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L’apprentissage technologique dans les pays émergents

Au-delà de l’atelier et de l’entreprise
Technological learning. Beyond the shopwork and the enterprise
El aprendizaje tecnológico. Más allá de los límites del taller y de la empresa
Rigas Arvanitis, Daniel Villavicencio et Zhao Wei

Résumés

L’article propose une réflexion théorique fondée sur des travaux empiriques menés en Amérique latine et en Chine visant à identifier et caractériser l’apprentissage technologique des entreprises. Nous rappelons les différentes conceptions de l’apprentissage dans la littérature sur les entreprises et le travail et présentons une définition de l’apprentissage technologique. Abandonnant les perspectives fondées sur une caractérisation basée sur l’entreprise dans son ensemble, notre interprétation se démarque des travaux précédents en ce qu’elle propose de fixer la focale sur l’identification des activités technologiques à la fois internes et externes ainsi que sur les connaissances qualifiées de « techniques » qui les accompagnent, plutôt que sur la gestion ou les décisions économiques qui les concernent. Fonder ce point de vue permet un réexamen des questions concernant la mondialisation et l’irruption d’entreprises innovantes dans les pays émergents.

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Dédicace

Nous dédions cet article à notre ami disparu, Rafael Rengifo, compagnon de route de plusieurs apprentissages.

Texte intégral

Introduction

1Avec les théories de la firme développées dans les années 1980, l’entreprise connaît un regain d’intérêt au moment où la mondialisation économique et financière devient une réalité incontournable. Ce mouvement a amorcé la consécration des sciences du management à la fin du « court vingtième siècle » alors que la sociologie des entreprises et les recherches critiques en théorie des organisations se sont penchées de manière plus systématique sur les modèles culturalistes dépassant l’étroit, et impropre, concept de « culture d’entreprise ». C’est alors que l’organisation et l’apprentissage des entreprises sont apparus comme des phénomènes sociaux complexes. De fait, plusieurs écoles de pensée coexistent autour du concept d’ « apprentissage » et il est possible de repérer des différences, voire de profondes divergences d’approche.

  • 1 Les observations sont issues de cinq terrains auxquels ont participé les auteurs, qui ont donné lie (...)

2Cet article tentera, à partir de travaux empiriques sur les entreprises en Amérique latine et en Chine1 d’exposer les dimensions d’une approche renouvelée des processus d’apprentissage technologique des entreprises. Après de nombreuses études, ils sont, selon nous, la voie d’accès à l’innovation et sont pourtant sous-analysés. Alors qu’initialement notre objectif était, comme tous les travaux portant sur les pays émergents, de comprendre les causes de l’existence ou, plus souvent, de l’absence d’innovation dans les entreprises de ces pays, nous avons été amenés à nous poser une question à la fois plus simple et plus fondamentale : si l’apprentissage est le processus d’accès à l’innovation, alors qui apprend ? S’agit-il des personnels, comme le signalent les managers et les consultants de l’organizational learning, mais aussi tous ceux qui insistent sur les savoirs tacites ? S’agit-il des entreprises comme entités ou des ateliers de production au sein des entreprises ? S’agit-il d’un ensemble d’acteurs institutionnels plus vaste, comme le suggèrent de plus en plus les économistes de l’innovation (Nelson, 2008) ? Ces questions nous paraissent importantes à l’heure où les théories de l’offre connaissent un regain pour penser le retour de la croissance.

3Pour y répondre, il est crucial d’identifier les formes d’articulation des savoirs internes et externes de l’entreprise. Partant, nous proposons de redonner à l’apprentissage technologique un rôle central dans le rattrapage économique des pays émergents, ce qui a pu être négligé dans les nombreux travaux sur l’avènement de l’économie de la connaissance (Banque mondiale, 1999) ou de la société de la connaissance (Stehr, 2002 ; UNESCO, 2005). En effet, la technologie productive est au cœur de la globalisation et de l’irruption des nouveaux pays industriels, et elle ne procède pas de la seule décision d’investissement d’importer des machines. De plus, il nous semble que la théorisation fondée sur la notion de « chaînes de valeur », terme employé pour désigner les liens entre clients généralement situés dans les pays riches et fournisseurs dans les pays pauvres ou émergents, est insuffisante pour saisir ce processus puisqu’elle ne fait que décrire l’aboutissement d’apprentissages technologiques réussis.

4L’article examinera tout d’abord les origines théoriques des conceptions de l’apprentissage. Puis, nous rappellerons le contexte particulier des entreprises des pays émergents et la nécessité d’examiner cet apprentissage au niveau des ateliers productifs. Nous caractériserons la dynamique des processus d’apprentissage technologique et proposerons une définition simple de l’apprentissage. L’article se terminera sur l’exposé des avantages de cette définition pour la compréhension des phénomènes de mondialisation productive et de l’innovation dans le contexte des pays émergents.

Diversité et coexistence des travaux autour de l’apprentissage des entreprises

  • 2 Rappelons que le débat sur le lien entre organisation et stratégie a fait couler beaucoup d’encre ( (...)

5Les recherches publiées sur l’apprentissage trouvent un premier terrain fertile dans le management des entreprises. Les travaux de gestion stratégique se sont penchés sur la création de « compétences centrales » (core competences) des entreprises comme avantage comparatif qui voulait identifier la « bonne gestion », réputée savoir identifier les points forts de l’entreprise en termes de position concurrentielle et de compétences intérieures. La bonne gestion consisterait ainsi à créer ces compétences dans l’entreprise et à permettre l’assimilation des connaissances spécifiques qu’elles nécessitent. Un nouveau domaine de la gestion stratégique est ainsi apparu2. Ces travaux ont rencontré une lignée plus ancienne de travaux sur le changement dans les organisations inaugurée par Argyris et Schön (1978) qui ne concernait pas uniquement les entreprises mais les organisations en général.

  • 3 On pourra lire une révision du champ de l’apprentissage organisationnel dans la thèse de Tanguy (19 (...)
  • 4 Là aussi nous trouvons une multiplicité d’approches ; par exemple Sveiby (2000) qui assimile la ges (...)
  • 5 On trouvera une synthèse intéressante des travaux des économistes de l’apprentissage dans l’analyse (...)

6La rencontre du management stratégique et des organizational studies, domaine peu connu en Europe, fut à l’origine d’une prolifération de travaux sur l’apprentissage organisationnel des entreprises3 avec au moins deux tendances distinctes : d’une part, les travaux portant sur le travail intellectuel dans les entreprises et la gestion « de la connaissance », notamment informatique (le « Knowledge Management »)4 et, d’un autre côté, la gestion et stratégie des compétences d’une entreprise (Prahalab et Hamel, 1990 ; Senge, 1992). Cette quête de « l’entreprise apprenante » semble avoir trouvé un aboutissement dans le modèle proposé par Nonaka (1992, 1995) qui parle d’entreprises créatrices de connaissances en remplaçant l’idée de l’apprentissage par celui de création et de transformation des savoirs tacites dans l’entreprise en savoirs explicites. Parallèlement se sont développés les travaux des économistes « de l’innovation » dits aussi « évolutionnistes » (Nelson et Winter, 1982) et des historiens de l’industrie (Rosenberg, 1976, 1982 ; Inkster, 1991, 1996, 2001)5. L’analyse économique des activités de recherche et développement (R&D) (Freeman, 1974) s’est progressivement étendue pour s’intéresser à l’ensemble du processus d’innovation et de l’évolution technologique.

