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Dossier thématique - Petits nombres en santé

Scorer le geste chirurgical de 1 à 5

Quantifier et normer pour réformer le groupe professionnel
Scoring surgical procedures from 1 to 5. Quantify and standardise to reform the professional group
Puntuar los procedimientos quirúrgicos de 1 a 5. Cuantificar y estandarizar para reformar el grupo profesional
Den chirurgischen Eingriff von 1 bis 5 bewerten. Quantifizieren und normieren, um die Berufsgruppe zu reformieren
Nicolas El Haïk-Wagner

Résumés

Dans un contexte d’hyperspécialisation, de sinistralité élevée des actes et de délégitimation du compagnonnage, la communauté universitaire chirurgicale cherche à évaluer la performance des praticiens et à développer des alternatives au compagnonnage. Cet article retrace les recherches d’un réformateur cherchant à importer une nouvelle technique d’apprentissage du geste chirurgical, la pratique délibérée, issue du sport de haut niveau. Ses expérimentations impliquent la réalisation de procédures en conditions de simulation, filmées puis évaluées de façon qualitative et standardisée. En dépit de sa modestie, ce dispositif suscite de fortes attentes. Ces petits nombres aident un chirurgien universitaire, multi-positionné, à enrôler une série d’acteurs institutionnels et assurantiels pour réformer l’apprentissage et la science chirurgicale et promouvoir une standardisation partielle des techniques.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 La sinistralité correspond au taux de sinistres devant être indemnisés par un assureur par rapport (...)
  • 2 La notion considère un groupe d’acteurs mobilisé, à la fin du XIXe siècle, pour définir les problèm (...)

1Comment former d’excellents techniciens au regard de l’évolution des techniques (vidéo, simulation) et de la fin annoncée d’un compagnonnage hiérarchique délégitimé ? Et comment réduire une variabilité des techniques jugée préjudiciable, dans un contexte de sinistralité1 élevée, de pression assurantielle (hausse des primes, accent mis sur la prévention et le management des risques) et de risque judiciaire (Barbot & Fillion, 2006) ? Ces débats animent une « nébuleuse réformatrice » au sein de la communauté chirurgicale universitaire. Ce groupement d’acteurs, insérés dans des réseaux pluriels (organisations hospitalières et professionnelles, sociétés savantes, politiques d’innovation, etc.) sans être toujours liés de façon interpersonnelle, partagent un « sens commun » de réformes en faveur de l’adaptation du groupe professionnel et de la spécialité aux pressions régulatrices (Topalov, 1999)2. Par leurs activités scientifiques, ils cherchent à définir la norme du geste, évaluer la performance de l’opérateur et concevoir des processus de transmission plus efficients.

2Les projets de formation et de recherche initiés par Pr. L, 63 ans, professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH) dans un service de chirurgie orthopédique du Grand Est, témoignent de ces velléités. Pr. L cherche à importer en chirurgie la pratique délibérée, une technique d’apprentissage du geste conceptualisée en psychologie cognitive et mobilisée dans le sport de haut niveau, la musique et les échecs. Elle implique l’enregistrement de sa performance (captation vidéo et/ou audio) puis son re-visionnage avec un expert, qui identifie les erreurs réalisées, formule des perspectives d’amélioration et donne des objectifs d’apprentissage ciblés. Ce processus est réitéré à plusieurs reprises, sur une courte période de temps, afin d’améliorer la courbe d’apprentissage et d’acquérir une expertise (Ericsson, 2015). Les recherches de ce réformateur évaluent la pertinence de cette démarche par rapport au compagnonnage sur des gestes spécifiques. Le protocole implique le recours à la vidéo (visionnage d’une vidéo démonstrative, captation vidéo puis revisionnage de son geste) et à une grille d’évaluation standardisée des compétences techniques dite OSATS (Objective structured assessment of technical skills), qui donne un score global permettant de mesurer et comparer la performance technique.

3La chirurgie est historiquement régie par une tradition clinique. Ses caractéristiques participent d’un développement plus lent de la médecine fondée sur les preuves que dans d’autres spécialités (Kinnaert, 2006). Pr. L souhaite faire la preuve de la pertinence de la pratique délibérée au sein même des régimes d’objectivité caractéristiques de la biomédecine. Il cherche pour cela à mesurer puis comparer la performance chirurgicale en la quantifiant. Ses efforts ont pour horizon une standardisation des pratiques médicales. Cette dernière s’inscrit dans un régime d’objectivité régulatrice, ancré dans le « recours systématique à des procédures collectives de production de la preuve ainsi que [dans] la mise en place de conventions dans le cadre de pratiques largement réflexives » (Cambrosio, Keating & Bourret, 2007, p. 155). Cette volonté de produire de bons chiffres à partir de jugements qualitatifs, arbitraires, sur le geste pose plusieurs questions : comment les vidéos et ces chiffres sont-ils apparus comme une ressource pour ce réformateur ? Comment et par qui sont-ils produits ? Et quelle est la vie sociale de ces nombres, une fois publiés ?

  • 3 Les précédentes études ont rapporté ses bénéfices dans la réduction de l’exposition des praticiens (...)
  • 4 Ce film de onze minutes, réalisé par un expert du service, détaille étape par étape la procédure.

4Cet article étudie la cinquième recherche mobilisant des OSATS initiée par Pr. L3. Il s’agit d’un essai clinique non interventionnel portant sur l’ostéosynthèse de la fibula (pose d’une plaque dans le traitement de la fracture de la cheville), que je nommerai FIBULA. Il compare deux techniques d’apprentissage de ce geste : la pratique dite « naïve », basée sur le visionnage d’une vidéo de démonstration4 avant sa réalisation par le participant, et la pratique délibérée, qui repose, en sus du visionnage du film, sur le revisionnage immédiat de sa performance et sur les retours en direct d’un expert, qui pointe les erreurs commises et donne des objectifs d’apprentissage ciblés pour la nouvelle tentative. FIBULA se tient sur le campus universitaire du CHU, dans les locaux d’une structure associative à but non lucratif, qui abrite notamment des formations en conditions de simulation.

5Par une entrée microsociologique, je retrace dans une première partie la genèse de cette expérimentation et l’ensemble du travail d’équipement ayant permis la formalisation de cet engagement épistémique de Pr. L (Vinck, 2006), soit le choix des instruments, l’identification d’une infrastructure adéquate pour leurs usages et la constitution d’une communauté disposant des compétences nécessaires. Dans une seconde partie, je reviens sur le processus de production des vidéos et de ces scores puis d’administration de la preuve, en portant attention à la division du travail et à la série de négociations et de bricolages entrepris. Je formule enfin des hypothèses sur la réception de ces travaux dans la communauté chirurgicale et les tentatives de réforme dans lesquelles ils s’inscrivent. En dépit de la modestie du dispositif, ces « petits nombres » suscitent de fortes attentes. Tirant parti de ses multi-positionnements institutionnels, Pr. L les utilise pour réformer l’apprentissage et la science chirurgicale et maintenir l’autonomie du groupe professionnel face aux pressions régulatrices.

Méthodes

  • 5 Ma présence et la possibilité d’un débrief à l’issue du test étaient inscrites dans le protocole de (...)
  • 6 La publication de FIBULA est en cours d’évaluation.

6J’ai étudié ce projet de façon non-participante, après accord de Pr. L, rencontré par le biais du financeur de ma thèse, l’assureur Relyens. Tout au long du projet (janvier 2023 à février 2024), j’ai été en copie des échanges par courriel des chercheurs, ce qui m’a permis de suivre à distance leurs avancées (production de la vidéo, conception de la grille d’OSATS, etc.). J’ai réalisé quatre demi-journées d’observations pendant la passation des tests, qui ont permis des échanges informels avec les participants5. J’ai conduit des entretiens avec les quatre porteurs du projet (ici appelés « les chercheurs ») : un PU-PH, deux chefs de clinique-assistants (CCA), un interne. Ils ont servi à retracer la généalogie du projet et à revenir avec les acteurs sur les observations. Des entretiens ont aussi eu lieu avec une responsable du centre, un statisticien (PU-PH) et deux responsables de l’Académie nationale de chirurgie. Un corpus d’articles, éditoriaux et rapports (dont les publications de l’équipe6 et des éditoriaux de Pr. L) et les replays de colloques ont permis de saisir, au-delà de la production locale des OSATS, leur institutionnalisation et les ambitions réformatrices de Pr. L. Un terrain conduit au sein de Relyens (participation à des réunions hebdomadaires et des formations internes, de septembre 2021 à juin 2023, et sept entretiens avec des consultants) nourrit aussi la recherche.

Se quantifier par les « petits nombres »

7Il existe une longue tradition de la quantification en médecine, qui est désormais la norme à l’heure de la médecine fondée sur les preuves. Elle vise à détacher le diagnostic clinique de la subjectivité des acteurs, pour obtenir la standardisation des jugements et la normalisation des évaluations (Marks, 1999). Cette mise en chiffres constitue un acte de connaissance et un fait social instituant une réalité, par le biais de pratiques et techniques, de conventions et d’une forme d’autorité (Martin, 2020). Elle s’inscrit ici dans l’engagement épistémique d’un réformateur chirurgical, c’est-à-dire d’un engagement « dans la production d’un certain genre de connaissance scientifique » (Louvel et al., 2015, p. 213), articulé à des pratiques et réseaux de travail et indissociable d’un régime de promesses technoscientifiques. De précédents travaux ont montré l’importance des concurrences interprofessionnelles et de la preuve scientifique dans l’intégration par les chirurgiens de nouvelles pratiques. On peut penser au cas de la fibre optique en coelioscopie (Zetka, 2003). Je m’attacherai ici moins aux luttes juridictionnelles qu’à la trajectoire biographique d’un réformateur et aux conditions de production et de circulation de ces preuves dans le champ professionnel.

