1Rassemblant 16 contributions évaluées par peer-review issues d’un symposium organisé en 2016 par le Réseau de linguistique romane et le groupe de recherche Rompol sur le discours politique dans les pays de langue romane à l’université de Stockholm, ce volume se donne pour objectif de contribuer à la compréhension des enjeux de discours des partis et mouvements populistes qui ont gagné en importance sur la scène politique lors de la dernière décennie en Europe du Sud. En tant que tel, il s’agit d’un effort collectif, qui s’inscrit, pour ce groupe de recherche, dans une dynamique plus large, et qui vise à penser les enjeux propres aux pays de langue romane à cet égard, s’inscrivant en lien avec la réflexion du groupe de recherche sur l’Amérique latine.

2La perspective se veut pluridisciplinaire, engageant des chercheurs issus des diverses disciplines ayant trait à l’analyse du discours politique, en études linguistiques, communication et science politique, et, selon les perspectives des auteurs, engage selon les articles des méthodologies plutôt anglo-saxonnes, ou plutôt issues de l’école française, les deux angles méthodologiques se complétant notamment lorsque des contributions prennent pour objet un même parti. Rassemblant des contributions de chercheurs confirmés, le travail repose sur des analyses fines des discours étudiés, et, ce qui est remarquable sur un tel sujet, notablement dépassionnées, cherchant précisément à objectiver les éléments de discours sur lesquels porte l’accent du discours des différents acteurs (chefs de partis, militant, ou mouvements en eux-mêmes) étudiés, parfois au risque d’une certaine technicité, mais insistant par ce biais sur la solide armature théorique et sur les éléments empiriques clairement cadrés utilisés par les différents contributeurs. Les analyses sont ancrées sur de solides données empiriques, celles-ci étant soigneusement sourcées, et peuvent de ce fait permettre d’asseoir des analyses ultérieures plus générales des partis en question en évitant tout biais d’opinion, ou présentation trop impressionniste.

3À partir d’une introduction présentant rapidement la perspective dans laquelle ce volume a été rassemblé, les contributions s’articulent les unes aux autres autour des différents aspects du discours populiste, en prenant à la fois en compte les éléments de communication verbale et non verbale, et en veillant à adopter une visée qui intègre bien les différents horizons du populisme. En effet, l’ouvrage distribue ses contributions de façon assez équivalente aux deux extrêmes du spectre politique, extrême droite et extrême gauche, avec en particulier une focalisation sur le mouvement Podemos à gauche, et sur le Rassemblement national à droite, ces deux organisations étant les plus étudiées dans le volume. Partant de là, le travail permet de voir certaines articulations de ces discours entre les différents mouvements étudiés, ce qui les rassemble, à la fois dans les thèmes, et dans les éléments de langage, tout en permettant de nuancer soigneusement les cas, et de faire la part des situations nationales, comme le montre l’analyse comparée des discours de Marine Le Pen et de Viktor Orban dans la contribution de Renàta Varga. Parallèlement, à l’aune d’une période où ces discours ont notablement évolué, en particulier à l’extrême droite, à la fois du fait de leur installation majeure (sinon majoritaire comme en Hongrie) dans le paysage politique, de l’évolution de leurs thèmes en fonction des enjeux de la période (notamment la crise migratoire, les mouvements dégagistes et la question de l’Islam), ces analyses apparaissent comme particulièrement précieuses pour bien saisir ce qui est en jeu dans le discours populiste, qui autrement apparaîtrait comme un concept mou, sinon attrape-tout, écueil qu’évite précisément ce volume.

4Cependant, il faut également souligner quelques limites de ce travail, liées en grande partie aux contraintes de ce type de publication. D’une part, effet des thèmes de recherche des auteurs rassemblés, la distribution des contributions reste inégale, avec une surreprésentation des cas français et espagnol, quand d’autres pays et mouvements, potentiellement tout aussi importants, ne sont traités que de façon mineure, sinon allusive, ou sont absents : les partis populistes italien et roumain, notamment, manquent, tout comme une analyse du cas portugais, ou un approfondissement vis-à-vis de la Belgique. Parallèlement, il aurait été intéressant de davantage mettre en relief les correspondances entre les articles, notamment en termes de réseaux entre ces partis, ou de situations liées, qu’il s’agisse de partis qui s’affrontent sur le même échiquier national, ou d’inspirations partagées à l’échelle européenne. Telles quelles, les contributions se suivent, et quelques éléments de présentation liant entre eux différents cas, construisant des parties au sein de l’ouvrage, auraient sans doute pu renforcer la démonstration.

5On peut faire la même remarque vis-à-vis de l’introduction générale, qui situe la démarche des directeurs de la publication et des auteurs, et qui présente les différentes contributions, mais qui, de ce fait, reste proche de la présentation d’une livraison de revue. Des éléments très importants de situation des discours y sont mentionnés, mais il aurait été intéressant de développer davantage cette introduction pour approfondir la problématique de l’ouvrage, et insister encore sur les liens entre les contributions, rendant la structure du volume plus apparente. Plus profondément, il aurait sans doute été d’autant plus intéressant dans cette introduction, et dans une éventuelle conclusion, de développer des éléments sur les spécificités des pays de langue romane vis-à-vis du discours populiste, en particulier en regard de leurs voisins également touchés par ce phénomène sur le continent européen. Sur un plan plus anecdotique, s’il est heureux de voir traitées sur le même plan des contributions dans trois langues, certains lecteurs pourront être surpris de trouver un volume dont le titre est anglais, mais dont l’essentiel des contributions sont en espagnol et en français, ce qui pourrait malheureusement être un frein pour atteindre une partie du public.

6L’ouvrage par lui-même apparaît important, ses contributions permettant une réflexion approfondie sur les discours du populisme, et permettant de mieux cerner les enjeux qui y ont trait. Cependant, il souligne à la fois dans ses travaux et dans les limites qui sont les siennes l’ampleur du travail qui reste à faire sur le sujet. Ce volume apparaît ainsi comme un point d’étape essentiel dans cette réflexion, mais qui doit être poursuivie.