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Génération et régulation d’émotions académiques chez les étudiants

Le cas des feedbacks à distance dans un cours de Physique de 1er bac en faculté de Médecine à l’Université
Generation and regulation of academic emotions among students: the case of remote feedback in a first-year physics course at the Faculty of Medicine at the University
Fanny Curto, Matthieu Hausman et Pascal Detroz

Résumés

Dans un contexte où émotions et cognition sont indissociablement liées (Fischer, 2020), cette recherche analyse l’impact des feedbacks, via l’application FB4You, sur les émotions et leur régulation chez des étudiants à l’Université de Liège. Basée sur une démarche qualitative et compréhensive (Dionne, 2018 ; Kaufmann, 2011), cette étude s’ancre dans le « nouveau paradigme du feedback » (Carless, 2015), mettant en avant l’implication active de l’apprenant. L’analyse repose sur 26 entretiens réalisés de manière itérative, consécutivement à quatre évaluations formatives. Les résultats montrent que les feedbacks suscitent des émotions variées, tant en valence (agréables ou désagréables) qu’en intensité. Cette prise de conscience émotionnelle constitue un préalable essentiel à l’adoption de stratégies de régulation diverses, cognitives ou comportementales, contribuant à préserver le bien-être des étudiants et à soutenir leur engagement dans les apprentissages. Dans un contexte où l’enseignement en ligne est très présent (Pokrzycka, 2024), former les étudiants à mieux comprendre et gérer leurs émotions en situation d’apprentissage leur permettrait de transformer les feedbacks en leviers efficaces pour leur réussite académique.

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Texte intégral

Introduction

1La recherche dédiée aux feedbacks dans le domaine de l’éducation n’est certainement pas un domaine émergent. Cependant, l’intérêt que les scientifiques portent sur les aspects émotionnels de ces situations singulières (Fong et al., 2016 ; Fong & Schallert, 2023 ; Värlander, 2008) est lui, bien plus récent. Si le « nouveau paradigme du feedback » (Carless, 2015, notre traduction), impliquant activement l’étudiant (Hausman et al., 2022 ; Winstone et al., 2021a), met en évidence l’existence d’une certaine nécessité pour les apprenants de travailler avec leurs émotions afin de tirer le meilleur parti des feedbacks qui leur sont proposés (Carless & Boud, 2018), un nombre jusqu’ici limité de travaux se sont intéressés plus concrètement à ce processus.

2Pourtant, les émotions jouent un rôle médiateur entre la réception d’un feedback et son utilisation effective, à des fins de régulation de leurs apprentissages, par les étudiants universitaires (Goetz et al., 2018 ; Hausman, 2024). En allant plus loin, il apparait qu’au-delà des émotions expérimentées par les étudiants, c’est surtout ce que ces derniers en font qui détermine leur effet sur l’apprentissage. En effet, les émotions ne pèsent pas directement sur les performances académiques des étudiants, mais davantage sur la dynamique motivationnelle qui soutient l’engagement des étudiants dans les activités d’apprentissage, ou encore sur les ressources cognitives impliquées dans ces mêmes performances comme l’attention ou la concentration, par exemple. Ainsi, les émotions peuvent renforcer ces antécédents aux performances des apprenants, mais elles peuvent également les limiter. Il n’est pas rare que l’anxiété ou le stress captent en grande partie les ressources cognitives disponibles pour les étudiants lors de tâches ou de situations qu’ils considèrent importantes (Harley et al., 2019a). Si cette anxiété prive de manière excessive les apprenants des ressources nécessaires à l’accomplissement efficace d’une tâche (Meinhardt & Pekrun, 2003), il peut être nécessaire pour ceux-ci de modifier cette anxiété, en en diminuant l’intensité ou en faisant évoluer cette émotion vers une autre (Fischer et al., 2020b), moins problématique dans le contexte rencontré. Cette démarche correspond à la régulation émotionnelle (Gross, 2015 ; Fischer et al., 2020a). Elle apparait comme fréquemment mobilisée par les étudiants dans les situations de feedbacks, et surtout lorsque ceux-ci sont plutôt désagréables à recevoir (Hausman et al., 2023). Mais concrètement, quelles sont ces stratégies de régulation émotionnelle ? Comment sont-elles déployées par les étudiants ? Quelles émotions sont-elles supposées réguler ? Dans quelle mesure y parviennent-elles et à quelles conditions ? Ces questions peuvent trouver des réponses relativement variées selon les contextes considérés.

3Dans cette étude, nous avons cherché à comprendre comment les étudiants évoluant à l’université peuvent réguler les émotions qu’ils expérimentent dans le cadre de la réception et de l’interprétation des feedbacks qui leur sont adressés à distance, au fil des cours. Cette question est primordiale dans le contexte actuel où l’enseignement en ligne occupe une place importante au sein des établissements d’enseignement supérieur (Pokrzycka, 2024), sans qu’une médiation humaine ne soit présente lorsque les étudiants accèdent aux feedbacks adossés à leurs activités d’apprentissage. Pour y répondre, nous avons privilégié une approche ciblée, en étudiant le cas d’un cours de 1re année dans lequel les étudiants se voient proposer plusieurs évaluations formatives au gré de la progression dans les contenus enseignés, et vis-à-vis desquelles des feedbacks sont rendus disponibles par l’intermédiaire d’une application, FB4You, installée sur leur smartphone.

2. Cadre théorique

4Il est admis de longue date que les feedbacks constituent un véritable levier pour les apprentissages (Hattie & Timperley, 2007 ; Mandouit & Hattie, 2023). D’aucuns estiment que sans eux, toute action entreprise par les apprenants serait complètement improductive (Laurillard, 1993, citée par Värlander, 2008). Cependant, l’effet positif des feedbacks sur les apprentissages dépend notamment de l’engagement (Price et al., 2011) avec lequel les apprenants les génèrent, les cherchent, les sollicitent, les reçoivent, les interprètent et enfin, les mobilisent. L’emphase mise sur le rôle de l’apprenant vis-à-vis des feedbacks a progressivement vu naitre une conception quelque peu différente des feedbacks, classiquement considérés comme « […] une information communiquée à l’apprenant et destinée à modifier sa façon de penser ou son comportement dans le but d’améliorer l’apprentissage » (Shute, 2008, p. 154, notre traduction). Il est en effet aisé de constater que ce type de définitions ne mentionne pas ce que l’apprenant peut faire pour traiter cette information. En 2015, Carless a qualifié celle-ci de « nouveau paradigme » du feedback, marquant le passage d’une conception centrée sur l’information à une autre, centrée sur l’apprenant. Compris de cette manière, le feedback correspond à « […] un processus par lequel les étudiants font sens des informations qu’ils reçoivent d’une variété de sources et les utilisent pour améliorer leur travail ou leurs stratégies d’apprentissage » (Carless & Boud, 2018, p. 1315, notre traduction).

5S’inscrivant pleinement dans le « nouveau paradigme » du feedback (Carless, 2015, notre traduction), le concept de Student Feedback Literacy (Carless & Boud, 2018) incarne la compétence des étudiants en matière de traitement de feedbacks en contexte d’éducation ou, pour reprendre les termes des auteurs, la manière dont ils donnent sens à l’information et l’utilisent ensuite. Cette compétence est sous-tendue par quatre aptitudes clés. Il s’agit tout d’abord de comprendre le feedback, c’est-à-dire d’y être réceptif, de connaitre ses fonctions et ses formes, notamment. Il convient ensuite d’être en mesure d’émettre des jugements évaluatifs sur ses propres performances ou celles d’autrui, afin d’en déterminer la qualité. Il est également nécessaire de pouvoir travailler avec ses émotions, de manière à préserver un état de fonctionnement propice à l’analyse et à l’usage des feedbacks. Enfin, une quatrième aptitude est sous-tendue par les trois premières. Elle consiste à la mise en œuvre d’actions visant l’amélioration des apprentissages.