  • 7 Contrairement au mouvement de mesure croissante des actions individuelles dans le monde du travail (...)

8La mise en chiffres étudiée n’est pas imposée par une instance extérieure7, mais émane du souhait de professionnels, cherchant à renforcer l’autonomie de leur groupe par la quantification. Cela fait écho à l’appropriation de la standardisation des pratiques en cancérologie, où l’instauration de procédures formalisées porte moins sur le geste que sur le diagnostic et l’inférence, mais implique une même dynamique normalisante (schémas de prise en charge fondés sur une quantification du niveau de preuve scientifique, etc.). Accusés de dépersonnaliser les soins et réduire l’auto-régulation médicale, ces dispositifs offrent aux médecins un repère cognitif pour la pratique et présentent une relative malléabilité. Ils constituent ainsi une ressource favorisant l’autonomie d’une profession en danger (Castel & Merle, 2002).

9Si l’histoire de la raison statistique s’est focalisée sur la façon dont les grands nombres, par l’entremise des essais cliniques et autres protocoles standardisés, ont permis à la médecine d’accéder à une modernité sociale et scientifique, FIBULA se distingue par ses « petits nombres » (Thomas, 2018). Le concept renvoie à la contribution, souvent invisibilisée, d’opérations statistiques ou quantitatives simples et peu formalisées. J’utilise ici l’expression à deux titres : d’une part, elle désigne la petitesse du dispositif expérimental de FIBULA qui, si elle recourt à un matériel de pointe, se caractérise par un faible échantillon (douze participants) et une petite équipe de recherche (quatre membres, dont un PU-PH) ; d’autre part, elle renvoie à la modestie des variables étudiées et des calculs opérés (additions, moyennes, écart-type et calculs de probabilités). La force des petits nombres chirurgicaux tient ici à l’équilibre trouvé entre le recours aux canons de la modernité statistique et les ressources qu’offrent des pratiques et méthodologies plus en marge des normes.

Un engagement épistémique réformateur pour standardiser le geste chirurgical

Une quête d’alternatives pédagogiques

  • 8 Le temps de travail des internes est de 48 heures dans l’Union européenne, contre 80 heures aux Éta (...)

10Les projets de Pr. L s’inscrivent dans une émulation collective autour des méthodes d’enseignement en chirurgie. L’apprentissage y commence tardivement dans le cursus (peu de contact avec la chirurgie avant l’internat) et nécessite un temps long : en fin d’internat, le chirurgien ne maîtrise qu’un faible nombre de procédures. Le temps d’apprentissage clinique des internes en France a décru (Morrow et al., 2012) avec l’encadrement règlementaire de leur temps de travail8, l’institution du repos de sécurité post-garde, la hausse des charges administratives, etc. Si elle réduit les erreurs liées à la fatigue, cette temporalité restreinte induit une moindre performance de ceux-ci à l'issue de la formation. Le compagnonnage, fondé sur la lecture de manuels et les conseils in situ d’un mentor, se trouve en outre de plus en plus critiqué par les praticiens (Farges, 2021), au nom d’un regard du mentor jugé biaisé et subjectif, de la concurrence des supports vidéo d’apprentissage, etc. Cette insatisfaction nourrit la quête de méthodes pédagogiques alternatives. Des recherches menées dans le service de Pr. L montrent que si le niveau d’expertise des chirurgiens n’a pas d’impact sur les résultats post-opératoires des patients opérés de fractures simples du poignet, il les influence sur les fractures complexes (Diamant et al., 2024), suscitant des débats sur la façon d’améliorer la performance.

  • 9 Pr. L est désanonymisé avec son accord.

11Pr. L mène par ailleurs depuis 2017 un combat contre les live surgeries, des interventions retransmises en direct lors de congrès, par vidéotransmission. Se posant en lanceur d’alerte, il publie en 2018 un essai dénonçant l’absence d’intérêt pédagogique et scientifique de ces pratiques (Liverneaux, 2018)9. Il en pointe les dérives éthiques (manque d’information et de consentement du patient), déontologiques (liens d’intérêt pas toujours déclarés des praticiens avec le fournisseur du matériel utilisé, etc.) et assurantielles (praticiens pas toujours assurés dans le pays où se déroule l’acte). S’il ne rencontre pas de grand écho médiatique, cet essai suscite une controverse au sein des sociétés savantes de chirurgie orthopédique. Pr. L revient sur les « ennuis » et « remarques acerbes » de ses confrères, lui reprochant d’avoir « sali » l’image de la chirurgie. Face à une mise à l’épreuve de leur intégrité scientifique, les chercheurs mobilisent deux catégories morales : la réputation et la loyauté. Le sentiment de trahison et le risque d’une atteinte à la réputation individuelle et collective participent du rejet de certains membres (Molinatti & Hert, 2021). De la même manière, Pr. L estime avoir été mis au ban et avoir vu sa loyauté questionnée, avant qu’une régulation institutionnelle de la crise soit initiée (groupe de travail, production d’un guide de bonnes pratiques) quelques années plus tard.

12Contre les live surgeries, Pr. L cherche à montrer que des usages rigoureux et scientifiques des vidéos, à des fins pédagogiques, sont possibles. Suite à l’acquisition par son établissement d’un dispositif de captation vidéo des interventions (Caresyntax®), Pr. L s’initie en 2019 à son utilisation, avec l’aide du représentant commercial de la technologie. Le confinement de 2020 pendant la pandémie de Covid-19 entraîne un arrêt partiel des activités. Il a alors le temps de réfléchir avec un interne aux usages possibles de cette solution :

Fort de cette expérience de live surgery, où j’ai été un paria, […] j’ai été un peu considéré comme un traître, je me suis dit ‘il faut que je transforme cette image négative en une image positive’. […] Il y avait deux façons d’utiliser les vidéos en chirurgie dans les congrès : ou bien les live surgeries, qui sont un désastre, ou bien des vidéos montées à la gloire de celui qui les a faites où l’on montre ‘regardez, je suis le meilleur chirurgien du monde’. Ces vidéos montées, qui ne sont pas en direct, ne sont pas bien non plus parce qu’on ne montre que les bonnes choses, pas les mauvaises. […] À ce moment-là, Caresyntax® débarque dans ce nouvel hôpital où l’on déménage. Je prends conscience qu’il y a ces vidéos, je me dis ‘purée, purée, c’est génial ! On va pouvoir enregistrer, donc enregistrons’. Puis il y a eu un long cheminement : qu’est-ce que je peux faire avec ces vidéos ? […] Comment peut-on les utiliser pour en faire quelque chose de scien-ti-fi-que ?

13L’engouement de Pr. L pour la vidéo et ses interrogations sur les conditions de son bon usage scientifique s’inscrivent ainsi dans la continuité de cette controverse. Il s’oppose, d’une part, aux live surgeries, et, d’autre part, à la tendance à présenter en congrès des vidéos ne reflétant pas l’activité réelle ni les incertitudes et les erreurs qui la ponctuent. En avril 2019, il impose unilatéralement, avec les deux autres praticiens seniors de son service, la captation vidéo systématique des interventions dans leurs deux salles de bloc. Il utilise ces vidéos pour, selon ses termes, « redynamiser les staffs » : chaque semaine, il projette aux internes des extraits de leurs interventions, pointant les erreurs commises, puis leur présente en vidéo une façon correcte de faire. Cet enregistrement systématique, initialement reçu avec hostilité, suscite une dynamique d’apprentissage. Il se poursuit après le projet, donnant lieu à des usages divers qui précèdent l’utilisation de ces vidéos dans la production de savoirs (El Haïk-Wagner, 2024) : revisionnage pour la gestion des complications post-opératoires, auto-formation et spécialisation dans un champ d’expertise, etc.

14Face aux live surgeries, l’ambition réformatrice du Pr. L est de transformer l’apprentissage des compétences techniques et favoriser une certaine standardisation des techniques. Pr. L constate la persistance préjudiciable d’erreurs au bloc, conduisant à des complications post-opératoires et au décès de patients. Il insiste néanmoins sur l’importance de ne pas « mettre dans des cases et des chiffres » et formule des critiques à l’encontre de l’hégémonie de la « philosophie de contrôle tuant la qualité » prodiguée par la Haute autorité de santé. Si, comme les réformateurs thérapeutiques, il mobilise tacitement la méfiance (Marks, 2000), ici à l’égard d’une agence étatique, son plaidoyer s’articule surtout à un éloge de la « créativité » et de « l’innovation » pour mieux soutenir ce projet d’une standardisation partielle :

Les chirurgiens, ils ont peur d’une standardisation à 100 %. Mais ce n’est pas ça le véritable objectif. Le véritable objectif, c’est qu’on passe d’une standardisation à 3 %, telle qu’elle est aujourd’hui, à une standardisation à 35 % ! Ça serait déjà pas mal ! Que les chirurgiens prennent conscience qu’ils font des gestes complètement différents les uns les autres. Il ne s’agit pas d’aller à 100 %. Si on va à 100 %, on va détruire la créativité, l’innovation.

15Pr. L plaide non seulement en faveur d’une transmission moins artisanale des savoirs, mais aussi pour la définition d’un niveau de standardisation jugé acceptable, compromis entre l’hétérogénéité actuelle des techniques, considérée préjudiciable à la qualité et à la sécurité des soins, et la nécessaire souplesse requise par une discipline longtemps artisanale. Les réformes souhaitées par Pr. L constituent une quête d’un plus grand nombre de standards pour réduire la variabilité des gestes.