7Plusieurs travaux empiriques se sont alors concentrés sur l’apprentissage technologique, entendu sous l’angle de l’assimilation, de l’usage, de l’adaptation et du changement technologique ainsi que de la création de capacités de création de produits et de procédés nouveaux (Abernathy et Utterback, 1978 ; Sahal, 1981 ; Cohen et Levinthal, 1989 ; Cohendet et Amin, 2004). Notons cependant que le terme le plus important dans ces travaux était celui de l’assimilation ou de l’incorporation des connaissances. Nombre de travaux ont été mobilisés dans cette perspective pour expliquer la croissance spectaculaire de l’Asie du Sud-Est et celle plus modérée des pays d’Amérique latine (Katz, 1976, 1986, 1987 ; Lall, 1987 ; Amsden, 1989 ; Kim, 1993 ; Hobday, 1995 ; Lall, 1996 ; Kim, 1997 ; Figueiredo, 1999 ; Mathews, 1999 ; Dutrénit, 2000 ; Kim, 2000 ; Lall, 2000 ; Mathews et Cho, 2000 ; Amsden, 2001 ; Ernst et Kim, 2002 ; Hobday, 2002 ; Hobday, Rush et Bessant, 2004). Nous y reviendrons, car cette lignée est aujourd’hui dominante pour analyser l’industrialisation des pays émergents, comme l’atteste la création du réseau Globelics.

  • 6 Remarquons que les économistes évolutionnistes travaillant sur la croissance et le rattrapage des e (...)

8Enfin, toute une école de pensée en anthropologie cognitive s’est développée au même moment autour de l’apprentissage des techniques et des processus de travail pour aboutir à cette notion de « communautés de pratiques » interne à un groupe social, processus à la fois identitaire et de socialisation (Lave et Wenger, 1991 ; Nicolini, Gherardi et Yanow, 2003)6. Après la fulgurante diffusion de cette notion de communauté de pratiques et de communauté apprenante (learning communities), un colloque a illustré la multiplicité des approches sur l’apprentissage organisationnel qui dépassent le seul monde de l’entreprise et trouvent des ramifications dans l’étude des sciences, du travail, de la culture, de l’environnement, s’apparentant de plus en plus à une philosophie de l’action intellectuelle (Gherardi et Nicolini, 2005).

9Pour autant, rares sont les tentatives de synthèse et, quand elles existent (Cohendet et Amin, 2004), elles insistent sur une notion de la connaissance issue des pratiques de travail. On perçoit alors la difficulté pour l’analyse économique d’intégrer des pratiques difficilement modélisables. Par ailleurs, les concepts issus du management et de l’analyse des pratiques peinent à trouver leur place dans les travaux scientifiques sur l’industrialisation des pays émergents.

  • 7 En Asie, une réflexion émanant des gestionnaires met le doigt sur le lien entre la croissance des e (...)

10De fait, nous constatons une certaine étanchéité entre ces différents domaines de réflexion qui se côtoient mais se fertilisent rarement. Le rattrapage économique, la réflexion sur la communauté des pratiques, l’organisation des entreprises et même l’analyse des politiques demeurent des aires de production intellectuelles séparées7. Nous ne cherchons pas une convergence des approches, car nous voulons, en réalité, déplacer la focale : plutôt que de se fixer sur les connaissances et l’organisation (donc cet apprentissage social), nous proposons de nous concentrer sur l’apprentissage des « techniques » et des savoirs qui les accompagnent (l’apprentissage technologique) et son support qui est le système productif. Nous reviendrons sur l’importance du système productif dans la prochaine section sur la dynamique de l’apprentissage technologique.

L’apprentissage technologique : rattrapage économique ou fondement de l’innovation ?

  • 8 L’importance de cette distinction dans les travaux sur le développement industriel n’est pas fortui (...)

11Depuis l’article de Martin Bell et Keith Pavitt publié en 1993, il est courant de distinguer la capacité de production et la capacité technologique ; les pays en développement manqueraient de cette capacité technologique8. La capacité productive serait donc le minimum de toute production industrielle, tellement évidente qu’il n’est même pas besoin de l’expliquer. Ce serait en quelque sorte le « hardware » alors que la capacité technologique en serait le « software ». En effet, Bell et Pavitt indiquent bien que l’apprentissage technologique permet de former cette capacité technologique et d’aller au-delà de la seule adoption de routines toutes faites par l’accumulation des compétences et l’utilisation ou la création de services particuliers et spécifiques qui permettent de mieux produire. La dimension organisationnelle est ainsi très présente dans cette analyse qui envisage les capacités technologiques comme source de compétitivité des entreprises dans un environnement changeant (Bell et Pavitt, 1995, p. 76).

12C’est pourtant le travail sur l’apprentissage technologique de Jorge Katz (1976) en Amérique latine et celui d’Alice Amsden (1989) sur la Corée du Sud qui a véritablement déclenché la réflexion sur l’apprentissage comme mécanisme de rattrapage économique. Les travaux se sont alors focalisés sur les « dragons asiatiques » et autour de la question du rôle de l’État dans l’industrialisation tardive (Zhao, 2006b). Ces analyses ont produit une théorie par étapes de développement technologique (Hobday, 1995 ; Kim, 1997) en se fondant sur l’exemple fascinant de l’électronique, parfois regardé comme un « miracle » du développement industriel. À son propos, Dutrénit (2000) a souligné l’importance du processus de transition fondé sur la création de connaissances qui a abouti à la constitution d’une capacité stratégique, notamment dans les grandes entreprises des pays en développement. On retrouve également cette idée d’évolution par étapes dans Yoguel et Robert (2010).

  • 9 Cette dichotomie renvoie aux travaux pionniers de Bateson sur les niveaux d’apprentissage et aux «  (...)

13L’apprentissage technologique est devenu le centre des discussions sur le développement d’un système national d’innovation et du développement économique (Chen et Sewell, 1996 ; Shin, 1996 ; Kim, 1997 ; Lall, 1998 ; Shin, 1998). Certains auteurs ont même proposé de parler d’un système national d’apprentissage plutôt que d’innovation, par exemple au Brésil (Viotti, 2002) et Taiwan (Mathews, 1999). L’apprentissage a aussi été proposé comme une explication de la création institutionnelle en Corée du Sud (Kim, 1997), le pays modèle par excellence. De manière plus générale, l’apprentissage a même été proposé comme un trait définitoire des cultures politiques des sociétés asiatiques ou du moins de certaines d’entre elles (Rowen, 1998). L’apprentissage, comme processus séquentiel généralisé, avec sa dialectique entre un niveau simple d’apprentissage et un niveau plus complexe9, a pénétré des domaines plus diversifiés des sciences sociales comme, par exemple, les politiques d’aide au développement, la lutte contre la pauvreté, les politiques scientifiques, la géostratégie, etc.