6Le modèle ainsi décrit comporte une aptitude particulièrement importante à nos yeux, mais aussi peu étudiée de manière générale, en lien avec les feedbacks. Il s’agit de la troisième aptitude décrite ci-dessus, à savoir la capacité des apprenants à travailler avec leurs émotions. Comme les situations de feedbacks sont souvent liées à des émotions fortes chez les étudiants (Värlander, 2008), Carless et Boud (2018) préconisent d’éviter les réactions défensives qui pourraient entrainer des émotions négatives, défavorables à l’usage des feedbacks. Pourtant, aucune précision supplémentaire sur la façon de procéder n’est apportée par ces auteurs (Hausman et al., 2022). C’est pourquoi, selon eux, investiguer davantage la question émotionnelle en lien avec les feedbacks est essentiel.

7Dans le domaine de l’éducation, Pekrun et ses collaborateurs (2002) ont démontré que les émotions académiques impactaient l’apprentissage et les résultats scolaires. En effet, elles jouent un rôle crucial de médiatrices pour un apprentissage efficace (Pekrun, 2006) dans la mesure où, fondées sur les croyances motivationnelles des apprenants et leur confrontation aux tâches à réaliser, elles influencent en retour l’engagement de ces derniers et in fine, leurs performances. Selon les caractéristiques des émotions ressenties par les apprenants, telles que leur valence et leur niveau d’activation notamment, leur effet peut s’avérer plutôt favorable ou délétère pour l’apprentissage. Dans le modèle de la Control-Value Theory (Pekrun, 2006), qui aujourd’hui encore fait autorité dans le domaine des émotions en contexte d’apprentissage, il apparait possible d’agir sur le processus émotionnel à différents endroits. Cette théorie met en évidence le rôle clé de l’évaluation de la valeur d’une tâche et du degré de contrôlabilité que l’apprenant lui alloue comme principaux médiateurs de la réponse émotionnelle à une tâche et par la suite, à la performance établie. Concernant la régulation des émotions, Pekrun (2006) indique que le processus émotionnel peut être modulé en agissant notamment sur la tâche proposée (ex. : niveau de difficulté, d’autonomie), sur les croyances des apprenants (ex. : attentes de résultats, valeur attribuée à la tâche) ou encore sur les émotions expérimentées (ex. : évacuer sa frustration en se distrayant). Ces différentes stratégies sont autant de manières de réguler leur état émotionnel pour les apprenants.

8Ainsi, pour que les étudiants restent engagés dans leurs tâches (Fischer, 2020), il peut être nécessaire de recourir à la régulation émotionnelle (von Scheve, 2012) qui, en tant que compétence émotionnelle (Hausman et al., 2022), « fait référence aux processus par lesquels les individus influencent les émotions qu’ils ont, le moment auquel ils les ressentent, et comment ils expérimentent et expriment ces émotions » (Gross, 1998, p. 275, notre traduction). Dans cette recherche, la régulation des émotions renvoie donc aux stratégies internes mises en œuvre par les personnes. Pour réguler leurs émotions, elles peuvent agir sur différents aspects de ces dernières, à savoir l’intensité, la durée ou la qualité d’une réponse émotionnelle (Gross, 2015), grâce à une large gamme de stratégies de régulation émotionnelle (Mikolajczak, 2014, citée par Hausman et al., 2022). Celles-ci peuvent être classées en deux groupes : les stratégies comportementales grâce auxquelles les émotions sont régulées en agissant, et les stratégies cognitives qui permettent de réguler les émotions par la pensée (Garnefski & Kraaij, 2006 ; Fischer, 2020). Selon le Process Model of Emotion Regulation (Gross, 1998), les stratégies de régulation émotionnelle peuvent être mobilisées à différentes étapes : la sélection de la situation, la modification de la situation, le déploiement attentionnel (par exemple, la distraction (Gross, 2015)), le changement cognitif (par exemple, la réévaluation (Gross, 2015)) ou encore la modulation de la réponse (par exemple, la suppression expressive (Gross, 2015)). Plus les stratégies de régulation émotionnelle sont utilisées avec flexibilité, plus elles sont fonctionnelles (Bonanno & Burton, 2013 ; Gross, 2015 ; Fischer, 2020 ; Fischer et al., 2020b).

9Dans le domaine de l’éducation, le modèle Emotion Regulation in Achievement Situations de Harley et ses collèges (2019b) présente l’intérêt majeur d’articuler la Control-Value Theory de Pekrun (2006) et le Process Model of Emotion Regulation de Gross (2015). Il en résulte la validation des apports de ces modèles, sur base de données empiriques, attestant de l’importance mais aussi de la diversité des stratégies possiblement mobilisables pour agir sur les émotions qui peuvent soutenir ou entraver l’apprentissage. En tant qu’élément clé du processus évaluatif, attestant de la qualité de la performance établie par les apprenants et/ou des éléments qui sous-tendent celle-ci, le feedback traite bel et bien du résultat des activités d’apprentissage, terreau fertile pour les émotions d’accomplissement, en contexte académique.

10Dans l’enseignement supérieur, la littérature concernant la régulation émotionnelle en lien avec les feedbacks reste, à ce jour, limitée. En effet, bien que des études aient déjà été réalisées sur les liens qui existent entre l’apprentissage, les émotions et les stratégies de régulation (Fischer, 2020 ; Fischer et al., 2020a ; Fischer & Philippot, 2022 ; Harley et al., 2019b ; Hausman et al., 2022 ; Jarrell & Lajoie, 2017 ; Rusk et al., 2011 ; Värlander, 2008), aucun lien n’a été établi à ce jour entre ces aspects et l’interface FB4You dans une visée compréhensive.

3. Problématique et question de recherche

11Dans cette perspective, notre question de recherche « Dans quelle mesure les feedbacks délivrés à distance par l’application FB4You impliquent-ils des émotions et des stratégies de régulation émotionnelle chez des étudiants à l’Université de Liège en première année de bachelier en faculté de Médecine ? » est novatrice. L’intérêt majeur de cette recherche réside dans le fait que la régulation émotionnelle en contexte d’apprentissage est davantage investiguée en mettant l’accent sur les situations de feedbacks, ces deux notions étant jusqu’alors peu étudiées conjointement dans la littérature. Puisque réussite académique et capacité de régulation émotionnelle sont positivement liées (Jaeger, 2003 ; Leroy & Grégoire, 2007 ; Parker et al., 2004, tous cités par Fischer et al., 2020a, 2020b), cette recherche permet d’élargir les pistes d’actions possibles pour soutenir les étudiants, particulièrement dans le cadre de feedbacks formatifs proposés à distance dans un contexte universitaire. Les résultats obtenus offrent toutefois des éclairages utiles pour l’enseignement en présentiel, en particulier en mettant en évidence les diverses réactions possibles des étudiants, sous réserve que le transfert de ces conclusions soit envisagé avec prudence.