Des instruments quantitatifs pour comparer la performance chirurgicale 

  • 10 Le palmarès annuel des « médecins experts » de l’hebdomadaire Le Point est très relayé en chirurgie

16Pour Pr. L, les débats sur la performance des chirurgiens sont escamotés au détriment d’une focalisation sur leur expérience et leur niveau d’expertise. Les classements journalistiques10, basés sur le nombre de publications, valorisent ainsi l’influence professionnelle et scientifique plutôt que les habiletés techniques. Dans la littérature scientifique, Pr. L regrette également la minorisation du rôle de la performance dans l’évaluation des techniques chirurgicales, au détriment d’une focalisation sur les facteurs préopératoires (condition du patient, pathologie, etc.), comme le réitèrent les publications de l’équipe :

  • 11 Traduction de l’auteur.

Les facteurs qui influencent les résultats cliniques sont non seulement le type et le stade du problème de santé, l'état de santé général du patient et l'indication chirurgicale, mais aussi les performances techniques du chirurgien. Ce dernier facteur a été moins étudié.11 (Ducournau et al., 2021, p. 6)

17Si l’expertise peut être définie comme la capacité à assembler des savoirs spécifiques face à une situation complexe, excellence professionnelle et aptitude à traiter l’inattendu peuvent entrer en tension (Trépos, 2003). Pour Pr. L, cette tension relève d’un décalage entre les arènes professionnelles et publiques, mais aussi entre les arènes scientifiques et cliniques. Il attribue cette minorisation de la performance à une réticence des praticiens à l’évaluation de leurs techniques peropératoires, perçue comme synonyme d’un contrôle malvenu, et aux difficultés méthodologiques qu’implique leur mesure.

  • 12 L’« effet tunnel » désigne une focalisation attentionnelle forte qui conduit à négliger l’écologie (...)

18Les expérimentations de Pr. L mobilisent deux « inscripteurs » (Latour & Woolgar, 1996). Pour mesurer la performance, Pr. L s’appuie sur l’enregistrement vidéo, et la réflexivité sur les performances qu’elle rend possible. Pr. L pointe son incompréhension fréquente des facteurs de réussite ou de complication de ses gestes. Il estime en avoir des souvenirs oblitérés, qu’il juge partiels et « tunnelisés »12. Face à cela, la vidéo restitue un geste visionnable et évaluable par autrui.

  • 13 Outil psychométrique utilisé dans les sondages pour mesurer les attitudes des individus. Plutôt qu’ (...)
  • 14 Dans plusieurs pays (États-Unis, Pays-Bas), ils sont utilisés dans l’évaluation systématique des in (...)

19Pr. L cherche ensuite à rendre ces performances enregistrées comparables. Il s’appuie pour cela sur les OSATS, développés par une équipe chirurgicale de Toronto en 1997 (Martin et al., 1997). Cette grille, personnalisable, est composée d’items généraux (respect des tissus, durée, connaissance et manipulation des instruments, etc.) et d’items spécifiques à la procédure évaluée. Ces items doivent être scorés entre 1 et 5, selon l’échelle de Likert13, à partir de l’observation du geste. Le score global obtenu permet d’objectiver la courbe d’apprentissage. Pour leurs inventeurs, ils standardisent la définition, la qualification et l’évaluation des compétences techniques, en fournissant un outil commun, et homogénéisent ainsi l’évaluation des internes. La possibilité pour n’importe quel expert de réaliser cette évaluation favorise à leurs yeux l’objectivité de la procédure. Enfin, ils peuvent être utilisés en simulation, ce qui limite la pression temporelle par rapport aux contraintes d’optimisation du temps au bloc. Les OSATS sont utilisables pour tout type de chirurgie, ce qui favorise leur diffusion et institutionnalisation14.

20L’intérêt des OSATS tient selon Pr. L à leur caractère cohésif : l’élaboration de la grille demande de s’accorder sur le déroulé d’un geste et les critères, normatifs, de son succès. Ils constituent aussi le « seul système qui existe actuellement pour avoir les chiffres », c’est-à-dire le seul indicateur permettant de transformer des impressions qualitatives sur les habiletés techniques en quantitatif et ainsi de les comparer :

Pour mesurer la performance d’un chirurgien, il faut les avoir les chiffres. […] L’objectif, c’est de mesurer non pas une expertise, mais une performance. Cette performance, elle doit être chiffrée. Tout ce qu’on a trouvé de mieux, enfin de moins mauvais, jusqu’à présent, ce sont des OSATS. Leur définition est arbitraire, on doit atteindre un nombre minimum d’items pour être discriminant et classer les performances en différents niveaux.

21L’opposition dressée entre performance et expertise reflète la moindre légitimité associée à la tradition clinique, au profit d’une aspiration à une évaluation de la pratique chirurgicale à distance et sur des bases plus techniciennes (Dodier, 2015). S’il reconnait leur caractère arbitraire, Pr. L les juge plus « objectifs » que de nombreux indicateurs d’évaluation des techniques chirurgicales. Il existe une concurrence entre indicateurs : si les aspects quantitatifs (taux de survie, volume de complications post-opératoires ou de récidives, etc.) ont longtemps dominé, les critères qualitatifs (qualité de vie post-opératoire) et le vécu des patients sont de plus en plus valorisés. L’avènement des Patient Reported Outcome and Experience Measures (PROMs et PREMs) en témoigne. Pr. L compare régulièrement les OSATS aux PROMs. Il considère ces derniers « très subjectifs », car provenant de profanes peu acculturés à la médecine fondée sur les preuves :

Les PROMs, c’est comment le public, comment les juges vont juger Nadia Comaneci faire sa médaille d’or de gymnastique. C’est très, très subjectif. C’est plus facile de mettre en chiffres les PROMs et c’est d’ailleurs pour ça que c’est très en vogue. Mais il y a quand même une interrogation sur la subjectivité des résultats qui dépend énormément du patient. […] Le patient, il ne sait même pas ce que le mot science veut dire. Il va y mettre toute sa subjectivité, donc même si je traite de manière scientifique les résultats des PROMs, la valeur du point de PROMs ne sera pas la même que la valeur du point d’OSATS, parce que le point d’OSATS aura été recueilli par quelqu’un d’objectif, qui est censé ne pas être un Raoultien. Alors que le patient, il n’a aucune idée de ce que c’est que l’objectivité.

22Son commentaire se fait l’écho des critiques émises en chirurgie à l’encontre de ses indicateurs, de leur subjectivité, que des efforts de standardisation des questions tentent de pallier (Akrich, Paterson & Rabeharisoa, 2020). Ces indicateurs impliquent surtout de déléguer aux patients le jugement sur la réussite de l’acte, ce qui déstabilise les chirurgiens. Les OSATS mettent eux aussi en discussion la performance chirurgicale, mais uniquement dans l’arène professionnelle et scientifique. Si Pr. L regrette habituellement les faibles standards des praticiens, il valorise ici leur adhésion aux canons de la médecine fondée sur les preuves et élude a priori leurs biais de jugement.

Une communauté locale d’expérimentation

  • 15 Pr. L a eu des liens d’intérêt avec Newclips qui ont cessé en 2021.

23Pr. L tire parti de liens anciens avec les fondateurs de la société française Newclip Technics, fabricant de matériel d'ostéosynthèse, avec qui il a collaboré dès leurs débuts15. Au nom d’un intérêt commercial pour le développement de la pratique délibérée, cette société fournit gratuitement le matériel nécessaire à chaque expérimentation, pour un coût estimé entre 500 et 1000 €, en échange de sa mention dans les publications et des retours d’expérience de l’équipe. Chaque nouvelle expérimentation est dépendante du type et du volume de matériel que Pr. L pense pouvoir obtenir. Ensuite, ses liens avec un PU-PH de chirurgie vasculaire du CHU, co-fondateur et président du centre de simulation, lui permettent un accès gratuit aux locaux. Il est indiqué comme cosignataire des publications, suivant une logique de don-contre-don et de coopération institutionnelle répandue en médecine (Pontille, 2020).

24Il s’est agi pour Pr. L de « désigner » les porteurs de cette communauté, c’est-à-dire de repérer de jeunes professionnels et de les inviter à contribuer activement aux projets (Schepens, 2019). Pr. L insiste sur leur « motivation », regrettant les projets où « ça fait six mois que ça traîne et où il [n’]y a toujours rien, parce qu’il n’y a pas de motivation, y’a le ceci, le repos machin, la grève cela ». Par motivation, il entend ainsi leur capacité à produire une charge de travail significative dans des délais resserrés, au regard des autres contraintes professionnelles et de leur souhait d’une meilleure articulation des temps sociaux. Un petit groupe de chefs de clinique-assistants (CCA) a gagné en compétence et responsabilité au fil des expérimentations. Ces CCA animent cette communauté : ils encadrent sur chaque projet un interne, élaborent le protocole et ses instruments (conception de la grille d’OSATS, réalisation de la vidéo de démonstration du geste, évaluation in situ des participants du groupe « pratique délibérée ») et concourent à la production scientifique (analyse des données, rédaction du draft d’article). Deux CCA interviennent sur FIBULA : Mélina, 35 ans, qui n’envisage pas de carrière universitaire mais insiste sur l’apport de ces recherches pour sa pratique clinique et l’enseignement vis-à-vis des internes, et Félix, 34 ans, qui aspire à un poste de PU-PH et valorise la publication au sein du projet.

