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Notes de lecture
Culture, esthétique

Florent Favard, Le Récit dans les séries de science-fiction. De Star Trek à X-Files

Paris, A. Colin, 2018, 206 pages
Stéphane François
p. 333-335
Référence(s) :

Florent Favard, Le Récit dans les séries de science-fiction. De Star Trek à X-Files, Paris, A. Colin, 2018, 206 pages

Texte intégral

1Florent Favard, maître de conférences au Centre de recherche sur les médiations à l’Institut européen de cinéma et d’audiovisuel de l’université de Lorraine, offre avec Le Récit dans les séries de science-fiction une étude passionnante, qui était attendue : il s’agit de la première synthèse en français sur ce sujet. Si le livre est petit par le volume, il est, au contraire, dense par sa richesse. Bien que nous ayons une appétence particulière pour ce registre précis et une bonne culture dans le domaine des séries de science-fiction, plusieurs exemples proposés par l’auteur nous étaient totalement inconnus. Nous devons donc saluer sa très grande érudition, exposée avec une grande clarté, selon un plan chrono-thématique pertinent, allant de 1966 (voire un peu avant, avec la référence à La Quatrième dimension créée en 1959) jusqu’à aujourd’hui. L’ouvrage est composé de cinq chapitres : « L’exploration comme mot d’ordre » (pp. 25-55), « Naissance des mythologies » (pp. 57-90), « Des mondes divisés » (pp. 91-124), « Le voyage dans le temps » (pp. 125-162) et, enfin « Le futur nous rattrape » (pp. 163-194). Il est complété par une préface d’Ioanis Deroide (pp. 5-6), une bibliographie (pp. 195-197), un index des notions (pp. 199-200) et un index, fort utile, des séries citées (pp. 201-203).

2Les séries de science-fiction sont passionnantes à étudier. Comme elles ont existé très tôt à la télévision (pensons à La Quatrième dimension), elles sont aussi le reflet de l’évolution de nos sociétés hypermodernes, reflet très bien mis en avant par l’auteur d’ailleurs. Elles sont parfois utopiques (Star Trek montre en creux une société sans classe sociale, sans capitalisme et sans différence raciale – n’oublions pas qu’elle a été créée en 1966), parfois paranoïaques (X-Files, série phare des années 1990, avec son gouvernement secret [le MJ 12] à la solde des extraterrestres) ou dystopiques (la très angoissante Black Mirror et sa critique des nouvelles technologies, typique des années 2010).

3L’une des grandes difficultés soulevées par ce livre est celle de la définition de la science-fiction. Comment la définir ? Florent Favard le fait dans son « Introduction ». Il cerne cette catégorie un peu floue, mais toujours dissonante, et en donne une définition claire, d’un genre en perpétuelle évolution, qui intègre, voire assimile, d’autres genres. De fait, le registre de la science-fiction se manifeste par une étrangeté, une dissonance technologique ou scientifique qui le sépare du registre du merveilleux et du magique. L’auteur parle à ce sujet d’étrangéisation cognitive. La science-fiction peut aussi bien traiter du Space Opera (Star Trek, Stargate et leurs dérivés, Farscape, etc.) que d’univers parallèles aux marges de la science (Fringe), d’invasions extraterrestres (V, Colony ou X-Files, bien que cette dernière série intègre aussi des aspects relevant du merveilleux : magie, diable, etc.), voire de peur technologique (comme le système de surveillance de Person of Interest). Florent Favard montre ainsi d’une façon claire que le registre de la science-fiction, en dépit de ses évolutions et de ses hybridations, se définit par ce qui est raconté (l’« histoire ») et la façon dont cela est fait (le « récit »). Elle permet selon lui, et nous le suivons dans sa démonstration, « de nous présenter le monde sous un autre angle pour mieux nous interpeller » (p. 13). En effet, les séries de science-fiction ont des univers mythologiques qui leur sont propres permettant leur distinction dans le champ des séries fictionnelles, en lien avec les questions de sociétés.