4. Méthodologie

4.1. Contexte de recherche et participants

12Les participants de cette recherche étaient des étudiants ayant à leur programme un cours de physique délivré en première année de bachelier dans la filière des sciences biomédicales de la faculté de Médecine de l’Université de Liège. Dans le cadre de ce cours, des évaluations formatives ont été proposées aux étudiants, au rythme d’une épreuve mensuelle, au cours du premier quadrimestre de l’année académique 2022-2023, soit pendant quatre mois. Après chacune de ces évaluations formatives, un feedback était proposé via l’application FB4You dans le but de présenter aux étudiants leur évolution au long du quadrimestre quant à la maitrise des contenus d’enseignement, qui évoluent de manière cumulative, mais aussi afin de les conseiller sur l’utilisation d’outils en ligne visant à soutenir cette progression (Marique & Hoebeke, 2022). Ainsi, au-delà d’un score général sur le test, les étudiants avaient accès à la déclinaison de celui-ci selon les chapitres ou parties de matière inhérentes aux tests, bénéficiant également de commentaires généraux et de commentaires plus spécifiques selon leur niveau de performance. Ce sont ces commentaires spécifiques qui renvoyaient les étudiants vers des ressources telles que des capsules vidéo faisant partie d’un MOOC réalisé par les enseignants, ou vers des activités complémentaires en ligne, par exemple.

13Les participants ont été recrutés lors d’un appel à participation lancé au début d’une séance de cours de physique, puis lors d’échanges de courriel, suite à une relance de l’enseignant auprès des étudiants. Au total, c’est avec huit participants que nous avons débuté les premiers entretiens, après la passation de la première évaluation formative.

4.2. Récolte des données

14En vue de répondre à notre question de recherche, nous avons opté pour une démarche qualitative (Dionne, 2018), particulièrement adaptée aux questions liées à l’éducation (Imbert, 2010), dont la visée est compréhensive et inductive (Kaufmann, 2011).

15Les données ont été récoltées par le biais d’entretiens semi-directifs grâce à un guide d’entretien, en partie ancré dans le cadre théorique. Effectivement, dans le but d’investiguer certains aspects spécifiques aux émotions (ex. : leurs signes physiques) et aux stratégies de régulation émotionnelle (ex. : leurs types), il a semblé préférable d’élaborer le guide d’entretien sur base de la littérature se rapportant aux thématiques visées. Dès lors, ce dernier contient des questions sur huit thématiques : (1) l’orientation scolaire, (2) les croyances relatives aux feedbacks, (3) le cours de physique, (4) le test formatif, (5) les feedbacks via FB4You, (6) les émotions, (7) les stratégies de régulation émotionnelle et (8) l’impact des feedbacks sur la vie académique. Dans le cadre de cette recherche, seules les trois dernières thématiques ont été exploitées.

16Quatre entretiens semi-dirigés étaient prévus avec chacun des huit participants (un garçon, six filles, une personne dont le genre n’est pas défini). Parmi les huit participants initiaux, un d’entre eux n’a réalisé qu’un seul entretien, ne s’étant plus manifesté après ce dernier. Trois autres participants n’ont pas pu réaliser le quatrième et dernier entretien car la participation à la dernière évaluation était conditionnée par la collecte de médailles (récompenses octroyées aux étudiants en lien avec leurs performances) dans un outil en ligne appelé le « simulateur d’examens ». Les étudiants n’ayant pas fourni le travail nécessaire n’ont pas pu présenter la dernière épreuve, et n’ont par conséquent pas reçu de quatrième et dernier feedback.

17À chaque fois que cela a été possible, les entretiens ont eu lieu dans les trois jours suivant la réception du feedback afin que les participants se rappellent au mieux de l’expérience vécue et ainsi limiter le risque d’une reconstruction des souvenirs associés à l’événement exploré. Les entretiens ont été réalisés dans des lieux dédiés, à l’université ou au lieu de résidence des participants, en limitant le risque d’interruption. Les participants se sont vu rappeler l’objectif et les modalités de l’étude, ainsi que leurs droits en regard de celle-ci. Avec leur accord, tous les entretiens ont été enregistrés et intégralement transcrits, préalablement à leur analyse.

4.3. Traitement des données récoltées

18Afin d’analyser les données, nous avons opté pour une des méthodes les plus utilisées en recherche qualitative (Intissar & Rabeb, 2015), l’analyse thématique autour de notre question de recherche spécifique (Braun & Clarke, 2006). Contrairement à l’élaboration du guide d’entretien, axée sur le cadre théorique, la visée de cette analyse est davantage inductive.

19L’analyse thématique a été réalisée en trois temps. En premier lieu, les données ont été organisées en les réduisant (Dionne, 2018) dans un tableau par participant avec, en abscisse, la temporalité des entretiens et, en ordonnée, divers codes initiaux correspondant aux huit thématiques abordées dans le guide d’entretien (Braun & Clarke, 2006) (tableau 1).

Tableau 1 : Extrait des tableaux des données décontextualisées

P1

T1

T2

T3

T4

Préparation et perception des tests formatifs

Perception test n° 1

Bof, pas trop été, nulle de chez nulle en mécanique et en physique + matières pas vues (ex. : optique) ou vues en rhéto il y a deux ans donc ne savait plus du tout, a tapé dans le tas, n’a pas voulu tricher pour voir ses vrais points, a fait au feeling, QCM avec réponses subtiles > test difficile, s’est vu à ses points

A beau faire ce qu’elle veut en physique, ça ne fonctionne pas

Perception test n° 2

Stress car pas de calculatrice, essaye de faire ce qu’elle peut car rien à perdre, pas vraiment pour des vrais points, déçue car arrivait à avoir le développement > questions de théorie subtiles mais exercices similaires à ceux des répétitions, a été dans l’ensemble

Perception test n° 3

L’a bien vécu, pas stressée par rapport à d’habitude, allait voir ce que ça donnait, c’est un test formatif > niveau moyen, question où ça allait vraiment bien et d’autres sur lesquelles elle restait plus de 30mins, questions de théorie subtiles mais exercices similaires à ceux des répétitions

Perception test n° 4

C’était bizarre, ne s’attendait pas à grand-chose > méga difficile

Émotions

Avant FB

Un peu stressée d’avoir raté car stresse tout le temps pour tout, espoir d’avoir réussi, manque de confiance en elle

Avant FB

Pas stressée, un peu dégoûtée car oubli calculatrice, elle savait qu’elle aurait pu faire mieux car développement pas mauvais, c’est de sa faute

Avant FB

Un peu stressée car a beaucoup travaillé donc rater c’est décourageant/délicat, ne s’attendait à rien, voulait juste voir ses points et se situer

Avant FB

Ça allait, impatiente, envie de savoir

20Ensuite, une distinction entre les dimensions centrales et secondaires vis-à-vis de la problématique investiguée a été établie. A la suite des trois dernières questions du guide d’entretien, de nouveaux tableaux ont donc été construits sur base des précédents, ne comprenant alors que les dimensions centrales de l’étude (tableau 2). Pour cette étape, nous avons utilisé des codes descriptifs sans interpréter mais en attribuant un segment de texte à une classe de phénomènes (Intissar & Rabeb, 2015). Les codes initiaux furent alors transformés en codes descriptifs puisque les données ont été reconceptualisées (Braun & Clarke, 2006). Ces codes sont les suivants : les émotions (temporalité, intensité, valence, facteurs d’influence – autoévaluation, score, préparation, perception de l’évaluation –, présence ou non de stratégies de régulation émotionnelle), les stratégies de régulation émotionnelle (type, temporalité, description), l’effet des feedbacks sur les croyances (évolution ou non de l’effet, degré d’analyse des informations attendues, changement ou non de posture).