25Pour FIBULA, ils encadrent Romain, 27 ans, qui débute son internat après avoir terminé dans le premier tiers aux épreuves nationales classantes. Il doit coordonner le projet, recruter les participants, assurer les passations du test et les évaluer, compiler les données récoltées et rédiger un draft d’article. Il découvre, en autonomie, la conduite d’une recherche et sécurise ainsi un potentiel sujet pour sa thèse de médecine. Romain propose ses services en 2022 à Pr. L après avoir découvert ses précédents projets :

Très vite, dans l’internat, on va te pousser à faire des travaux scientifiques, pour toi beaucoup, pour la communauté aussi, mais surtout pour toi. […] C’est important de mettre le pied à l’étrier assez tôt là-dedans. […] Je suis venu voir le professeur pour demander est-ce qu’il y avait des projets scientifiques. Il y avait ce projet qu’il était en train de faire avec des étudiants, qu’il a déjà fait à deux reprises avec Céline et Valentin. […] Moi qui ai plutôt un intérêt sur le membre inférieur, il y avait ce projet sur la fibula, je n’ai pas trop hésité, je l’ai pris. Après, il m’a exposé la partie délibérée, je trouve ça vraiment cool.

26Participer à FIBULA constitue ainsi pour lui un jalon utile pour disposer d’une publication comme premier auteur et poser les jalons d’une carrière hospitalo-universitaire, et ce d’autant que le geste étudié concorde avec ses envies de spécialisation.

27À chaque projet, cette communauté s’étoffe à travers un travail d’intéressement et d’enrôlement des participants (Callon, 1986). Pour FIBULA, Romain doit « recruter » et « inclure » douze internes. Le projet suscitant de l’intérêt, le travail d’intéressement s’avère plutôt aisé. Pour les internes, se faire la main constitue l’un des défis de la socialisation professionnelle. Participer à FIBULA constitue une opportunité pour apprendre le geste dans des conditions jugées efficaces, avec un matériel onéreux et de qualité :

Ça reste quand même des ostéosynthèses, tu apprends à poser une plaque sur une demi-journée sur des faux os qui ont un certain tarif, les gens sont motivés. […] Mis à part dans ce cadre-là, pratiquer des ostéosynthèses sur des faux os, tu ne le feras jamais dans ton internat. C'est une opportunité à prendre et ils [les internes] en sont conscients. [Romain]

28L’injonction à ne jamais faire la première fois sur le patient et la diminution de la rentabilité de la formation pratique limitent les occasions d’apprentissage au bloc. Aussi, comme le suggère Romain, les conditions de l’expérimentation rencontrent la volonté des internes de s’entraîner à pratiquer le geste. L’ancrage théorique du dispositif dans la psychologie cognitive, qui propose des schèmes aisés à retenir (cognition, intégration, automaticité) et donne des ordres de grandeurs chiffrés d’un apprentissage efficient de la chirurgie (10 000 heures), contribue à cet engouement. Les chirurgiens seniors enjoignent d’ailleurs les internes à participer. « Si tu veux faire une étude avec le patron [la coordonner], il faut que t’aies participé aux autres » explique Corinne, docteure en sciences de l’ingénieur et responsable innovation au centre : la participation les aide à entretenir une bonne relation avec un PU-PH qu’ils recroiseront dans leur parcours.

29Plus que l’intéressement et l’enrôlement, c’est surtout un « travail d’articulation » qui mobilise Romain (Strauss, 1988). Il me réitère que la « réalisation » du projet est plus difficile que la « motivation des troupes » et raconte la « galère » qu’implique le choix de créneaux horaires. Les inclusions sont contingentes de la disponibilité des locaux de simulation, du matériel et de plannings surchargés. Pour chacune, il lui faut coordonner les plannings de trois à cinq personnes (le participant, le sien, une personne du centre de simulation, parfois un CCA et moi), et ce alors que les internes tiennent à prendre leur repos de sécurité, jour habituellement réservé à ce type d’activités.

Un dispositif expérimental pour produire des petits nombres

(Re)produire une performance standardisée

  • 16 L’expertise chirurgicale est classée en cinq niveaux (1 : non spécialiste ; 2 : spécialiste, moins (...)

30Le protocole de FIBULA est le suivant : dans un box de simulation, deux groupes d’internes, ayant un niveau d’expertise similaire16, posent cette plaque à cinq reprises sur un os non biologique. Un premier groupe de six internes (dit « naïf ») visionne la vidéo avant chacune des cinq poses simultanées. Le second groupe de six internes (dit « pratique délibérée ») visionne la vidéo avant la première pose, puis revisionne avant chacune des quatre poses suivantes la vidéo de son geste ; un expert pointe au participant ses erreurs et lui suggère des façons de les éviter. Les procédures sont filmées et conservées pour consultation ultérieure par les chercheurs (fig. 1). Le protocole inclut aussi un recueil du niveau de stress des participants pendant le geste et une auto-évaluation de leur performance qu’ils remplissent avant et après. Pour les deux groupes, le chirurgien présent dans le box évalue en direct la performance des participants en remplissant la grille d’OSATS, et affine plus tard son évaluation avec l’enregistrement vidéo.

Figure 1 : Box de simulation où se déroule FIBULA

Figure 1 : Box de simulation où se déroule FIBULA

Romain se trouve à gauche, un participant à droite. La caméra filmant le geste est au-dessus de lui et le capteur de pression cardiaque à sa droite. Romain peut regarder sur l’écran à gauche la captation vidéo et remplit au fur et à mesure la grille d’OSATS.

Crédits photographiques : Nicolas El Haïk-Wagner

31Ce dispositif se tient à distance du bloc, lieu historique de la construction des savoirs chirurgicaux. Au bloc, le contact avec le corps implique la navigation incertaine de tissus afin d’arriver à l’os, puis son exposition avec des écarteurs afin de le manipuler. Les chirurgiens doivent gérer les muscles environnants, des qualités osseuses différenciées, et les saignements provoqués par leur geste. Elle implique également une coopération avec d’autres intervenants, du stress, et des contraintes temporelles.

32Pour les investigateurs, l’entraînement sur de faux os dans ce dispositif a de nombreux avantages, qui compensent la distance au bloc chirurgical. Réaliser les expérimentations au centre évite tout d’abord de dépendre de la direction de la recherche du CHU et augure de moindres procédures administratives. Ces avantages sont aussi logistiques et matériels. Pionnier dans la formation des internes au débriefing, le centre de simulation met à disposition sept salles de simulation dédiées à un geste spécifique, entièrement modulables, et deux salles de bloc immersives, toutes équipées d’une plateforme logicielle de captation vidéo. Les salles abritent les équipements nécessaires (table et tabourets réglables, captation vidéo et logiciel d’enregistrement synchronisé des flux, moniteur de stress), dont la disposition peut être conservée entre deux passations. La simulation supprime également la contrainte de l’asepsie.

33Ce dispositif constitue une réponse, comme l’explique Mélina, à un « effet de mode » et à des régulations éthiques croissantes (« jamais la première fois sur un patient », accès contraint aux corps donnés à la science) qui implique, de « trouver des astuces pour s’entraîner ». Contrairement au bloc, où, selon Félix, « ça doit rouler », il n’y a pas de critères de temps au centre de simulation. Il est toujours possible de pallier un dysfonctionnement du dispositif et de réexpliquer les consignes.

34Enfin, la simulation rend possible la standardisation de l’expérimentation. L’asepsie n’est plus une contrainte, aucune coiffe chirurgicale n’obstrue la visibilité, tandis que l’éclairage et l’objectif de la caméra restent modifiables. Ensuite, la simulation permet une inspection manuelle de la plaque et des prises de vue à l’issue de chaque pose, sous tous les plans. Ces perspectives permettent à l’évaluateur de jauger certains items des OSATS, comme la perforation ou le dépassement de certaines vis, qui seraient autrement invisibles. Comme l’explique Pr. L, « au [centre], […] on a mieux que la radiographie, puisqu’on peut prendre le Sawbone, le regarder dans tous les plans et l’espace, et dire ‘ah ben oui, là je vois que la plaque elle est trop basse, elle est trop haute’ ». De telles manipulations sont impossibles au bloc, sauf via des techniques de radiographie chronophages, onéreuses et irradiantes.

35La simulation rend aussi possible la rétroactivité de l’évaluation, par exemple l’ajout ou la modification d’un ou plusieurs items, en fonction du déroulement de l’expérimentation :

Quand on fait les expériences, on se rend compte que tel critère n’est au final pas discriminant du tout, des choses qu'on n'avait pas pensées. Par exemple, il n’y a pas longtemps, on a rajouté comment est mise la broche dans le nez du moteur, au début on n’y avait pas pensé. On s'est rendu compte qu’il y a des gens qui vont mal mettre la broche dans le nez du moteur si on ne leur dit pas. [Romain]

36Face à des erreurs non envisagées initialement, comme ici un mauvais usage de l’instrument permettant de forer l’os, l’évaluateur peut modifier, ajouter ou supprimer des critères pour les rendre plus fidèles à l’expérimentation. Cette série d’avantages rend pertinent pour les chercheurs l’usage du centre de simulation.

Des impératifs statistiques prévalant sur le sens clinique des critères

37Dans FIBULA, la conception de la grille d’OSATS implique le choix d’une technique d’ostéosynthèse, son séquençage en étapes (recours à une vis à compression, passage de cette vis dans le trou oblong, verrouillage de la vis en proximal, etc.) et la définition de critères d’évaluation pour chacune d’entre elles. Mélina, Félix, Romain et Pr. L doivent s’accorder sur une série d’étapes « logiques » et « à peu près consensuelles » (Félix), en s’appuyant sur les descriptions du geste dans les manuels et sur leur propre expérience. Ils établissent ensuite une liste d’items. Ils reprennent ceux généralistes de la grille et en inventent certains spécifiques à l’ostéosynthèse, en réfléchissant aux difficultés et aux erreurs potentielles à chaque étape. Les CCA et l’interne réalisent une première ébauche de cette grille, et le Pr. L se joint à eux pour arbitrer ensuite.

