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Notes de lecture
Médias, technologie, information

Romy Sauvayre, Le Journaliste, le scientifique et le citoyen. Sociologie de la diffusion de la défiance vaccinale, Paris, Hermann, 2023, coll. Sociétés et Pensées, 190 pages.

Khadija El Bouchikhi
p. 635-637
Référence(s) :

Romy Sauvayre, Le Journaliste, le scientifique et le citoyen. Sociologie de la diffusion de la défiance vaccinale, Paris, Hermann, coll. Sociétés et Pensées, 2023, 190 pages.

Texte intégral

1La gestion de l’information et sa communication sont devenues un enjeu important pour l’évaluation d’un produit sur le marché médical. Lors d’une crise sanitaire comme l’épidémie de rougeole ou la pandémie du Covid-19, une vigilance envers l’information diffusée est indispensable, d’où la nécessité d’une gestion nuancée de l’information avant sa diffusion afin d’éviter un impact globalement négatif sur la population.

2En 1992, le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (dit « vaccin ROR ») fut suspecté de causer des méningites (C. Hall, « Children received vaccine despite meningiris link », The Independent, 1992, 15 sept.) et en 1998, il fut à nouveau mis en cause en raison de sa valence contre le virus de la rougeole. En 1998, le docteur Andrew Jeremy Wakefield publie en 1998 une étude dans la revue The Lancet où il démontre un lien entre le vaccin ROR, l’apparition de lésions intestinales et des troubles neurologiques provoquant l’autisme. Il s’avère que l’étude était frauduleuse et, depuis, cette hypothèse a été invalidée. Néanmoins, l’engouement médiatique autour de cette affaire a été réactivé en 2016 avec le film conspirationniste du même auteur, Vaxxed, qui à nouveau a alimenté la défiance de la population envers le vaccin ROR : « Cette défiance a eu des conséquences fâcheuses sur l’ensemble des vaccinations, en particulier à l’heure où la Covid-19 semble ne pouvoir être endiguée qu’au moyen d’une vaccination massive » (p. 100).

3Pourtant, les scientifiques « dans le monde entier » et l’Institution of Medecine (« Immunization safety review. Vaccines and autism », The National Academies Collection. Reports funded by National Institutes of Health, 2004) ont exprimé le rejet de l’hypothèse et ont déclaré formellement qu’aucun lien n’existait entre le vaccin ROR et autisme : « Wakefield ne disposait pas des autorisations du comité d’éthique du Royal Free Hospital nécessaires à la réalisation des examens cliniques sur les enfants étudiés » (p. 57, citant le journaliste britannique Brian Deer).

4Selon James Colgrove et Ronald Bayer Ronald (« Could it happen here? Vaccine risk controversies and the specter of derailment », Health Affairs, 24 [3], 2005, 729-739), internet a facilité la diffusion des opinions contestant la sécurité des vaccins. Au total, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Centers for Disease Control and Prevention ont estimé que plus de 140 000 personnes étaient mortes de la rougeole en 2018, principalement des enfants de moins de cinq ans (« More than 140.000 die from measles as cases surge worldwide », World Health Organisation, 2019).

5En décembre 2019, la Chine a annoncé avoir détecté son premier cas de Covid-19. En quelques mois, le virus s’est diffusé pour atteindre un état de pandémie le 11 mars 2020 (« Allocution liminaire du Directeur général de l’OMS lors du point presse sur la Covid-19 », OMS, 2020). Cette pandémie a semé panique et confusion dans le monde entier, mais l’évaluation du degré de risque a différé entre des spécialistes contraints d’apprendre dans l’urgence les caractéristiques d’une nouvelle maladie et de développer une prévention efficace avec les données connues à un moment donné, et un public dont les sources d’information sont surtout les médias et la presse.

6De fait, en se fondant sur les données fournies par l’OMS (nombre de cas dans le monde, de décès, etc.), des responsabilités ont été réparties sur divers secteurs administratifs et sanitaires. De nombreuses études cliniques ont été engagées afin de trouver un traitement pour les personnes atteintes et un vaccin pour prévenir la maladie. Parmi celles-ci, l’étude réalisée par le chercheur en microbiologie Didier Raoult sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour réduire la charge virale des patients ayant contracté le Covid-19 qui fut disqualifiée par la communauté scientifique, tout comme dans l’affaire A. Wakefield. « L’agence nationale de sécurité du médicament et de produit de santé – ANSM –, a recommandé de n’administrer l’hydroxychloroquine que dans le cadre d’essais cliniques sur la Covid-19 et rajoute que son association avec d’autres molécules comme l’azithromycine augmentait le risque de crise cardiaque (“Plaquenil et Kaletra : les traitements testés pour soigner les patients Covid-19 ne doivent être utilisés qu’à l’hôpital”, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé [ANSM], 2020) » (p 112).

7L’ouvrage analyse l’impact du manque de communication entre professionnels de la santé et leur ministère de tutelle, et celui de la mauvaise gestion de l’information au niveau des médias : « Cette simplification conduit alors au développement de croyances extrêmes générant la peur à l’idée d’être vacciné par ces vaccins » (p. 128). L’affaire Wakefield et la médiatisation du traitement du covid-19 à base de chloroquine ont été reconnues comme des facteurs susceptibles d’accroître l’hésitation vaccinale, révélant ainsi un doute légitime de la population envers la vaccination. Néanmoins, mentionnons que l’écrivain a omis d’aborder le rôle important du « médecin de ville » dans la procédure de vaccination en tant que médiateur de premier plan pour la communication de l’information médicale et sa vulgarisation au grand public.

8En sociologie de l’usage, les études ont montré que l’évaluation d’un produit repose surtout sur l’approbation du citoyen, malgré les études anticipées par les concepteurs. Les termes semblent peu appropriés quand nous procédons à une étude de l’usage d’un produit à visée médicale. Nous ne sommes pas en train de dire qu’un produit médical est soumis à l’approbation directe de l’usager ni d’ailleurs que sa consommation ne repose pas sur certains aspects éthiques, mais l’information qui pourrait être véhiculée par les spots publicitaires et, d’une façon générale, par les médias, pourrait influencer le choix de l’usager. Ce parcours de l’histoire de cette défiance vis-à-vis des vaccins invite le lecteur à réfléchir aux relations entre les scientifiques et la société. Celle-ci encourage les scientifiques à adopter dans le futur une nouvelle posture : s’engager dans un véritable dialogue où leurs pratiques peuvent être discutées.

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Pour citer cet article

Référence papier

Khadija El Bouchikhi, « Romy Sauvayre, Le Journaliste, le scientifique et le citoyen. Sociologie de la diffusion de la défiance vaccinale, Paris, Hermann, 2023, coll. Sociétés et Pensées, 190 pages. »Questions de communication, 46 | 2024, 635-637.

Référence électronique

Khadija El Bouchikhi, « Romy Sauvayre, Le Journaliste, le scientifique et le citoyen. Sociologie de la diffusion de la défiance vaccinale, Paris, Hermann, 2023, coll. Sociétés et Pensées, 190 pages. »Questions de communication [En ligne], 46 | 2024, mis en ligne le 10 février 2025, consulté le 15 mars 2025. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/37467 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12ygy

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