2Peut-on restituer l’ordre ? Sur certains sites, par exemple Villards d’Héria (Jura), ont été exhumés en même temps des bases, des fûts monolithes et des chapiteaux qui permettent d’analyser les proportions et même de proposer des anastyloses. Ce n’est pas le cas à Alésia où les différents éléments sont très variés dans leurs formes et leurs dimensions, sans rapport avec des tambours de colonne ou des bases, à une exception près (chapiteau B 27 et base B 29). Il n’est donc pas possible d’étudier l’ordre toscan sur ce site. Le terme d’ordre n’est pas très approprié pour le toscan puisque les épistyles sont souvent des poutres en bois et que, hormis quelques temples, il n’y a pas d’entablement au sens strict du terme.

3En revanche il m’a paru souhaitable de faire une description des chapiteaux pour tenter de les situer dans l’un des cinq ordres, toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. Pour cela, il faut au préalable, analyser le chapiteau dorique grec et voir ce qu’il en est à l’époque romaine.

Analyse du chapiteau dorique

4Le chapiteau dorique d’origine grecque présente la caractéristique d’être en quelque sorte l’évasement du fût sous la forme d’une échine de plan circulaire supportant un abaque de plan carré. Les cannelures à arêtes vives du fût viennent s’amortir à la naissance de l’échine sous une série de petites moulures saillantes superposées, souvent au nombre de trois, les annelets : le chapiteau du Parthénon en a cinq (fig. 1).

6Au temple d’Héra II de Paestum (fig. 2), ce joint est plus bas que les filets mais ces derniers, bien que simplement décoratifs, conservent leur rôle architectural qui est de situer la naissance du chapiteau. En effet les spécialistes considèrent que le chapiteau naît au niveau des filets et appellent la zone entre les filets et les annelets le collet ou le gorgerin selon leur profil ; c’est dans cette zone que, dans certains chapiteaux anciens, se concentre un décor très fin : plusieurs chapiteaux de la façade ouest du temple d’Héra I (la « basilique ») de Paestum possèdent un délicat décor à la naissance de l’échine associé à un gorgerin accentué (fig. 3).

7L’échine, très évasée, a un profil convexe, profil en « galette » ou « miche de pain » pour les plus anciens. Puis ce profil a eu tendance à se raidir pour devenir, après le point d’équilibre du Parthénon, pratiquement conique avec peu de hauteur.

8L’abaque, de plan carré et lisse, permet de passer du plan rond de la colonne à une surface quadrangulaire pour supporter l’architrave. Cet abaque ne déborde pas ou très peu sur l’échine, c’est-à-dire que le diamètre de l’échine correspond à très peu près à la largeur de l’abaque.

Où trouve-t-on ces chapiteaux à l’époque romaine ?

10Dans le domaine des ordres, l’architecture romaine a subi les influences étrusques et grecques tout au long de la conquête de l’Italie par Rome. Il est assez remarquable de trouver de très nombreux monuments religieux et civils dont les colonnes ont conservé la structure de la colonne dorique grecque, c’est-à-dire que les fûts ne sont pas couronnés par un astragale qui, visuellement et structurellement, les isole du chapiteau, ce dernier ayant une silhouette très proche de leur modèle grec : une échine à profil très tendu, proche du cône et de peu de hauteur. L’exemple du temple de Cori est intéressant (fig. 4).

11Les huit colonnes conservées du pronaos de cet élégant temple tétrastyle prostyle supportent un entablement où l’architrave et la frise à triglyphes dorique (quatre triglyphes par entrecolonnement) sont sculptées dans une même assise (bloc d’architrave-frise). Au-dessus se trouvent la corniche et le fronton. Des bases à un tore supportent des fûts cannelés à arêtes vives dont le tiers inférieur est un polygone lisse ayant autant de côtés que de cannelures. Les cannelures n’atteignent pas l’échine mais s’arrêtent selon une ligne horizontale, une quinzaine de centimètres sous les annelets : en considérant que cette zone entre la fin des cannelures et les annelets est la gorge, ou mieux, le collet, nous avons bien les proportions du chapiteau dorique décrit par Vitruve. L’ordre utilisé dans ce monument est presque une copie fidèle de l’ordre grec : l’arrêt net des cannelures à la naissance du collet provoque une fine ligne d’ombre horizontale interrompue à chaque arête, qui remplace le ou les filets des chapiteaux doriques grecs.

12D’autres monuments peuvent être rapprochés du temple de Cori : le temple de Vénus à la Villa d’Hadrien à Tivoli, le Tabularium à Rome, et, à Pompéi, les portiques du forum, la maison des Amours dorés, celle des Amants (fig. 5), ainsi que les portiques de la villa d’Oplontis et bien d’autres. Parmi ces exemples, seuls les temples et le Tabularium ont un entablement avec frise de triglyphes et métopes ; les autres se trouvent dans l’architecture civile, plus libre à l’égard des ordres.

13À Ostie, la belle publication de Patrizio Pensabene montre un grand nombre de chapiteaux dont la modénature est très proche de ceux dont il vient d’être question (PENSABENE, 1973). L’auteur les définit comme toscans. Il se trouve que pour la plupart, on ne voit que les chapiteaux, sans indication sur les fûts qui les portaient. Cependant le chapiteau n° 1 de la planche 1 correspond parfaitement au chapiteau dorique grec défini plus haut, avec un sommet de fût sans astragale ; il en est certainement de même pour nombre d’entre eux (fig. 6).

14En France sur le site de Glanum peut être mis dans cette série un chapiteau présenté sur un fût moderne (fig. 7).

15Tous ces exemples ont en commun le fait souligné plus haut que les fûts associés à ces chapiteaux ne possèdent pas d’astragale (congé ou cavet, listel et baguette) séparant clairement le fût et le chapiteau. Visuellement, le fût et le chapiteau sont tout à fait solidaires. Dans cet esprit le chapiteau de la colonne Trajane entre dans la même série (fig. 8) : les sculpteurs ont fait apparaître le sommet des cannelures à arêtes vives immédiatement sous le chapiteau composé d’un petit bandeau lisse, d’un rang de perles et pirouettes et d’une échine somptueusement ornée d’oves ; l’abaque est lisse.

16Cette colonne est vraiment dorique, la magnifique frise historique pouvant s’interpréter comme une immense bande dessinée sur un support pétrifié s’enroulant autour du fût et masquant les cannelures sur presque toute leur hauteur.

D’où nous vient cette structure du chapiteau « dorique romain » qui s’est imposée à nous ?

17C’est vers les traités d’architecture de la Renaissance qu’il faut se tourner pour comprendre ce qu’il s’est passé.

18L’intérêt pour l’art et l’architecture antiques a été considérable à la Renaissance. Le texte du théoricien Vitruve, qui a vécu au I^er siècle avant J.-C., son De Architectura en dix livres, a été étudié par tous les architectes depuis le XV^e siècle. Ce texte est une compilation de conseils très variés sur l’architecture vue sous l’angle des proportions. Pour le sujet qui nous intéresse ici, les ordres dorique et toscan, il parle principalement des proportions des éléments qui les constituent selon leur échelle, dans une recherche constante du beau et du convenable, tout en affirmant que l’ordre toscan est un ordre dorique plus fruste et trapu. Pour les chapiteaux de ces ordres, il donne une description identique fondée sur la hauteur relative des éléments qui les constituent sans entrer dans le détail des moulures de l’échine. Pour le chapiteau dorique, « la hauteur sera égale à un module, sa largeur à deux modules 1/6^e. Une fois la hauteur du chapiteau divisée en trois parties, on en retiendra une pour l’abaque et son couronnement, une pour l’échine avec ses annelets, la troisième pour le gorgerin » (GROS, 1992, p. 15). Pour le chapiteau toscan « La hauteur du chapiteau correspondra à la moitié du diamètre et la largeur de l’abaque au diamètre de base de la colonne. La hauteur du chapiteau doit être divisée en trois parties, l’une réservée à la plinthe qui forme l’abaque, l’autre à l’échine et la troisième au gorgerin avec l’apophyge » (ibid., p. 27-28). Dans son commentaire du livre IV, P. Gros, à propos de ces chapiteaux, parle de Vitruve « enfermé qu’il est dans son système numérique, il ne nous dit rien du profil des modénatures » (ibid., p. 130). Cette description des chapiteaux dorique et toscan est très intéressante pour notre propos parce que, muette sur le décor, elle ne mentionne pour le chapiteau dorique que les annelets, qui sont un attribut caractéristique du dorique grec. Il est clair que Vitruve considérait comme doriques les chapiteaux dans la lignée du dorique grec.

19Peut-on s’appuyer sur des monuments antiques ayant utilisé l’ordre toscan ? Bien que, pour cette époque, il soit difficile de dire si des monuments étrusques ou romains pouvaient avoir utilisé cet ordre, Pierre Gros, dans son commentaire du Livre IV, donne à sa fig. 42 la vue du sanctuaire de Quirinus tel qu’il apparaît sur l’un des « reliefs Hartwig » du Musée national des Thermes à Rome, où l’on voit un chapiteau très semblable à celui décrit par Vitruve (fig. 9). À propos de cette figure, il ajoute : « On y observe en effet un chapiteau qui s’apparente au chapiteau toscan défini par Vitruve, bien que celui-ci décrive le monument comme dorique en III, 2, 7 ».

20Il n’est pas certain que ce relief fût connu à la Renaissance, mais à cette époque ce sont les monuments conservés que les architectes vont étudier sur place et en faire des relevés très détaillés, dessins qui seront diffusés par les gravures. On peut citer en particulier le Traité des cinq ordres d’architecture de Vignole, paru en 1562. Parmi ces monuments, il faut faire une place particulière au théâtre de Marcellus dont le rez-de-chaussée n’était pas entièrement masqué par la surélévation du terrain (fig. 10, 11 et 12).

21Cette gravure du XV^e s. et la photo du XIX^e s. montrent que l’on voyait très bien un puissant chapiteau soutenant un entablement dorique avec frise de triglyphes et de métopes. « Le théâtre de Marcellus est alors l’exemple majeur de la superposition des ordres et de la pureté des colonnes doriques sans base » (BIDAUD, 2011, p. 29). La figure 11 permet de voir une colonne engagée au fût lisse avec astragale soutenant un chapiteau composé d’un collet vertical, d’une échine profilée en quart-de-rond soulignée par trois filets droits (souvenir de annelets du dorique grec) et d’un abaque couronné par une fine mouluration. C’est exactement ce que nous montrent les chapiteaux de la Renaissance, par exemple à Vérone et Montagnana (fig. 13), chapiteaux universellement considérés comme doriques.

