Avant-propos
Texte intégral
1Ce numéro thématique fait suite à l’excursion de l’AFEQ-CNF INQUA de 2014 qui portait sur « Les formations fluviatiles du bassin de la Loire moyenne : dix ans de recherche ».
2Dans le bassin de la Loire moyenne, les courants responsables des grands épandages fini-tertiaires ont été captés et orientés à la fin du Pliocène ou au début du Pléistocène par les principaux accidents tectoniques. Au cours du Pléistocène, les réseaux hydrographiques actuels qui drainent les deux versants du bassin de la Loire moyenne se sont individualisés le long de ces accidents. Leurs tracés sont complexes : ils sont liés à la tectonique de fond, à la nature des terrains traversés et aux accidents néogènes et récents les affectant localement.
3Au cours du Quaternaire, l’approfondissement des vallées s’est produit en réponse au soulèvement du Massif Central et du Bassin parisien, (conséquence de l’orogénèse alpine) et à la succession des cycles climatiques « glaciaire-interglaciaire » dont les phases récurrentes d’incision-remblaiement ont été enregistrées.
4En région Centre-Val de Loire, dans les vallées moyennes des affluents de la Loire, les dépôts fluviatiles fossiles sont assez bien conservés car ces secteurs sont suffisamment éloignés de la source (donc de l’érosion torrentielle) et de l’embouchure (donc des effets des variations du niveau de la surface de l’océan). Par suite du soulèvement progressif mais irrégulier, du bassin de la Loire moyenne, les témoins des remblaiements alluviaux les plus anciens sont généralement étagés sur les versants et les formations les plus récentes sont emboîtées dans les fossés tectoniques actuellement suivis par les rivières.
5Depuis plus de dix ans, les vallées des principaux affluents de la Loire comme le Loir, le Cher, et la Creuse ont été étudiées dans leur cours moyen. Pour chacune des nappes reconnues, les coupes ont été mises au jour jusqu’au substratum et prélevées pour les études géologiques, géochronologiques, et paléoenvironnementales. Les systèmes fluviatiles de ces trois rivières sont constitués de nappes fossiles dont le nombre, la composition et la géométrie varient en fonction des secteurs géologiques traversés par les rivières. Leurs sédiments sableux ont été systématiquement datés par la méthode de Résonance de Spin Electronique (ESR) appliquée aux grains de quartz fluviatiles optiquement blanchis. Les nappes les plus hautes, plus ou moins bien conservées, ont été déposées au Pléistocène inférieur, entre 1,7 et 0,8 Ma. Les nappes moyennes qui correspondent aux longs cycles climatiques du Pléistocène moyen sont très bien enregistrées et bien conservées. Régulièrement étagées sur les versants, elles ont été déposées entre 800 et 400 ka. Les formations plus récentes sont emboîtées dans le fond du fossé actuel. Les résultats, encore partiels, suggèrent des reprises successives des alluvions entre 400 et 130 ka, indiquant des arrêts ou un ralentissement dans la surrection régionale.
6Pour la Loire et ses affluents solognots, les Sauldres et le Beuvron, la répartition spatiale des formations alluviales, leurs natures lithologiques et les sources de matériaux qui les constituent ont été de nouveau étudiées grâce à une nouvelle méthodologie de cartographie prédictive basée sur la spectrométrie gamma aéroportée. Pour certaines de ces formations, des études géomorphologiques et paléopédologiques ont été entreprises dans le cadre des interventions d’Archéologie préventive en Orléanais, afin de préciser la morphologie des surfaces d’érosion, les paléo-axes d’écoulement et d’aider à définir des marqueurs chronostratigraphiques.
7De très nombreux sites préhistoriques associés aux formations alluviales fossiles des rivières du bassin de la Loire moyenne ont été reconnus depuis la deuxième moitié du xixe siècle. Pour une vingtaine de ces sites, la position stratigraphique des outils abandonnés par les homininés a été précisée ; diverses figures attestant des variations climatiques y ont été relevées et interprétées ; des restes, rares, de faunes et de flores fossiles y ont été déterminés. Les sédiments sableux qui ont recouvert et fossilisé les niveaux contenant les artefacts ont fait l’objet de plusieurs campagnes de datations absolues en utilisant des méthodes complémentaires (ESR, OSL, 26Al / 10Be, paléomagnétisme…). Enfin les études géoarchéologiques qui ont été conduites dans quatre de ces sites ont permis de caractériser les comportements des homininés autour des gîtes de matériaux siliceux déposés sur le plancher après l’incision de la rivière au début de la phase de transition climatique avant le Pléniglaciaire. La très grande ancienneté (1,1 Ma) de trois des sites du Très-Ancien Paléolithique fossilisés sous les alluvions sableuses des plus hautes nappes déposées au Pléistocène inférieur est aujourd’hui confirmée. Au Pléistocène moyen, Les niveaux d’industries préhistoriques contenant des bifaces de type acheuléen sont fréquents sous les formations sableuses : dans la vallée du Cher, un niveau préhistorique à bifaces a été positionné à deux reprises sous la formation fluviatile déposée entre 700 et 650 ka. Dans la vallée du Loir, c’est un niveau à galets taillés (400 ka) reposant sur le substratum qui a été recouvert. Trois autres sites occupés entre 400 et 230 ka sont en cours d’étude. Les pièces, trouvées à la base de la formation fluviatile ou dans son sommet témoignent de l’apparition et de l’utilisation de la technique Levallois.
8Depuis dix ans, les études des vallées du Loir, du Cher et de la Creuse ont été réalisées dans le cadre d’un programme collectif de recherches sur « Les premiers peuplements paléolithiques dans les formations fluviatiles fossiles du bassin de la Loire moyenne en région Centre » soutenu par le Ministère de la Culture (DRAC du Centre), le Muséum National d’Histoire Naturelle (Département de Préhistoire) et le Conseil régional du Centre-Val de Loire (ARCHÉA).
9Pour la Loire orléanaise et ses affluents solognots, les données publiées dans ce numéro résultent des travaux de l’Institut National de l’Archéologie Préventive (INRAP) en Orléanais et de son groupe de travail sur « Le Pléistocène de la région Centre : élaboration d’un cadre chronostratigraphique ». Elles proviennent également des projets de recherches innovants menés par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) sur la région Centre-Val de Loire (notamment les projets Régocentre, Regometh et Régoconcept)
10Ces différents travaux ont permis d’aborder plusieurs systèmes fluviatiles du bassin de la Loire moyenne, de confirmer les relations entre les vallées et la tectonique régionale, d’établir la chronologie des systèmes fluviatiles et de reconnaître leur relation avec les cycles climatiques, d’étudier les paléoenvironnements et de caractériser les types d’occupations anciennes de l’Homme, ce qui fait qu’aujourd’hui ce bassin est particulièrement bien documenté pour le Quaternaire et la Préhistoire.
Pour citer cet article
Référence papier
Jackie Despriée et Hélène Tissoux, « Avant-propos », Quaternaire, vol. 28/1 | 2017, 3-4.
Référence électronique
Jackie Despriée et Hélène Tissoux, « Avant-propos », Quaternaire [En ligne], vol. 28/1 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2019, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/quaternaire/7926 ; DOI : https://doi.org/10.4000/quaternaire.7926
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