Gérard GIULATO éd., Charles-François Guibal et son œuvre. 100 vues de vieux châteaux et autres édifices du département de la Meurthe
Texte intégral
1L’ouvrage assez court de 199 pages a pour sujet principal la publication (p. 87 à 189) d’une série d’aquarelles de Charles-François Guibal (1781-1861) réalisées majoritairement au lavis et à l’encre sépia monochrome entre 1814 et 1850. Le livre adopte un format A4 paysage, facilitant la reproduction de ces planches accompagnées pour certaines de la reproduction des croquis préparatoires figurant au dos de ces dessins dont les originaux sont conservés à bibliothèque de Nancy. De brèves notices indicatives, rédigées par l’auteur des dessins afin d’accompagner son recueil, rappellent l’histoire des lieux et édifices se répartissant sur l’ancien département de la Meurthe (p. 58-86).
2Deux parties précèdent la reproduction de cette œuvre originale nancéenne. La première apporte un éclairage sur l’auteur de ces dessins et notices et le contexte de réalisation de l’œuvre (p. 10-36). Ainsi, Gérard Giulato retrace l’histoire généalogique de la famille Guibal, une famille bourgeoise nancéenne du XIXe siècle, proche de l’art. Un des aïeuls de Charles-François est en effet un célèbre sculpteur du XVIIIe siècle (Barthélémy Guibal) qui a notamment réalisé les sculptures ornant la Place Stanislas à Nancy. Charles-François est un homme de lettres et de sciences, ingénieur polytechnicien, il exerce comme juge de paix à Nancy au moment de la réalisation des dessins.
3Les vues représentent majoritairement des châteaux et plus globalement des édifices en pierre dans leur environnement rural. Si au moment de leur réalisation, des recueils de dessins s’intéressaient déjà de manière romantique aux ruines du passé (cf. notamment les Voyages pittoresques de Taylor et Nodier), l’œuvre de Guibal se détache de cette démarche par sa formation (géomètre, géologue, enseignant…) et par le contexte post-révolutionnaire dans lequel il produit ces vues. La notion de patrimoine et de monument à valeur historique est en train de naître progressivement face au démantèlement des édifices en pierre pour l’utilisation des matériaux. Guibal a donc en quelque sorte mené un travail d’inventaire et de sauvegarde de ces édifices – qui étaient en cours de destruction pour certains – en prenant le temps de réaliser une à plusieurs vues de leur état réel. Le regard objectif et scientifique qui se retrouve dans ces dessins a été évalué par Gérard Giulato qui a comparé les dessins aux édifices encore présents aujourd’hui.
4La seconde partie (p. 37-58) présente les monuments de ce recueil selon un angle d’approche propre à l’éditeur : l’œuvre comme apport sur la connaissance des châteaux. Cette partie suit une présentation chronologique et thématique. Les sites représentés par Guibal sont classés par types issus d’une lecture propre à la castellologie actuelle, c’est-à-dire la présentation des édifices dans une chronologie qui accompagne l’évolution de l’artillerie, de l’histoire militaire ou de l’histoire de l’habitat nobiliaire. À la suite de cette présentation des sites, Gérard Giulato considère ainsi Guibal comme « le premier castellologue qui se pencha sur la Lorraine » (p. 58). Pourtant, le regard qui est porté sur ces dessins est bien celui de l’éditeur-castellologue et non celui de Guibal, qui lui, ne nourrissait pas cette ambition, comme le montrent les notices qui accompagnent les planches. Le regard de Guibal sur ces édifices élitaires s’apparente davantage à celui d’un archéologue, bien que malgré la représentation conforme des bâtiments et de leur état, souvent le trait n’est pas précis : en effet, l’aquarelle ne permet pas la netteté qu’un dessin technique réalisé par exemple au crayon aurait pu apporter. Ainsi, de nombreuses ouvertures sont plutôt évoquées que strictement représentées (cf. par exemple les archères à étrier de l’enceinte de Mousson, peu visibles sur le dessin).
5Dans cette partie, le contexte historique de chaque partie chronologique est très synthétisé. Il manque une bibliographie des références pour renvoyer le lecteur à la documentation utilisée par l’éditeur pour établir ces contextes, même globaux. En effet, seules les publications de Guibal sont listées (p. 35-36).
6Pour conclure, l’apport considérable de cet artiste-érudit du XIXe siècle à la documentation d’édifices anciens pour le département de la Meuse ne fait aucun doute. L’édition de ce recueil ne peut que permettre d’encourager les recherches sur les monuments anciens – et pas seulement les châteaux. En facilitant l’accès à cette source iconographique, ce sont les édifices dans leur monumentalité et dans leur paysage qu’il est possible de reconsidérer.
Pour citer cet article
Référence électronique
Mélinda Bizri, « Gérard GIULATO éd., Charles-François Guibal et son œuvre. 100 vues de vieux châteaux et autres édifices du département de la Meurthe », Revue archéologique de l’Est [En ligne], Tome 70 | 2021, mis en ligne le 08 juin 2023, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rae/15494
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