1La bibliométrie a connu un regain d’intérêt en France à la suite de la création en 2006 de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) et de la médiatisation des classements mondiaux des universités, notamment celui de Shanghai. Historiquement, la bibliométrie, à travers l’analyse des citations, a été utilisée par les bibliothécaires pour la constitution et la gestion des collections documentaires. Par la suite, l’administration américaine de la recherche a élargi son usage en y faisant appel pour gérer et contrôler les flux de financements (Heilbron, 2002). Rappelons que ce sont P. L. K. Gross et E. M. Gross (1927) qui, dans un article pionnier, ont utilisé le décompte des citations pour aider les bibliothécaires à choisir des revues de chimie pour enrichir leurs collections. Toutefois, c’est la création de l’Institute for Scientific Information (ISI) par Eugene Garfield qui a permis de développer des travaux robustes afin de mesurer la diffusion des connaissances scientifiques en examinant l’impact d’une revue, d’un auteur, d’un article ou d’une institution en fonction du nombre de fois où des œuvres et/ou des auteurs ont été cités par des pairs (Larivière et Sugimoto, 2018).
2L’analyse des citations fournit ainsi des indicateurs de performance de plus en plus utilisés dans l’évaluation de la recherche et des politiques scientifiques en participant, à travers la sélection des revues de référence, au processus d’institutionnalisation des disciplines scientifiques. En France, en sciences de l’information et de la communication (SIC), il n’existe pas d’études systématiques sur les supports scientifiques de référence visant à cartographier la discipline. Afin de combler cette lacune, des efforts continus des différentes instances en SIC, notamment le Conseil national des universités (CNU), la Société française des sciences de l’information et de la communication (SFSIC) ou la Conférence permanente des directeurs·trices d'unités de recherche en sciences de l’information et de la communication (CPdirsic), ont permis d’établir une liste de revues qui, désormais, joue un rôle structurant dans le processus de la qualification des docteurs, dans l’évaluation des unités de recherches et, plus généralement, dans les carrières des chercheurs. L’identification des revues considérées comme celles de référence dans un champ scientifique donné a pour conséquence d’en exclure d’autres. Se pose alors la question du périmètre d’une discipline au regard des revues dites du champ scientifique et dont la visibilité est très limitée dans des banques de données commerciales de l’ISI. Ce problème de visibilité est souligné par Hélène Prost et Joachim Schöpfel (2012) qui ont étudié la présence de 106 revues francophones en SIC dans les bases de données internationales. Cette analyse montre que 25 % de ces revues jouissent d’une certaine visibilité, majoritairement celles issues des sciences de l’information. Ces dernières sont indexées dans au moins une des trois bases considérées dans cette étude : Ulrichsweb, Scopus et Lisa.
3Le présent article se situe dans la continuité des travaux de Stéphane Chaudiron et Madjid Ihadjadene (2017) qui ont étudié l’évolution des citations dans la revue Études de communication de 1992 à 2016. Nous avons souhaité élargir cette recherche pour confronter la liste des revues proposée par le CNU, la SFSIC et la CPdirsic avec les revues citées par les chercheurs en communication. Nous proposons d’abord un bref état de l’art sur les pratiques de citation en communication afin de distinguer les revues les plus citées. Nous présentons ensuite la méthode utilisée pour recueillir et traiter les données bibliométriques. Nous nous focalisons ensuite sur les pratiques de citation des chercheurs qui publient dans ces neuf revues. Enfin, nous concluons en proposant quelques perspectives de recherche.
4Les travaux concernant les pratiques de citation en sciences de la communication ont émergé depuis les années 1970 aux États-Unis afin d’identifier les revues les plus citées dans ce champ. Sachant que les pratiques de citation en communication et en sciences de l’information divergent au niveau international et considérant que notre corpus est constitué de neuf revues françaises publiant essentiellement des articles en communication, notre revue de la littérature se concentre autour des travaux bibliométriques menés en communication tout en excluant des travaux en bibliothéconomie et en sciences de l’information.
