Dossier coordonné par Béatrice Cahour, Géraldine Rix-Lièvre et Julien Guibourdenche
La Revue d’Anthropologie des Connaissances (RAC) favorise la publication de textes mobilisant des approches et des méthodes, dans différentes disciplines des sciences humaines et sociales, pour conduire l’étude de la production, de la circulation et de la mobilisation des connaissances dans les sociétés contemporaines. Ces connaissances peuvent se cristalliser dans des écrits, des discours, des pratiques et des dispositifs techniques (Vinck, 2007).
La revue lance un appel à publications dans le prolongement du Workshop organisé à Paris, les 9 et 10 novembre 2022, par B. Cahour, G. Rix-Lièvre et J. Guibourdenche, et qui a regroupé une quarantaine de chercheur·e·s autour de douze communications portant sur les articulations d’approches différentes autour de l’expérience vécue (https://drive.google.com/drive/folders/19aS5PMm5mzFwSIPmhq0HHE4OTshNFSE6?usp=sharing).
Considérée du point de vue de l’anthropologie cognitive et des approches situées de l’action et de la cognition, notamment en ergonomie, l’expérience vécue (Cahour et al., 2016) permet d’envisager l’activité en train de se faire et d’éclairer ainsi certaines formes de cognition, en privilégiant la manière dont les personnes vivent les situations. Dans des perspectives compréhensives ou transformatives, son étude vise à approcher la cognition incarnée, spontanée et située. Ces dernières décennies, plusieurs programmes de recherches énactifs, phénoménologiques ou pragmatistes se sont intéressés à la notion d’expérience vécue et aux méthodes qui permettent d’en rendre compte, par exemple l’entretien d’explicitation (Vermersch, 1994, 2012), l’entretien d’auto-confrontation (Theureau, 1992, 2010), d’autoconfrontation explicitante (Cahour et al., 2016) ou en re-situ subjectif (Rix-Lièvre, 2010). Dans une perspective phénoménologique, cette expérience est envisagée comme le flux continu des actions, perceptions, émotions et pensées d’un individu en interaction avec son environnement à un moment spécifique, et qu’il est à même, dans des conditions favorables, de verbaliser (Cahour et al., 2016). Plusieurs travaux (Adé et al., 2020 ; Guibourdenche, 2020 ; Poizat et al., 2016 ; Quidu & Favier-Ambrosini, 2014) ont aussi poursuivi et enrichi cet héritage en direction d’une articulation des connaissances et méthodes d’investigation de l’expérience subjective avec d’autres types d’analyses de l’activité humaine : e.g. biomécanique, organisationnelle, culturelle.
Le numéro spécial envisagé vise à présenter et questionner les formes d’articulation entre des approches orientées expérience vécue et d’autres approches de l’activité : quels concepts, pratiques méthodologiques et dispositifs réalisent cette articulation ? Quelles connaissances (discours, pratiques, techniques) émanent de cette articulation du vécu micro de l’individu à d’autres matériaux ? En quoi ces connaissances permettent-elles de mieux comprendre la cognition incarnée et située ? Comment peuvent-elles être mobilisées pour transformer l’activité ? Il s’agit donc de réunir des contributions qui produisent une connaissance de et sur le vécu situé, et qui les articulent avec d’autres matériaux ou dimensions pour mieux comprendre, et par là être en mesure de transformer, les situations de travail, d’usage ou d’apprentissage.
Ainsi le micro de l’expérience vécue en 1ère ou 2ème personne (le point de vue intrinsèque du sujet) pourra être articulé : (1) au niveau infra du corporel indicible, documenté via des indicateurs physiologiques, biomécaniques ou neurologiques, (2) au niveau micro de l’observation en 3ème personne, soit le point de vue extrinsèque du chercheur-observateur, documenté via des observables de l’activité, (3) au niveau plus macro du collectif, des organisations et du culturel (e.g. normes, savoirs valorisés, histoire collective ou individuelle).
L’étude des articulations autour de l’expérience vécue, dans des approches qualitatives mais aussi possiblement quantitatives, devra montrer l’apport de l’étude de l’expérience subjective et de ces articulations, dans une visée de compréhension et de développements individuels, collectifs, organisationnels et/ou culturels. Ces changements peuvent passer notamment par des prises de conscience individuelles, de nouvelles formes de connaissances, de nouveaux outils techniques, de la formation, des régulations organisationnelles.
Ce numéro spécial de la RAC vise à valoriser l’actualité scientifique des chercheur·e·s qui documentent l’expérience vécue dans différentes disciplines (e.g. anthropologie, ergonomie, sc. de l’éducation et de la formation, STAPS, STIC) et s’attachent à la mettre en relation avec d’autres approches de l’activité (autres méthodes, autres matériaux, autres niveaux d’analyse).
Pour les contributions retenues, les textes complets des articles, au format de la Revue d’Anthropologie des Connaissances (maximum 65 000 signes) seront à soumettre en ligne sur le site de la revue - http://rac.inra-ifris.org/index.php/rac/login?source=%2Findex.php%2Frac%2Fuser avant le 20 février 2023.