Tableau 2 : Extraits des données recontextualisées pour la 1re fois

P4

Emotions

Temporalité

Intensité

Valence

Facteurs d’influence

Déploiement SRE

Tristesse (déception)

Anticipation avant le feedback (T1)

Non mentionné

Désagréable

Autoévaluation : anticipation d’un échec

Score : non mentionné

Préparation : moyenne

Oui

Peur (anxiété)

Anticipation avant le feedback (T2)

Non mentionné

Désagréable

Autoévaluation : anticipation d’un 10/20

Score : non mentionné

Préparation : moyenne

Perception : test compliqué

Non

Type de SRE

Temporalité

SRE

Degré de conscience

SRE cognitive

Avant le feedback (T1)

Réévaluation cognitive : l’étudiante se dit qu’au pire, si elle rate, c’est bon.

Inconscient

SRE cognitive

Avant le feedback (T3)

Réévaluation cognitive : ce ne sont pas des points qui sont pris en compte.

Inconscient

Avant le feedback (T4)

Réévaluation cognitive : elle s’est dit « je rate, je rate, de toute façon, on s’en fout ».

Inconscient

Effet des feedbacks sur les croyances

Effet et évolution

Degré d’analyse des informations attendues

Changement de posture

  1. Étudier ;

  2. Arrêter de se sous-estimer ;

  3. Faire passer l’université avant ses autres activités ;

  4. Analyser sa méthode de travail (à maintenir ou à modifier).

Le feedback a un impact sur la façon de penser de l’étudiante, soit en lui rendant davantage confiance en elle, soit en lui permettant de se rendre compte du temps et de l’étude qu’elle doit consacrer. […]

  1. Commentaires ;

  2. Notes ;

  3. Courbe.

L’étudiante cherche avant tout à se situer grâce à sa note. Elle lit les commentaires, d’abord perçus comme non personnalisés, ensuite comme pratiques. Elle s’insurge contre la courbe (classement des étudiants).

En début de quadrimestre, l’étudiante n’apprécie pas de recevoir des feedbacks. Elle trouve cela stressant et intrusif. Cela évolue tout de même au fil du quadrimestre : bien qu’elle associe toujours le feedback à la peur et l’appréhension, elle ne le voit plus comme un ennemi mais comme un messager. Cependant, elle ne développe pas d’attentes particulières autour du feedback, elle souhaite simplement savoir où elle en est sans que le feedback soit spécifiquement délivré via l’interface FB4You. Ses attentes n’évoluent donc pas au long du quadrimestre.

21Enfin, la dernière étape était une démarche d’interprétation (Dionne, 2018) et consistait à établir des liens entre les catégories précédemment réalisées (Paillé, 1994). Sur base des tableaux réalisés lors de la deuxième étape, nous avons extrait des résultats sous forme de mots ou de tableaux récapitulatifs (tableau 3). Selon Intissar et Rabeb (2015), les tableaux sont utiles pour comprendre les liens entre les évènements.

Tableau 3 : Extrait des données recontextualisées pour la 2e fois

Présence ou non des SRE aux différents temps

P1

P2

P3

P4

P5

P6

P7

P8

T1

Oui

(P et/ou AP).

Oui

(P).

Oui

(ANT).

Oui

(AVT, ANT et P).

Oui

(P).

Oui

(P).

Oui

(P).

Oui

(P).

T2

Oui

(P).

Oui

(P).

Oui

(P).

Oui

(P).

Oui

(P).

Non.

Oui

(P).

T3

Oui

(ANT et P).

Oui

(P).

Oui

(AVT).

Oui

(P).

Oui

(P).

Oui

(P).

Non.

T4

Non.

Oui

(AVT).

Oui

(P).

Oui

(P).

Note : ANT = en anticipation du feedback, AVT = avant le feedback, P = pendant le feedback

22Ces multiples étapes nous ont permis de mieux comprendre en quoi les feedbacks délivrés aux participants après les évaluations formatives ont pu générer des émotions en eux, mais également la manière dont celles-ci ont pu être régulées. Nous avons de cette manière pu mettre en lumière une certaine séquence temporelle au cours de laquelle ce phénomène se manifestait, et avons identifié les nuances, en termes de réponses émotionnelles ou de stratégies de régulation émotionnelle.

5. Résultats

23Nos résultats sont structurés de sorte que nous nous attarderons d’abord sur les éléments contextuels associés aux tests formatifs présentés durant le semestre. Nous aborderons ensuite les feedbacks que les étudiants ont reçus à l’occasion de ces tests, ainsi que le processus de traitement desdits feedbacks. Ensuite, nous détaillerons les émotions éprouvées par les étudiants dans ces situations, avant d’aborder les différentes stratégies de régulation émotionnelle qu’ils ont déployées.

5.1. Les résultats obtenus aux tests formatifs

24Au total, les huit étudiants rencontrés rapportent vingt-six situations de feedback, dont onze liées à un échec et quatorze à une réussite (un résultat reste inconnu). L’analyse révèle une variabilité à la fois inter- et intra-individuelle. Sur le plan inter-individuel, certains étudiants présentent des évolutions positives, d’échecs initiaux vers des réussites, d’autres ont des trajectoires stables (uniquement des réussites ou des échecs), tandis que d’autres encore connaissent des évolutions plus fluctuantes. Sur le plan intra-individuel, la répartition des résultats met en évidence une dynamique : si la plupart des évaluations sont globalement partagées entre réussites et échecs, le troisième test se distingue par une proportion plus importante de réussites. Cette diversité des profils et des trajectoires constitue un élément intéressant pour comprendre la manière dont les étudiants traitent et vivent émotionnellement les feedbacks.

5.2. Le traitement des feedbacks par les étudiants

25La réception des feedbacks n’est pas une opération « neutre » dans le chef des étudiants, notamment parce qu’elle est filtrée par les croyances qu’ils entretiennent quant à la valeur informative et formative de ces retours. Sur les vingt-six feedbacks vis-à-vis desquels ils se sont exprimés, il est apparu qu’une forme d’anticipation de leurs résultats ait été entreprise avec plus ou moins de précision. Dès lors, les feedbacks n’atteignent pas leurs destinataires de manière neutre, dans une majorité de cas. La fiabilité de cette autoévaluation se révèle par ailleurs assez inégale entre les étudiants, puisqu’elle est essentiellement instinctive et peu étayée par des critères ou par la vérification des tâches réalisées.

« […] je m’attendais à avoir soit raté mais de très peu, soit réussi mais pas, pas une note très haute. » (P2, 3/28)

26Dans le contexte du cours, qui propose des évaluations régulières à vocation formative, les étudiants utilisent les feedbacks de manière à cibler leurs forces et leurs faiblesses vis-à-vis de la matière qu’ils devront maitriser au moment de l’examen du cours. Ainsi, ils sont attentifs aux différentes facettes de ces feedbacks (commentaires, scores, recommandations et classement) et apprécient particulièrement la ventilation des feedbacks en différents chapitres ou points de matière distincts, afin de mieux cibler les éventuels axes de progression à privilégier. Cela étant, malgré la pluralité des éléments qui composent ces feedbacks, le score reste l’information qui retient le plus l’attention des étudiants et c’est alors celui-ci que les étudiants confrontent à leurs attentes, nées de l’anticipation de leur performance effective.