22Or si l’on regarde les exemples des chapiteaux doriques conservés à Cori ou au Tabularium, que Vitruve connaissait, il faut admettre que les chapiteaux du rez-de-chaussée du théâtre de Marcellus ne peuvent pas être considérés comme doriques : ils sont toscans.

23Cette idée que les entablements manifestement doriques puissent surmonter des chapiteaux toscans ne doit pas être un obstacle. L’Antiquité donne de très nombreux exemples d’associations non canoniques dans les ordres ; par exemple à Assos, la façades du temple d’Athéna montre des architraves ornées d’une frise de centaures galopant vers deux sphinx dans l’axe du monument, ou à Arles, la façade extérieure du théâtre montre des pilastres toscans supportant un entablement dont l’architrave est ornée d’une frise dorique (triglyphes et métopes) surmontée d’une frise à rinceau et d’une corniche modillonnaire, ou encore à Aoste, où l’arc d’Auguste présente une frise dorique au-dessus de chapiteaux corinthiens (fig. 14). En conclusion, dans l’Antiquité, il faut admettre que les constructeurs se sont bien souvent écartés des principes énoncés par Vitruve.

24En ce qui concerne les ordres dorique et toscan, il faut renoncer à parler de dorique romain et accepter que tous les chapiteaux qui sont séparés du fût par un astragale et de plus, ont une échine qui s’écarte du profil à courbe convexe, même très tendue, doivent être considérés comme toscans. La planche 43 du volume II du Dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine montre que les chapiteaux du Colisée ou de l’amphithéâtre de Capoue sont toscans (fig. 15 et 16) (GINOUVÈS-MARTIN, 1992, II, pl. 43).

25Concernant la modénature, spécialement le profil des moulures de l’échine, il est possible d’affirmer que tous les chapiteaux les plus simples ne comportant qu’un collet, une échine et l’abaque, sont toscans (fig. 17).

26Ce préambule nous permet d’affirmer que les chapiteaux d’Alésia sont bien toscans. La petite ville gallo-romaine a livré plus de 50 chapiteaux dans un état de conservation variable ainsi que de très nombreux petits fragments qu’il est facile d’attribuer à des chapiteaux toscans. Présentés au musée Alesia ou conservés dans les réserves, leur lieu de trouvaille est très rarement connu, ces blocs ayant souvent été exhumés des puits ou des caves. Cela se comprend bien : avec le temps, le site a été rasé par les labours et aucune colonne n’est restée debout, sauf trois fragments inférieurs de fût qui ont été conservés en place. Seuls les éléments, bases, fûts et chapiteaux, du monument d’Ucuetis ont fait l’objet d’une anastylose partielle (MARTIN, VARÈNE, 1973).

Catalogue des chapiteaux toscans d’Alésia

27Avant de les passer en revue, il me paraît utile de définir le nom des moulures utilisées et leur forme (fig. 18).

28Dans son analyse du chapiteau toscan, le Dictionnaire méthodique de Ginouvès et Martin fait une distinction dans les moulures situées entre le collet lisse et l’abaque : il considère que les deux ou trois moulures inférieures sont le couronnement du collet soutenant l’échine proprement dite. Cette analyse du dictionnaire correspond bien à de nombreux chapiteaux mais n’a pas été évoquée par Pierre Broise dans son essai de typologie, considérant que l’échine englobe la totalité des moulures. Dans les descriptions accompagnées de figures cotées, nous garderons l’esprit du dictionnaire raisonné et distinguerons bien le couronnement du collet de l’échine proprement dite, et ferons ensuite quelques remarques.

29Pour mettre en ordre les blocs d’architecture, il leur a été attribué un numéro d’ordre précédé de la lettre B (Bloc), par exemple B 07, B 25, etc. Ce numéro n’est qu’un repère pour faciliter les attributions (description, photographies, relevés, dessins) et pour les retrouver là où ils ont été déposés. Les blocs d’architecture du musée font actuellement l’objet d’une numérotation qui sera probablement accessible aux visiteurs intéressés avec une table de concordance entre ces deux listes. Nous garderons cette numérotation arbitraire pour ce catalogue, numérotation déjà utilisée dans les rapports et les publications précédentes. J’ajoute que sur plusieurs blocs, des numéros peints au pochoir correspondent à des listes aujourd’hui perdues. D’autres numéros précédés de la lettre B correspondent à ma nomenclature. Enfin, sur plusieurs blocs ont été fixées des petites pastilles ovales en laiton portant un numéro précédé de B (par exemple B 15, fig. 23, ou B 30, fig. 29).

31• B 07 (fig. 19)
Fragment de chapiteau, en mauvais état de conservation mais archéologiquement complet du sommet du collet à la tablette portante circulaire dégagée au tour. Sur la doucine inférieure, gros chiffre 7 au pochoir, correspondant à une liste aujourd’hui disparue.

32De bas en haut, se superposent doucine, listel (presque un quart-de-rond), doucine (ou cavet à arête inférieure arrondie), listel et abaque en saillie de 0,5 cm avec tablette portante.
Sur une face latérale une double échancrure verticale avec des profondeurs différentes difficiles à interpréter (cadre de porte ou grille ?). La profondeur de cette échancrure correspond à très peu près au parement du collet.

33• B 08 (fig. 20)
Bloc complet en hauteur comprenant le chapiteau et le sommet du fût (lettre A gravée sur le lit de pose par l’étudiant Cavarek vers 1970). État de conservation médiocre : les moulures sont épaufrées mais se lisent assez bien sur une partie du chapiteau.

34- Lit de pose : une grosse mortaise pour le tour de 7 x 8 cm de côté et 5 cm de profondeur ; les angles au contact du lit de pose sont émoussés.
- Élévation : au dessus d’un fût lisse avec astragale sur congé peu net, le collet lisse avec couronnement – un cavet en légère saillie (0,5 cm), un petit listel, un filet droit dont l’arête inférieure est usée (quart-de-rond ?) –, supporte une échine (un cavet, un listel, et un filet droit) et l’abaque. Celui-ci, de plan carré, est en saillie de 1,5 cm sur deux faces opposées et de 2,5 cm sur les deux autres faces.
- Lit d’attente : une tablette portante circulaire surélevée de 1 cm au centre de laquelle la mortaise pour le tour (8 x 8 cm, profonde de 9 cm), dont le fond est creusé par un trou de louve en queue d’aronde dans l’axe de la mortaise ; le sommet de cette mortaise est abîmé sur deux faces.

35• B 09 (fig. 21)
Bloc complet en hauteur comprenant le chapiteau et le sommet du fût. Sur le fût, un gros chiffre 23 a été écrit à l’envers au pochoir : cette inversion est-elle la conséquence de la lecture du manuel de Grenier ? Pourquoi pas ?

36- Lit de pose : mortaise carrée du tour 5 x 5 cm, profonde de 5 cm.
- Élévation : fût lisse avec astragale (petit filet droit et baguette peu saillante). Collet trapus haut de 4,5 cm et son couronnement (un filet droit, un cavet et un listel). L’échine est réduite à un large cavet orné d’une petite baguette saillante au 2/3 de sa hauteur, surmonté par un listel et une baguette en quart-de-rond qui complète les moulures habituelles. L’abaque carré fait saillie de 1 à 1,6 cm par rapport à la baguette.
- Le lit d’attente, dont la tablette portante de plan circulaire dégagée au tour surmonte l’abaque de plus de 2 cm avec un profil fait de plusieurs petits décrochements, résultat du travail au tour. Au centre, mortaise pour le tour 4,5 x 4,5 cm ; un trou de louve, profond de 10,5 cm et long de 10,5 cm à sa base, a été creusé dans la diagonale de la mortaise du tour.

37• B 10 (fig. 22)
Bloc complet en hauteur comprenant le chapiteau et le sommet du fût.

38- Lit de pose : au centre la mortaise du tour rectangulaire (7 x 5 cm) a une profondeur irrégulière de 5 à 6,5 cm.
- Élévation : le sommet du fût (Ø 37,5 cm) est couronné par un astragale abîmé. Le collet, d’un diamètre supérieur à celui du fût (Ø 39,5), et son couronnement (cavet élancé et listel), supportent l’échine (filet droit, grand cavet, fin listel et une baguette). Cette échine est donc encadrée par deux moulures supplémentaires (filet droit et baguette). Curieusement l’abaque a du être retaillé après coup car il est moins large que le diamètre que la baguette et ses parements sont légèrement obliques. De plus, il y a, sur l’une des faces, une large échancrure peu profonde (3,5 cm) et haute de 6 cm.
- Lit d’attente : au centre de la tablette portante, le trou du tour (5 x 7 cm) a une profondeur irrégulière (4,5 à 6 cm) ; un profond et étroit (0,6 cm) sillon circulaire est visible sur les deux angles conservés ; son diamètre est le même que celui de la baguette supérieure de l’échine et confirme que cet abaque a été retaillé pour une raison inconnue.

39• B 15 (fig. 23)
Pastille de laiton fixée sur l’abaque. Petit fragment central d’un chapiteau montrant le sommet de l’échine : cavet, listel et baguette bien dégagée.

40- L’abaque a une longueur semblable au diamètre de la baguette pour ce fragment conservé, ce qui n’est pas forcément le cas pour l’ensemble du chapiteau.
- Une tablette portante très peu saillante dont on ne voit qu’une petite partie et son rebord.
Ce chapiteau a été dessiné parce que, malgré sa petite taille, la restitution monte qu’il fait partie des gros chapiteaux du site avec son abaque de 66 cm.

41• B 16 (fig. 24)
Ce bloc complet en hauteur (41,5 cm) montre le sommet du fût : listel plat déversé, listel, baguette et doucine renversée pour se raccorder au collet. Ce dernier (Ø 30,5 cm), lisse et vertical, a un couronnement (cavet tendu saillant et listel) supportant l’échine (cavet tendu et listel).

42- L’abaque carré a deux angles opposés cassés.
- Les lits d’attente et de pose ont chacun une mortaise de tour (5 x 6 cm). La tablette portante ronde a 0,5 cm d’épaisseur. Une échancrure latérale a coupé l’astragale et le chapiteau.

43• B 23 (fig. 25)
Ce fragment montre le sommet du couronnement du collet (petit cavet incomplet, listel) et l’échine (grand cavet, listel et baguette). De l’abaque il ne reste que deux petites zones de parement et une partie de la tablette portante.

44• B 25 (pas de figure)
Ce tout petit fragment haut de 17 cm montre le sommet du collet (Ø 36 cm), un petit cavet en saillie, un listel et la partie inférieure d’une doucine ou cavet à arête arrondie.