14Cependant, il nous semble que le rôle de l’apprentissage technologique des entreprises dans le « rattrapage » économique et le développement doit dépasser le niveau macroéconomique. Empiriquement, cela signifie d’opérationnaliser le passage du « micro » au « macro », de l’atelier à l’entreprise, des entreprises à l’économie et à l’ensemble des institutions. L’essentiel des travaux, notamment sur les pays en développement, s’ils reconnaissent que le processus d’acquisition n’est pas un processus spontané et linéaire, soutiennent l’existence d’une séquence progressive d’apprentissage, des systèmes productifs les plus simples vers l’obtention de capacités technologiques avancées supposant des fonctions R&D dans le cadre d’une dépendance par rapport au chemin emprunté (path dependency). Cette vision, devenue canonique en économie de l’innovation, repose sur un processus d’acquisition, fruit d’un effort volontaire, qui implique une succession d’étapes incrémentales où les capacités productives se développent avant les capacités d’ingénierie et d’innovation. Dans la suite de cet article, nous proposons de déplacer la focale à un niveau plus micro, celui des dynamiques d’apprentissage dans les entreprises, moins pour gagner en précision dans le cadre de ce modèle canonique que pour déployer une autre approche de l’apprentissage technologique.

Situer les lieux de l’apprentissage dans le développement

  • 10 Nous avons publié une collection d’exemples d’innovations importantes dans un dossier du Journal of (...)

15Pour concevoir l’apprentissage technologique dans le développement économique, il faut affronter deux difficultés. La première concerne le fait que cet apprentissage progressif dont parlent les théories du développement économique se limite à des innovations de routine, à des améliorations productives censées se limiter aux seules PME, voire aux entreprises les moins « modernes ». Tout se passe comme si l’analyse économique entérinait l’idée que les phénomènes d’apprentissage supposent, pour exister, un état de sous-développement industriel. Or nous pouvons constater l’existence d’entreprises de haute technologie et très innovantes, sans parler des géants mondiaux des pays émergents qui peuplent notre quotidien (électroménager, ordinateurs, etc.), autant d’entreprises issues de contextes supposés peu propices à l’innovation10. Une floraison de « success-stories » laisse supposer que c’est le même processus qui permet à une entreprise de devenir très fortement innovante ou d’au contraire chercher à améliorer modestement ses performances. Ce processus n’est en rien spécifique au sous-développement, ni propre à un pays donné, ni spécifique à un contexte particulier.

16Rares sont les travaux qui relèvent de ce point de vue. Hobday (2000) a reconnu que le développement des capacités technologiques dans les entreprises en Asie orientale peut être désordonné et interactif, certaines entreprises s’engageant assez tôt dans la R&D et le développement de produits nouveaux sans passer par toutes les étapes de base de l’assemblage. Ainsi, les entreprises japonaises en Malaisie tendent à démarrer à une étape qui serait immédiatement reconnue comme élevée dans l’échelle de leur développement technologique (gestion de la qualité, ingénierie poussée, R&D). Les filiales des firmes étrangères à Singapour ont souvent commencé par établir un centre de R&D, parfois même sans avoir commencé la production. En Chine, certaines grandes entreprises en électronique se sont lancées en partant d’un centre de recherche devenu entreprise ou en créant dès leur fondation des centres de R&D à l’étranger pour aller trouver la technologie là où elle se trouve, chez leurs concurrents (Bironneau, 2012). L’étude des entreprises coréennes par Amsden (1989) signale que les grands groupes nationaux (chaebols) créés dans les années 1970 et 1980 ne trouvent pas leur origine dans les secteurs leaders des années 1950 et 1960, à savoir les secteurs intensifs en travail comme les filatures et les tissages textiles, mais dans les groupes de l’industrie lourde créés dans la politique de substitution des importations que le gouvernement a encouragée dans la périphérie des industries légères. G. Guiheux (2002) fait le même constat concernant Taïwan. En bref, tout un ensemble de travaux établissent que des processus d’apprentissages technologiques au sein d’entreprises ou d’industries marginales les ont entièrement transformées jusqu’à en faire les principaux groupes économiques de leur pays. Cela conduit à devoir faire face à une deuxième difficulté qui concerne le niveau de l’analyse. Est-ce l’entreprise comme entité organisationnelle, auquel cas l’entreprise deviendrait l’acteur central du développement, ou serait-ce une dynamique plus complexe qui lie l’entreprise et le contexte productif, comme nous le soutenons ? Dans ce dernier cas, il faut alors comprendre la dynamique et les limites de cet ensemble composite d’acteurs : la dynamique de l’apprentissage technologique doit concerner autant des entreprises dans des mondes productifs que l’intérieur des entreprises et leurs ateliers de production. C’est là un défi méthodologique.

La dynamique de l’apprentissage technologique

17En regardant de plus près les processus d’apprentissage technologique dans les entreprises, nous observons une dynamique cumulative dans le temps, collective et spécifique à chaque entreprise. De plus, les histoires des entreprises indiquent que ces apprentissages sont discontinus dans le temps (Villavicencio et Arvanitis, 1994).

  • 11 Ces observations empiriques dans des usines en France, au Mexique et en Argentine ont été recensées (...)

18Toutes les études de cas du travail dans les entreprises concordent pour montrer l’importance de savoirs communs des travailleurs autour d’un équipement ou d’une chaîne de montage. On observe des ateliers de production où les travailleurs utilisent peu de connaissances formelles, avec des niveaux d’instruction assez faibles, mais où ils assurent assez aisément le lien entre leurs tâches et les instructions émanant des contremaîtres et des techniciens. Dans le contexte de pays avec peu de techniciens, des ouvriers provenant de milieux ruraux, une main-d’œuvre issue d’ateliers d’entreprises artisanales, des niveaux très satisfaisants de maîtrise des procédés de fabrication sont obtenus dans les chaînes de montage et de production, y compris d’entreprises fortement capitalistiques11. On y observe aussi l’introduction de processus de fabrication standardisés, où les relations entre les techniciens qui mettent en fonctionnement les machines et ceux qui les produisent de manière régulière sont intenses, même si elles sont limitées dans le temps et dans leur fréquence. En Chine, nous avons aussi eu à suivre à plusieurs occasions des techniciens occidentaux présentant des procédés nouveaux à des équipes de travailleurs et de contremaîtres chinois qui ne parlaient pas un mot d’anglais. Par contre, tous participaient à la mise en place de la chaîne de fabrication avec une relative facilitée. Ces travaux de terrain faisaient état d’un savoir collectif distribué où l’atelier était lui-même un acteur collectif, une idée clairement décrite par les travaux de sociologie du travail (Jacot, 1984 ; Ruffier, 1989 ; Villavicencio, 1989) autour de l’idée de solidarité technique (Dodier, 1995).

19Jean Ruffier (1996) propose de parler de système productif pour désigner ce collectif qui va s’étendre au-delà des frontières de l’entreprise, car il englobe des liens marchands, techniques, contractuels et autres liens, comme ceux d’amitié ou, au minimum, de solidarité professionnelle. Ces liens, qui se tissent par exemple lors de la mise en place des équipements, peuvent jouer un rôle essentiel dans le fonctionnement et la réparation rapide et efficace de ces équipements (INIDET, 1998, 2002). Ainsi, le caractère collectif s’étend non pas seulement aux membres du groupe de travailleurs défini par l’entreprise à l’intérieur des frontières organisationnelles mais à l’ensemble des acteurs qui sont en relations solidaires au moment de la mise en place des technologies et qui sont prolongées dans leur maintenance.