5Le premier problème de ce type d’études bibliométriques est lié à la couverture du champ disciplinaire dans les banques de données du Web of Sciences de Clarivate Analytics. Les citations de Web of Sciences sont biaisées et ne reflètent pas de manière précise les citations de la recherche en communication (Levine, 2013). Divers périodiques anglo-saxons en communication ne sont pas indexés par ces banques de données. Le second problème est lié au biais linguistique. La majorité des auteurs et des revues indexées dans les banques de données commerciales sont anglophones. Edmund Lauf (2005) montre qu’entre 1998 et 2002, au moins 87 % de leurs articles provenaient des États-Unis. On peut donc légitimement se poser la question du qualitatif international associé à ces revues. Le biais linguistique explique sans doute la surreprésentation anglo-saxonne dans les banques de données en communication puisque ces dernières favorisent, comme dans d’autres domaines des sciences humaines et sociales (SHS), les revues de langue anglaise.
6Le caractère national des revues en communication se vérifie dans les travaux de David Fernández-Quijada (2010) qui démontre la prédominance de revues espagnoles dans les revues analysées. En France, en s’appuyant sur un corpus réduit et hétérogène (la livraison 63 de CinémAction (1992), la bibliographie de la livraison 85 des Dossiers de l’audiovisuel (1999), un ouvrage de Dominique Wolton, un article de Cécile Méadel consacré aux revues), Thierry Lancien et al. (2001) trouvent que les quatre revues les plus souvent citées étaient : Les Dossiers de l’audiovisuel, Hermès, Quaderni et Réseaux. Dix ans plus tard, dans une étude portant sur les pratiques de lecture des revues des chercheurs en information-communication, Paul Rasse et al. (2010) montrent que les revues les plus consultées sont, par ordre d’importance : Hermès, Réseaux, Communication & langages, Questions de communication, Communication, Quaderni, Sciences de la société, MédiaMorphoses, Études de communication, Mots. Les langages du politique, Bulletin des bibliothèques de France (BBF), Le Temps des médias, Recherches en communication, Médiation & information, Documentaliste-sciences de l’information, Les Enjeux de l’information et de la communication, Les Cahiers du numérique, Culture et musée, et enfin Société et représentation. Benedetto Lepori et Carole Probst (2009) rapportent les résultats d’une étude à partir de l’examen des curricula vitae (CV) des chercheurs suisses. D’après cette étude, les chercheurs suisses plébiscitent principalement neuf revues : Studies in Communication Sciences, Electronic Markets, Publizistik, International Journal on Media Management, Soziale Systeme, Zeitschrift für Soziologische, Theorie, Medienwissenschaft Schweiz, Rundfunk und Fernsehen et Medien Journal.
7Dans l’environnement anglo-saxon, de nombreuses études bibliométriques portant sur l’analyse des principales revues en communication ont été publiées au cours de ces dernières années (Funkhouser, 1996 ; Lauf et 2005 ; Feeley, 2008 ; Leydesdorff et Probst, 2009 ; Barnett et al., 2011 ; Heinderyckx et al., 2012 ; Romero, 2018 ; Griffin et al., 2016 ; Zhu et Fu, 2019). Ces travaux empiriques montrent que les revues les plus citées correspondent souvent à celles qui ont un facteur d’impact élevé dans le Journal of Citation Report (JCR) de Clarivate Analytics. Certes, le classement varie selon les études mais on retrouve fréquemment la place prépondérante de ces 14 revues dans l’édification et la diffusion du savoir en sciences de la communication : Communication Research, Journal of Communication, Public Opinion Quarterly, Human Communication Research, Journalism and Mass Communication Quarterly, Journal of Broadcasting and Electronic Media, Journal of Computer-Mediated Communication, New Media and Society, Journal of Advertising, Communication Theory, Communication Monograph, Journal of Health Communication, Journalism Studies, Mass Communication & Society. Ces périodiques qui font autorité sont également bien représentés dans Google Scholar et Scopus. Yuner Zhu et King-wa Fu (2019) soulignent, par ailleurs, que le facteur d’impact des revues en communication ne cesse de progresser en passant de 0,42 en 1997 à 1,34 en 2016. Certaines revues comme New Media and Society ont vu leur facteur d’impact passer de 0,49 en 2007 à 4,18 en 2016.