45• B 26 (fig. 26)
Bloc complet en hauteur (38 cm) comprenant le chapiteau et le sommet du fût.
- Le fût lisse (Ø 32 cm), couronné par une baguette au profil géométrique, supporte un collet de même diamètre, très court (3,5 cm) couronné par un petit cavet saillant et un listel. L’échine proprement dite comprend une doucine ou un haut cavet à arête inférieurs arrondie, un listel un peu arrondi et une baguette.

46- L’abaque est carré avec tablette portante circulaire (même diamètre que le fût Ø 32 cm). Sur deux faces opposées ont été aménagées des saignées verticales pour s’adapter à des cadres de portes ou fenêtres ; des mortaises carrées et angulaires ont été creusées dans le collet.
- Au centre du lit d’attente se trouve une mortaise de tour de 5 x 6 cm, profonde de 5,3 à 5,8 cm. La mortaise du lit de pose 5 x 5,5 cm n’est profonde que de 3 à 4 cm : cette surface a du être retaillée, peut-être pour réduire la hauteur du bloc au moment de la pose ?

47• B 27 (fig. 27)
Sur ce chapiteau se trouve le numéro 49 en chiffres de 5 cm peint à l’envers au pochoir, correspondant à une liste ancienne dont nous n’avons plus le code. L’auteur de cette peinture a peut-être pensé qu’il s’agissait d’une base ? Ce bloc haut de 82 cm est présenté au musée Alésia, scellé sur un bahut qui en masque le bas.

48- Le fût lisse garde des traces du tour mais son parement légèrement galbé n’a pas une courbe parfaite ; son astragale : cavet, listel et baguette avec une incision au centre caractéristique du travail au tour. Le collet lisse et légèrement tronconique (Ø 25,21 au bas et 25,08 en haut) est couronné par un cavet et un listel. L’échine (cavet plus ample et listel) supporte l’abaque carré dont trois angles sont cassés.
- Le lit d’attente possède une tablette portante ronde et très saillante (1 cm) dégagée au tour. Une trace de scie verticale se voit dans l’un des angles cassés. Les parois de la mortaise du tour (4 x 4 cm ; profondeur 6 cm) ont été vigoureusement retaillées, au point que l’on ne voit plus très bien les côtés.
Ce bloc paraît se raccorder avec la base B 29.

49• B 28 (fig. 28)
De ce petit chapiteau il ne reste que le sommet du collet (Ø 18,5 cm) et son couronnement (cavet et filet), l’échine (cavet et listel) et l’abaque dont deux angles sont cassés.

50Ce chapiteau appartenait sans nul doute à un pied de table vu le faible diamètre du collet : le site de Mâlain a conservé deux petites colonnes toscanes monolithiques faites au tour, hautes de 111 et 113 cm dont les cotes des chapiteaux sont même un peu supérieures à B 28 (ROUSSEL, 1988, pl. 6, n^os 20 et 21).

51• B 30 (fig. 29)
De ce petit bloc haut de 20,5 cm, il ne reste que le sommet du fût (Ø 21 cm) et son astragale (baguette et, peut-être, congé et listel très émoussés).

52- Le collet (Ø 20) et son couronnement (cavet) supportent directement l’échine (cavet et listel visible sur quelques centimètres seulement) ; c’est le seul exemple où deux cavets se superposent sans la présence d’un petit listel de transition. L’abaque carré (30 x 30 cm plus quelques millimètres env.) a perdu la totalité de son parement ; la partie la mieux conservée ne déborde pas sur l’échine à l’endroit où le listel est érodé.
- Sur le lit d’attente, conservé sur sa moitié seulement, se voit le trou pour le tour dont les angles sont abîmés (4,5 x 4,5 cm, profondeur 5,5 cm). Une légère tablette portante ronde dégagée au tour se voit à jour frisant (0,1 cm). La cassure du bloc longe la mortaise du tour et passe par deux rainures à l’aplomb du collet. Les cotes sont très proches des chapiteaux de Mâlain évoquées en B 28 et nous pouvons aussi considérer qu’il fait partie d’un pied de table.

53• B 32 (fig. 30)
Cet angle de chapiteau haut de 12,5 cm n’a gardé que son échine et son abaque. L’échine est intéressante pour son profil très écrasé avec ses traces de tour qui rappelle un peu le dorique grec. Cependant la ligne horizontale à mi-hauteur de l’échine peut rappeler une échine plus écrasée encore surmontée d’un listel. L’état médiocre de conservation ne permet pas d’être sûr de nos observations.
Sur les deux faces conservées, l’abaque déborde sur le diamètre de l’échine de 1 et 2,5 cm.

54• B 33 (fig. 31)
Ce bloc haut de 20,5 cm est un chapiteau toscan complet sauf le bas du collet (Ø 28,6 cm). Son couronnement (filet droit, cavet et listel) et son échine (cavet, listel et filet droit) sont très bien conservés. Les moulures habituelles (cavet et listel) du couronnement du collet et de l’échine sont encadrées par deux filets droits.

55- L’abaque a deux angles cassés, un trou pour le tour (6 x 6 cm ; prof. 2 à 2,6 cm) et une tablette portante circulaire peu saillante (0,1 cm).

56• B 34 (fig. 32)
Ce chapiteau porte le numéro 27 au pochoir de 5 cm correspondant à une liste ancienne perdue. Il porte aussi le numéro 34 écrit sur un sparadrap, liste perdue aussi. Je lui ai donné le numéro B 34. Ce bloc, incomplet en hauteur (38,5 cm), assez abîmé, mais archéologiquement complet, montre le sommet du fût lisse galbé avec astragale : cavet en saillie, listel, haut listel et listel déversé pour se raccorder au collet.

57- Le collet vertical avec couronnement (cavet et listel) supporte l’échine (cavet et listel épais) et l’abaque carré assez ruiné.
- Sur les deux faces conservées, l’abaque déborde sur le sommet de l’échine de 1,5 cm. Au centre du lit d’attente se trouve la mortaise pour le tour (5,1 x 5,4 cm ; prof. 3 à 4 cm) mais il n’y a pas de tablette portante. Ce chapiteau est tourné mais ne présente pas de traces du tour sur le lit d’attente.

58• B 37 (fig. 33)
B 37, B 79 et B 84 forment un groupe homogène de chapiteaux à échine profilée en quart-de-rond. Un détail isole B 37 de ce groupe. Sur ce fragment de chapiteau haut de 17,5 cm, le collet vertical a disparu. On ne peut voir qu’un fragment du deuxième filet droit sous l’échine profilée en quart-de-rond et surmontée de deux filets droits. À mi-hauteur de l’échine une petite incision horizontale donne du nerf à cette moulure.

59- L’abaque, haut de 7,2 à 8 cm, a deux angles cassés ; il déborde sur le sommet des filets droits de 1,2 cm, 1 cm, 0,6 cm selon les faces et est tangent sur la quatrième.
- Le lit d’attente a une mortaise de tour (5,5 x 5,5 cm ; prof. 5 cm) au centre d’une tablette portante ronde en très faible relief.

60• B 38 (fig. 34)
Ce bloc dont l’état de conservation est très moyen, est archéologiquement complet. Massif, haut de 37,5 cm, il montre le sommet du fût avec son astragale (congé, listel et baguette).

61- Le collet trapu et tronconique et son couronnement (doucine ou cavet saillant et listel) supportent l’échine (doucine, listel et baguette ou quart-de-rond) : nous sentons ici la difficulté de définir exactement le profil des petites moulures du fait des usures et de la qualité des pierres utilisées.
- L’abaque n’a conservé qu’une partie de son parement sur deux côtés adjacents.
- Le lit de pose a une mortaise pour le tour (5,5 x 5 cm ; prof. 4,6 cm).
- Le lit d’attente a une tablette portante très saillante (1,5 cm) grossièrement circulaire et, en son centre, une mortaise pour le tour (6 x 6 cm) dans laquelle a été creusé dans son axe, le trou de louve profond de 8,4 à 9 cm.

62• B 39 (fig. 35)
L’état actuel de ce bloc, façonné au tour, est très médiocre mais complet. Il a l’intérêt de montrer un exemple de chapiteau sans collet, le fût montant jusqu’à l’échine.

63- Le fût (Ø 34 à 35 cm) haut de 53 cm, dont le parement est irrégulier, vient s’amortir sous l’échine. La mouluration est en très mauvais état de conservation mais on devine la succession traditionnelle des moulures, sans plus de précision.
- L’abaque avec sa tablette portante circulaire et peu saillante est échancré sur deux faces adjacentes par des saignées de 11 cm de largeur et de 3 à 6 cm de profondeur, probablement pour maintenir un cadre en bois : porte, fenêtre ou cloison ?
- Les lits de pose et d’attente ont, en leur centre, une mortaise pour le tour de 5 x 5 cm et profonde de 6 et 8 cm.

64• B 40 (fig. 36)
Ce bloc incomplet, haut de 39 cm, contient le sommet du fût avec son astragale (congé, listel et baguette) supportant le collet tronconique (Ø 23 au bas, 22,5 en haut) avec son couronnement (cavet, listel) qui soutient l’échine (doucine et listel).

65- L’abaque, dont il manque un côté et un angle, déborde légèrement sur le listel et n’a pas de tablette portante. Au centre du lit d’attente se trouve la mortaise pour le tour (4 x 5 cm, profondeur 5 cm) dont les bords ont été retaillés lors de la récupération du petit bloc métallique à tenon.

66• B 42 (fig. 37)
Présenté au musée Alésia, scellé sur un haut socle, le bas du bloc n’a pas été vu. Le sommet du fût galbé (Ø 28,5 cm) et son astragale (cavet, listel, baguette avec ligne incisée à mi-hauteur et listel plat déversé) supportent le chapiteau.

67- Un collet vertical (Ø 29,5), son couronnement (talon saillant ou cavet et listel), l’échine (haute doucine ou cavet à arête inférieure arrondie, listel avec ligne incisée) et l’abaque qui déborde un peu sur le listel.
- Le lit d’attente présente une tablette portante circulaire épaisse de 1 cm et, en son centre, une mortaise pour le tour (6 x 6 cm, profondeur 4 cm).
Le très bon état de conservation et son profil pris au conformateur font mieux comprendre la difficulté de trouver les mots justes pour décrire les moulures.

68• B 45 (fig. 38)
De ce chapiteau n’ont été conservés que le couronnement du collet (cavet et listel), l’échine (cavet et listel) et trois faces de l’abaque. Le lit d’attente a une tablette portante épaisse de 0,1 cm et, en son centre une mortaise pour le tour profonde de 4 cm dans l’axe duquel a été creusé un trou de louve, large de 1,7 cm, long au bas de 8,5 cm et profond de 8,5 cm.