20On doit donc souligner l’importance de la dimension temporelle : les apprentissages ont lieu de manière discontinue dans la vie des unités de production, par exemple lors de la mise en place des équipements nouveaux, l’augmentation de la capacité de production d’un atelier et le déplacement ou le déménagement d’un atelier de production, comme l’avait déjà signalé D. Sahal (1981) dans un travail pionnier. Ce sont des moments où l’apprentissage est intense et de solides liens peuvent se tisser entre les producteurs et les détenteurs de savoirs techniques ; pendant que s’accomplissent ces tâches, le collectif productif se met en place. Les connaissances détenues par les producteurs dans un atelier sont, de ce fait, toujours spécifiques à un équipement donné ; ce sont des connaissances spécifiques non plus à l’entreprise mais à un groupe social particulier au sein de l’entreprise et dans des relations externes.

21Cette construction des connaissances dans le temps assure une solide capacité productive : elle se forge par à-coups, autour de l’équipement et de son usage par le groupe ; les connaissances ne s’agrègent pas de manière homogène et ne forment pas des cheminements continus. Ainsi, les entreprises peuvent rester de longues périodes sans apports nouveaux ou au contraire introduire une grande quantité de nouveautés en de brèves périodes. L’atelier peut aussi donner lieu à des apprentissages plus informels quand les ouvriers et les contremaîtres, pour garantir la production, auront à « enregistrer » la particularité d’un tour de main ou d’une action « curieuse » sur les équipements. Ce que nous voulons signaler ici, c’est que les études de cas s’accordent pour signaler l’importance et la permanence de l’apprentissage sans pouvoir signaler exactement à quel moment particulier le groupe apprend. Cet apprentissage est donc autant discontinu que collectif. Les routines de fabrication dans une entreprise industrielle sont organisées par des groupes qui en ont éprouvé l’efficacité. Innover consiste souvent à rompre des routines efficaces, d’où l’extrême difficulté de l’introduction d’innovation de process dans les ateliers et les entreprises (Villavicencio, 1990 ; Tanguy, 1996). Enfin, l’apprentissage technologique dans les ateliers consiste autant à assurer l’intégration des savoirs acquis avec ceux qui préexistent qu’à introduire la nouveauté elle-même. Dans tous les cas, l’apprentissage est une forme d’expérimentation collective.

Les processus de l’apprentissage technologique

  • 12 Cette définition ainsi que l’essentiel des travaux ayant abouti à cette définition ont été publiés (...)

22Ces propriétés des formes d’apprentissage dans les usines, relevées par l’étude empirique, permettent de formuler une définition de l’apprentissage technologique comme l’ensemble des expériences, discontinues et fragmentées, au sein des systèmes productifs qui permettent le développement des pratiques et des savoirs nécessaires au fonctionnement et au maintien de ces systèmes pour les entreprises12. Ces activités pratiques et cognitives, comme nous venons de le signaler, concernent la manière de produire, la définition du produit, les différents niveaux d’intervention sur les équipements. Elles concernent la recherche d’information sur les alternatives technologiques, la négociation de technologie, l’adaptation de technologies à travers l’adaptation de pièces et d’équipements, le développement de produits nouveaux ou l’adaptation de produits existants (formulation ou totale ou partielle d’un produit, conception de produit nouveau ou amélioré, copie ou reproduction), la conception de procédés nouveaux ou améliorés. De plus, quand elle existe, la R&D dans les entreprises joue souvent un rôle essentiel, car elle assure au moins trois fonctions qui se répercutent sur l’ensemble de ces activités : réaliser des projets de recherche visant le développement et l’amélioration de produits ou de procédés, effectuer une partie de la veille technologique de l’entreprise, assurer un appui à la production et à la commercialisation et, dans la plupart des cas, assurer une fonction de liaison entre préoccupations internes, « urgentes », liées à l’amélioration productive, et préoccupations issues du marché ou de l’appréhension de la technologie dans des contextes autres que celui de sa propre entreprise.

23Certaines de ces activités visent à consolider le potentiel humain de l’entreprise pour maîtriser ses équipements et cela se traduit par une consolidation des services de recherche d’information, d’ingénierie, de R&D, en bref des fonctions moins liées à la production et plus en amont, parfois même dans la conception du projet d’investissement. La formation peut également faire partie de ces activités, bien que nous ayons remarqué que, dans la majorité des entreprises, la formation technique soit avant tout une « formation sur le tas », la formation étant souvent réservée à des cadres ou des techniciens pour des tâches collatérales de gestion (le management) et d’apprentissage de langues étrangères. De même, le niveau de formation initiale des personnels techniques, pour les raisons signalées ci-dessus, n’est pas un indicateur très fin des capacités d’apprentissage. En effet, la principale surprise à la fois des enquêtes et des études de cas est qu’une entreprise constituée de personnel relativement peu formé au départ pouvait être particulièrement efficiente et innovante du fait de la construction collective des compétences (Villavicencio et Arvanitis, 1994), où se combinent les savoirs individuels et collectifs, codifiés et tacites.

  • 13 Voire du système d’innovation si les liens impliquent des entités dédiées à la recherche, comme le (...)
  • 14 Lall (1987) mentionne successivement différents termes qui traduisent bien la multiplicité des acti (...)

24Ce paradoxe nous a portés à considérer que ces activités qualifiées trop rapidement de « techniques » conduisent les entreprises à établir de fortes relations avec leur environnement. Ce sont des liens avec les fournisseurs, les clients, les partenaires technologiques immédiats. Ces liens forment tout un système de liens industriels et sous certaines conditions deviennent ce que Lundvall (1988) appelle le « micro-fondement du système d’innovation »13. La nature de ces liens détermine le comportement technologique d’une entreprise et peut conduire à des apprentissages croisés déterminants (Hatchuel, 1994). Le tableau 1 tente ainsi de résumer ces relations et donne un aperçu de leur variété à l’image des nombreuses dénominations que supporte la notion d’apprentissage14.

Tableau 1. Formes d’apprentissage en relation avec l’environnement des entreprises

Modes d’acquisition des technologies

Effets d’apprentissage

Achat d’équipement avec la documentation technique pour l’installation.

Relation commerciale, le fournisseur offre peu de support technique, pas d’interaction. L’entreprise est seule.

Transfert de technologie avec contrat, licence de technologie, assistance technique, assistance en ingénierie, analyse des procédés de production, contrats « clés en main ».

Relation hiérarchique et commerciale. Dépend de la nature du contrat. Le fournisseur peut être actif. De nombreux contrats interdisent explicitement certains types d’apprentissage (pas de copie autorisée, pas d’adaptation autorisée, pas d’améliorations).

Contrats avec un client
(ou relation moins formelle, mais longue).

Cette relation est une relation de marché et donc instable par nature. Pas de transfert formel, mais transmission de spécifications des produits et procédés. Les ingénieurs et techniciens de l’entreprise cliente installent des procédés et des méthodes qualité.

Sous-traitance, coproduction, situation OEM (produire aux spécifications exclusives du client) ou ODM (développement de ses propres spécifications).