8Byron Reeves et Christine Borgman (1983) montrent que la littérature en sciences de la communication est elle-même fragmentée. Le manque de citations croisées parmi les principales revues anglo-saxonnes en communication a pour origine les subdivisions disciplinaires (Leydesdorff et Probst, 2009) entre la communication de masse, ancrée principalement dans les sciences politiques, et la communication interpersonnelle, enracinée en psychologie sociale. Pourtant, ces deux sous-domaines sont de plus en plus intégrés sur le plan institutionnel anglo-saxon. George Barnett et al. (2011) suggèrent que cette vision dichotomisée n’est pas une approche recevable pour comprendre la nature de la discipline. En effet, leurs résultats n’ont montré aucune distinction notable entre les pratiques de citation des auteurs en communication de masse et ceux qui s’intéressent à la communication interpersonnelle. Toutefois, la question des emprunts théoriques issus des autres disciplines demeure capitale. Les premières recherches bibliométriques montrent que les chercheurs en communication ont tendance à importer des idées d’autres disciplines, comme la psychologie, plus qu’ils n’en exportent (O’Keefe, 1993). G. Barnett et al. (2011) expliquent cela par l’importance des travaux sur la persuasion et la propagande dans les premiers travaux en communication. De récents travaux montrent que les sciences politiques et la sociologie ont également une grande influence sur les pratiques de citation des chercheurs en communication (Barnett et al., 2011 ; Montero-Díaz et al., 2018). Dans leur étude portant sur les 93 revues en communication, publiées entre 1997 et 2016, Y. Zhu et K. W. Fu (2019) démontrent qu’il y a eu un déclin de la domination de la psychologie au profit de la sociologie, des sciences politiques et des sciences de gestion.
9La diversification des modèles de diffusion des revues et l’arrivée des plateformes du Web social dans le champ scientifique ont transformé les formes de visibilité de la recherche. Ben Wasike (2019) a examiné les données de citation dans les banques de données ainsi que les indicateurs Altmetrics liés à la diffusion des articles sur les réseaux sociaux universitaires de ResearchGate et de Mendeley, ainsi que des mentions sur Facebook, Twitter et Google. Les résultats de son étude indiquent que l’ensemble de ces indicateurs était positivement corrélé à la citation. Le téléchargement d’articles sur les sites tels que ResearchGate et Mendeley a non seulement eu un impact sur le lectorat, mais a également augmenté la probabilité de citation (Repiso et al., 2019).
10La majorité des travaux cités ci-dessus s’appuie sur l’analyse des revues. Or, les monographies occupent une place singulière dans certaines disciplines en SHS. Karen Chapman et Steven Yates (2017) ont étudié les citations figurant dans trois revues centrales anglo-saxonnes en communication : Communication Monographs, Communication Research et Journal of Communication. Les chercheurs ont constaté que l’essentiel des citations étaient des articles de revues plutôt que des livres. K. Chapman et S. Yates (2017) observent également que le nombre de références aux monographies a diminué au cours de la période allant de 2010 à 2015 (de 15,4 % à 11,8 %), compensé par une augmentation du nombre d’articles de revue (de 62,4 % à 68,3 %).
11Cette revue de littérature peut nous alerter sur les divergences des pratiques de citation, mais ne permet pas d’en tirer des conclusions globales ni généralisées du fait du nombre restreint des études comparatives en la matière.