69• B 57 (fig. 39)
Tout petit fragment nous permettant de restituer le couvrement du collet (cavet et listel), l’échine (cavet et listel) et l’abaque. Comme les chapiteaux B 28 et B 30 dont les cotes sont très semblables, il faut considérer ce chapiteau comme appartenant à une colonnette pied de table.

70• B 59 (fig. 40)
Ce beau bloc haut de 128 cm présente le fût lisse d’une colonne dont le bas, scellé sur le présentoir du musée Alésia, n’a pas pu être mesuré.

71- Ce fût couronné par un astragale (cavet au lieu du congé traditionnel, listel et baguette) est prolongé par un collet lisse s’évasant très légèrement vers le haut, avec son couronnement (talon ou cavet dont l’arête supérieure est arrondie).
- Au-dessus l’échine (filet droit, cavet, listel et filet droit) : ici, deux filets droits encadrent les moulures habituelles de l’échine.
L’abaque carré possède, au centre de sa tablette portante circulaire, épaisse de 0,5 cm, la mortaise pour le tour de plan trapézoïdal (5 x 5 à 7 cm).

72• B 60 (fig. 41)
Présenté au musée Alésia et scellé dans le présentoir, le lit de pose n’a pas été vu.

73- Ce chapiteau est lié au sommet du fût. Au fût lisse légèrement galbé avec son astragale (cavet, listel et baguette), se superpose le chapiteau : le collet lisse et vertical a un diamètre (Ø 28,6) supérieur à celui du sommet du fût (Ø 28,4) et son couronnement (cavet et listel) supporte l’échine (filet droit, grand cavet, listel et baguette).
- Cette échine classique est encadrée par un filet droit et une baguette.
- Le lit d’attente déborde sur le parement de la baguette et possède une tablette portante ronde (scamillus) dégagée au tour, épaisse de 0,5 cm. En son centre se trouve la mortaise carrée pour le tour (6 x 5,5, profondeur 7,5 cm) dans l’axe de laquelle a été creusé un trou de louve profond de 9,6 cm.

74• B 61 (fig. 42)
Ce chapiteau du musée Alésia, bien conservé, dont il ne manque qu’une partie de l’abaque, est scellé sur un socle qui en masque le lit de pose. Au sommet du fût avec astragale (congé ou cavet très peu saillant, listel et baguette), se superposent le collet avec son couvrement (cavet et listel) et l’échine (filet droit, grand cavet, listel et filet droit).

75- L’abaque déborde sur le filet sur les trois côtés conservés (1,4 à 1,6 cm). Le lit d’attente n’a pas de tablette portante mais une mortaise pour le tour.

76• B 64 (fig. 43)
Ce chapiteau est très endommagé. Haut de 20 cm au maximum et large de 45,5 cm, il ne possède plus ses lits d’attente ni de pose d’origine. Il a dû être retaillé pour des usages que nous ne sommes pas capables de définir.

77- Le lit de pose actuel correspond à peu près au bas du collet ; une dépression sensiblement carrée et profonde de moins d’1 cm présente une alvéole au contour mal défini (5 x 5 cm), profonde de 3,6 cm et rappelant une mortaise pour le tour, mais qui n’est pas au centre du chapiteau lui-même.
- Le lit d’attente a été si vigoureusement retaillé que son plan n’est plus du tout perpendiculaire à l’axe du chapiteau, c’est-à-dire qu’il est en pente. Son centre est occupé par une cuvette ronde de 20 cm de diamètre et 6,5 cm de profondeur. Les angles de l’abaque ont disparu et le plan actuel correspond à celui de la moulure supérieure de l’échine.
Le chapiteau lui-même a gardé le haut de son collet (Ø 26 cm) avec son couvrement (doucine et listel) et son échine (doucine, filet et baguette ou filet droit à arête inférieure émoussée).

78• B 67 (// B 27) (fig. 44)
Ce chapiteau est assez abîmé mais archéologiquement presque complet. Le lit de pose a disparu.

79- Le collet lisse (Ø 25,5) avec son couvrement (cavet et listel) est surmonté par l’échine (cavet et, probablement un listel plus visible actuellement).
- L’abaque carré, dont il manque un côté, est surmonté par une tablette portante circulaire dégagée au tour (épaisseur 1 cm) dont la mortaise (4,5 x 6) occupe le centre. Les traces de tour sont très visibles sur le lit d’attente.

80• B 70 (fig. 45)
Il s’agit d’une colonnette sans astragale qui peut faire penser à l’ordre dorique, mais que la modénature de l’échine rattache au toscan.

81- Le fût de cette colonnette s’amortit directement sous le chapiteau sans être interrompu par un astragale. Présenté au musée Alésia, il est scellé au plâtre dans le présentoir qui masque son lit de pose ; ce fût a un léger galbe passant de Ø 19,8 cm au bas à Ø 18,4 cm sous le chapiteau. Le bas de la partie moulurée peut être considéré comme le couronnement du fût (congé, cavet et listel plat déversé), le fût se substituant au collet.
- L’échine proprement dite (talon ou cavet à arête supérieure arrondie et filet droit) supporte l’abaque qui déborde sur le filet respectivement de 2,2 cm sur la face A, 2 cm face B, 0,6 cm face C et 1,5 cm face D.
- Le lit d’attente possède une tablette portante ronde de faible hauteur (0,1 cm) dégagée au tour. En son centre la mortaise pour le tour a disparu, comme si l’abaque, trop épais, avait été retaillé jusqu’à presque la faire disparaître complètement.

82• B 72 (fig. 46)
Ce chapiteau de pilier de plan proche du carré possède sur une face une entaille verticale large de 7,5 cm prolongeant le parement du fût jusqu’au lit d’attente. Les piliers isolés toscans ne sont pas fréquents à Alésia et nous n’en présentons ici que huit, dont six appartiennent au monument d’Ucuetis. Sur ce chapiteau, tous les éléments sont présents, fût, astragale, collet et son couvrement, échine et abaque. La modénature, très usée ou abîmée, est difficile à décrire.

83• B 74 (fig. 47)
Ce bloc complet en hauteur (56 cm) mais brisé en deux verticalement était présenté à l’entrée des fouilles puis est descendu au musée Alésia en 1982. Au sommet d’un fût sans astragale, se superposent une zone moulurée et un abaque. Leur description est très proche de celle de B 70. Au fût lisse ressemblant à un haut collet avec son couronnement (doucine et listel), sont superposés l’échine (doucine et listel) et l’abaque avec une tablette portante ronde avec, en son centre, la moitié d’une mortaise pour le tour. La mouluration est un peu émoussée mais lisible.

84Nous sommes en présence d’une structure de chapiteau dorique mais avec une mouluration concave qui le rattache au toscan.

85• B 78 (fig. 48)
Ce bloc haut de 35,8 cm, exposé au musée Alésia, scellé dans le présentoir qui en masque le bas (lit de pose ou cassure), se décrit comme suit : le sommet du fût (Ø 33,9) a un astragale (ample congé, listel et baguette). Ce congé, plutôt rare, est peut-être dû à l’érosion, qui aurait fait disparaître la petite saillie au bas du cavet. Au-dessus sont superposés le collet (Ø 34 cm) avec son couronnement (cavet et listel) et l’échine (cavet saillant de 1,5 cm et fin listel).

86- L’abaque carré haut de 7,5 cm déborde sur le listel jusqu’à 3,5 cm. Le lit d’attente a été remployé : on y a creusé une cuvette carrée de 33 cm de côté, profonde de 7 cm, qui a dû faire disparaître la tablette portante si elle avait existé.
Les mortaises pour le tour ayant disparu (lit d’attente) ou n’ayant pas été vues (lit de pose), l’aspect des moulures laisse penser que ce chapiteau était tourné.

87• B 79 (fig. 49)
Ce bloc, haut de 27,5 cm, montre l’astragale d’une colonne disparue (cavet incomplet, listel baguette et filet renversé) surmonté par le collet (Ø 36 cm) avec son couronnement (deux filets droits) et par l’échine profilée en quart-de-rond surmonté par deux filets droits.

88- L’abaque incomplet, carré, haut de 7,4 cm, a la particularité d’avoir, à sa base, un listel qui se trouve aussi sur B 84. Le lit d’attente possède une tablette portante ronde épaisse de 1 cm dont le diamètre (Ø 35 cm) est légèrement plus petit que celui du collet (Ø 35,5 cm). Au centre la mortaise pour le tour (6 x 5,5 cm, profonde de 7 cm) a été creusée diagonalement par un trou de louve profond de 15 cm.

89• B 84 (fig. 50)
Ce beau bloc bien conservé montre le sommet d’un fût lisse et galbé avec son astragale (filet droit, baguette et filet renversé) surmonté par le chapiteau lui-même. Au collet légèrement tronconique dans le prolongement du fût, avec son couronnement (deux filets droits) se superpose l’échine (quart-de-rond avec une incision à mi-hauteur et deux filets droits).

90- L’abaque a la particularité de posséder à sa base un listel en retrait sur son parement, analogue à ce qui a été observé sur B 79. Ce type de détail peu fréquent doit être souligné par le texte puisque l’habitude est de présenter les blocs d’architecture par une élévation géométrale qui, dans le cas présent, masque la forme en plan de cette moulure.
- Le lit de pose a une tablette portante ronde (Ø 34 cm) haute de 0,5 cm ; en son centre, la mortaise pour le tour (6 x 6 cm, profonde de 7 cm) ; les traces d’outil pour la récupération du cube métallique du tour sont bien visibles. La surface de l’abaque entourant la tablette portante a aussi conservé de jolies traces circulaires du tour.

91• B 88 (fig. 51)
Ce bloc complet en hauteur (31 cm) montre le sommet d’un fût lisse (Ø 28) avec son astragale au profil plus riche que d’habitude (haut filet droit, filet droit, baguette avec incision médiane et listel déversé).

92- Le collet lisse qui lui est superposé, avec son couvrement (congé, listel et cavet, ou, filet droit et cavet), supporte l’échine (cavet, listel et baguette). Le fait d’avoir deux cavets superposés sans un listel qui les sépare n’est pas fréquent.
- L’abaque ne déborde un peu sur la baguette que sur un seul côté. Le lit d’attente a une tablette portante ronde dont le contour est estompé mais sensible (épaisseur 0,4 cm). Au centre se trouve la mortaise pour le tour comme pour le lit de pose.