Relation hiérarchique envers le donneur d’ordres. Insertion dans une chaîne de valeurs explicite. Relation stable et à long terme. Capacités productives importantes et compétences de conception. Faible innovation de produit (le sous-traitant est soumis

aux normes de production du donneur d’ordres).
Les relations non exclusives donnent une plus grande capacité de manœuvre à l’entreprise. Mécanismes explicites d’apprentissage («
learning by monitoring », qualité, procédures de contrôle intégrées). Plus la relation est longue, meilleure la capacité d’apprentissage.

Investissement direct étranger, joint-ventures.

Relations hiérarchiques (idem que filiale vis-à-vis de la maison mère). La maison mère est le fournisseur de technologies. Relation « internalisée » dans le groupe économique. Apprentissage technologique commandé en partie par la direction du groupe. L’apprentissage de la filiale dépend de la marge de manœuvre accordée par la maison mère (ou la capacité de proposition de la filiale). Dans

les cas des joint-ventures (formule en perte de vitesse), l’échange usuel est de technologie contre l’accès au marché.

Alliances techniques, stratégiques ou de R&D.

Ces relations instaurent un marché technologique. Fournisseurs et usagers de la technologie sont très étroitement liés. Capacités complémentaires.

R&D collaborative avec les universités et centres de recherche publics.

Relations complémentaires. Fournisseurs et usagers de la recherche et de la technologie doivent travailler ensemble. Apprentissage technologique fort. Capacités complémentaires.

25En résumé, l’apprentissage technologique des entreprises repose à la fois sur une capacité interne identifiée par des activités propres à l’entreprise et les effets des interactions avec l’environnement immédiat de l’entreprise. Ainsi, les accomplissements issus de l’apprentissage technologique reposent sur des savoirs dont les usages sont fortement déterminés par un continuum de l’atelier à l’environnement des entreprises et par les forces qui s’exercent sur lui. Il est bien un savoir productif dans tous les sens du terme : il sert à produire et il est issu de la production ; il est utile pour la production de l’entreprise et forme l’expérience propre à des collectifs qui inscrivent l’entreprise dans un système productif ; il se concrétise entièrement dans la production et par elle, et pas nécessairement comme le prolongement mécanique d’une fonction de R&D aussi stratégique soit-elle.

Les ateliers dans la mondialisation des systèmes productifs

L’hétérogénéité productive comme ordre de réalité des systèmes productifs

26Nous avons signalé que la dynamique de l’apprentissage est observable au niveau « micro », celui des ateliers de production ; a priori, il semble difficile de l’extrapoler à l’ensemble de l’entreprise. D’une part, parce que l’entreprise n’est généralement pas mono-productrice ou mono-atelier et elle n’est pas non plus une somme d’ateliers : à chaque production son collectif de travail et à chaque collectif son propre fonctionnement et ses relations externes plus ou moins développées.

27Une même entreprise a probablement aussi des équipements de génération différente et des ateliers organisés différemment qui fonctionnent sans être reliés les uns aux autres. Cette hétérogénéité productive est d’ailleurs la chose la mieux partagée par les entreprises des pays en développement et elle n’est pas vécue comme une absence d’ordre. Elle tend d’ailleurs à être plus forte quand les entreprises sont de taille importante, d’où une abondante production de prescriptions sur le nécessaire recentrage vers des « compétences centrales » (ou des métiers) qui traduit une préoccupation managériale face à une possible autonomie de ces systèmes productifs.

  • 15 En Chine, nous avons pu aussi montrer que les clients sont le principal canal d’entrée des technolo (...)

Exemple d’hétérogénéité productive en Asie

Dans le Sud de la Chine, un grand nombre d’entreprises combinent des procédés manuels assez simples et des chaînes automatisées extrêmement modernes. Cette hétérogénéité des procédés et des ateliers est le fruit de la croissance des entreprises et de leurs liens avec le marché et les conditions économiques. Cette hétérogénéité est la règle, sauf en certains cas de figure assez particuliers : lorsque l’entreprise introduit des innovations « architecturales » (Abernathy et Utterback, 1978) ; ou encore dans le cas d’industries de process (processus continus de grande ampleur comme dans la production de « commodities » dans la chimie ou, autre exemple, la production de film plastique transparent d’emballage où l’équipement est une usine entière à lui seul). Cependant, pour l’essentiel, l’hétérogénéité des processus de production au sein d’une même entreprise nous paraît l’aspect le plus persistant dans toutes nos observations sur tous les continents. Elle provient non seulement de l’histoire spécifique de chaque entreprise, comme nous venons de le rappeler, mais aussi du fait que les entreprises produisent pour des clients spécifiques. En Asie du Sud-Est, notamment à Taiwan (Ernst, 1997 ; Mathews et Cho, 2000) et en Chine (Krug et Mehta, 2001), les entreprises établissent de très nombreux liens non exclusifs avec des clients en grand nombre. Rares sont les entreprises qui dépendent d’un seul client et à chaque client nous trouvons des demandes particulières et parfois des processus de fabrication spécifiques. Même dans le cas de « clusters » industriels où les entreprises sont toutes plus ou moins liées par des liens de sous-traitance à une grande entreprise, comme c’est souvent le cas des industries d’assemblage (automobile, motos, électroménager), les PME sous-traitantes sont aussi fournisseurs pour des entreprises concurrentes15. Ainsi, l’hétérogénéité des procédés est en grande partie le résultat de cette hétérogénéité des clients.

L’hétérogénéité productive et la configuration des métiers

28À cette hétérogénéité s’ajoute l’existence de métiers différents au sein des organisations, le plus souvent se superposant ou s’articulant les uns aux autres, tel un feuilleté « organisationnel » (Boussard, Mercier et Tripier, 2003). Cette source d’hétérogénéité structurelle est bien connue de la sociologie des organisations. Par contre, il est moins courant d’en considérer la conséquence du point de vue des apprentissages technologiques. Ce qui nous semble remarquable, c’est que cette multiplicité interne conduit à la coexistence d’apprentissages qui ne sont pas nécessairement « synchrones » pour l’ensemble de l’entreprise.

29Nous avons eu l’occasion, en Chine, de voir plusieurs entreprises qui se montaient de toutes pièces à partir de la structuration d’ateliers collectifs, certains sans situation d’apprentissages « asynchrones » mais d’autres à l’inverse conduisant à réaliser une phase d’assimilation de technologies. Nous avons suggéré que ce mouvement simultané (et apparemment désordonné) explique le dynamisme important des entreprises en Chine (Arvanitis et Zhao, 2004). Tout cela n’est évidemment pas spécifique à ce pays. Par exemple, dans une entreprise de polymères pour des produits surfactants, il y a dix ans au Mexique, l’équipe de R&D nous signalait l’énorme progrès effectué dans la connaissance du procédé de production en continu, mais aussi l’impossibilité de l’installer dans son usine mexicaine, rationalisant cela par le fait que le marché était insuffisant pour rentabiliser ce procédé ; l’entreprise en a autorisé la vente en Corée du Sud où elle l’a même installé en envoyant ses ingénieurs sur place. Cas rare à cette époque, comme le soulignaient les articles dans l’ouvrage de Durand (1994), d’échanges technologiques Sud-Sud…

  • 16 Ce qui a été largement analysé par les sociologues de l’entreprise (Alter, 1991 ; Sainsaulieu, 1992 (...)