12Après une étude pilote sur la revue Études de communication, nous avons retenu la liste des revues les plus citées. Ainsi, avons-nous construit notre corpus à partir des revues suivantes : Communication & langages, Communication et organisation, Études de communication, Hermès, Les Enjeux de l’information et de la communication, Quaderni, Questions de communication, Réseaux et Sciences de la société. Il s’agit ici d’une étude bibliométrique descriptive d’articles publiés de 1992 à 2016 dans ces neuf périodiques. Les données ont été collectées via la consultation et la lecture directe de chaque article disponible sur deux portails : Cairn et Revues.org. Nous avons également procédé à l’achat et au dépouillement de certaines revues au format papier. À partir des articles retenus, nous avons relevé pour chaque article et à l’aide d’une grille standardisée des données comme le nombre d’auteurs, le statut de l’auteur de l’article, l’institution de rattachement, le genre, la discipline ainsi que les références bibliographiques, notamment, la liste des ouvrages et des revues citées dans chaque article. Les commentaires d’articles, les introductions, les avant-propos, les opinions ainsi que les entretiens n’ont pas été pris en compte dans le dépouillement ni dans l’analyse. Ce travail de collecte a permis de constituer un corpus de 3 195 articles où nous avons dénombré 77 566 citations.
13Pour réaliser cette recherche exploratoire, 10 étudiants en sciences de l’information-documentation ont participé à la phase de recueil durant deux années universitaires. Un monitoring aléatoire sur environ 50 % des données a été effectué par un enseignant-chercheur pour corriger d’éventuelles erreurs. Des recherches sur Internet furent parfois nécessaires pour retrouver le nom d'un laboratoire, une adresse Web, le nom d’une revue citée ou la discipline d’origine de certains auteurs. Pour effectuer l’analyse des citations, nous nous sommes appuyés sur la typologie des supports documentaires identifiée par Viviane Couzinet et Arlette Bouzon (1998), à savoir : les ouvrages, les articles de revue, les chapitres d’ouvrage, les actes de conférences, les mémoires de thèse et d’habilitation à diriger des recherches (HDR) et les ressources numériques qui comprennent les sites web et les CD-Rom. Les résultats présentés dans cette publication s’appuient sur l’analyse statistique appliquée à la grille standardisée des données de recherche recueillies.
14L’importance donnée aux supports documentaires dépend de la discipline étudiée. Nous présentons dans le tableau ci-dessous le nombre et les pourcentages de citations pour chaque type de support documentaire.
Tableau 1. Ventilation des citations par type de document dans le corpus.
| Type de documents |
Nombre de citations |
Citations en pourcentage |
| Ouvrages |
35 688 |
46 % |
| Articles |
23 609 |
30,4 % |
| Chapitres d’ouvrage |
8 655 |
11,1 % |
| Autres |
3 432 |
4,4 % |
| Ressources numériques |
2 456 |
3,2 % |
| Conférences-séminaires |
2 338 |
3 % |
| Thèses-HDR |
1 388 |
1,8 % |
| Total |
77 566 |
100,00 % |
15Les ouvrages représentent 46 % des citations alors que les articles des revues représentent environ 30,4 % (n = 23 609) de l’échantillon total des références citées. Ce chiffre semble inférieur par rapport à d’autres disciplines en sciences humaines (économie, ergonomie, psychologie, etc.), qui font références aux articles savants, mais supérieurs à d’autres (histoire, littérature, les sciences humaines) (Larivière et al., 2006). Les chapitres d’ouvrages ne participent qu’à 11,1 % (n = 8 655) des citations totales. On peut, par ailleurs, souligner que seuls 1 388 éléments cités (1,8 %) comprenaient des thèses et des HDR. Les ressources numériques représentent 3,2 % du corpus. Dans nos travaux, nous n’avons pas analysé la stabilité des citations en ligne sachant que l’étude de Daniela Dimitrova et Michael Bugeja (2007), portant sur cinq revues en communication, montre que près de 40 % des citations en ligne n’étaient plus disponibles quatre ans après leur publication. Le nombre des citations se référant aux actes de conférence est faible (3 %). Ce constat est conforme avec celui de Cynthia Lisée et al. (2008). Ces derniers indiquent qu’en dehors de l’informatique, les actes de conférences sont de moins en moins référencés. En conséquence, nous pouvons légitimement nous interroger sur l’importance de ce vecteur de diffusion des connaissances en SIC. La catégorie « autres », qui représente 4,4 % du total des citations, regroupe les citations qui renvoient à des publications officielles, à des documents publics, à des rapports de recherches de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Nous y avons également inclus les mémoires de maîtrise ou du diplôme d’études approfondies (DEA).