« […] je vois bien que fluides ça va vraiment super bien et que biomécanique pas du tout. Donc, je sais vraiment recibler les choses […] à retravailler […]. » (P1, 3/128)

27Les étudiants apparaissent satisfaits des feedbacks dès lors que ceux-ci leur fournissent une information – même sommaire – sur les différents points de matière évalués qui apparaissent alors comme suffisamment maitrisés ou non, ainsi que la présence d’éléments justificatifs et de recommandations, en guise de commentaires. Cependant, ils ne soulignent pas toujours explicitement l’opportunité que représentent les feedbacks pour questionner leurs stratégies d’apprentissage ou pour s’interroger sur leur engagement et leur motivation dans les différentes activités d’apprentissage, par exemple. Ainsi, à la question de savoir quelles informations leur étaient communiquées dans l’un des feedbacks, une participante a donné la réponse suivante :

« Je devais être […] plus assidue dans la manière […] d’étudier, que je connais […] certaines bases mais qu’il y a encore […] certaines notions que je dois revoir. » (P4, 2/43-44)

28Certains étudiants adoptent cependant une attitude davantage réflexive en se questionnant sur leur méthode de travail à la suite de la réception du feedback :

« […] il y a un outil d’évaluation de simulateur d’examen qui m’a l’air super utile. Du coup, je vais essayer de faire ça. Je vais essayer d’en faire plein. Je vais essayer de plus étudier le week-end. Je fais déjà de mon mieux mais je vais essayer de continuer à faire de mon mieux et à avancer. » (P5, 2/106)

29De plus, malgré une approche que l’on pourrait qualifier de passive chez la plupart des étudiants, une augmentation des scores apparait chez certains d’entre eux, au fil des quatre évaluations. Dès lors, même si nous ne pouvons l’affirmer et que d’autres explications sont plausibles, il est raisonnable de penser que les feedbacks permettent une prise de conscience chez les étudiants du niveau de maitrise des concepts étudiés, et que les recommandations proposées les aident à réguler leurs apprentissages.

30Cela étant, il convient de reconnaitre que les feedbacks ne semblent pas avoir d’effet particulier chez une partie des étudiants interrogés. Ce constat peut être expliqué en partie par les représentations que les étudiants ont de ce que sont de « bons » feedbacks. En effet, les avis diffèrent sur ce point parmi les étudiants rencontrés, puisqu’une partie d’entre eux estimait que ces feedbacks étaient intéressants, allant au-delà de leurs attentes grâce à la présence de commentaires et de recommandations, notamment. À l’inverse, d’autres étudiants estimaient ces commentaires trop vagues, par exemple, et donc peu exploitables dans des actions concrètes. Dès lors, ces représentations ont pu façonner la manière dont les étudiants ont appréhendé les feedbacks et les ont exploités durant le cours, au fil des différentes épreuves auxquelles ils ont participé.

« […] je (ne) m’attendais pas à un feedback aussi précis […] je m’attends à avoir […] des trucs comme ça aussi pour les autres cours et je sais qu’on aura juste des notes, à mon avis […]. » (P2, 1/316)

« […] je m’attendais à quelque chose de plus, comme je dis, détaillé. Là, c’était vraiment clairement […] comme (en) secondaire : “Revois. Revois ça, tu risques d’avoir des problèmes. C’est bien, […] tu connais.” Honnêtement, le feedback ne m’a clairement servi à rien. » (P8, 1/150)

31Cette divergence d’attentes peut s’expliquer par la manière dont chacun se représente le rôle du feedback. Dans ce cas, tous deux en ont une vision globalement positive. Toutefois, le participant 2 déclare, dès la première rencontre, s’attendre à en recevoir, tandis que l’étudiant 8 n’en ressent pas le besoin.

5.3. La réponse émotionnelle des étudiants aux feedbacks

32Les émotions rapportées par les étudiants dans le cadre de la réception des feedbacks ayant trait aux évaluations formatives du cours de physique sont assez équilibrées au niveau de leur valence. En effet, les huit étudiants, sur l’ensemble des quatre tests (pour ceux qui ont pu présenter chaque évaluation) ont fait mention de presque autant d’émotions agréables (n = 44) que d’émotions désagréables (n = 46). Pour en assurer la comptabilisation, chaque émotion mentionnée lors des entretiens a d’abord été recensée individuellement, puis regroupée en catégories sur base de libellés et de synonymes. Le tableau 4, ci-après, présente les différentes émotions évoquées par les étudiants.

Tableau 4 : Détail des émotions expérimentées par les étudiants par rapport aux feedbacks portant sur les évaluations formatives du cours de physique

Émotions ressenties

Total

Émotions agréables :

44

Joie

35

Soulagement

5

Confiance

1

Surprise

2

Étonnement

1

Émotions désagréables :

46

Déception/tristesse

22

Peur/anxiété

15

Colère/frustration

5

Doute

1

Gêne

2

Étonnement

1

33Les émotions ressenties par les étudiants ne sont pas forcément associées à une valence particulière. En effet, sept étudiants sur les huit ont indiqué avoir ressenti des émotions différentes et nuancées, à l’occasion de la réception d’au moins un des quatre feedbacks, voire à chacune de ces occasions. Ainsi, une certaine déception, d’intensité relativement faible, peut se manifester de manière concomitante avec une joie plus intense, notamment chez des étudiants qui reçoivent un feedback globalement positif, mais qui fait état d’une performance en deçà de leurs attentes, par exemple.

« J’étais déçue, je pensais que j’avais fait un peu mieux que ça. […] j’étais un peu déçue mais quand même contente. Dans certaines matières, je trouve que j’avais quand même […] bien fait ça. » (P6, 3/74)

34Parmi ces différentes émotions, nous pouvons constater qu’elles se manifestent pour l’essentiel (n = 67, ex. : déception, soulagement) pendant ou après la réception des feedbacks dans l’application. Certaines d’entre elles (n = 22, ex. : doute, anxiété) sont davantage éprouvées par les étudiants en anticipation des feedbacks liés aux tests qu’ils ont présentés.

35Enfin, les émotions liées aux feedbacks reçus via l’application mobile se sont révélées plus diversifiées que la seule catégorie des émotions d’accomplissement. Les émotions épistémiques, telles que l’étonnement ou la confusion, se sont également manifestées chez certains étudiants lors de l’interprétation de leur feedback.

« […] je me suis dit : "c’est un peu bizarre […] parce que […] l’analyse j’ai complètement raté et j’ai quand même réussi toutes les questions". » (P7, 2/76)

36De même, certaines circonstances génèrent des émotions de nature sociale chez les étudiants. C’est par exemple le cas de l’embarras ou de la culpabilité.

« […] je me sens toujours hyper mal à l’aise dans il y a quelqu’un qui a raté hyper fort […] à côté de moi et que moi […], j’ai eu 14 (sur 20). » (P1, 3/96)

5.4. Les stratégies de régulation émotionnelle déployées par les étudiants

37Les étudiants déploient des stratégies de régulation émotionnelle dès l’anticipation des feedbacks et au moment de leur réception effective. Les émotions qui font l’objet de ces stratégies sont généralement en accord avec la valence des feedbacks. Ainsi, des feedbacks positifs conduisent les étudiants à réguler leurs émotions agréables, tandis que les feedbacks négatifs incitent les étudiants à réguler les émotions déplaisantes qui leur sont associées. En outre, concernant les émotions que les étudiants déclarent avoir régulées, il apparait qu’elles sont liées de façon quasiment équivalente aux deux types de feedbacks : 17 fois en cas de feedbacks liés à une réussite et 16 fois en cas de feedbacks liés à un échec.

