1Les trois contributions qui suivent (de Marc Relieu et Julien Morel, de Christian Licoppe et Julien Morel et de Lorenza Mondada) ont été retenues pour être publiées conjointement en varia dans le présent numéro de la Revue d’Anthropologie des Connaissances. Elles concernent la manière dont des connaissances sur les espaces, les lieux, les proximités et les comportements de mobilité deviennent à la fois des ressources et des problèmes pour l’interaction et la coordination. Elles renouvellent la question de l’accomplissement pratique de la localisation à plusieurs niveaux :

• le développement des dispositifs de communication portables complique, pour les interactants, l’anticipation de leurs localisations ; elles doivent être « découvertes » et négociées au fil de la situation. Le travail de localisation devient une ressource interactionnelle ; dans des collectifs plus éclatés spatialement, la coordination et l’intervention à distance supposent que les personnes formulent et ajustent des formats de référence spatiales et des géographies non congruentes car liées à des expériences et des situations disjointes, comme dans les interactions de guidage ou les centres d’appels d’urgence ;

• la mondialisation donne aussi une nouvelle dimension à ces problèmes ; elle permet le développement de l’aide à distance entre personnes très éloignées et de cultures différentes. L’accomplissement de la localisation repose sur la capacité des participants à s’accorder sur des références et des connaissances « locales », comme dans le cas des renseignements téléphoniques, lorsque les opérateurs sont délocalisés en Afrique et en Asie ;

• le développement de technologies produisant des références spatiales, comme les dispositifs géolocalisés qui mettent à disposition de leurs utilisateurs des connaissances sur leur position par rapport à certains lieux ou à d’autres participants.

2Ces articles fournissent des données et des analyses empiriques fines sur les procédures interactionnelles et sur le travail qu’accomplissent les participants à des conversations téléphoniques pour établir un socle commun de connaissances relatives à leurs positions ou leur proximité éventuelle et pour en faire une ressource pour des activités distribuées. Marc Relieu et Julien Morel analysent des conversations mobiles dans lesquelles un participant guide l’autre. Ils montrent le travail d’ajustement des connaissances spatiales et l’accomplissement d’une relation réflexive entre mobilité et conversation. Celui de Christian Licoppe et Julien Morel s’intéresse aux conséquences interactionnelles de la reconnaissance par les participants, au cours de leur conversation téléphonique, du fait qu’ils sont dans une relation de proximité spatiale. Cette connaissance mutuelle projette une rencontre comme suite pertinente. Enfin, le texte de Lorenza Mondada montre, dans un contexte de centre d’appels, les pratiques mises en œuvre pour formuler les lieux, en lien avec une intervention de service ultérieure, c’est‑à-dire le subtil travail conversationnel accompli par des participants socialement et spatialement distants pour réajuster des géographies divergentes, dans le cadre d’une activité de service.