38La construction des OSATS est prise entre deux nécessités. La première est statistique : les critères doivent être suffisamment nombreux et discriminants. La seconde est clinique : les items sélectionnés doivent être pertinents pour l’apprentissage du geste et pour la qualité et la sécurité des soins.

39Examinons d’abord la première. Des contraintes statistiques pèsent sur le choix des items : ils doivent être multiples (entre dix et vingt) et discriminants (fig. 2) :

Si j’ai un nombre de points de 10, quelqu’un qui va avoir 2, quelqu’un qui va avoir 3, ce n’est pas discriminant. Alors que si j’ai 100, et bien quelqu’un qui va avoir 20 et quelqu’un qui va avoir 30, là, il y a une différence. [Pr. L]

40Le calcul des scores à partir des items doit mettre en évidence des variations significatives, sous la forme d’une étendue de points suffisamment grande pour révéler des différences entre la pratique naïve et la pratique délibérée. Il faut ainsi trouver autant que possible cinq notes, et donc cinq qualifications pour chaque item. Lorsque cela est impossible, les notes 2 et 4 sont laissées vacantes et ne peuvent pas être cochées (il reste alors seulement trois notes : 1, 3 et 5), mais l’équipe doit alors rajouter des items.

Figure 2 : Grille d’OSATS de FIBULA

Figure 2 : Grille d’OSATS de FIBULA

La grille comprend 18 critères notés de 1 à 5 ; N/A signifie non applicable. Le guide gradué oblige la mèche à emprunter une direction précise et évite d’utiliser un mesureur pour connaître la longueur de la vis. Le critère n°12 vérifie qu’il est utilisé dans les trois trous de la partie proximale de la plaque.

Crédits illustration : Publication du projet FIBULA, équipe de Pr. L.

41Les qualifications des items doivent susciter les moins grandes variations possibles dans le jugement des évaluateurs. Mesurer la performance du geste implique ainsi non seulement de définir un ensemble de critères différenciés pour chacune de ses spécificités, mais aussi de s’accorder sur le sens de chaque critère pour garantir l’homogénéité des évaluations :

La définition des items qualitativement, ça va assez vite, on est à peu près d’accord une fois qu’on a réfléchi. Le vrai problème, il est quantitatif. Il y a des trous dans la raquette. […] Mon objectif, c’est de remplir toutes les cases. Si j’ai dix items, mais que chaque item c’est noir ou blanc, ce n’est pas très bon, ce n’est pas très discriminant. Dans la littérature, chaque item, c’est de 1 à 5, donc je veux qu’on me remplisse les cases de 1 à 5. Cette vis-là, elle est très bien mise, ou elle est très mal mise ? Non. Elle est très bien mise, elle est bien mise, elle est moyennement mise, elle est passablement mise et elle est mal mise. Et là entre la difficulté. Qu’est-ce qu’une vis passablement mise ? Qu’est-ce qu’une vis bien mise ? Qu’est-ce qui fait la différence entre une vis bien mise et une vis très bien mise ? [Pr. L]

42La seule volonté de recourir à des critères plus techniques ne suffit pas : comme le suggère Pr. L, une fois le geste décomposé en une série d’items, il faut disposer de scores gradués pour chaque item, et donc s’accorder sur les définitions respectives de ces nuances de jugements qualitatifs afin que leur notation suscite le moins d’appréciations divergentes. Le bloc s’apparente à une « arène des habiletés techniques » (Dodier, 1995), au sein de laquelle la méticulosité et l’esthétique du geste sont jaugés par les pairs, à l’appui de critères stylistiques, comme la brutalité et la douceur dont fait preuve le praticien dans son rapport aux tissus (Pouchelle, 2019). L’évaluation standardisée des compétences techniques recherchée ici se définit en opposition à ces critères, jugés subjectifs et flous.

43Mais ces critères scientifiques se heurtent également à une nécessité clinique. Ils doivent avoir, autant que possible, une incidence sur le déroulé de l’activité et sur le patient, comme c’est le cas pour le positionnement de la plaque ou le nombre de vis :

La plaque, elle est antérieure, mais les vis, normalement, elles doivent être en dorsal et si elles dépassent dans la partie distale, et non proximale, il y a un risque de rupture de tendon extenseur. Ça, c’est un OSATS qui a du sens. Une vis qui dépasse en dorsal, ça va être pour nous un critère d’OSATS essentiel parce que ça va avoir des implications sur les patients. [Pr. L]

44L’équipe d’expérimentateurs priorise, parmi les erreurs possibles, celles qui auront des conséquences cliniques, comme une plaque insuffisamment appliquée, venant frotter sur les tendons et provoquer des ruptures de fléchisseurs.

45Le travail de définition des conventions au sein des OSATS implique pour l’équipe de s’approprier cette double contrainte, statistique et clinique, et d’en gérer les contradictions. Dans les faits, l’équipe privilégie souvent la première, en raison de la vocation scientifique de l’expérimentation et des contraintes du protocole :

Les premières fois où tu construis un OSATS, tu cherches à tout prix à coller à la réalité chirurgicale du problème. Plus t'en construis et plus ton patron t'explique, plus tu construis des OSATS dans un objectif d’assessment et pas dans un objectif chirurgical. On va surtout définir des critères qui vont être discriminants. [Mélina]

  • 17 Un mesureur est un instrument pour jauger la profondeur d’une vis.

46Cela tient à trois raisons. Tout d’abord, les chiffres obtenus doivent permettre de mesurer et comparer une évolution de la performance dans la durée ; certains critères, pertinents, mais apparaissant soit trop aisés, soit peu évolutifs au cours des cinq poses, sont abandonnés. Ensuite, la simulation et le recours à un faux os contraignent le choix des critères cliniquement pertinents : s’il importe, sur un patient, de ne pas endommager les structures environnantes de l’os, la simulation et son os artificiel rend caduque les critères qui y ont trait (comme la retenue du geste au méchage). Enfin, certains critères respectent la contrainte statistique et présentent une dimension pédagogique, bien qu’ils n’aient pas de pertinence clinique. Sur FIBULA, un item vérifie par exemple que les participants ont recours à un mesureur17 à chaque étape : si, par expérience, seule la première mesure est nécessaire, il s’agit ici de leur inculquer une rigueur.

Déléguer aux statisticiens la crédibilité des petits nombres

47Après l’expérimentation, Romain compile les scores et l’ensemble des données dans un tableau Excel. Il précise certains manques des données, par exemple lorsque le signal associé au stress n’est pas assez bon pour en tirer une moyenne. Les chercheurs délèguent ensuite le traitement des données à un statisticien du CHU, avec qui Pr. L entretient des liens interpersonnels. Ils justifient cette division du travail par leur méconnaissance et leur faible appétence pour les méthodes statistiques, tout en la considérant comme un gage de crédibilité en vue du processus d’évaluation par leurs pairs :

Chacun son métier ! Je déteste les reviewers où le mec me dit que je n'ai pas utilisé le logiciel machin. […] Systématiquement, pour des raisons de sérieux, j'envoie les données au service de biostatistique qui va faire le travail, pondre un truc de 45 pages. […] Quand on va nous chercher des noises, en disant ‘vous avez utilisé des statistiques bayésiennes plutôt que d'utiliser des statistiques je ne sais plus comment, c'est pas bon, ça ne va pas, il faut tout recommencer’, et bien je dis, ‘écoutez c'est très simple Monsieur le reviewer, vous allez discuter avec le professeur X, qui est un biostatisticien reconnu internationalement, et vous allez lui expliquer pourquoi son étude statistique c'est de la merde ! [Pr. L]

  • 18 Les points SIGAPS sont des points transformés en une somme d’argent versée par le ministère de la S (...)

48Cette délégation évite aux chirurgiens une controverse sur la pertinence des méthodes statistiques employées. Elle leur donne un argumentaire clef-en-main pour répondre aux expertises, d’autant plus que les méthodes statistiques employées sont peu connues en chirurgie. Les statisticiens, qui co-signent l’article, estiment que leur travail conditionne l’existence de la publication. Cette délégation est ainsi source de valorisation matérielle et symbolique : « [Pr. L] sait que, sans nous, il ne peut pas publier ou très difficilement, donc il nous donne généralement une place tout à fait correcte. […] Ça nous rapporte des points SIGAPS18, et ça nous permet de rajouter une ligne dans notre CV » explique Pr. N, médecin de santé publique et méthodologiste, PU-PH.

49Cette délégation permet le traitement statistique des petits nombres de la chirurgie. Les tables de données transmises au statisticien incluent entre dix et trente variables, selon les expérimentations, contre 3000 à 5000 en moyenne pour un essai clinique. Pour autant, Pr. N, le statisticien co-signataire sur FIBULA, indique suivre la même « maïeutique » sur ce « très petit fichier » qu’avec les autres travaux : vérification manuelle puis logicielle de la complétude et de la consistance de la base de données, examen de chaque variable et échanges avec l’équipe pour appréhender la question de recherche et les hypothèses formulées, description des données (calcul des valeurs minimale et maximale, de la médiane, etc.), réalisation de graphiques pour cerner les modèles statistiques pertinents, etc. (fig. 3).

Figure 3 : Tableau des données de FIBULA.

Figure 3 : Tableau des données de FIBULA.

Le tableau, issu du draft de publication, restitue les scores de chaque participant (« sujet »), quant aux compétences mesurées (OSATS), perçues (auto-évaluation avant et après) et au stress lors des cinq passations. L’article détaille les calculs de probabilité.