16La prééminence des ouvrages sur les autres supports de publication, notamment les articles, est valable pour huit revues (voir tableau 2). La revue Réseaux se distingue par une quasi-égalité dans la distribution des monographies par rapport aux articles.
Tableau 2. Ventilation des citations (ouvrages vs articles).
| Revues |
Ouvrages |
Articles |
| Communication & langages |
48 % |
28 % |
| Communication et organisation |
54 % |
27 % |
| Études de communication |
48 % |
28 % |
| Hermès |
53 % |
24 % |
| Les Enjeux de l’information et de la Communication |
44 % |
27 % |
| Quaderni |
44 % |
31 % |
| Réseaux |
38 % |
38 % |
| Questions de communication |
47 % |
31 % |
| Sciences de la société |
46 % |
32 % |
17Notre étude fait état des 20 auteurs les plus cités dans la catégorie des ouvrages qui sont, par ordre décroissant de fréquence : Pierre Bourdieu, Erving Goffman, Michel Foucault, Bernard Miège, Jürgen Habermas, Luc Boltanski, Bruno Latour, Armand Mattelard, Michel de Certeau, Patrice Flichy, Paul Ricœur, Alex Mucchielli, Roland Barthes, Norbert Elias, Patrick Charaudeau, Dominique Wolton, Yves Jeanneret, Michel Crozier, Anthony Giddens, et Edgar Morin. Cependant, les ouvrages de ces 20 auteurs ne représentent que 8,2 % des citations de l’ensemble des ouvrages. On constate également que la très grande majorité des auteurs cités sont des sociologues ou des chercheurs francophones en communication. Ces résultats ne corroborent pas ceux de l’étude de K. Chapman et S. Yates (2017). Ces derniers montrent que les ouvrages cités sont relatifs à des questions méthodologiques ou statistiques.
18Nous constatons que le nombre de référence moyenne par article est de l’ordre de 24,3. Il est faible par rapport à celui proposé par K. Chapman et S. Yates (2017). Dans cette étude portant sur trois revues en communication indexées dans le JCR, ce nombre varie entre 51,4 et 64,47 références par article. Le nombre moyen de citations par article en SHS est de 19,8 dans le monde anglo-saxon alors qu’il est de 10,5 par article selon l’analyse effectuée par Christian Henriot et Étienne Fleuret (2004) dans une étude portant sur 125 revues en sciences humaines. Dans leur étude, Ernest Hakanen et Dietmar Wolfram (1995) indiquent que la moyenne est de l’ordre de 35,36 pour le Journal of Communication, 24 pour Media Culture and Society et 21,28 pour Journalisme Quartely. K. Chapman et S. Yates (2017) notent également des évolutions croissantes, dans le temps, du nombre de références pour un journal comme Journal of Communication : il était de 35,36 pour l’année 1995 et de 51,44 en 2015. Cette évolution peut s’expliquer notamment par l’augmentation de l’offre de contenus en libre accès et la disponibilité des articles sur les réseaux sociaux académiques. Les résultats de notre étude mettent également en évidence que le nombre de référence moyenne par article varie selon les neuf revues étudiées. Il est de l’ordre de 19,4 pour Communication & langages ; de 22,7 pour Communication et organisation ; de 19,9 pour Études de communication ; de 14,6 pour Hermès ; de 23,3 pour Les Enjeux de l’information et de la communication ; de 13,6 pour Quaderni ; de 32,5 pour Questions de communication ; de 39,8 pour Réseaux, et enfin de 25,3 pour Sciences de la société.