93• B 96 (pas de relevé ni de photo)
Musée municipal. Chapiteau et fût de Ø 37 cm, le tout haut de 37 cm.

94• B 99 (pas de relevé ni de photo)
Chapiteau de pilier ou ante avec un côté plat. Musée municipal.
Lit d’attente 61 x 42 cm ; hauteur 28/29 cm.

95• B 107 (fig. 52)
Ce bloc en deux morceaux qui se recollent, haut de 88 cm, est le sommet d’un pilier carré de 55,5 x 56 cm de côté avec astragale et son chapiteau.

96Très massif, ce pilier lisse à astragale bien proportionné (congé tendu, listel et baguette) supporte un chapiteau simplifié comprenant un petit collet plus large que le fût, sans couvrement, une échine (doucine ou cavet en saillant de 1,5 cm, listel) et un abaque.
La photo montre le côté où était scellé un anneau qui a laissé une marque circulaire très nette. Cet ensemble a été publié par Michel Mangin (MANGIN, 1981, pl. 84).

97• B 110 (fig. 53)
Brisé en deux verticalement sur toute sa hauteur et horizontalement au niveau du collet, ce chapiteau peut être rapproché de B 15, B 26, B 60 et B 88 pour la présence, sous l’abaque, d’une baguette bien nette qui complète l’échine. Présenté d’abord à l’entrée des fouilles, ce bloc a été rapporté dans les réserves du musée en 1982.

98- Le collet (Ø 50 cm), incomplet en hauteur, a conservé son couvrement (cavet et listel) prolongé par l’échine (doucine ou cavet avec arête inférieure arrondie, listel et baguette). L’abaque a une tablette portante ronde épaisse de 1 cm. La cassure verticale passe par le trou pour le tour au fond duquel avait été creusé le trou de louve en queue d’aronde dont on voit le profil complet.

99• B 112 (fig. 54)
Ce bloc haut de 73,5 cm est le sommet d’une colonne lisse légèrement galbée avec astragale (congé, listel et baguette), surmontée par un chapiteau toscan.

100- Le collet trapu et son couronnement (cavet et listel) supportent l’échine (doucine et listel) et l’abaque carré sans tablette portante dont n’est conservé qu’un côté. Les lits de pose et d’attente ont chacun une mortaise pour le tour (5 x 5 cm) profonde de 6 cm.

101• B 115 (pas de figure, relevé insuffisant)
Ce bloc très érodé est resté sur le champ de fouille dans la zone Est de l’insula H, près du grand puits. A-t-il été exhumé à proximité ? Nous ne le savons pas mais c’est possible. Complet en hauteur (40 cm), il est néanmoins possible de voir le sommet d’un fût (Ø 45 cm) avec astragale (cavet et baguette ?), surmonté par un chapiteau composé d’un collet avec son couronnement, et d’une échine (cavet et listel ?) sous un abaque très érodé. Le lit d’attente n’a pas été vu mais le lit de pose possède une mortaise pour le tour (7 x 7 cm) profonde de 4 cm minimum. Reconnaissons que les dégradations subies par ce bloc lui enlèvent beaucoup de son intérêt en dehors de son diamètre qui le place parmi les grosses colonnes d’Alésia.

102• B 137 (fig. 55)
Ce bloc incomplet en hauteur (58 cm) a été cassé au niveau de l’échine du chapiteau, la faisant disparaître ainsi que l’abaque. Le sommet du fût galbé avec son astragale (congé, listel et baguette) fait corps avec le chapiteau composé d’un collet (Ø 35,6 cm) avec son couvrement (congé, listel doucine et listel). De l’échine n’est conservée que l’amorce d’une doucine (?). Le lit de pose est lisse mais il y a tout lieu de croire que ce chapiteau a été façonné au tour.

103• B 150 (fig. 56)
Ce chapiteau a été mis au jour par Jacky Bénard dans la zone sud du forum. Très abîmé, il est archéologiquement complet malgré l’importante érosion de sa modénature. Le sommet du fût, galbé, a un diamètre de Ø 44 cm sous l’astragale ; ce dernier, réduit à une simple baguette, supporte le chapiteau formé d’un collet (Ø 42,5 au bas et 42 au sommet) avec son couvrement (cavet et listel), d’une échine dont on devine les moulures (une doucine, un listel et très probablement un filet droit), et de l’abaque conservé partiellement sur une seule face. Le chapiteau étant tourné, il est facile d’en déduire les dimensions, 65 x 65 cm.

104- Le lit de pose a une mortaise carrée (5 x 5 cm) pour le tour, profonde de 4,8 à 5,2 cm.
- Le lit d’attente a presqu’entièrement disparu mais le petit reste conservé montre la présence d’une tablette portante circulaire dégagée au tour (Ø 40 cm environ). La mortaise du tour a disparu mais au centre il reste le trou de louve qui a été creusé dans la mortaise, situation déjà observée sue les chapiteaux B 08, B 09, B 38, B 45, B 60, B 79 et B 425.

105• B 310 (fig. 57)
De même que pour B 150, ce chapiteau provient des fouilles de J. Bénard dans la zone sud du forum (inventaire 1983 - 063 - 10a – passage). Ce bloc haut de 49,5 cm comprenant le chapiteau et le sommet du fût est cassé en deux verticalement. La partie conservée est très claire hormis l’abaque.

106- Le sommet du fût porte des traces verticales d’outil sur 13 à 13,5 cm et une zone de 3 cm façonnée au tour sous l’astragale (congé, listel et baguette).
- Le chapiteau est formé d’un collet (Ø 62 cm) avec son couronnement (cavet et listel), d’une échine (petit quart-de-rond, cavet, listel et quart-de-rond) et d’un abaque orné d’une mouluration à son sommet, haut de 10,5 cm, tablette portante comprise.
- Il ne reste presque rien de ce détail rare pour ce type de chapiteau mais on voit clairement la doucine et le bas des moulures superposées.
Au centre du lit de pose se trouve la mortaise pour le tour (5 x 5 cm et profonde de 4,4 cm) qui a été coupée en deux lors de la cassure du bloc.

107• B 399 (fig. 58)
Le sommet de ce pilier de plan carré a été mis au jour le 27 janvier 1991 lors de la fouille de sauvetage avant la construction du belvédère. Il ne possède pas d’astragale et son échine est réduite à un filet droit, une doucine et un listel. L’abaque long de 60 cm supporte une tablette portante carrée. Le relevé est très succinct.

108• B 401 (fig. 59)
Ce bloc complet en hauteur (53 cm) est présenté dans la cour de la propriété Lafage derrière la chapelle Sainte-Reine à Alise-Sainte-Reine. Il proviendrait d’En Surelot, champ de Mr Frédéric Borne.

109Sur le sommet d’un fût dont le diamètre varie (Ø 31 en bas, 29 en haut) avec son astragale (cavet, listel, baguette), le chapiteau est formé d’un collet au diamètre diminuant (Ø passant de 27,5 à 27 cm) avec son couvrement (cavet et listel), d’une échine (doucine et listel) et de l’abaque dont deux et peut-être trois côtés ont été retaillés, réduisant ainsi ses dimensions.
- Il n’y a pas de tablette portante mais seulement le fond de la mortaise pour le tour, ce qui laisse penser que l’abaque a aussi été retaillé en épaisseur. Il en est de même au lit de pose où l’on ne voit plus de mortaise pour le tour.

110• B 407 (fig. 60)
Ce chapiteau érodé a été laissé sur place lors des dégagements de la basilique Sainte-Reine (fouille Wahlen BSR 93-11). Pour ce bloc haut de 52 cm, il n’y a pas d’astragale limitant le bas du collet : celui-ci (Ø 40 cm), très haut, est probablement le sommet du fût comme les blocs B 39, B 70 ou B 74. Le petit croquis permet de lire les moulures que la photo montre mal. Remarquons qu’au-dessus de l’échine (cavet et listel) se voient deux moulures supplémentaires, un filet droit et une baguette. Il a une mortaise pour le tour au lit de pose et non au lit d’attente.

111• B 425 (fig. 61)
Ce bloc en mauvais état mais complet, haut de 35 cm, est intéressant pour sa modénature. Le sommet du fût avec son astragale émoussé (congé, listel et baguette) supporte le chapiteau toscan avec son collet vertical avec couvrement (listel et baguette), son échine profilée en doucine et, peut-être un listel de transition avec l’abaque conservée sur une très petite longueur. Il y a une mortaise pour le tour au lit de pose.

112- Au lit d’attente se trouvent une tablette portante ronde, une mortaise pour le tour au fond de laquelle a été creusé en diagonale un trou de louve profond de 13 cm. Le relevé est insuffisant pour le mettre au net.

113• B 426 (fig. 62)
Ce bloc n’a pas été retrouvé dans les réserves du musée Alésia mais un dessin soigné et très probablement idéalisé se trouvait dans le dossier Toutain (ancien président de la Société des Sciences de Semur, société propriétaire des fouilles d’Alésia aux XIX^e et XX^e siècles). Ce bloc montre le sommet d’une colonne brisée (Ø 21/20,4 cm) avec son astragale (cavet, listel, baguette et filet renversé).

114- Au-dessus, le chapiteau montre un collet vertical (Ø 20 cm) avec son couronnement (cavet et listel), une échine (cavet, listel, petite baguette, listel en retrait et filet droit). Les quatre moulures supérieures ne sont peut-être que deux : un listel et une baguette et un filet droit, la séparation des deux dernières ayant été accentuée et rigidifiée.
- Au sommet un épais abaque large de 40 cm. Somme-nous devant une colonnette-pied de table ?

115• B 437 (fig. 63)
Ce chapiteau toscan de pilier flanqué de puissantes consoles fait partie d’un groupe de six chapiteaux trouvés dans le monument d’Ucuetis. Trois chapiteaux portant les numéros B 46, B 47 et B 48 sont déposés au musée Alésia ; les trois autres ont été remis sur des fûts et sont visibles dans le monument d’Ucuetis. Ce monument a fait l’objet d’une publication dans les suppléments à Gallia (MARTIN, VARÈNE, 1973). La belle documentation graphique établie à cette époque nous permet de nous y référer sans la modifier. Le chapiteau choisi B 437 est celui qui a été remonté sur le côté septentrional de la cour, mais sur un pilier un peu plus svelte. Ces curieux chapiteaux à consoles ont fait l’objet d’une étude spécifique pour justifier la nouvelle restitution du monument (OLIVIER, 1992). Ici, ce sont les chapiteaux toscans qui nous intéressent. La présence des consoles fait que ces chapiteaux ressemblent à deux pilastres opposés pour les quatre blocs à deux consoles opposées puisque les moulures sont interrompues par les consoles. Pour les deux autres (deux consoles adjacentes ou seulement une seule), ce n’est pas le cas.