Crédits illustration : Publication du projet FIBULA, équipe de Pr. L.

50La petite taille des échantillons singularise les expérimentations : FIBULA compte douze participants, dont deux finalement exclus car ils ont fracturé le faux os au cours des tests. Elle n’est pas considérée comme un obstacle, en raison de l’orientation du service en faveur des méthodes bayésiennes dans l’analyse inférentielle des données. Cette approche statistique, encore peu légitime dans la recherche biomédicale, valorise les petits nombres :

Les méthodes statistiques classiques sont très gênées par ces petits échantillons. Depuis que je fais du bayésien, le problème n'existe plus. […] On peut travailler sur des échantillons minuscules […] et quel que soit la taille de l'échantillon, on peut fournir une réponse. […] Avec les méthodes classiques, on part d'une population qu'on ne connaît pas pour calculer la probabilité de quelque chose qu'on peut observer. On peut le faire, mais ça n'a aucun intérêt. La vraie question, c'est de faire le chemin inverse : à partir de données observées, qu'est-ce que je suis capable de dire sur la population ? C'est le chemin que fait le bayésien, et c'est en cela qu’il répond aux questions des cliniciens comme Pr. L. [Pr. N]

51Les traitements statistiques classiques (dit approche fréquentiste) partent d'une population hypothétique et en tirent une prédiction du résultat qui peut être obtenu dans l’échantillon mesuré. Ils nécessitent pour cela un échantillon de taille importante pour arbitrer une possible significativité. L’approche bayésienne part a contrario des données observées et exprime non pas une significativité, mais une probabilité que l’énoncé soit juste au regard d’une loi a priori et peut ainsi estimer la probabilité d’une différence entre deux petits groupes.

52FIBULA constitue ainsi un dispositif modeste en taille, cherchant à contourner le cadre institutionnel du CHU, où la qualification des items suscite des tensions. La collecte de ces petits nombres suppose toutefois un travail d’équipement sophistiqué. Leurs porteurs aspirent en outre à s’inscrire dans un régime d’objectivité régulatoire et adhèrent aux canons de la modernité statistique, ce que reflète la délégation aux statisticiens. On est ainsi confronté à des petits nombres qui, pour advenir, empruntent aux modes de production des grands nombres, tout en s’en distinguant, avec le recours à la méthode bayésienne, distante des normes de la statistique biomédicale. La force de ces petits nombres chirurgicaux tient à cet équilibre, ce qu’illustre aussi la série de bricolages entrepris.

Une série de bricolages pour administrer la preuve

53Le caractère monocentrique de la recherche et la petite taille de l’échantillon compliquent l’administration de la preuve. Les chercheurs considèrent la faible ampleur du dispositif indépassable :

On est incapable de demander à 1000 internes, déjà qu'on a mis un an et demi pour en avoir douze qui veuillent bien se déplacer. Avoir 1000 internes qui viennent sur un Sawbone, c'est de l'ordre de l'impossible. […] Il faut voir la différence entre la médecine et la chirurgie. En médecine, quand tu vas tester un nouveau médicament antihypertenseur, l'étude va durer 5 ans, va être faite sur 100 000 personnes, et va coûter cinq millions d'euros. En chirurgie on n’a jamais de cohortes comme ça. Avec un peu de chance, sur du canal carpien [compression d’un nerf dans le poignet], parce que c'est très fréquent, on peut avoir des cohortes de quelques centaines de sujets. Mais la plupart du temps, on n'a pas cette possibilité parce qu’on a une variabilité très, très importante des pathologies. [Pr. L]

54Pr. L justifie la faible taille de l’échantillon par les difficultés de recrutement et la petite taille du segment (600 praticiens, soit une cinquantaine d’apprenants par an). Il pointe également les singularités des activités scientifiques en chirurgie, marquées par de petites cohortes et un moindre développement de la médecine fondée sur les preuves (Kinnaert, 2006). Ces petits nombres sont ainsi produits par nécessité plus que par choix, puisque la chirurgie, dont le champ d’activité est hyperspécialisé et variable, ne peut pas satisfaire aux exigences de la médecine des preuves.

  • 19 Leur degré de consistance est rarement indiqué dans les articles.

55Dans FIBULA, une série de bricolages appuie la formalisation de la preuve. La sociologie constructiviste des sciences a bien décrit le bricolage comme une pratique constitutive de toute activité scientifique, traversant la production des données (adaptation des moyens à la tâche) et leur exploitation (ajustement des résultats à l’objectif) (Anichini, 2013). Prenons un exemple. Afin de gagner du temps, Romain a finalement confié une partie des évaluations à Félix et Mélina. Le premier a évalué les participants du groupe « pratique naïve », et les seconds ceux du groupe « pratique délibérée ». Après traitement par le statisticien, le tableau de scores donne à voir une différence quasi-nulle entre les évaluations des deux groupes, et suscite la perplexité de Pr L. Si les études internationales sur les OSATS s’accordent à pointer une importante fiabilité des évaluations, intra-observateurs (consistance tout du long) et inter-observateurs19, elle apparaît ici être un problème, que la définition collective des critères des OSATS n’a pas suffi à éviter. Romain s’est révélé moins exigeant dans ses évaluations du groupe « pratique naïve » que Félix et Mélina vis-à-vis du groupe « pratique délibérée ». Il a alors dû recommencer l’ensemble des évaluations à partir des enregistrements vidéo. Cette déconvenue illustre un « flou du chiffrement », qui tient moins, comme dans la statistique publique, à des situations ne correspondant pas aux conventions établies dans l’enquête (Thévenot, 1983), qu’à des jugements différenciés sur la qualité du geste et sur l’interprétation des critères.

56Les statisticiens analysent alors ce nouveau jeu de données. Ils objectivent une plus forte progression de la performance chez le groupe « pratique délibérée », mais avec une probabilité insuffisante pour affirmer qu’elle est atteinte. Selon la terminologie bayésienne, la probabilité de l’hypothèse d’une progression de x points est inférieure à la probabilité seuil (0,975 ou 0,95 ou 0,99) ; bien que non négligeable, elle est trop faible pour considérer cette progression cible comme présente. Dans l’article, les chirurgiens traduisent cet énoncé en termes fréquentistes. Ils expliquent que la probabilité de différence d’intervalles de crédibilité entre les deux groupes était à 90 %, là où elle doit être de 97,5 % pour s’apparenter à une différence significative. S’ils tirent parti de la raison statistique bayésienne pour valoriser leurs petits nombres, ils se détournent de son langage pour être audible d’une communauté chirurgicale acquise aux canons fréquentistes.

57Dans la publication, les chercheurs concluent à l’absence de preuve statistique d’une meilleure progression de la pratique délibérée. Ils attribuent ce résultat à la modestie du dispositif de collecte, soit « au faible nombre de participants inclus dans l’étude, au niveau insuffisant de l’expert, au bas profil du simulateur qui ne permettait pas de définir des OSATS suffisamment discriminants ». Néanmoins, Pr. L réoriente l’angle de l’analyse pour pouvoir publier, et valoriser l’expérimentation. Au-delà d’une exposition des résultats, il énonce les « règles strictes » que doit suivre la pratique délibérée pour être « efficace » : précisions des critères des OSATS, recours à un expert de niveau 5 pour l’évaluation (et non de niveau 3 comme l’était Romain), etc. Cette pratique s’apparente à une forme de « camouflage ». Les chercheurs n’omettent pas les données récalcitrantes. Ils modulent leur énonciation pour pallier la faiblesse des données et la non-confirmation de l’hypothèse (Anichini, 2013). Cette série de bricolages, qui force la construction de la preuve, permet d’aboutir à la publication.

Des OSATS pour réformer la chirurgie

Réformer le compagnonnage par la pratique délibérée

58Il est trop tôt pour documenter la trajectoire de la publication de FIBULA. Les précédentes recherches de l’équipe éclairent la réception de ces travaux en chirurgie. Deux hypothèses sur la valeur de ces petits nombres me paraissent importantes à examiner, autour des contextes argumentatifs et des réseaux d’action dans lesquels ils sont déployés (Desrosières, 2013).

59L’inscription de Pr. L dans des réseaux de recherche nationaux et internationaux facilite la diffusion de ces travaux. Il a été président de trois sociétés savantes et a exercé des responsabilités dans plusieurs autres ; il a co-signé plus de 250 articles scientifiques ; il a été rédacteur en chef adjoint de plusieurs revues. Le Grand Est est un pôle d’innovation chirurgicale de rang mondial, en raison de l’implantation d’un centre privé de formation et de recherche, l’Institut de Recherche contre les Cancers de l'Appareil Digestif (IRCAD), au sein duquel Pr. L supervise les cours d'arthroscopie du poignet. Ses activités éditoriales et d’enseignement entretiennent des sociabilités scientifiques : 

Aux États-Unis, j'ai un article qui va sortir, et c'est marrant parce que la personne qui m'a invité à écrire cet article, elle était venue à Strasbourg pour un truc à l’IRCAD, c’est une chirurgienne américaine. J’avais fait une présentation à l’IRCAD sur la pratique délibérée à laquelle personne n'a rien compris sauf elle. […] Elle est venue me voir après, en me disant ‘ah oui c'est vachement bien, je sais ce que c'est que la pratique délibérée, parce que je le fais dans le sport, mais je n’imaginais pas qu'on pouvait le faire dans la chirurgie’.