30La question de l’apprentissage dans l’entreprise revient donc à se demander si les différents collectifs « ateliers » sont généralisables au collectif « entreprise ». Car l’entreprise elle-même n’est pas une entité repliée sur elle-même ; elle se trouve insérée dans un ensemble de relations avec ses clients et ses fournisseurs, relations qui ont des répercussions immédiates sur la production et l’organisation du travail, comme cela est connu du courant de la contingence structurelle et de la dépendance sur les ressources en théorie des organisations. L’entreprise a également des liens avec des acteurs qui lui fournissent des règles, des contraintes et aussi des connaissances qu’elle ne peut pas générer de manière interne16.

  • 17 Liens de sous-traitance que Gereffi (1999) avait analysés assez tôt dans la confection. Thomas Frie (...)

31Les différences constatées d’un pays à l’autre, d’un marché à l’autre, d’une filière industrielle à l’autre sont très largement des différences dans les relations des entreprises avec leurs clients, leurs fournisseurs et leur environnement direct. Par exemple, dans le Sud de la Chine, nous avons constaté des entreprises très liées à leurs clients et cela de manière systématique aussi bien dans le textile que dans l’électronique (Arvanitis et al., 2006). Au Mexique, les liens aux clients semblaient moins dominants alors que ceux avec des fournisseurs l’étaient beaucoup plus (Arvanitis et Villavicencio, 2000). Sans rentrer dans le détail, signalons que la mondialisation de la production, qui a été la planche de salut de la Chine dans le Guangdong (Zhao et Arvanitis, 2008), province qui a été le principal moteur industriel du pays, s’est principalement exprimée par des liens de sous-traitance17.

32Ainsi, du point de vue de l’apprentissage technologique, il nous semble important de garder à l’esprit que ce n’est pas l’entreprise mais le système productif qui met en relation des producteurs et des donneurs d’ordres. Dans le cas de figure le plus fréquent des industries traditionnelles où le donneur d’ordres est à l’étranger et le producteur dans un pays en développement, il y a un déséquilibre interne qui se fait presque à l’insu des gestionnaires et des patrons de PME. Encore que, dans les interviews, ils nous semblaient être particulièrement conscients de cette possibilité de dépendance mais avouaient ne pas savoir comment y remédier. En d’autres termes, ils vendaient leur âme au Diable en connaissance de cause. Si les « chaînes de valeur » sont la base même du système mondialisé (Gereffi, 1999), alors il nous semble que la compréhension de la mondialisation passe très certainement par la compréhension fine de l’apprentissage technologique qui ne peut être lu comme le simple prolongement de décisions d’investissements nouveaux dans un monde productif réglé par les seuls échanges commerciaux.

Des mondes de l’innovation comme référence des systèmes productifs

33Les chaînes de valeur dans les industries intensives en main-d’œuvre (textiles, chaussures, assemblage) sont peut-être des cas limites car on y exploite systématiquement le différentiel de coût de la main-d’œuvre entre fournisseurs (pauvres) et producteurs finaux (riches). Il faut essayer de généraliser notre intuition au-delà de ces cas, certes fréquents mais finalement inadéquats pour comprendre un aspect central de l’apprentissage technologique, à savoir le fait qu’il articule des processus internes (collectifs productifs qui peuplent les entreprises et qui permettent d’accumuler des connaissances, savoir et savoir-faire) et des coopérations avec d’autres entreprises, clientes, fournisseurs ou partenaires (Arvanitis et Vonortas, 2000). Bien que chaque entreprise construise les conditions internes pour capter des connaissances à sa manière (Zhao, 2000), en revanche toutes les entreprises se doivent de construire un ensemble de relations avec leur environnement. Nous pouvons même affirmer que l’entreprise, en tant qu’entité, devient réalité grâce à cette mise en relation avec l’extérieur. Ces relations deviennent parfois des liens forts encastrant des ateliers ou des formes socio-techniques productives dans l’environnement et au-delà des frontières physique et organisationnelle de la firme. La création de capacités de R&D, la mise en place de technologies plus complexes, la confiance que certaines grandes entreprises accordent à des PME dans certains domaines sont l’aboutissement non seulement d’une stratégie spécifique de l’entreprise mais aussi de ces liens assez durables et privilégiés avec les acteurs dans son entourage.

34Ces échanges technologiques, achats et coopérations technologiques supposent un ensemble d’institutions, tout un univers social que nous proposons d’appeler monde de l’innovation, faute de mieux, dans la mesure où plusieurs institutions affichent comme objectif la promotion d’une nouveauté par des changements de technologie directement liés à la création ou à l’extension d’un marché. Cette idée de monde de l’innovation est proche de celle des « mondes de production » de Salais et Storper (1993). La différence essentielle est que chaque monde de production est un type industriel. Ici, nous ne voulons pas inférer une quelconque typologie des secteurs industriels. Mais nous partageons cette idée que les institutions, les pratiques organisationnelles, les règles et usages des techniques, les besoins de connaissances forment l’essentiel de ces liens externes des entreprises avec leur monde de l’innovation. L’analyse en termes de typologie, que nous avons proposée ailleurs (Pirela et al., 1993 ; Arvanitis et Villavicencio, 1998) est ainsi proche de la typologie de Pavitt (1984).

  • 18 À l’heure où nous rédigeons cet article, Jinling a été rachetée par une entreprise italienne d’élec (...)

35Nous assistons ainsi, dans le temps long du développement industriel, à une multiplication d’acteurs institutionnels qui interviennent dans le développement technologique des entreprises. Le concept de système d’innovation renvoie à cette réalité. Des régions entières vivent de cette activité d’intermédiation pour le compte des entreprises, par exemple la région frontalière entre le Mexique et les États-Unis (Villavicencio, 2003). Certaines grandes entreprises créent ce monde de l’innovation en même temps qu’elles constituent leurs réseaux de fournisseurs. Ce fut le cas des centres de R&D de grandes entreprises de Ciudad Juárez (Sony, Sanyo, Matsushita, Samsung, Valeo, Delphi), de la création de réseaux de fournisseurs pour l’électronique à Guadalajara (Rivera Vargas, 2004), ou encore de la création du réseau de fournisseurs et du centre de R&D de Dachangjian (troisième constructeur de motos en Chine) ou celui de Jinling18 (électroménager) dans le Sud de la Chine. La mise en place d’une politique de centres d’innovation dans le Sud de la Chine vise d’ailleurs à multiplier ces expériences (Arvanitis et Jastrabsky, 2005). Cet environnement socio-économique et technologiquement de plus en plus riche soutient les collectifs productifs des entreprises (Arvanitis et Qiu, 2009). Centres techniques, universités, institutions socio-techniques de formation ou de soutien aux entreprises sont autant d’acteurs qui forment un « écosystème » de plus en plus complexe, à l’image de ces « écosystème d’affaires » ou « clusters », concepts qui se sont généralisés et qui font écho à ce qui semble du coup ne pas être une spécificité des pays émergents.

36L’étudier n’est pas l’objet de cet article. Nous voulons seulement souligner, à la suite de Lundvall qui parlait du « learning by interacting », puis des nombreux travaux qui étudient l’entreprise comme une entité encastrée dans des réseaux industriels et commerciaux (Grabher, 1993), le fait que ce système doit correspondre aux capacités d’apprentissage des entreprises, donc aux collectifs productifs des entreprises qui sont l’acteur central de l’articulation du dedans et du dehors de l’entreprise en matière technologique.