38Au long du semestre et des quatre évaluations qui leur ont été proposées, la plupart des étudiants rencontrés ont expliqué avoir régulé leurs émotions, principalement au moment des feedbacks ou suite à leur réception. Les stratégies déployées lors de ces épisodes portaient sur des émotions de valences diverses, mais également sur des émotions ressenties à différents degrés d’intensité. Ainsi, des émotions agréables de faible intensité ont fait l’objet de certaines stratégies, quand des émotions désagréables d’intensité importante ont été régulées à travers la mise en œuvre d’autres stratégies. Les critères de la valence et de l’intensité apparaissent dès lors comme les principaux déterminants de la nécessité pour les étudiants de réguler leurs émotions.

39Les stratégies de régulation émotionnelle utilisées par les étudiants ne font pas nécessairement l’objet d’une mise en œuvre consciente et volontaire. Pour établir ce degré de conscience, nous avons retenu un critère méthodologique simple : les stratégies mentionnées explicitement par les étudiants lorsqu’ils étaient interrogés à leur sujet ont été considérées comme conscientes, tandis que celles identifiées indirectement dans leurs discours, sans qu’elles fassent l’objet d’une verbalisation explicite, ont été codées comme inconscientes. En effet, plusieurs étudiants ont réalisé au moment des entretiens que leurs réactions correspondaient en réalité à cette démarche. Au sortir des entretiens, nos analyses attestent de l’expression d’un nombre quasi équivalent de stratégies déployées de manière consciente (n = 17) qu’inconsciente (n = 19), à la faveur des secondes. Dans les deux cas, les stratégies ainsi déployées visent à restaurer ou à renforcer un certain bien-être chez les étudiants, et à améliorer leurs performances académiques.

« […] j’ai décidé d’aller à la bibliothèque pour commencer à travailler les exercices. » (P8, 2/70)

40Dans l’exemple ci-dessus, l’étudiant prend une décision visant à améliorer ses conditions d’apprentissage et à travers elles, à renforcer son engagement dans l’étude du cours et sa compétence dans le domaine concerné. Ces deux visées ne sont pas mutuellement exclusives, sept étudiants sur huit nous ayant expliqué les avoir poursuivies de façon concomitante.

41Concernant les types de stratégies mobilisées, il apparait que les étudiants emploient davantage de stratégies cognitives (n = 21), en comparaison avec les stratégies comportementales (n = 14) (tableau 5).

Tableau 5 : Détail des types de stratégies de régulation émotionnelle

Stratégies cognitives

  • Réévaluation de l’enjeu du test (formatif)

« Y en a beaucoup qui pensent […] qu’ils n’ont pas leur place à l’université à cause de ça alors qu’au final, c’est qu’un test formatif, […] ça veut dire quelque chose mais c’est pas la mort non plus, fin, si je peux dire comme ça. » (P1, 2/56)

  • Inhibition expressive cognitive

« […] j’ai eu 14. Je me sens toujours un peu mal à l’aise parce que j’ai envie (d’être) contente mais j’ai pas envie de montrer que je suis contente parce que la personne à côté de moi, elle a raté. » (P1, 3/96)

  • Acceptation des implications du feedback

« De toute façon, je savais plus revenir en arrière donc […] ça servait à rien de rester énervée pendant deux semaines sur ça. » (P1, 2/88)

  • Comparaison sociale descendante

« […] j’ai regardé le taux de réussite pour me situer en mode "est-ce que je suis en retard, est-ce que je fais tout mal ou est-ce que tout le monde est en panique ?". Et tout le monde est en panique. Du coup, ça m’a un peu rassurée. » (P5, 2/82)

  • Analyse de sa progression, des forces et faiblesses

« […] ça m’a motivé […] de voir ce que j’avais pas réussi, me dire "ouais, ça, il faut que je revoie". » (P2, 1/228)

  • Planification cognitive du travail à réaliser

« […] je compte […] continuer le plan d’attaque que j’avais dans ma tête, c’est-à-dire […] refaire bien les démos, refaire bien les vidéos qu’on doit savoir démontrer […]. » (P5, 4/136)

  • Déploiement attentionnel cognitif

« Donc […] j’ai dû faire en sorte d’essayer d’oublier, (en)fin, pas d’oublier mais de mettre de côté et relativiser un peu. » (P4, 2/84)

  • Réévaluation des conditions de passation du test

« […] (le test était) plus difficile puis je m’étais pas mise dans les meilleures conditions pour le faire. Je l’ai pas fait au calme, quoi. Je l’ai fait un dimanche soir pendant que les colocs’ faisaient à manger en bas et du coup c’était un peu bruyant autour. » (P5, 2/36)

Stratégies cognitives et comportementales

  • Planification cognitive et comportementale du travail à réaliser

« […] j’ai décidé d’aller à la bibliothèque pour commencer à travailler les exercices. » (P8, 2/70)

  • Anticipation des difficultés de l’examen

« […] je me prépare trop à avoir quelque chose de beaucoup plus dur, à anticiper […] ce qui peut être difficile. Je sais pas mais je trouvais ça quand même faisable (l’évaluation). » (P7, 4/110)

Stratégies comportementales

  • Déploiement attentionnel comportemental

« […] quand c’est comme ça (triste), je me mets dans mon lit avec Netflix et je bouge plus. » (P1, 1/268)

  • Inhibition expressive comportementale

« C’est pas agréable d’aller en cours et de se dire que les efforts que j’ai faits jusqu’à présent ne payent pas. Du coup, c’est vraiment […], on serre les dents, on regarde droit devant et on avance. » (P5, 2/122)

  • Modification de situation

« Vu que j’ai plus su étudier, […] j’ai préféré […] ne plus étudier pour […] essayer de penser à autre chose […]. C’est […] ma méthode en fait pour arrêter de penser à ça, c’est de faire autre chose. » (P4, 1/194)

  • Partage social

« Je crois que j’ai souri […] et je l’ai dit aux colocs’. […] Du coup, […] on a fait une petite danse […]. C’était marrant. » (P5, 1/216)

  • Renforcement des compétences

« […] j’ai retravaillé, […] j’ai refait des exercices de répétition. » (P1, 1/288)

42L’emploi d’un certain type de stratégies reste cependant lié au contexte dans lequel un étudiant l’applique. Ainsi, les stratégies cognitives sont davantage utilisées lorsque les étudiants se trouvent dans un lieu plus propice à la réflexion et à l’analyse, comme sur les lieux de l’université. Parmi les stratégies cognitives, la réévaluation du feedback semble être une voie privilégiée.

« […] puisque c’est formatif, on va dire que c’est pas grave mais ça permet de voir ce qui va ou ce qui ne va pas. » (P8, 2/64)

43D’autre part, parmi les stratégies comportementales, les stratégies les plus fréquemment employées par les étudiants sont le déploiement attentionnel vers des sources de distraction et la suppression expressive ou l’inhibition de l’émotion problématique.