60Les activités du Pr. L lui permettent d’enrôler des praticiens et lui offrent des opportunités de publication. Elles favorisent une connaissance interpersonnelle avec les gate-keepers, c’est-à-dire les acteurs qui définissent la norme du publiable en chirurgie, et permettent l’activation de liens personnels dans le processus de publication (Milard, 2008). Pr. L bénéficie également des avantages cumulatifs tirés de son antériorité scientifique : des confrères lui commandent des articles pour un numéro spécial de revue ou l’invitent à organiser une session thématique en congrès, autant d’opportunités qu’il saisit pour valoriser ses travaux.

61Sur le plan national, il s’appuie sur son implication dans les institutions de sa discipline, pour défendre la pratique délibérée comme nouvelle méthode d’apprentissage au-delà de sa sous-spécialité. C’est le cas à l’Académie nationale de chirurgie (ANC), dont il est membre titulaire et où il intervient régulièrement. L’ANC prime à deux reprises son travail : il obtient le Prix de la prévention des risques en chirurgie en 2020 puis le Prix de l’innovation pédagogique en 2022. Dans ses communications, il travaille à rendre acceptable une méthode dérogeant aux canons historiques de transmission du geste chirurgical. Il fait de la pratique délibérée une nécessité au regard des pressions temporelles réduisant le temps d’apprentissage, de la transformation des cursus et des failles de l’expérience (atteinte d’un plateau après plusieurs années, etc.). Il la présente comme une évidence dans d’autres mondes professionnels, comme le sport de haut niveau. Il explique dans une récente communication, visuel d’Usain Bolt à l’appui (fig. 4) : « Il suffit de regarder les sportifs, en un siècle, la durée du 100 mètres est passée de 12 secondes à moins de 10 secondes. Qu’est-ce qui s’est passé ? On a filmé les sportifs et on s’est intéressé à quelle musculature ils devaient mobiliser au sol ». Avec ce parallèle, il appelle à systématiser l’évaluation filmée et scientifique des qualités physiques et techniques dans l’entraînement, en pointant les effets spectaculaires auxquels elle est associée dans la performance sportive (Delalandre, 2010).

62Dans sa communication, il détaille ensuite les protocoles et les résultats de certaines de ses expérimentations. Il insiste à l’oral sur le niveau supérieur de performance atteint avec la pratique délibérée, tandis que ses diapositives présentent les statistiques et les graphiques issus des recherches. À propos de l’amélioration de la sécurité des soins avec la pratique délibérée, il indique : « au bout de la 11ème fracture, vous voyez les courbes, en pratique délibérée, le taux d’exposition aux rayons X a nettement diminué, alors que ça reste stable avec la pratique naïve ». La démonstration qu’établit Pr. L n’apparaît pas a priori problématique pour le sens commun chirurgical. Cela peut expliquer pourquoi ses efforts de conviction portent moins sur la crédibilité de ses petits nombres que sur la pertinence du projet qu’ils incarnent.

Les nouveaux espoirs de l’assurance

63L’autre ambition réformatrice de Pr. L est de réduire la variabilité des techniques et les risques au bloc opératoire. Elle rencontre l’intérêt des assureurs des établissements et professionnels de santé. Ces derniers s’investissent dans le « management des risques » chirurgicaux afin de réduire les dépenses assurantielles qui leur sont liées. Il ne s’agit plus seulement d’indemniser a posteriori les risques, mais de prévenir leur arrivée et d’aider les acteurs à les « piloter » s’ils surviennent (Ewald, 2009), à travers le déploiement de solutions technologiques. Le groupe Relyens assure plus des deux tiers des hôpitaux publics et privés français. Il entre au capital de la société Caresyntax en 2020 et opère depuis le déploiement commercial de la solution éponyme de captation vidéo des interventions chirurgicales. Relyens l’encourage en pointant l’amélioration des pratiques permise par le développement de la pratique délibérée.

64Pr. L soutient cette réappropriation par le secteur de l’assurance. Il présente ses travaux chez Relyens peu après leur investissement dans la solution Caresyntax® :

La première fois, à Lyon [chez Relyens], il y avait une dizaine de personnes, et je leur ai parlé de la pratique délibérée. Ils m'ont regardé avec des yeux comme ça [il suggère leur ahurissement]. Progressivement, en discutant avec les US de chez Caresyntax [la branche recherche de l’entreprise], j'ai commencé à réussir à me faire un petit peu entendre parce que j'ai montré les résultats. Eux, ils avaient peanuts en termes de résultat scientifique. J'ai montré les courbes, j'ai montré les stats, et là ils ont commencé à m'écouter. Ça a pris trois ans, et maintenant, c'est tout juste s’ils ne viennent pas m'expliquer ce qu'est la pratique délibérée !

65L’inscription de la pratique délibérée dans le discours commercial de Relyens tient ainsi à la caution scientifique apportée par les travaux de Pr. L. Leur robustesse n’a pas été questionnée en l’absence de recherche initiée par Caresyntax. Pour l’assureur, la pratique délibérée augure également d’un levier pour transformer la pratique chirurgicale et réduire le risque, face au bilan mitigé tiré de la culture de la sécurité et des démarches qualité au bloc (check-list, analyse des évènements indésirables graves, etc.), qui n’ont pas conduit à la réduction espérée des dommages liés aux soins.

66Ces petits nombres prennent de la valeur aux yeux du secteur de l’assurance : ils laissent entrevoir la possibilité d’une réduction de la variabilité des techniques et de la sinistralité. Pr. L présente, contre rémunération de Caresyntax, ses travaux devant de potentiels investisseurs et dans des salons professionnels. Ses publications sont mentionnées dans certains supports de vente (fig. 5). Le support met en avant Pr. L, un verbatim et une de ses publications, sans mention des petits nombres : il suggère l’adhésion de la communauté chirurgicale en faisant appel à l’autorité clinique et scientifique.

67En effet, si ces petits nombres participent à enrôler cet assureur, c’est surtout le projet qu’ils incarnent (pratique délibérée, formation continue, standardisation) qui suscite leur intérêt. En France, la promotion commerciale de Caresyntax® et la démarche d’accompagnement à son utilisation s’appuient sur la pratique délibérée. Camille, infirmière de bloc de formation et consultante chez Relyens, explique comment elle présente le dispositif de captation vidéo en rendez-vous commercial :

C'est une solution de vidéo management qui permet de sécuriser les pratiques au bloc opératoire, qui favorise la formation et la pratique délibérée. Ce qui frappe le plus, ce qui plaît le plus, c'est l'aspect formation. Formation pour les internes, pouvoir filmer leur chirurgie, être vu par un pair et s’améliorer, donc vraiment la pratique délibérée. Pour les infirmières, ça va être aussi de se dire « une nouvelle arrive dans l'établissement, on va pouvoir faire des sessions de formation sur l'installation du patient », donc formation dirigée vers différents persona.

68L’enregistrement systématique des vidéos au bloc est jugé délicat à promouvoir par les consultants de Relyens : il suscite des réticences (secret professionnel, détournement à des fins de surveillance, usages médico-légaux des données, etc.) et des questionnements sur les intentions assurantielles. Face à cela, les consultants, comme Camille, jugent le concept de pratique délibérée concret et consensuel : il permet de projeter des usages positifs des vidéos, à des fins formatives.

Figure 5 : Diapositive d’un support de vente de Caresyntax.

Figure 5 : Diapositive d’un support de vente de Caresyntax.

Crédits illustration : Caresyntax.

69Pr. L juge positivement l’influence des pratiques assurantielles sur le groupe professionnel chirurgical, sans éluder le risque de possibles pratiques coercitives. Il anticipe que les assurances puissent à l’avenir demander aux praticiens de réaliser un nombre donné de séances annuelles de pratique délibérée pour leur formation continue. Cette collaboration permet également à Pr. L de bénéficier de ressources pour poursuivre sa démarche réformatrice. Ses liens avec Relyens favorisent par exemple l’établissement d’un partenariat et d’un mécénat avec le centre de simulation, qui impliquent le déploiement de nouveaux équipements (logiciels, captation vidéo, etc.) lui permettant de donner une nouvelle ampleur à ses recherches.

Conclusion

70Les projets de Pr. L s’inscrivent dans un contexte d’insatisfaction vis-à-vis des méthodes d’enseignement. Il transforme un combat contre les usages sensationnalistes des vidéos chirurgicales en engagement épistémique et réformateur en faveur de la promotion de la pratique délibérée. Pour mesurer et comparer la performance chirurgicale, cette communauté expérimentale produit, hors du bloc, une performance standardisée, filmée puis mise en chiffres à l’appui d’une grille d’OSATS. Le travail de définition des conventions, traversé par une série de tensions, fait primer la contrainte statistique. Les chercheurs souhaitent en outre que leurs petits nombres soient traités statistiquement comme des grands nombres. Ils entreprennent en parallèle une série de bricolages pour forcer l’administration de la preuve. Pr. L mobilise ensuite ces travaux pour enrôler ses pairs et une série d’institutions et d’acteurs privés dans la redéfinition des standards d’apprentissage et de réalisation du geste. Sans chercher une transformation radicale des techniques, Pr. L concilie ainsi une pluralité d’intérêts et de pressions régulatrices dont il se fait le traducteur (Callon, 1986). Ces petits nombres ont ainsi un dessein éminemment normatif : à travers leur diffusion, c’est la définition d’un « bon » chirurgien qui se joue. Pour Pr. L, un « bon » chirurgien, non sans manichéisme, c’est un praticien formé sur les bases scientifiques et efficientes de la pratique délibérée plutôt que sur les seuls conseils éculés et biaisés d’un mentor. C’est un praticien qui, sans renoncer à une part artisanale dans son métier, se positionne avant tout comme un universitaire, acquis aux préceptes de la médecine fondée sur les preuves, évaluant ses résultats post-opératoires au regard de la performance technique, et comme un gestionnaire des risques, sensible à la standardisation du geste et à l’amélioration de la sécurité des soins.