Conclusion

37En parlant de la dynamique de l’apprentissage technologique nous avons insisté sur la spécificité du processus dans chaque entreprise, son caractère discontinu dans le temps et son caractère collectif. Nous l’avons située empiriquement non pas dans l’entité « entreprise » mais dans un monde de l’innovation, à partir de l’atelier productif industriel.

38Ainsi, dans la vie de l’entreprise, certains collectifs de travail définissent les liens déterminants pour la production. Nous avons beaucoup insisté sur la matérialité de ce processus qui organise moins les frontières du système productif que des zones denses d’apprentissage technologique. Cet aspect collectif du processus d’apprentissage qui relie l’interne et l’externe, nous semble en partie expliquer l’aspect « miraculeux » du développement, à savoir le fait que les entreprises adoptent, adaptent et développent certaines technologies alors même que leur potentiel en hommes semble faible ou que l’environnement semble peu propice au développement de technologies. Le prolongement du « miracle » est d’autant plus visible que les entreprises industrielles se multiplient au sein de districts ou de clusters, car, nécessairement, elles développeront des liens utiles pour nourrir leur capacité de production et bénéficier d’ « externalités positives ».

39La relative déconnexion des capacités productives et technologiques, postulée par les travaux effectués à la suite de Bell et Pavitt, nous semble donc avoir été largement surestimée. En réalité, l’apprentissage technologique ne contribue pas, à proprement parler, à la « capacité technologique », car il est lui-même cette capacité technologique. Pour le dire autrement, cette « capacité technologique » dont parlent les économistes s’incarne dans ce processus collectif de recherche, de mise en place, d’exploration et de développement des technologies ; elle est donc synonyme de l’apprentissage technologique.

40L’articulation entre l’apprentissage des collectifs issus de l’entreprise et les sources externes de technologie est le second aspect sur lequel nous voudrions insister pour finir. Il est aujourd’hui banal de souligner l’importance des relations de l’entreprise avec son environnement. Mais nous voudrions attirer l’attention sur le rôle très particulier des relations « techniques » à savoir les liens avec des institutions qui fournissent technologies et produits, plutôt que de l’ensemble des relations économiques et financières des entreprises. Cet environnement technique que nous proposons d’appeler monde de l’innovation est composé d’institutions qui justement centrent leur attention sur la promotion de l’apprentissage technologique des entreprises. Le développement et le « rattrapage » peuvent être compris dans ces termes. Les pays à forte dynamique économique, anciens (petits) et nouveaux (grands) dragons, construisent ces mondes de l’innovation et voient proliférer des entreprises qui établissent les relations nombreuses avec leur environnement, qui font toujours l’étonnement des observateurs. Ainsi, avant de s’empresser de parler de système d’innovation, il nous semble utile de commencer par penser et décrire ces mondes de l’innovation qui traversent et entourent les entreprises et dont les apprentissages technologiques sont le moteur.

41Il découle d’une telle démarche qu’il est essentiel de conduire des analyses précises et comparées des savoirs productifs pour permettre de dépasser certaines limitations usuelles de l’analyse en termes d’apprentissage organisationnel. Les choix s’élaborent dans l’apprentissage technologique et ce sont ces expériences qui servent de levier au développement. Leur maîtrise suppose alors de remplir un certain nombre de conditions de reconnaissance des activités techniques et cognitives au plus près des ateliers, ce qui est loin d’être simple à satisfaire. On pourrait vouloir aller plus loin et soutenir que ces savoirs productifs s’incarnent dans la façon dont les collectifs productifs maîtrisent les équipements, produits, objets techniques, artefacts, mais aussi dans les liens que cette maîtrise oblige à entretenir avec l’environnement institutionnel et économique de l’entreprise. Une telle orientation invite alors à contester la seule maîtrise des savoirs gestionnaires qui permettraient à eux seuls d’obtenir cette « capacité d’innovation ».

Nous remercions Marc Barbier qui nous a utilement conseillé de nombreuses modifications dans plusieurs versions précédentes de cet article mais les erreurs contenues ici sont de notre seul fait. Il serait impossible de remercier tous ceux qui par nos discussions ont alimenté ce long programme de recherche. Toutefois, sans Arnoldo Pirela, Rafael Rengifo, Alexis Mercado et Pablo Testa, Hebe Vessuri, Roland Waast, Gabriela Dutrénit, Jean Ruffier et Qiu Haixiong, toutes ces recherches n’auraient pas eu lieu. Ils se reconnaîtront dans certaines de ces idées.

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Notes

1 Les observations sont issues de cinq terrains auxquels ont participé les auteurs, qui ont donné lieu à plusieurs publications. Deux enquêtes au Venezuela en 1988 (Pirela, Rengifo, Arvanitis et al., 1993) et en 1992 (Pirela, Arvanitis, Rengifo et al., 1992), trois enquêtes au Mexique en 1994 (Arvanitis et Villavicencio, 1998), en 1996 (Arvanitis et Villavicencio, 2000), puis en 2004 (Villavicencio, Flores, González et al., 2005 ; Villavicencio et Diaz Lopez, 2007 ; Villavicencio, 2009). Voir aussi Pirela (1995), Testa (1996), ainsi qu’une longue enquête dans le Sud de la Chine en 2002-2003 (Arvanitis et Qiu, 2004 ; Arvanitis, Zhao, Qiu et al., 2006 ; Zhao, 2006a ; Arvanitis et Zhao, 2007 ; Zhao et Arvanitis, 2008, 2010). Trois articles exploratoires ont également été publiés au Venezuela (Pirela, Rengifo, Arvanitis et al., 1991) au Mexique (Villavicencio et Arvanitis, 1994) et en Chine (Arvanitis, 2000) à l’occasion du lancement des recherches empiriques. Trois colloques ont été organisés pour réunir les chercheurs travaillant sur l’apprentissage technologique à Mexico (1996) et à Canton (2000 et 2004).

2 Rappelons que le débat sur le lien entre organisation et stratégie a fait couler beaucoup d’encre (Mintzberg, Ahlstrand et Lampel, 1998). Pour les besoins de notre exposé, nous avons une tendance à les confondre.

3 On pourra lire une révision du champ de l’apprentissage organisationnel dans la thèse de Tanguy (1996) et l’article de Tanguy et Villavicencio (2000).

4 Là aussi nous trouvons une multiplicité d’approches ; par exemple Sveiby (2000) qui assimile la gestion des connaissances à une gestion des compétences du personnel. Il suffit de lire les travaux d’Armand Hatchuel pour se rendre compte de la faiblesse d’une telle proposition (Le Masson, Weil et Hatchuel, 2006). Marie-Pierre Bès (1998) avait tenté de préciser les contours de cette capitalisation des connaissances nécessaire pour pouvoir parler de gestion des connaissances. Elle montrait que cette approche surévaluait les systèmes de gestion informatisée des données et, surtout, ne prenait pas en compte les spécificités des contextes productifs et la dimension collective du travail. Une évaluation récente des travaux dans ce domaine confirme cette analyse (M.-Y. Chen et Chen, 2005).