116La structure des six chapiteaux est semblable. Sur un fût de plan carré avec astragale, le chapiteau est réduit à un collet sans couvrement (sauf le n° 5 de la figure 62 de la publication), une échine (cavet ou doucine, listel, quart-de-rond sur quatre chapiteaux) et un abaque. La mise en parallèle des six profils est très intéressante : on aurait pu penser que pour un bâtiment de prestige et original, les commanditaires exigeraient une uniformité des éléments mis en œuvre. Ici force est de constater qu’il y a une certaine variété dans les formes et les dimensions : par exemple quatre piliers ont des côtés mesurant tous entre 46,5 et 48,5 cm alors que les deux autres ont des cotes situées entre 36 et 40 cm pour des sections très légèrement rectangulaires ; sur la figure 63 on peut voir que les proportions de deux faces du même chapiteau sont différentes. Il faut bien admettre aussi que ces différences ne nuisent pas du tout à l’impression d’ensemble et, au contraire donnent de la vie à ce monument.

Des chapiteaux mérovingiens ? B 02, B 11 et B 12 (fig. 64)

117Le musée Alésia possède un groupe homogène de trois chapiteaux originaux pour lesquels il est difficile de trouver des parallèles et dont le lieu de trouvaille est à ce jour inconnu⁶. Cet article est l’occasion de les faire connaître. Les blocs B 02 et B 12 étaient présentés au musée, scellés sur un socle masquant leur lit de pose, mais à la faveur de modifications dans le musée, ces deux blocs ont été déposés dans les réserves, ce qui a permis de les voir entièrement. Le bloc B 11 est conservé dans les réserves. Ce dernier, plus accessible, a seul fait l’objet d’un relevé parce que plus complet malgré son côté abîmé.

118B 11 est haut de 41,5 cm, son lit de pose correspond au bas de l’astragale (cavet, listel fin et baguette) qui couronnait le fût. Un mince collet (Ø 22 cm) supporte une échine de deux registres : un bandeau lisse en forte saillie horizontale, haut de 6 cm avec un diamètre de 37 cm, surmonté par une surface géométrique complexe liant le sommet du bandeau circulaire aux arêtes de l’abaque carré. Il est possible de proposer une autre répartition : le collet avec son couronnement (bandeau très saillant Ø 37 cm et haut de 6 cm), l’échine et l’abaque.

119L’échine et l’abaque sont décorés de motifs floraux ou abstraits en bas-relief. L’échine est ornée de quatre groupes de cinq feuilles tournées vers le haut : une grande feuille aux quatre angles, flanquée chacune de deux feuilles plus arrondies puis de deux demi-feuilles de profil qui se joignent dans les axes du chapiteau en encadrant un motif losangique. Le décor des faces de l’abaque est plus difficile à décrire : de part et d’autre d’un motif central (un rond dans un carré) trois petites feuilles sont côte à côte sous un motif horizontal courbé aux angles de l’abaque. Ces motifs de l’abaque et de l’échine sont traités mollement (un rebord entourant une dépression) mais de manière efficace, ce qui donne un certain charme à ces chapiteaux. Ces décors sont identiques sur les trois chapiteaux. De plus ils ont tous été épannelés au tour dont les traces sont visibles dans les parties circulaires. La présence des mortaises pour le tour le confirme.

120Ces trois chapiteaux ont des dimensions légèrement différentes : la longueur des côtés de l’abaque est de 54 cm pour B 11, 55 x 56 cm pour B 02 et 43 x 49 cm pour B 12. En revanche le décor est exactement le même. Le lit d’attente de B 11 est un peu abîmé et la tablette portante ne se voit pas. B 02 est le seul chapiteau d’Alésia à avoir une tablette portante rectangulaire alors qu’elle est circulaire sur B 12. Sur la figure 64, les deux lits d’attente mis côte à côte proviennent de la même photo, ce qui permet d’en apprécier les différences.

Typologie

121Pierre Broise, qui s’est penché sur l’analyse de l’ordre toscan, a tenté un essai de typologie fondé sur le profil des moulures et de leur association (BROISE, 1969). Il se trouve que les chapiteaux de la région savoyarde ne sont pas façonnés au tour sauf exception. De plus ils sont complets et taillés dans un seul bloc alors que la quasi-totalité des chapiteaux d’Alésia sont solidaires du sommet du fût. Son article montre le nombre de combinaisons théoriques que l’on pourrait avoir pour les chapiteaux et pour les bases de l’ordre toscan, en utilisant les moulures suivantes : A (arc ou quart-de-rond), B (boudin ou tore), C (cavet), D (doucine ou gueule), G (gorge ou scotie).

122Une partie de la figure 3 de son article, reproduite ici (fig. 65), donne la silhouette de onze chapiteaux étudiés, avec les dimensions de l’abaque et la hauteur du bloc. Le calcul du diamètre du collet du chapiteau, que l’auteur appelle gorgerin, éclaire sur la grosseur des colonnes : sur les huit exemplaires, le diamètre du collet varie de 14 à 29 cm. Il s’agit donc de petits chapiteaux, hormis le gros bloc dont l’abaque mesure 114 cm et qui est peut-être le sommet d’un piédestal (fig. 66).

123Cet essai de typologie théorique applicable aux chapiteaux et aux bases de l’ordre toscan est intéressant mais il ne prend pas en compte une des propositions du dictionnaire méthodique mettant en avant la spécialisation des moulures, celles qui couronnent le collet et celles qui sont l’échine (GINOUVÈS-MARTIN, II, p. 83-84). Cette observation peut s’appliquer à nombre de chapiteaux d’Alésia et a été utilisée pour les descriptions. Mais alors, comment mettre en avant cette distinction lorsque l’on a affaire à des chapiteaux supportés par des fûts qui n’ont pas d’astragale les séparant clairement du chapiteau ?

124Pour tenter de mettre de l’ordre dans ces éléments variés, je me propose de définir des catégories de chapiteaux qui ont des éléments communs concernant la mouluration.
A. L’échine est réduite à une seule grande moulure ;
B. L’échine a deux grandes moulures : il s’agit d’une échine seule ou d’une échine associée au couvrement du collet ;
C. Les chapiteaux dont l’échine est profilée en quart-de-rond ;
D. Les petites moulures de transition et décoratives introduisent des nuances pour les groupes précédents ;
E. Les chapiteaux toscans ornés de feuillages ;
F. Les chapiteaux posés sur des fûts sans astragale.

A. L’échine à une moulure

125Ces chapiteaux sont réduits à une seule grande moulure qui est celle de l’échine. Cette configuration est celle du chapiteau dorique, bien sûr, mais nous l’avons déjà évoquée au début de l’article. La fig. 17 donne des exemples d’échines : plus simple est celui d’Annecy, une doucine seule dont le sommet se prolonge sans décrochement dans la face inférieure de l’abaque. Souvent il y a une petite moulure de transition, un filet droit, liant le collet et l’échine (Dougga 1 et Bulla Regia 3) ou un listel entre l’échine et l’abaque (Bulla Regia 1). Le cas le plus fréquent est celui où deux petites moulures encadrent la zone moulurée, un filet droit et un listel font la transition respectivement avec le collet et avec l’abaque (Bulla Regia 2, Ostie 2, Dougga 2 et Rome) ; remarquons que pour Ostie 2, il y a même deux petites moulures en contact avec le collet (deux filets droits ou petit cavet et listel).

126Ces remarques s’appliquent aux chapiteaux n’ayant qu’une échine dont les profils sont très variés, que la colonne ou le pilier ait ou non un astragale. À Alésia, l’échine à une seule moulure ne s’applique qu’aux piliers B 107, B 399 et B 437.

B. L’échine à deux moulures

127L’autre grande famille du chapiteau toscan est celle où la partie moulurée est formée de deux grandes moulures qui occupent tout l’espace entre la partie verticale du collet et l’abaque. C’est le cas le plus fréquent à Alésia. Pierre Broise (op. cit.) a fondé sa typologie sur la succession des grandes moulures et propose une série théorique ayant un, deux ou trois éléments tels que D (doucine seule), DC (doucine sur cavet, la plus fréquente dans son échantillonnage) et même trois éléments, DCC (doucine sur deux cavets), ce que nous n’avons pas observé à Alésia.

C. La moulure principale de l’échine est un quart-de-rond

128Ce fut une surprise de constater que le quart-de-rond pour l’échine est en réalité très peu utilisé, impression confirmée par les très nombreux chapiteaux vus dans les sites et musées de France. Peut-être 5 % seulement ! À Alésia il n’y qu’un ensemble de trois chapiteaux de ce type deux identiques en moulures et en dimension, B 37 (fig 33), B 79 et B 84 (fig 49 et 50). Ces trois chapiteaux sont munis d’une moulure supplémentaire au bas de l’abaque décrite plus loin.

129Le chapiteau B 32 (fig. 30) est malheureusement incomplet, mais il présente des analogies proches du dorique avec le chapiteau de Glanum (cf. fig. 7)

D. Les moulures complémentaires

130Il s’agit principalement de filets droits, de listels et de baguettes auxquels il faut ajouter les décrochements horizontaux saillants ou rentrants. Ces moulures sont nécessaires ou simplement décoratives.

131Deux moulures voisines dont les extrémités sont horizontales (doucine sur doucine, doucine sur cavet, quart-de-rond sur cavet, etc.) ont besoin d’un listel pour les séparer. Si les extrémités de deux moulures voisines sont verticales (cavet sur quart-de-rond, cavet sur doucine, cavet sur collet, cavet remplaçant un congé, etc.), un décrochement horizontal est obligatoire. La difficulté vient de ce que la notion de décrochement l’emporte sur celle du nom de la moulure « listel horizontal » : cette moulure essentielle dans la modénature est en quelque sorte sous-entendue. Les moulures nécessaires sont les décrochements horizontaux saillants ou rentrants.

132• Il y a aussi les moulures utiles pour rendre claire une succession : par exemple, lorsque l’on a une doucine au-dessus d’un talon ou d’un quart-de-rond, un filet droit sera intercalé ; ou encore pour deux cavets qui se suivent. À Alésia les chapiteaux B 30 (fig. 29) et B 88 (fig. 51) font exception puisque deux cavets se superposent sans transition.

133• Les moulures purement décoratives comme la baguette ou le filet droit au sommet de l’échine, sous l’abaque, que l’on trouve souvent à Alésia, sont assez répandues : par exemple B 15, B 23, B 26, B 33, B 59, B 60, B 61, B 88, B 110 et B 310.

