triptyque est complété par une contribution de Tiphaine Salel et collaborateurs sur l’évolution holocène de la lagune côtière de la basse vallée de l’Aude émanant de sa thèse supervisée par David Lefèvre, ancien collègue proche de Jean Sommé lorsqu’il était en poste à l’Université de Lille. Qu’il soit le témoignage de notre estime.

9Fonctions administratives et collectives

• Secrétaire académique du Syndicat Général de l’Education Nationale (CFTC, puis CFDT) (1962-1970)

• Conseil de l’UER puis de l’UFR de Géographie (1969-1997)

• Conseil de l’Université des Sciences et Technologies (1969-1973 et 1976-1984)

• Comité de rédaction de la revue Hommes et Terres du Nord (1973-1995)

• Vice-président du Centre for Quaternary Stratigraphy (groupe de contact du Fond National de la Recherche belge) à Bruxelles (1975-1994)

• Conseil de l’AFEQ (Association Française pour l’Étude du Quaternaire) (1976-1998)

• Conseil de la SGN (Société Géologique du Nord) (1976-1982, 1987, 1996-1997)

• Vice-président de la Commission de l’Atlas paléogéographique du Quaternaire (INQUA : Union internationale pour l’Etude du Quaternaire) (1976-1982)

• Président de la Sous-Commission d’Europe de l’Atlas paléogéographique du Quaternaire (INQUA) (1978-1982)

• Président de la Société Géologique du Nord (1979)

• Président du jury du DEUG de Géographie 1^ère année à Lille (1979-1988)

• Responsable du DEA de Géographie physique à l’UER de Lille (1979-1985)

• Directeur des publications de l’AFEQ (1980-1987)

• Vice-président du Comité National Français de l’INQUA (1980-1988)

• Responsable de la RCP 539 (Recherche Coopérative sur Programme) du CNRS : « Le Pléistocène de la France septentrionale : stratigraphie, paléontologie, paléolithique » (1981-1985)

• Directeur de l’UER (Unité d’Enseignement et de Recherche) de Géographie à l’Université des Sciences
  et Technologies de Lille (1982-1987)

• Président de l’AFEQ (Association Française pour l’Etude du Quaternaire) (1986-1990)

• Comité scientifique de la revue Géologie Dynamique et Géographie physique (1984-1987)

• Comité scientifique des Annales de la Société Géologique de Belgique (1984-1986)

• Conseil scientifique de l’Université des Sciences et Technologies de Lille (1985-1990)

• Conseil de l’UFR (Unité de Formation et de Recherche) des Sciences de la Terre de l’Université des Sciences et Technologies de Lille (1987-1996)

• Comité de lecture de la Carte géologique de France (BRGM, Orléans) (1988-1996)

• Comité de direction du Centre de Géomorphologie du CNRS à Caen (1989-1991)

• Conseil éditorial de la Société Géologique de France (1989-1990)

• Responsable du DEA « Analyse géographique du milieu physique : ressources et risques naturels » (1990-1995)

• Commission de spécialité de géographie à l’Université de Reims (1990-1994)

• Commission de spécialité de sociologie à l’Université de Lille (1991-1993)

• Bureau éditorial de la revue Geodinamica Acta (1994-1996)

• Comité éditorial et scientifique de la Société Géologique du Nord (1996-1997, 2011-2018)

10Prix et distinctions

• Prix Prélat-Thysse de la Faculté des Lettres de Lille (1954 et 1955)

• Prix Gosselet de la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille (1976)

• Prix Léonard Danel (Grand prix des Mines) de la Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille (1991)

• Commandeur des Palmes académiques en 1997 (Chevalier en 1970, Officier en 1985)

Jean Sommé, entouré de trois anciens présidents de l’Association Française pour l’Étude du Quaternaire.

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De gauche à droite : Nicole Limondin-Lozouet, Pierre Antoine, Jean Sommé et David Lefèvre.

Photo Denis‑Didier Rousseau.