  • 21 La certification vise une validation régulière des compétences des médecins (questionnaires standar (...)

71Ce recours aux petits nombres part d’une contrainte. Pour des raisons socio-historiques et méthodologiques, les activités scientifiques en chirurgie restent marquées par un faible développement de la médecine fondée sur les preuves. La démarche de Pr. L repose sur un petit échantillon, la collecte d’un volume modeste d’indicateurs et contourne le CHU. Elle demande toutefois un travail d’équipement conséquent pour exister et cherche à s’inscrire dans les canons de la modernité statistique, tout en tirant parti d’une raison bayésienne encore peu légitime dans l’univers biomédical. Les conditions de félicité de ces petits nombres sont en premier lieu statistiques. Elles tiennent à l’équilibre trouvé entre l’emprunt aux modes de production et au langage de la statistique dominante, et le recours à des méthodes plus marginales. La visibilité de ces petits nombres tient aussi aux multi-positionnements de leur instigateur, qui favorise leur circulation dans l’arène scientifique et professionnelle. Pr. L n’est que peu amené à défendre la crédibilité de ces petits nombres une fois publiés. Les travaux en pédagogie chirurgicale sont rares. Surtout, la démonstration qu’il établit apparaît moins subversive que la cause professionnelle qu’il cherche à construire. L’effet de ces petits nombres dans l’atteinte d’un certain standard de pratique et dans la transformation du régime de preuve en chirurgie reste à étudier sur le temps long. Un faisceau d’initiatives, professionnelles et étatiques, converge toutefois vers un encadrement et une standardisation accrue des pratiques de formation et de réalisation du geste. Il laisse à penser que les OSATS pourraient constituer un support en faveur de cette normalisation. C’est le cas du « Logbook », consignant les expériences pratiques des internes de chirurgie, déployé de façon nationale, pour accroître la transparence sur le cursus et favoriser l’évaluation de leur niveau de progression. Le processus de certification périodique des professionnels de santé, initié par l’État français pour encourager la sécurité des soins et la formation continue21, pourrait lui aussi trouver dans les OSATS une ressource pour imposer « en douceur » un surcroît de standards (Bertillot, 2014).

L’auteur remercie vivement Giulia Anichini, les évaluateur·ices anonymes, les coordinateurs du dossier Kylian Godde et Gaëtan Thomas, et le comité de rédaction, notamment Matthieu Quet, pour leurs précieux retours et conseils sur les précédentes versions de l’article. Merci également à Pr. L et à l’ensemble des chercheurs pour les nombreux échanges et leurs retours. Cette recherche est financée par un contrat doctoral de droit privé du groupe Relyens.

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Notes

1 La sinistralité correspond au taux de sinistres devant être indemnisés par un assureur par rapport aux primes encaissées.

2 La notion considère un groupe d’acteurs mobilisé, à la fin du XIXe siècle, pour définir les problèmes sociaux et élaborer des politiques pionnières en s’appropriant le projet aux contours flous de la « réforme ». Elle a été reprise pour envisager le travail de légitimation des indicateurs qualité à l’hôpital (Bertillot, 2014) et fait écho aux « réformateurs thérapeutiques » impliqués dans l’avènement de la médecine fondée sur les preuves (Marks, 1999).

3 Les précédentes études ont rapporté ses bénéfices dans la réduction de l’exposition des praticiens aux rayonnements ionisants pendant l’intervention et dans l’amélioration de la courbe d’apprentissage sur trois gestes différents (traitement de la fracture du poignet, de la clavicule et de la cheville).

4 Ce film de onze minutes, réalisé par un expert du service, détaille étape par étape la procédure.

5 Ma présence et la possibilité d’un débrief à l’issue du test étaient inscrites dans le protocole de recherche approuvé par le comité d’éthique du CHU.

6 La publication de FIBULA est en cours d’évaluation.

7 Contrairement au mouvement de mesure croissante des actions individuelles dans le monde du travail à des fins de standardisation des compétences, d’évaluation de la performance et de benchmark (Bruno & Didier, 2015).

8 Le temps de travail des internes est de 48 heures dans l’Union européenne, contre 80 heures aux États-Unis.

9 Pr. L est désanonymisé avec son accord.

10 Le palmarès annuel des « médecins experts » de l’hebdomadaire Le Point est très relayé en chirurgie.

11 Traduction de l’auteur.

12 L’« effet tunnel » désigne une focalisation attentionnelle forte qui conduit à négliger l’écologie environnante, selon des théories psycho-cognitives imprégnant la littérature médicale

13 Outil psychométrique utilisé dans les sondages pour mesurer les attitudes des individus. Plutôt qu’une réponse binaire (oui/non), ils doivent exprimer leur degré d’accord ou de désaccord à propos de propositions.

14 Dans plusieurs pays (États-Unis, Pays-Bas), ils sont utilisés dans l’évaluation systématique des internes et des initiatives les utilisent dans les processus de certification périodique des praticiens (validation des compétences sous l’égide de l’État ou des ordres professionnels). En France, l’étendue de leur diffusion est difficile à saisir. Elle semble plus forte dans les spécialités ayant une forte activité robotique et une culture de standardisation des pratiques. Leur utilisation est promue par deux récents rapports de l’Académie nationale de chirurgie sur la formation (Farges, 2021) et la robotique (X. Martin, 2020).

15 Pr. L a eu des liens d’intérêt avec Newclips qui ont cessé en 2021.

16 L’expertise chirurgicale est classée en cinq niveaux (1 : non spécialiste ; 2 : spécialiste, moins expérimenté ; 3 : spécialiste expérimenté ; 4 : spécialiste très expérimenté ; 5 : expert). Cette catégorisation dépend du niveau d’expérience clinique et scientifique (Tang & Giddins, 2016). Les participants étaient ici de niveau 1 ou 2.

17 Un mesureur est un instrument pour jauger la profondeur d’une vis.

18 Les points SIGAPS sont des points transformés en une somme d’argent versée par le ministère de la Santé, perçue pendant quatre ans par le CHU.

19 Leur degré de consistance est rarement indiqué dans les articles.

20 https://www.youtube.com/watch?v=MEsbeJbeKDo (consulté le 5 août 2024).

21 La certification vise une validation régulière des compétences des médecins (questionnaires standardisés sur les connaissances théoriques, évaluations de dossiers de patients, etc.).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Box de simulation où se déroule FIBULA
Légende Romain se trouve à gauche, un participant à droite. La caméra filmant le geste est au-dessus de lui et le capteur de pression cardiaque à sa droite. Romain peut regarder sur l’écran à gauche la captation vidéo et remplit au fur et à mesure la grille d’OSATS.
Crédits Crédits photographiques : Nicolas El Haïk-Wagner
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/35783/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 163k
Titre Figure 2 : Grille d’OSATS de FIBULA
Légende La grille comprend 18 critères notés de 1 à 5 ; N/A signifie non applicable. Le guide gradué oblige la mèche à emprunter une direction précise et évite d’utiliser un mesureur pour connaître la longueur de la vis. Le critère n°12 vérifie qu’il est utilisé dans les trois trous de la partie proximale de la plaque.
Crédits Crédits illustration : Publication du projet FIBULA, équipe de Pr. L.
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/35783/img-2.png
Fichier image/png, 124k
Titre Figure 3 : Tableau des données de FIBULA.
Légende Le tableau, issu du draft de publication, restitue les scores de chaque participant (« sujet »), quant aux compétences mesurées (OSATS), perçues (auto-évaluation avant et après) et au stress lors des cinq passations. L’article détaille les calculs de probabilité.
Crédits Crédits illustration : Publication du projet FIBULA, équipe de Pr. L.
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/35783/img-3.png
Fichier image/png, 110k
Titre Figure 4 : Captures d’écran d’une communication de Pr. L à l’Académie nationale de chirurgie.
Légende Extraits de la présentation de Pr. L lors du colloque « Quelle formation pratique des opérateurs de demain ? Vers une refonte de l’apprentissage des techniques opératoires traditionnelles et interventionnelles », tenu à l’Assemblée Nationale le 15 mars 202420.
Crédits Crédits illustration : Captures d'écran de Youtube.
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/35783/img-4.png
Fichier image/png, 174k
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/35783/img-5.png
Fichier image/png, 186k
Titre Figure 5 : Diapositive d’un support de vente de Caresyntax.
Crédits Crédits illustration : Caresyntax.
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/35783/img-6.png
Fichier image/png, 414k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Nicolas El Haïk-Wagner, « Scorer le geste chirurgical de 1 à 5 »Revue d’anthropologie des connaissances [En ligne], 18-4 | 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 12 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/rac/35783 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12swm

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Auteur

Nicolas El Haïk-Wagner

Doctorant en sociologie au Laboratoire Formation et apprentissages professionnels (EA 7529) du Cnam (Paris), dans le cadre la Chaire Innovation Bloc Opératoire Augmenté de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). Sa thèse, à l’intersection de la sociologie des groupes professionnels et des sciences et techniques, s’intéresse aux recompositions de l’activité opératoire, dans les spécialités chirurgicales « lourdes » des CHU.
ORCID : https://orcid.org/0000-0001-8451-7637

Adresse : Conservatoire national des arts et métiers, 41 Rue Gay Lussac, FR-75005 Paris (France).
Courriel : nicolas.ehw[at]gmail.com

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    Die Geschichte des ersten otologischen Operationsroboters im pädiatrischen Operationssaal. „Das ist die unaufhaltsame Zukunft der Chirurgie“
    Paru dans Revue d’anthropologie des connaissances, 18-4 | 2024
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