4Cependant, cette réflexion sociétale est parfois absente dans certaines séries de science-fiction. Ainsi Stargate SG 1 ne propose-t-il aucune critique des sociétés occidentales. Surfant sur le succès de la thèse des « anciens astronautes » (selon laquelle les extraterrestres ont joué un rôle important dans l’histoire de l’humanité), elle offre au contraire un univers très riche et cohérent en ce qui concerne les civilisations extraterrestres et les technologies mises en œuvre – qui évoluent d’ailleurs au rythme de la série. Une cohérence qu’on ne retrouve, à notre avis, que dans la franchise Star Trek.

5L’un des points forts de cet ouvrage, mais il y en a tant !, est de montrer la complexification des scénarios, et donc des mythologies et des univers, des séries de science-fiction depuis le début des années 1960. D’abord se résumant à une aventure par épisode, ces séries se sont mises à développer des univers macro-historiques feuilletonnant d’un épisode à un autre, donnant naissance à des structures complexes. L’un des meilleurs exemples reste, à notre avis, mais nous ne sommes guère objectif car celle-ci fait partie de nos préférées, X-Files qui intercale durant ses 11 saisons des épisodes sans suite au feuilleton du complot extraterrestre (constitué de 65 épisodes sur les 217). En retour, cette complexification a nourri le cinéma de science-fiction, en permettant l’élaboration de mythologies impossibles à développer dans le cadre d’un film, forcément limité par la contrainte temporelle. Ainsi, durant les années 1990, un aspect se développe-t-il dans les différentes séries de science-fiction, leur donnant de la profondeur, voire de la noirceur : il s’agit des relations interpersonnelles des différents personnages. L’approfondissement des psychologies et des relations sociales permettent la création d’univers complexes sur le modèle de la société. Les personnages perdent en unidimensionnalité mais gagnent en ambiguïté. Le reboot, c’est-à-dire la nouvelle version, de Battlestar Galactica est de ce point de vue une réussite.

6Par ses exemples donnés et l’index qui précise le nombre de saisons produites des séries citées, cet excellent livre montre aussi en creux les échecs des séries de science-fiction, certaines s’épuisant très (trop ?) rapidement (Extant ou Terra Firma) ; d’autres, de qualité, étant annulées après juste une saison (Firefly ou John Doe). Si nous retranchons celles destinées à une courte existence (les « mini-séries »), il ressort qu’un nombre important de séries sont relativement brèves (une à deux saisons). Ainsi Star Trek n’a-t-elle eu que trois saisons, mais a laissé des traces importantes dans la culture populaire actuelle, comme le prouvent les différents films (qui ne sont pas tous bons d’ailleurs) et les séries dérivées (Deep Space Nine, Voyager, Discovery, Enterprise ou The Next Generation). Plusieurs raisons à cette brièveté : certaines sont mauvaises ou sont des imitations de séries à succès comme Dark Skies qui a profité de X-Files (la thématique du complot extraterrestre), d’autres ont très bien démarré, mais le scénario s’est essoufflé rapidement, comme ce fut le cas avec Heroes, d’autres encore n’ont malheureusement pas trouvé leur public : Firefly en est un très bon exemple. Cette transposition dans l’espace de la fin de la guerre de Sécession est devenue culte dans le milieu des amateurs de séries. C’est le cas également de Stargate Universe (deux saisons ont été tournées) qui insiste sur les relations interpersonnelles d’un équipage terrien transporté involontairement sur un navire spatial situé à l’autre bout de l’univers.

7Le Récit dans les séries de science-fiction est donc un ouvrage visant deux publics : l’universitaire évidemment, car il est une réflexion érudite, mais également l’amateur de séries, car il est facile d’accès. En effet, l’accès universitaire n’est en rien rebutant, l’ouvrage n’étant pas jargonnant. Au contraire, son écriture fluide en fait un livre à la lecture aisée, facilitée – comme cela devient rare, il faut le préciser – par un appareil critique en notes de bas de page. Nous le conseillons donc vivement.

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Pour citer cet article

Référence papier

Stéphane François, « Florent Favard, Le Récit dans les séries de science-fiction. De Star Trek à X-Files »Questions de communication, 34 | 2018, 333-335.

Référence électronique

Stéphane François, « Florent Favard, Le Récit dans les séries de science-fiction. De Star Trek à X-Files »Questions de communication [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 31 décembre 2018, consulté le 14 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/16295 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.16295

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Auteur

Stéphane François

GSRL, CNRS/EPHE/PSL, F-94205
francois.stephane21[at]aliceadsl.fr

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