« […] quand c’est comme ça (triste), je me mets dans mon lit avec Netflix et je bouge plus. » (P1, 1/268)

44Dans certains cas, ces différents types de stratégies se combinent de manière à permettre aux étudiants concernés de se mettre dans un état d’esprit favorable à l’application concrète d’un plan d’action, au service de leur apprentissage.

« […] je compte […] continuer le plan d’attaque que j’avais dans ma tête, c’est-à-dire […] refaire bien les démos, refaire bien les vidéos qu’on doit savoir démontrer […]. » (P5, 4/136)

6. Discussion

45Nos résultats témoignent d’un traitement pour le moins variable des feedbacks parmi les étudiants que nous avons rencontrés. Ces derniers, dont l’engagement avec les feedbacks peut sans doute s’expliquer au moins en partie par le contexte dans lequel ils reçoivent ces derniers (Lipnevich et al., 2016), portent prioritairement leur attention sur les scores qu’ils obtiennent pour les différentes épreuves, et les parties qui composent celles-ci. Ils analysent ensuite avec plus ou moins de rigueur les commentaires qui accompagnent ces scores et les recommandations proposées. Ils semblent par ailleurs moins apprécier les classements qui reprennent leurs propres résultats, ainsi que ceux de leurs congénères, ce qui indique une forme de désaffection pour les aspects normatifs des feedbacks (Guskey, 2020). Ainsi, la profondeur du traitement que les étudiants appliquent aux feedbacks est variable, et semble liée aux attentes qu’ils formulent à cet égard. Les étudiants qui cherchent avant tout à se situer par rapport à la maitrise des contenus évalués se contentent généralement des scores, tandis que ceux qui attendent des pistes d’amélioration concrètes souhaitent obtenir une forme de guidage dans la manière de procéder. Dans les différents cas de figure, les étudiants demeurent dans une posture relativement passive (Winstone et al., 2021a, 2021b), abordant les feedbacks uniquement comme une information, plus ou moins utile, mais pas comme un processus dans lequel ils devraient s’engager afin de définir des stratégies adaptées à leurs besoins et à leurs capacités. Dès lors, les feedbacks ne sembleraient pas transformés en actions aussi facilement que le présume Värlander (2008). Nos résultats n’invalident pas le nouveau paradigme du feedback (Carless, 2015), mais ils suggèrent qu’il n’est pas forcément d’application immédiate chez les étudiants rencontrés. Pourtant, l’autoévaluation dont ils font généralement preuve pourrait servir d’amorce à l’élaboration d’un feedback interne (Nicol, 2020 ; Hausman et al., 2022) plus élaboré, à partir duquel ils auraient la possibilité d’intégrer des critères de qualité propres aux tâches dont ils s’acquittent, en vue de les mobiliser dans une interprétation plus spécifique des feedbacks externes. Cette posture plus active permettrait aux étudiants de mieux intégrer les critères de qualité des tâches, de s’autoévaluer de manière plus précise, et d’envisager avec davantage de pertinence les stratégies leur permettant de réguler leurs apprentissages en fonction de leurs besoins et des ressources dont ils disposent. Cela étant, il importe d’accompagner les étudiants (Winstone et al., 2019 ; Carless & Winstone, 2020 ; de Kleijn, 2023) – notamment en début de parcours – dans l’adoption d’une telle posture, et d’intégrer le discours et les pratiques nécessaires dans les enseignements prodigués.

46Sur le pan affectif, à la lumière des résultats obtenus, force est de constater que nous ne pouvons guère tirer de conclusions clairement marquées quant aux réponses émotionnelles des étudiants aux feedbacks qu’ils reçoivent, ou vis-à-vis des stratégies qu’ils mettent en place pour les réguler. Nous avons constaté que les feedbacks ne laissaient pas les étudiants indifférents et ce, malgré leur caractère formatif et l’aspect facultatif des évaluations proposées dans le cadre du cours, reflétant des enjeux a priori relativement peu élevés. Les émotions évoquées lors des entretiens attestent de l’engagement émotionnel que les étudiants manifestent dans la réception et l’interprétation de ces informations (Shields, 2015 ; Pitt & Norton, 2017 ; Hill et al., 2021). Notons toutefois que la joie, en particulier à l’occasion de la réception de feedbacks positifs, et la déception, lors de feedbacks négatifs, mais même en cas de feedbacks positifs, sont les émotions les plus rapportées par les étudiants. Cela ne concorde pas vraiment avec les données d’Ingleton (1999, citée par Värlander, 2008) ou encore de Pekrun et al. (2002) selon lesquels les émotions courantes dans le domaine scolaire sont la fierté, la honte et l’anxiété. Cependant, les émotions principales de notre étude ressortent également dans celle de Hausman et al. (2023), dans laquelle elles sont reliées à des situations de feedbacks. Au-delà de la joie et de la déception, les étudiants semblent expérimenter des émotions recouvrant l’ensemble du spectre formé par les attributs que sont l’agréabilité et l’activation. Les différentes réponses émotionnelles sont indubitablement influencées par les attentes des étudiants vis-à-vis des feedbacks, et avant cela, par la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur rapport à la tâche et par extension, au domaine d’apprentissage concerné (Goetz et al., 2018 ; Hill et al., 2021 ; Hausman et al., 2022).

47La nature des émotions vécues par les étudiants semble néanmoins généralement correspondre à la valence des feedbacks qu’ils reçoivent (Hausman et al., 2023), mais cette règle en apparence très simple masque une réalité plus complexe. En réalité, les étudiants s’engagent donc dans le traitement des feedbacks avec des attentes, liées aux perceptions qu’ils ont du cours, de l’évaluation et de son degré de difficulté, mais aussi d’eux-mêmes, de leur sentiment de compétence dans le domaine évalué et de leur préparation à l’épreuve (Hausman et al., 2022). Ces différentes représentations configurent l’état d’esprit dans lequel les étudiants reçoivent et donnent sens aux feedbacks qui leur sont proposés. En fonction de ces configurations, les réponses émotionnelles peuvent être plus nuancées que ce que l’on pourrait croire en première instance (Fong et al., 2016). Ainsi, des émotions désagréables se manifestent chez certains étudiants alors que le feedback qu’ils ont reçu est positif. Il est alors moins « bon » que ce à quoi ils s’attendaient ou ce qu’ils espéraient. Il est également possible que la qualité de l’information proposée leur apparaisse comme trop faible. Par ailleurs, dans le champ des émotions académiques, les émotions d’accomplissement (Pekrun et al., 2002) apparaissent de façon majoritaire dans les situations de feedbacks rencontrées par les étudiants, mais elles ne sont pas les seules. Les émotions épistémiques (Pekrun et al., 2002), telles que le doute ou la surprise, attestent d’un engagement cognitif signifiant dans la prise de connaissance des feedbacks, chez certains étudiants.