19Le tableau 2 fournit un classement simple des revues les plus citées. Il dénombre les 20 revues les plus citées dans notre corpus par ordre d’importance. E. Hakanen et D. Wolfram (1995), ainsi que Casey Brienza (2015) ont remarqué dans leurs études que les auteurs citaient souvent la revue dans laquelle ils publiaient, sans doute car ils en partagent les cadres théoriques et méthodologiques. Notre premier classement a été corrigé afin de neutraliser les autocitations des revues étudiées. Nous avons ainsi obtenu, dans les deux cas, la même liste des revues avec un ordre de classement différent. Notre étude révèle que des différences sensibles apparaissent selon les revues. L’analyse de l’échantillon d’articles montre que les 20 revues les plus citées représentent 21,49 % des citations.
Tableau 3. Revues les plus citées dans le corpus.
| 20 revues françaises les plus citées |
20 revues en langue étrangère les plus citées |
| Réseaux |
American Journal of Sociology |
| Hermès |
Journal of Consumer Research |
| Sociologie du travail |
Social Sciences of Studies |
| Actes de la recherche en sciences sociales |
Journal of the American Society for Information Science and Technology |
| Sciences de la société |
New Media and Society |
| Politix |
American Economic Research |
| Communication & langages |
Journal of Communication |
| Revue française de sociologie |
Administrative Science Quarterly |
| Études de communication |
Journal of Personality Social Psychology |
| Communications |
Journal of Computer-Mediated Communication |
| Mots. Les langages du politique |
Organization Sciences |
| Communication et organisation |
Academic of Management Review |
| Revue française de gestion |
Information Processing and Management |
| Quaderni |
European Journal of Communication |
| Questions de communication |
Journal of Documentation |
| Revue française de science politique |
Sciences Technology Human Review |
| Communication |
Human Research |
| Esprit |
Organization Studies |
| Les Enjeux de l’information et de la communication |
First Monday |
| Médiation et information |
Communication of ACM |
20La connaissance des titres des revues les plus cités peut guider les réflexions sur l’évolution de la discipline, son internationalisation et ses influences théoriques. En France, pour les sciences de la communication, nos résultats montrent que les ouvrages demeurent, comme dans d’autres disciplines en SHS, le support premier de transmission et de diffusion des connaissances, confirmant ainsi d’autres travaux antérieurs (Rasse et al., 2010 ; Couzinet et Bouzon, 1998 ; Henriot et Fleuret, 2004). Dans le cas des thèses, V. Couzinet et A. Bouzon (1998) ont montré que, en SIC, les citations d’ouvrages oscillent entre 68 % (période 1984 à 1986) et 50 % (pour l’année 1994). Ce résultat ne corrobore pas les travaux de K. Chapman et S. Yates (2017) qui parlent d’une crise des monographies en communication.
21Les résultats mettent en évidence que les principales revues citées sont majoritairement françaises, confirmant ainsi, en partie, les résultats de l’enquête menée par P. Rasse et al. (2010). Il existe désormais un ensemble de revues de référence (Communication & langages, Études de communication, Hermès, Quaderni, Questions de communication, Réseaux, etc.) qui consolide l’institutionnalisation de la discipline. Les revues recensées dans la liste CNU et du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) intègrent des revues étrangères. Au regard de cette liste, seules sept revues de notre inventaire (European Journal of Communication, Journal of Computer-Mediated Communication, Information Processing and Management, Journal of Communication, Journal of Documentation, Journal of the American Society for Information Science and Technology et New Media and Society) sont présentes dans la liste de CNU-Hcéres. Trois de ces revues (Journal of Communication, Journal of the American Society for Information Science and Technology, European Journal of Communication) sont mentionnées dans l’étude de P. Rasse et al. (2000). Une autre observation importante est l’absence de notre liste de certaines revues ayant un facteur d’impact important en sciences de communication. Seules trois revues, à savoir Journal of Communication, Journal of Computer-Mediated Communication et New Media and Society, se retrouvent dans les classements issus des travaux anglo-saxons.
