1L’endroit n’est pas pittoresque. Il ne se distingue pas particulièrement de nombreuses autres zones péri-urbaines de ville moyenne de la France métropolitaine avec leurs mitages d’habitations et de magasins. Une autoroute, la « rocade minière-A21 », borde un champ labouré. Quelques centaines de mètres plus loin, elle franchit la Scarpe, une petite rivière canalisée. Ses rives en batardeaux, sa surface lisse et, surtout, l’absence de tout versant perceptible dans le paysage pourraient faire croire qu’elle est un simple canal, une pure création humaine adaptée au besoin du commerce et de l’industrie. Le passé minier de la région a laissé sa trace à travers d’anciennes citées minières proches et un petit terril depuis longtemps végétalisé de l’autre côté de la rocade. Nous sommes dans le nord de la France, quelques kilomètres au nord de la ville de Douai, sur le territoire de la commune de Waziers, au lieu-dit du Bas-Terroir.

2Qui aurait pu imaginer que ce petit bout de plaine sans rien de notable, en apparence, et destiné à être transformé en zone commerciale avait tant de choses en lui, tant de choses à nous apprendre sur le dernier Interglaciaire et sur la Préhistoire ? Qui aurait pu imaginer qu’une tourbe du Pléistocène pourrait être la véritable terre rare de ce territoire de gueules noires ? Saturne, dieu terrible et sévère qui pousse dans l’oubli êtres et choses, sait être aussi quelque peu taquin. Du crible du temps il conserve des fragments du passé incroyablement précieux qu’il muche dans des endroits parfois bien inattendus. Dès lors c’est à nous, pauvres mortels, à savoir les trouver, les reconnaître, les étudier, les comprendre et les faire connaître.

3De la découverte du gisement du Bas Terroir en 2013 à la présente publication, nombreuses sont les personnes qui ont permis, facilité ou participé à la réalisation de ce travail : les bénévoles qui ont œuvrés sur les fouilles, les agents et conservateurs du Ministère de la Culture, les archéologues de la communauté d’agglomération (C.A.D.-D.A.P. puis Direction de l’Archéologie Préventive de Douaisis Agglo), les archéologues de l’Institut National de Recherches en Archéologie Préventive, les maires successifs de la ville de Waziers et les acteurs des services municipaux, les propriétaires des terrains, les différents chercheurs et laboratoires du Centre National de la Recherche Scientifique, sans oublier les chercheurs étrangers et leurs institutions.

4La présente publication sur la Formation de Waziers se compose de deux fascicules de Quaternaire publiés à cheval sur 2022 et 2023. Elle délivre les premiers résultats issus des deux des campagnes de fouilles 2014 et 2015 sur le Bas-Terroir. Le premier fascicule débute par un article (Hérisson et al., 2022) qui prend le temps de remercier chacun des intervenants après avoir fait un nécessaire historique des différentes interventions et recherches menées durant la dernière décennie. La lithostratigraphie générale et la définition de la Formation de Waziers sont présentée dans le deuxième article (Deschodt et al., 2022). La suite du premier fascicule traite des études géophysiques (Hulin & Virmoux, 2022), des probabilités d’âge (Bahain et al., 2022), des études palynologiques (Gauthier, 2022), des études malacologiques (Limondin-Louzouet, 2022), des restes de macro- et méso-faune (Auguste et al., 2022) et de la reconstitution des paléotempératures (Maréchal et al., 2022).

5Dans le deuxième fascicule devraient être présentés les analyses paléoprotéogénomiques (Bray et al., soumis), la micro-faune (Lebreton et al., accepté), les macro-restes végétaux (Audiard et al., soumis, les données archéologiques et archéozoologiques (Hérisson et al., soumis) et un article de synthèse (Deschodt et al., soumis). Une présentation des ressources documentaires accessibles en ligne (data paper) terminera le fascicule.

6Des efforts personnels et collectifs importants ont été nécessaires pour aboutir à cette publication. Elle pointe la richesse de la Formation de Waziers qui est, à notre avis, un gisement majeur pour l’étude du dernier Interglaciaire dans le nord-ouest de l’Europe. Toutefois il ne doit pas faire oublier que cette moisson est issue de la fouille d’une infime partie des alluvions conservées. Bien des interrogations demeurent sur l’extension réelle de cette section de vallée, son évolution, sur les Hommes qui l’ont fréquentée… Les réponses sont là, juste sous nos pieds et dans des caisses de prélèvement conservées en chambre froide. À nous de nous en saisir collectivement pour écrire l’histoire que nous conte une autre terre noire. Dans cette zone péri-urbaine que rien ne semble pourtant distinguer d’une autre se cachent encore des trésors de connaissances. Et ch’a, ch’est pas des carabistouilles !