134J.- P. Bost et R. Monturet ont donné pour le site de Plassac une planche de profils de chapiteaux toscans très homogène, de dimensions variables, qui ont tous cette moulure décorative (baguette ou filet droit) sous l’abaque (fig. 67) (BOST, 2009).

135Ces moulures sont placées en trois endroits précis, au sommet du collet, à la base de l’échine et au sommet de celle-ci. Lorsqu’il n’y a qu’une moulure complémentaire, elle est placée au sommet de l’échine (B 15, B 23, B 26, B 38, etc.). Lorsqu’il y en a deux, elles encadrent l’échine (B 59, B 60, B 310) ou bien l’ensemble des moulures (B 09, B 33, B 88). En résumé et sauf erreur, lorsqu’il y a des moulures complémentaires, il y en a toujours une au sommet de l’échine.

136Les variations de détail dans les profils, leurs proportions relatives, le nombre des petites moulures complémentaires de transition ou décoratives, les décors sculptés en faible relief, la taille directe ou au moyen du tour, la qualité de la pierre sont autant d’éléments qui singularisent les chapiteaux et les rendent vraiment intéressants.

E. Les chapiteaux toscans ornés

137Il est vrai que le décor floral n’est pas exceptionnel, comme le montre le chapiteau « Lutèce 2 » de la figure 15. Ces décors souvent riches pourraient par accumulation faire perdre la clarté de la structure des chapiteaux. En réalité celle-ci reste bien présente. Sur cet aspect de la question, Dominique Tardy, dans son étude du décor architectonique de Périgueux antique, a donné de beaux exemples de chapiteau toscans totalement envahis par un décor luxuriant derrière lequel la structure habituelle des chapiteaux toscans reste parfaitement lisible (fig. 68) (TARDY, 2005, p. 74-76).

138Il faut aussi considérer ces moulures complémentaires de transition comme des moulures décoratives parce qu’elles créent chaque fois une petite ligne d’ombre supplémentaire qui enrichit le décor.

139La plupart du temps ces décors de faible relief couvrent non seulement l’ensemble du chapiteau (abaque, échine et collet) mais aussi le fût lui-même. Cette volonté de luxe décoratif devait être réservée à des monuments de prestige comme des temples, celui de Champlieu par exemple.

F. Les chapiteaux posés sur des fûts sans astragale

140Une autre famille pourrait concerner les chapiteaux qui surmontent un fût (colonne ou pilier) sans astragale. Cette catégorie peut surprendre mais elle a une incidence sur la mouluration du chapiteau.

141À Alésia cinq chapiteaux au moins surmontent des fûts qui ne sont pas couronnés par un astragale : B 39 (fig. 35), B 70 (fig. 45), B 74 (fig. 47), B 399 (fig. 58) et B 407 (fig. 60). Ces fûts viennent s’amortir directement sous les moulures du chapiteau comme on le voit dans le dorique grec analysé au début de l’article. Le chapiteau B 399 ne possède qu’une échine (filet droit, doucine, listel) qui couronne un pilier. Les autres chapiteaux ont les deux grandes moulures traditionnelles et, dans ce cas, se pose la question du couvrement du collet préconisé par le dictionnaire méthodique : couvrement du fût ? Très long collet se substituant au fût ? Ou nous adoptons la position de Pierre Broise qui considère que l’échine englobe la totalité de la mouluration.

142Si l’on se réfère aux préconisations de Vitruve, qui considère que les chapiteaux doriques et toscans doivent être divisés en trois parties égales (l’abaque, l’échine et le collet ou gorgerin), il faut reconnaître que les chapiteaux toscans ont de la peine à entrer dans ce cadre, que les fûts aient ou n’aient pas d’astragale.

143Après ces remarques portant sur la typologie, il nous faut apporter quelques précisions sur les différents éléments qui composent les chapiteaux toscans : le collet, l’échine, l’abaque, le lit d’attente (la tablette portante) et la taille directe ou au tour.

• Le collet

144Cette transition entre le fût couronné par un astragale et l’échine est une constante dans les chapiteaux toscans. Le collet est le plus souvent lisse, vertical et sans décor. Sur le site d’Alésia, aucun chapiteau toscan n’a le moindre élément décoratif et ils sont tous dans la lignée de l’exemple « Lutèce 1 » de la figure 15.

145En ce qui concerne le décor, je voudrais attirer l’attention sur un détail précis : il s’agit de petits décors, comme des rosettes ou des fleurs de lys, que l’on peut voir sur les chapiteaux des arcades du rez-de-chaussée de la cour du palais Farnèse à Rome ou sur les chapiteaux de la galerie de la bibliothèque Sansoviniana à Venise. Est-ce une invention des artistes de la Renaissance ou bien s’appuient-t-ils sur des exemples antiques ?

146Dans le catalogue de l’exposition Roma antiqua, une planche de l’architecte F. Dutert présente un chapiteau provenant des arcades du rez-de-chaussée de la basilique Julia, chapiteau qui possède une série de disques saillants sur son collet (fig. 69) (DUTERT, 1985).

147Parmi les architectes et théoriciens de la Renaissance, Vignole a eu une influence énorme avec son livre très souvent réédité et qui dépend largement de l’œuvre de Vitruve, Regola delli cinque ordini d’architettura, Rome, 1562. Ces petits décors y sont présents. Palladio a écrit un petit ouvrage en 1570 dont une traduction en français a été publiée en 1682 : on y trouve, planche X, une image de l’ordre avec ce décor (fig. 70). Ce chapiteau est très proche de celui du théâtre de Marcellus dont il a été question plus haut.

148Ou alors, les architectes de la Renaissance auraient-ils connu d’autres chapiteaux antiques avec un décor analogue pour proposer cette série de petits motifs sur le collet ? Le chapiteau de la basilique Julia en serait-il un mais encore épannelé ?

• L’échine

149Les figures de notre catalogue montrent l’uniformité de la mouluration des chapiteaux toscans. On pourrait peut-être émettre l’hypothèse d’un « chapiteau de base ou élémentaire », particulièrement fréquent en Gaule. Il se présenterait avec la succession suivante : le collet et son couvrement (cavet et listel), l’échine (cavet ou doucine et listel) et l’abaque, soit quatre moulures au total. Ce schéma est vraiment ce que l’on pourrait considérer comme le schéma minimum ou le ‘tronc commun’ du chapiteau toscan (fig. 15, Lutèce 1), dont les variations proviennent du nombre et de la forme des moulures secondaires qui seront ajoutées.

• L’abaque

150Il est pratiquement toujours de plan carré et sa particularité est que ses côtés sont très souvent plus larges que le diamètre de la moulure supérieure de l’échine : de ce fait, le dessin, en coupe le présente faisant saillie sur l’échine de 0,5 à 2 cm en moyenne, aspect inusité dans le dorique.

151Ses côtés sont lisses à quelques exceptions près. L’abaque peut être à couronnement, c’est-à-dire avoir une petite moulure à son sommet (talon et filet droit). Nous n’en avons repéré qu’un seul à Alésia, B 310 (fig. 57).

152En revanche les chapiteaux avec échine profilée en quart-de-rond ont une particularité rare, un listel en retrait à la base de l’abaque de B 79 et B 84. Cette moulure est très nette sur la figure 50 : sa largeur est à peine supérieure au filet droit qu’il surmonte. Personnellement je n’ai trouvé qu’un seul parallèle : le musée de Poitiers présente un chapiteau toscan ayant le même détail mais avec deux moulures, un listel et un filet droit (fig. 71).

• Le lit d’attente

153Cette partie du chapiteau est riche de renseignements : elle donne des informations sur la tablette portante et sur la taille en fonction de la qualité de la pierre. Cette petite surélévation d’une partie du lit d’attente a pour but de concentrer le poids de l’architrave en pierre ou en bois sur une surface centrale restreinte afin de ne pas peser sur les zones en porte-à-faux de l’abaque. Logiquement les dimensions de cette tablette correspondent à peu près à la largeur de l’architrave ou à celle de la poutre en bois qu’elle porte. Dans l’architecture grecque, ces tablettes sont de plan carré et de peu de hauteur (ou d’épaisseur). En revanche, en Gaule ces tablettes ont souvent une plus grande épaisseur et surtout elles sont de plan circulaire. En effet, à Alésia, sur quarante-cinq chapiteaux, deux seulement ont une tablette portante de plan carré (le pilier B 399) ou rectangulaire (le chapiteau atypique B 02), huit n’en ont pas. Les trente-cinq autres ont une tablette portante de plan circulaire.

154Les auteurs du dictionnaire méthodique de l’architecture grecque et romaine, étant de culture grecque, ont purement et simplement ignoré les tablettes portantes rondes. Rappelons que le chapiteau est le lien nécessaire pour passer du plan circulaire de la colonne au plan carré de l’abaque qui soutiendra les entablements. Les tablettes portantes de plan circulaire dont le diamètre est assez proche du diamètre du collet sont la négation du rôle du chapiteau qui est ainsi réduit à n’être plus qu’un ornement.

155Qu’elle soit ronde ou carrée, la tablette portante d’une épaisseur sensible est tout à fait indiquée pour les chapiteaux toscans qui, la plupart du temps, supportent des poutres en bois que Vitruve lui-même décrit avec précision, en insistant sur l’obligation de laisser un petit espace entre elles lorsqu’elles sont jumelées, afin d’éviter la pourriture en cas d’échauffement (VITRUVE, De architectura, IV, 7, 4). Contrairement à la pierre ou au marbre, le bois est une matière vivante qui peut varier en forme et en dimension ; par exemple, il peut fléchir et risque dans ce cas de porter sur les côtés de l’abaque.

156La tablette portante ronde n’est pas réservée aux seuls chapiteaux toscans. La fouille de la villa dite de Lucullus sur le Pincio à Rome a livré un vrai chapiteau dorique stuqué et tourné avec une tablette portante de plan rond, épaisse de 1 cm. Vincent Jolivet, qui m’avait demandé de lui en faire le relevé, m’a autorisé à le publier ici (fig. 72).

157Il ne faut pas oublier que ces tablettes portantes de plan circulaire se voient aussi sur des chapiteaux corinthiens, ce qui paraît un peu surprenant (fig. 73). Sur cette figure, les tablettes portantes semblent ciselées au tour, ce qui nous conduit à parler de cette technique de taille des blocs.