48Au-delà des réponses émotionnelles, leur régulation est également complexe car elle porte sur une gamme relativement variée d’émotions, tant agréables que désagréables, elle se décline en stratégies de natures diverses, cognitives et/ou comportementales, plutôt fonctionnelles ou dysfonctionnelles vis-à-vis de l’apprentissage et exécutées de manière consciente (Gross, 1998, 2015) ou involontairement (Erber et al., 1996 ; Gyurak et al., 2011). Dans cette étude, les stratégies privilégiées relèvent de la réévaluation cognitive, qui est en réalité appliquée à différents moments du traitement des feedbacks, c’est-à-dire de façon anticipée (avant sa réception effective) et/ou rétrospective (une fois le feedback reçu). Pourtant, Harley et al. (2019a) affirment que cette stratégie est systématiquement utilisée anticipativement. La réévaluation est alors une stratégie puissante pour réduire l’anxiété, notamment (Raftery & Bizer, 2009). D’autres stratégies, telles que la distraction et l’inhibition expressive des émotions, sont également régulièrement déployées, selon les circonstances dans lesquelles les étudiants évoluent. La distraction sera alors préférée lorsque les étudiants se trouvent seuls, alors que la suppression expressive est plus fréquemment mobilisée dans le cadre des interactions sociales. Dans tous les cas de figure, la préservation du bien-être semble constituer le moteur principal du déploiement de stratégies de régulation émotionnelle chez les étudiants. Cela rejoint les résultats de l’étude de Fischer et al. (2020a). En relativisant les conséquences des feedbacks, ou en évitant de se confronter à leurs effets sur le plan affectif, les étudiants cherchent davantage à se protéger qu’à s’améliorer en termes de compétences dans le domaine concerné. Toutes les stratégies utilisées ne s’avèrent donc pas efficaces (Leroy et al., 2016 ; Pekrun et al., 2011, 2014 ; Chauncey & D’Mello, 2015, tous cités par Harley et al., 2019a). Cela peut soulever la question du caractère fonctionnel de la régulation émotionnelle telle qu’elle est utilisée par les étudiants. Afin de mieux comprendre la manière dont ces stratégies peuvent être davantage au service de l’autorégulation de l’apprentissage, entendue comme « la poursuite active et réfléchie des objectifs d’apprentissage souhaités par la planification, la mise en œuvre, le suivi le contrôle et la réflexion sur les facteurs internes (cognition, métacognition, motivation, comportement, affect) et externes (environnement) avant, pendant et après l’apprentissage » (Greene, 2018, p. 138, traduit par Carter et al., 2024, p. 7), il nous semble intéressant de mieux comprendre comment et en fonction de quoi ces stratégies sont susceptibles de s’affiner et de s’orienter plus clairement vers le développement des compétences des étudiants, au fil de leur évolution dans leur formation.

49Notre étude souffre bien sûr de quelques limitations. Nous soulignons ici le caractère restreint de l’échantillon d’étudiants que nous avons pu mobiliser pour produire nos résultats. En effet, la « perte » de certains d’entre eux, au départ d’un nombre limité, nous amène à faire preuve d’humilité et de prudence dans l’interprétation que nous pouvons faire de leurs réponses à nos questions. En outre, nous ne pouvons prétendre, notamment en raison de cette première limite, mais également sur base du contexte particulier que nous avons investigué, à une quelconque forme de généralisation de nos résultats. Enfin, nous avons identifié l’importance d’une série de variables (ex. : sentiment d’efficacité personnelle dans la discipline, développement de la compétence à réguler ses émotions) pour lesquelles nous n’avons pas pris de mesure. Dès lors, il nous est impossible de nuancer les réponses des étudiants en fonction de ces caractéristiques clés, dans le processus de traitement des feedbacks. Néanmoins, nos résultats permettent de mieux saisir la dynamique dans laquelle les étudiants reçoivent, interprètent et utilisent ces feedbacks, délivrés selon des modalités inédites dans le cadre de notre institution. Forts de ceux-ci, nous ne pouvons que recommander aux enseignants d’inclure dans leurs enseignements un temps de clarification, pour les étudiants, de la manière dont les feedbacks doivent soutenir leurs apprentissages, de la manière d’interpréter les informations qu’ils contiennent, de la normalité de ressentir des émotions dans ces situations, et de la possibilité d’interpréter celles-ci comme des signaux avertissant les étudiants sur la satisfaction ou non de leurs besoins et objectifs d’apprentissage. Ces quelques démarches doivent permettre aux étudiants de faire à la fois des feedbacks et de leurs émotions, des outils au service de leurs apprentissages.

7. Conclusion

50Notre étude avait pour ambition de comprendre la manière dont des étudiants de 1re année de bachelier en faculté de Médecine ont reçu et interprété des feedbacks relatifs à quatre évaluations formatives, proposées dans le cadre d’un cours de physique. Nous avons conduit plusieurs entretiens avec huit étudiants, après chaque feedback diffusé sur leur smartphone, à la suite des différentes évaluations. Au-delà de leur appréciation des différents feedbacks, nous avons interrogé les étudiants sur leur ressenti, à savoir les émotions qu’ils ont expérimentées lors de ces moments particuliers. Nous avons également cherché à savoir ce qu’ils en avaient fait, en les interrogeant sur la manière de gérer ces émotions s’il s’était avéré qu’elles étaient problématiques pour eux.

51L’analyse thématique que nous avons menée à partir des différents entretiens a montré que les étudiants nourrissaient des attentes spécifiques, tant au niveau de leurs performances qu’au niveau des feedbacks, de leur composition notamment. Ces attentes influencent la manière dont ils reçoivent ces informations et y donnent du sens, orientant une analyse plus ou moins fine pour utiliser ces feedbacks afin de s’améliorer. Sur le plan émotionnel, les feedbacks génèrent des réponses émotionnelles tant agréables que désagréables, malgré l’importance relative des évaluations sur lesquelles ils portent. Cela atteste de l’engagement que les étudiants investissent dans ces tâches et par extension, du poids qu’ils leur accordent. Les émotions des étudiants ne sont pas toutes problématiques, mais elles peuvent l’être même si elles sont agréables. En règle générale, les émotions désagréables sont plus fréquemment régulées à travers le déploiement de différentes stratégies de régulation émotionnelle. Parmi celles-ci, les circonstances qui accompagnent la prise de connaissances des feedbacks amènent les étudiants à réévaluer les feedbacks et leurs implications, à se distraire ou encore à supprimer toute forme d’expression des émotions qu’ils vivent. Ces stratégies ne sont pas toujours fonctionnelles pour l’apprentissage, pas plus qu’elles ne sont systématiquement conscientes et volontaires.

52La régulation émotionnelle étant un mécanisme fréquemment activé par les étudiants dans les situations de feedbacks, mais présentant une série de limitations dans la manière dont ils s’y prennent, nous plaidons pour un renforcement des aptitudes des étudiants à réguler leurs émotions de manière adaptative, en regard de la progression de leurs apprentissages. D’autres recherches sont à mener pour tenter de mieux objectiver les capacités des étudiants vis-à-vis de la régulation de leurs émotions, et quant à l’effet des différentes stratégies qu’ils mettent en œuvre, afin de mieux déterminer en quoi leur progression à cet égard peut concrètement soutenir leurs apprentissages. En outre, il nous apparait important de considérer davantage à l’avenir le rôle des enseignants qui, lors du paramétrage des feedbacks asynchrones, peuvent assumer que leurs messages impactent les étudiants sur le plan émotionnel, et veillent alors à formuler ceux-ci de façon à endosser, déjà, un rôle de co-régulateur.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fanny Curto, Matthieu Hausman et Pascal Detroz, « Génération et régulation d’émotions académiques chez les étudiants »Questions Vives [En ligne], N° 42 | 2024, mis en ligne le 11 octobre 2025, consulté le 14 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/questionsvives/9598 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14wa0

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Auteurs

Fanny Curto

Université de Liège, Belgique

Matthieu Hausman

Université de Liège, Belgique

Pascal Detroz

Université de Liège, Belgique

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.

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