5 On trouvera une synthèse intéressante des travaux des économistes de l’apprentissage dans l’analyse du rattrapage économique dans Dutrénit (2004).

6 Remarquons que les économistes évolutionnistes travaillant sur la croissance et le rattrapage des entreprises dans les pays en développement semblent ignorer cette littérature qui est rarement mentionnée.

7 En Asie, une réflexion émanant des gestionnaires met le doigt sur le lien entre la croissance des entreprises, la stratégie et les formes de gestion dans le cadre de l’analyse des transferts de technologie (P. Wang, Singh et Tong, 2001). Les travaux asiatiques ont tendance à privilégier une approche gestionnaire où la technologie est une donnée externe.

8 L’importance de cette distinction dans les travaux sur le développement industriel n’est pas fortuite. Depuis le début des années 1980, Martin Bell animait un séminaire au SPRU (Sussex) sur le développement technologique par où sont passés comme doctorants la quasi-totalité des jeunes économistes qui ont par la suite publié sur ce même sujet. Le réseau Globelics s’est en grande partie nourri de ce formidable potentiel humain.

9 Cette dichotomie renvoie aux travaux pionniers de Bateson sur les niveaux d’apprentissage et aux « boucles d’apprentissage » d’Argyris et Schön (1978).

10 Nous avons publié une collection d’exemples d’innovations importantes dans un dossier du Journal of Technology Transfer (2000), 25(1) (Arvanitis et Vonortas, 2000).

11 Ces observations empiriques dans des usines en France, au Mexique et en Argentine ont été recensées dans l’ouvrage de Jean Ruffier (1996) et dans celui dirigé par Claude Durand (1994). Le petit réseau de chercheurs intitulé INIDET, fondé par Jean Ruffier, a été le lieu de discussion de ces travaux pendant presque dix ans (INIDET, 2002).

12 Cette définition ainsi que l’essentiel des travaux ayant abouti à cette définition ont été publiés dans un livre collectif au Venezuela (Pirela et al., 1991).

13 Voire du système d’innovation si les liens impliquent des entités dédiées à la recherche, comme le suggèrent Gibbons et al. (1994) ou Etzkowitz et Leydesdorff (1997).

14 Lall (1987) mentionne successivement différents termes qui traduisent bien la multiplicité des activités par lesquelles un apprentissage advient suivant des situations particulières foncièrement collectives : learning by doing, learning by adapting, learning by design, learning by improved design, learning by setting up complete production systems, learning by design of new processes.

15 En Chine, nous avons pu aussi montrer que les clients sont le principal canal d’entrée des technologies nouvelles de production et de produits dans les entreprises (Arvanitis et al., 2006). Plusieurs travaux concordent sur cet aspect (cf. Sonobe, Hu et Otsuka, 2006 ; W. Wang et Huchet, 2008 ; Bellandi et Di Tommaso, 2009).

16 Ce qui a été largement analysé par les sociologues de l’entreprise (Alter, 1991 ; Sainsaulieu, 1992 ; Segrestin, 1992).

17 Liens de sous-traitance que Gereffi (1999) avait analysés assez tôt dans la confection. Thomas Friedman (2005) l’a popularisé en parlant de l’avènement d’un « monde plat » dans lequel la production industrielle n’existe qu’au prix d’un fort engagement vis-à-vis des clients étrangers, d’une soumission de l’apprentissage interne à la pression économique qui s’exerce sur l’entreprise, d’une transformation aussi du lien entre fournisseur et client, car le client doit aussi fournir une part de sa technologie à son sous-traitant.

18 À l’heure où nous rédigeons cet article, Jinling a été rachetée par une entreprise italienne d’électroménager.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Rigas Arvanitis, Daniel Villavicencio et Zhao Wei, « L’apprentissage technologique dans les pays émergents »Revue d’anthropologie des connaissances [En ligne], 8-3 | 2014, mis en ligne le 01 septembre 2014, consulté le 25 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/rac/3598 ; DOI : https://doi.org/10.3917/rac.024.0495

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Auteurs

Rigas Arvanitis

Directeur de recherches de l’IRD, membre de l’UMR 196 CEPED et de l’Institut Francilien Recherche Innovation et Société (IFRIS), il a récemment dirigé trois ouvrages : China Innovation Inc. (Sciences Po, Paris, 2012) en hommage à Romain Bironneau, avec François Bafoil et Bernard Kahane ; Moving to the future in the Euro-Mediterranean research and innovation partnership – The experience of the MIRA project, numéro spécial de la revue Options méditerranéennes (Series B – Studies and research) avec C. Morini, R. Rodriguez et R. Chaabouni, 2013 ; et co-édité avec Jacques Gaillard (2013) Research collaborations between Europe and Latin America. Mapping and Understanding partnership (Éditions des Archives contemporaines, Paris). Il est aussi chercheur associé au Conseil national de la recherche scientifique du Liban et professeur invité de l’American University of Beirut (AUB).
https://orcid.org/0000-0002-5588-1576

Adresse : CEPED, 19 rue Jacob, FR-75006 Paris (France).
Site web : http://rigas.ouvaton.org/
Courriel : rigas.arvanitis[at]ird.fr

Articles du même auteur

Daniel Villavicencio

Sociologue, professeur de l’Université Autonome Métropolitaine-Xochimilco (UAM-X), spécialisé dans l’analyse des politiques de science, technologie et innovation, recherche en économie et sociologie de l’Innovation et auteur de plusieurs articles et ouvrages sur ces sujets, il a récemment dirigé Dilemas de la Innovación en México, Dinámicas Sectoriales e Institucionales avec Jorge Carrillo et Alfredo Hualde (COLEF, Tijuana, 2012) ; Dinámicas institucionales y políticas de innovación en México, avec Adriana Martínez Martínez et Pedro Luis López de Alba (UAM-X, Mexico, 2011) ; Villavicencio, D., Morales, A., Amaro, M. Indicadores y asimetrías sobre la sociedad basada en el conocimiento en América Latina, Perfiles Latinoamericanos, n°40, julio-diciembre 2012, pp. 63-95.

Adresse : UMA-X, Calz. del Hueso 1100, Col. Villa Quietud, México DF 04960 (Mexique).
Courriel : dvillavic[at]correo.xoc.uam.mx

Zhao Wei

Professeur à l’École de commerce à Saint-Étienne, il est également chercheur associé de l’Institute of Research for Reform & Development of Pearl River Delta de l’Université Zhongshan (Sun Yat-sen) à Canton (Chine) et auteur de plusieurs rapports sur l’économie chinoise, il développe une recherche sur la mise à niveau des entreprises chinoises. Il a récemment publié : La capacité d’innovation chinoise – Apprentissage technologique dans les industries automobiles et électroniques (Presses académiques francophones, Saarbrücken 2013) ; avec Rigas Arvanitis, Chine : cherche tête chercheuse, dans Alternatives Internationales, hors série n°014, janvier 2014 ; avec Joël Ruet, Chine : comment la transition économique redessine l’innovation, dans Regards sur la Terre 2014, Armand Colin, Paris, 2014.

Adresse : Institute of Research for Reform &Development of Pearl River Delta, 4/F, Xianweijian Hall, Sun Yat-sen University, 135, Xingangxi Road, Guangzhou 510275 (China).
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