• La taille de la pierre

158La qualité de la pierre utilisée est primordiale pour pratiquer la taille traditionnelle par un tailleur de pierre ou pour utiliser le tour. Si la pierre est compacte et dure, comme c’est le cas en Savoie, les chapiteaux ne sont pas tournés, leur composition reste sobre et ils sont taillés dans un bloc indépendant du fût qu’ils surmontent. Nous ne retrouvons pas de « bloc de chapiteau-fût » évoqué plus haut. C’est aussi le cas du site de Villards d’Héria (Jura) où ont été exhumés de nombreux chapiteaux toscans, des bases attiques et de beaux fûts monolithiques (LERAT, 1981).

159En revanche le tour est utilisé lorsque la pierre est à grain fin comme le grès ou le calcaire coquillier de Bourgogne, pierre qui peut aussi se scier. Elle est aussi très utilisée pour la sculpture.

160Les blocs façonnés au tour ont, au centre de leurs lits de pose et d’attente, une mortaise carrée de 5 à 6 cm de côté en moyenne et profonde de 5, 6 ou 7 cm. Ces mortaises sont rarement intactes : le plus souvent leur sommet est élargi à coups de ciseau sur deux ou trois côtés. Dans ces alvéoles le sculpteur scellait, probablement au plomb, un cube de fer muni d’un tenon. Le bloc de pierre était dégrossi au préalable. Les deux tenons émergeant des cubes devenaient de fait l’axe du bloc, ici le chapiteau, sans recours à de savants calculs pour que les deux tenons soient absolument alignés. En effet le travail au tour rend très rapidement parallèles entre elles les faces du lit de pose et du lit d’attente. De même toutes les moulures, si fines soient-elles, sont dans des plans perpendiculaires à l’axe des tenons, donc parallèles aux lits d’attente ou de pose. La petite incision qui se voit au milieu des moulures saillantes (baguettes, quart-de-rond des chapiteaux, tores des bases), est une des marques caractéristiques du travail au tour.

161Le tour était-il vertical comme le tour de potier ou horizontal comme le tour à bois ? Les deux techniques sont possibles. Le poids des chapiteaux nous permet d’avancer sur ce point. À Alesia le poids des chapiteaux dont nous avons la hauteur complète varie de 100 à 250 kg. Les mortaises pour le tour sont bien suffisantes pour accueillir une pièce métallique munie d’un tenon de fer de section circulaire. Dès qu’un bloc était trop long ou trop lourd, le tour vertical était préférable car l’un des tenons tournait dans une crapaudine fixée au sol ou dans un élément horizontal du cadre en charpente du tour. En arrondissant l’extrémité du tenon, la surface de frottement était réduite au maximum, ce qui facilitait grandement la rotation du bloc dont le mouvement était entraîné par une sangle liée à un système mécanique extérieur actionné par l’homme ou un animal. Le bâti pour maintenir les tenons en place pendant le tournage des blocs ne devait poser aucun problème pour les artisans. Les ouvriers de l’époque pouvaient sans difficulté construire une sorte de cadre en bois bien triangulé avec des pièces mobiles pour s’adapter à toutes les dimensions, afin de maintenir les outils ou actionner le mouvement de rotation plus ou moins rapide, etc.

162Une fois le bloc terminé, le cube métallique avec tenon était récupéré en élargissant la mortaise, ce qui se voit sur à peu près tous les blocs. C’est à ce moment que les tailleurs de pierre surcreusaient la mortaise du lit d’attente pour y installer le trou de louve que l’on voit sur un certain nombre de chapiteaux d’Alésia.

163Le hasard m’a permis de photographier un chapiteau toscan mis au jour à Saint-Ulrich (Moselle ; LUTZ, 1971) qui semble avoir été abandonné inachevé (fig. 74). Son collet paraît si haut qu’il faut penser à un chapiteau solidaire d’un sommet de fût sans astragale. Il est encore en partie épannelé avec des zones achevées montrant une magnifique échine (cavet, listel, grande doucine et listel) si bien lissée qu’elle donne l’impression du poli.

164Le sommet du fût est ébauché au taillant à côté d’une zone très grossièrement dégrossie. Le lit de pose est encore très irrégulier autour de la mortaise pour le tour, en partie retaillée pour récupérer le cube métallique avec tenon. Pour cet exemple, il semble que l’on ne se faisait pas trop de souci d’avoir un bloc mal dégrossi pour l’installer sur le tour : une profonde incision horizontale déterminait la position et le diamètre du lit de pose.

165La sous-face de l’abaque présente de nombreuses traces circulaires sur la zone gauche de la photo, alors qu’il n’y en a pas à droite. Cela veut simplement dire que le chapiteau avait une position légèrement oblique par rapport à l’axe des tenons. Le lit d’attente, avec sa mortaise pour le tour en partie élargie pour récupérer le tenon, montre que la tablette portante était prévue pour être ronde et qu’elle n’est pas encore dégagée au tour, mais simplement ébauchée au marteau taillant.

166La cassure visible sur le lit d’attente est-elle la cause de l’abandon de ce chapiteau, ou n’était-ce qu’un galop d’essai pour tester la qualité de la pierre ou encore l’habileté d’un apprenti ? Il n’est pas facile de se faire une idée précise sur la vie de ce futur beau chapiteau.

167Le tour était aussi utilisé pour épanneler un chapiteau corinthien afin de mettre au même niveau les différents éléments saillants tels que les retombées des feuilles des deux couronnes. Un exemple très pertinent a été mis au jour à Pompéi (fig. 75) (VINCENT et alii, 2015, fig. 9).

Où ces chapiteaux étaient-ils utilisés ?

168Les fouilles sur le site d’Alésia montrent que les chapiteaux corinthiens entiers ou fragmentaires ont été exhumés dans le secteur monumental de la basilique et du temple. En revanche les chapiteaux toscans ont été trouvés dans des caves ou des puits un peu partout sur le site. Ils sont tous différents et ne paraissent pas avoir participé à un programme monumental. La seule exception concerne les chapiteaux trouvés dans les puits de la cour intérieure du monument d’Ucuetis (voir la description de B 437, fig. 63). Dans les villes et les bourgades, les maisons ont rarement une structure nécessitant la présence de colonnes toscanes, sauf, bien entendu les portiques le long des rues ou des places. Il n’en est pas de même pour les grandes villae dans lesquelles peuvent se trouver des galeries entourant des petites cours intérieures : par exemple la villa de Montmaurin possède une série de superbes chapiteaux toscans dont l’échine au profil convexe et concave exceptionnellement développée ressemble à celle du chapiteau « Dougga 2 » de la fig. 17 (FOUET, 1969).

169À Alésia, si les fouilles ont mis au jour de très nombreux alignements de fondations isolées le long des rues et du forum, il n’est pas difficile d’affirmer que ces colonnes toscanes leur étaient principalement, sinon exclusivement, destinées.

170La rue 2 longeant l’insula H située au S.-E. du forum est un bon exemple de rue dont les maisons ont un portique en façade. Cette insula se présente comme un lotissement avec des maisons séparées les unes des autres par des ambitus de 30 cm, ou des venelles (fig. 76).

171Dans sa phase initiale ces maisons étaient munies de portiques. La plupart des dés de fondation ont été retrouvés. Sur deux d’entre eux étaient restés en place le tambour inférieur d’une colonne lisse, B 424 (Ø 40 cm), et une base à un tore d’une colonne, B 422 (Ø 40 cm). Cette base a été englobée dans les murs lors de la transformation de l’insula.

172Dans cette même rue 2, mais liée à l’insula F au sud, un autre tambour de fût lisse B 423 (Ø 39,8 cm) fut mis au jour sur son dé de fondation. Ces tambours B 423 et B 422 ont été conservés parce que leur hauteur a correspondu à l’exhaussement de la rue au cours du temps : on voyait le sommet de ces tambours apparaître au niveau de la rue dallée. Il est certain que cette colonne B 423 ne devait pas être isolée et qu’en creusant la rue, on en trouverait plusieurs autres.

173La rareté des endroits où il serait possible de mettre une colonne à l’intérieur d’une maison d’habitation en dehors du monument d’Ucuetis nous amène à considérer que lorsque des chapiteaux toscans sont mis au jour dans une fouille, il y a très vraisemblablement des portiques.

174Il faut insister sur un point : ces portiques étaient liés aux maisons. De ce fait ils étaient totalement indépendants les uns des autres et pouvaient avoir des proportions, des entraxes, des travées ou des hauteurs différentes ! Cette juxtaposition devait donner des résultats très variés et pittoresques. Par exemple, il pouvait y avoir des juxtapositions de colonnes de hauteurs différentes comme le montre la fig. 78. Ce n’était pas le résultat d’un programme d’urbanisme volontaire touchant une rue ou une place.

175Je ne voudrais pas terminer ce propos sans donner une vue d’une restitution de la rue 2 d’Alésia (fig. 77) et de la rue de Mâlain située entre Alésia et Dijon, petite ville dont un quartier et une rue furent fouillés (fig. 78).

176Ces restitutions ont d’abord été proposées pour illustrer le principe que tous les portiques de rue gallo-romaine étaient munis d’étages (OLIVIER, 1988). Ces deux restitutions montrent l’importance du bois dans ces constructions de petites villes et bourgades gallo-romaines. Les étages devaient être allégés et construits en pan de bois.

177Deux maisons de Tarragone en Catalogne montrent bien ce que pouvaient être ces maisons à portiques dans l’Antiquité, avec, bien sûr, des proportions différentes, sans doute moins élancées (fig. 79).

Conclusion : que pouvons-nous retenir de ces propos ?

178Il n’y a pas de dorique romain, il n’y a qu’un dorique issu de la Grèce avec son fût qui s’évase pour devenir l’échine supportant l’abaque, dorique qui a continué son existence à Rome. Ce que l’on appelle dorique romain est le résultat des recherches des théoriciens de la Renaissance qui s’est imposé dans l’architecture classique et, par ricochet à la période romaine.

179La variété des chapiteaux toscans est très grande, avec l’association de fûts avec astragale et des moulures à dominante concaves. Paradoxalement on ne rencontre que peu de profils convexes, type quart-de-rond. L’astragale du fût est certainement déterminant pour reconnaître le toscan. Quand un fût en est privé, le profil des moulures suffit à caractériser le toscan. En fin de compte le vrai dorique reste fidèle à ses origines grecques et le toscan devient un peu le fourre-tout des chapiteaux à moulures simples et dont les décors plaqués dessus n’altèrent pas la structure.

180Dans la prochaine édition du dictionnaire méthodique, il faudra rajouter la présence des tablettes portantes de plan circulaire et peut-être aussi la notion de « bloc de chapiteau-fût » et de « bloc de base-fût » lorsque les bases et la partie inférieure du fût ou que le chapiteau et le sommet du fût sont sculptés dans un même bloc.