22Nos résultats nous conduisent à un constat relatif à la nature interdisciplinaire et croissante des SIC, corroborant ainsi, en partie, ceux de G. Barnett et al. (2001). En effet, en examinant les revues les plus citées, on constate la prédominance des titres en communication, en sociologie, en sciences de gestion et en sciences de l’information. L’importance de la sociologie se manifeste par la présence des revues comme Sociologie du travail, Actes de la recherche en sciences sociales ou la Revue française de sociologie, mais aussi par le nombre d’ouvrages de sociologues cités. Les revues en psychologie sont de moins en moins référencées dans les travaux en communication. La liste de revues présentée dans le tableau 3 montre aussi la diversité des courants théoriques privilégiés de la discipline (industries culturelles, sociologie des usages, médias et médiations, communication organisationnelle, sémiotique etc.).
23Enfin, nous pensons que l’importance des dispositifs de traitement et de diffusion de l’information (moteur de recherche, intranet, réseaux sociaux, plateformes numériques, bigdata, etc.) pourrait expliquer, en partie, l’évolution de la ligne éditoriale des revues françaises en communication à des thématiques issues des sciences de l’information comme Jasist, Journal of Documentation, Information Processing and Management et Communication of ACM.
24Notre analyse n’est pas robuste, puisque la taille de l'échantillon est modeste si on le compare aux travaux s’appuyant sur les banques de données de Web of Science (Clarivate Analytics). Néanmoins, cette analyse exploratoire permet d’ouvrir des pistes de réflexion nouvelles et d’illustrer quelques tendances dans les pratiques de production scientifique française en sciences de la communication. Les résultats gagneraient à être mis en perspective en prenant en compte l’ancienneté et la date de publication des revues citées afin d’étudier l’évolution des pratiques de citation dans le temps.
25La production scientifique publiée dans des revues à comité de lecture ne cesse d’augmenter. Timothy Stephen (2014) estime que, en sciences de la communication, trois nouvelles revues sont publiées chaque année. Notre étude vise à remédier à un manque de recherche, en France, en examinant les pratiques de citation en SIC et fournit des informations utiles sur la façon dont les chercheurs utilisent les sources scientifiques dans ce domaine scientifique. La première étape de l’analyse a consisté à examiner les types de documents référencés dans la collection d’articles de revues.
26Le principal résultat de cette étude est que les monographies et les périodiques constituent les deux principaux supports de diffusion des connaissances en sciences de la communication. Les revues ne représentent qu’une partie de la production en SIC, réduisant ainsi la fiabilité d’une évaluation bibliométrique qui s’appuie exclusivement sur les périodiques. L’enrichissement, dans les années à venir, du Book Citation Index (Web of Science Core Collection de Clarivate Analytics) permettra, sans doute, de prendre en compte l’importance des livres dans les mesures bibliométriques. Nous avons également établi la liste des revues les plus citées. Elles sont majoritairement publiées en langue française et ne citent que secondairement les revues en communication anglo-saxonnes, indexées dans la banque de données du Web of Science (Clarivate Analytics).
27Contrairement aux travaux bibliométriques anglo-saxons, nos résultats mettent en exergue une importante influence de la sociologie en SIC, aussi bien au niveau des auteurs d’ouvrages mobilisés que des revues citées.
28Enfin, il serait intéressant de compléter ce corpus par des revues publiant un plus grand nombre de travaux en sciences de l’information, comme l’I2D (Documentaliste-Sciences de l’information), le Bulletin des bibliothèques de France (BBF), les Cahiers du numérique, la Revue des interactions humaines médiatisées (RIHM). Le recueil des données en provenance des actes de conférences (Cide, Eutic, H2PTM, Isko, SFSIC, Ticemed) serait également une piste de recherche. Elle fournirait un point de vue supplémentaire à l’analyse des citations issues des articles. Enfin, notre travail pourrait être enrichi en renouvelant l’enquête de P. Rasse et al. (2010) sur les stratégies de lecture des chercheurs français.
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