- 1 Les fouilles de Fontaine-Mâcon n’étaient connues que par la mention sur la carte de P.-M. Favret e (...)
1Les recherches que j’ai menées récemment dans les archives de la Société archéologique de Sens m’ont permis de découvrir l’existence de documents inédits se rapportant à des fouilles menées au cours des années 1930, 1940 et 1950 sur le territoire de la commune de Fontaine-Mâcon dans l’Aube (fig. 1). Ces investigations archéologiques, dont presque personne n’avait eu connaissance jusqu’à présent, concernent trois petits cimetières du second âge du Fer1. Ces trois cimetières, localisés respectivement aux lieux-dits Les Hantes / Chemin des Brosses, Chemin d’Auxerre et Chemin des Ormeaux, n’apparaissent que comme de simples mentions, sans renvoi bibliographique, dans la Carte archéologique de la Gaule - Aube (Denajar, 2005). Seuls les Musées de Sens conservent dans leurs réserves le torque et les deux bracelets de la sépulture 9 des Hantes. Le reste du mobilier des deux autres cimetières n’a pu être localisé. Il est cependant connu grâce à des planches d’excellente qualité dessinées par René Diehl, ami de Pierre Parruzot. C’est la découverte de ces planches qui m’a incité à entamer ce travail de recherche et d’étude. L’excellente qualité des dessins a pu être vérifiée en comparant les objets de la sépulture 9 des Hantes avec les dessins faits par Diehl. L’existence d’un dossier iconographique complet, comprenant la carte de répartition des sites, leur localisation cadastrale, le plan de masse de chaque cimetière, ainsi que le plan des vingt-cinq sépultures fouillées sur la totalité des trois sites, constitue une documentation de très bonne qualité, dont l’existence supplée en grande partie l’absence de rapports de fouille dignes de ce nom.
Fig. 1. Cartes de localisation géographique et topographique des trois cimetières de Fontaine-Mâcon.
Infographie P. Pihuit.
2Fontaine-Mâcon est situé à 1,85 km à vol d’oiseau au sud de Nogent-sur-Seine (fig. 2). Les trois cimetières protohistoriques sont distants les uns des autres de 1000 à 1500 m. Ils sont localisés le long de la ligne des 100 m d’altitude, entre la RN n° 374 et la RD n° 54, au sud et à l’est de l’agglomération.
Fig. 2. Fontaine-Mâcon (Aube). Implantation topographique des trois cimetières.
1. Chemin d’Auxerre ; 3. Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat ; 6. Les Hantes / Chemin des Brosses (d’après R. Diehl, inédit).
3Le contexte archéologique communal de Fontaine-Mâcon se résume à quelques découvertes en photographies aériennes et à de rares fouilles, dont les plus importantes font l’objet de la présente étude. Aucune découverte d’occupations antérieures au début du second âge du Fer n’a été réalisée sur le territoire de cette commune. On ne compte à ce jour que la découverte en prospection aérienne d’un établissement rural du second âge du Fer au lieu-dit Les Pièces du Clos et de cinq autres de l’époque gallo-romaine aux lieux-dits Les Marnes, Beauregard, La Fosse au Loup, La Cave de Crotte et Rû de Fontaine-Mâcon (Denajar, 2005, p. 343-344). Un cimetière du ve siècle après J.-C. aurait été découvert en bordure de la voie romaine, au lieu-dit La Croix des Champs. Des sépultures, non datées, ont été signalées au lieu-dit La Terre de l’Âne.
4Dans le volume de la Carte archéologique de la Gaule consacré au département de l’Aube, Laurent Denajar répertorie les deux cimetières du Chemin des Ormeaux et du Chemin d’Auxerre auquel il n’associe que la mise au jour d’une sépulture de La Tène ancienne-moyenne (Denajar, 2005, p. 343 ; voir également Anonyme, 1946c, p. 186, qui signale effectivement la mise au jour de cette dernière sépulture). En revanche, il mentionne comme « sans précision de localisation » les fouilles réalisées par Pierre Parruzot sur le territoire de la commune de Fontaine-Mâcon ; fouilles qui auraient permis la découverte d’un enclos carré du second âge du Fer et de cinq sépultures contemporaines. Il s’agit en fait des découvertes du Chemin d’Auxerre qui font l’objet d’une partie de la présente étude. De même, l’auteur ne mentionne pas le cimetière des Hantes, autre site étudié ici même. Il cite au contraire la découverte de neuf sépultures du second âge du Fer au lieu-dit le Chemin des Brosses et de plusieurs autres de La Tène ancienne au lieu-dit Rû de Fontaine-Mâcon (Denajar, 2005, p. 343-344). Je n’ai cependant rencontré aucune information concernant ce dernier site au cours de mes recherches bibliographiques ou archivistiques. Il n’existe, à ma connaissance, qu’une mention de trois lignes dans le Bulletin de la Société archéologique de Sens de 1946 à propos de la « Découverte [par M. Menneret] de deux nouveaux squelettes, sans mobilier, dans le climat Le Chemin des Brosses, commune de Fontaine Macon [sic] » (Anonyme, 1946a, p. 26). En fait, le cimetière des Hantes et celui du Chemin des Brosses ne forme qu’une seule et même entité archéologique. Comme le dit Jean Menneret, fils de Maurice Menneret, l’inventeur du site, le cimetière est situé au lieu-dit Les Hantes, à 40 m au nord du Chemin des Brosses. On l’aura compris selon les très rares documents existants, ce cimetière est parfois identifié comme étant celui des Hantes ou du Chemin des Brosses (voir infra).
5De nombreux cimetières du second âge du Fer ont été fouillés dans le Nogentais, entre 1863 (don d’un bracelet découvert sur le territoire de Saint-Loup-de-Buffigny) et 2014 (fig. 3). Le dernier en date l’a été à Saint-Aubin La Gloriette, à un peu plus de 3 km du cimetière des Hantes / Le Chemin des Brosses de Fontaine-Mâcon, le plus proche (Varennes, 2018 ; Varennes dir., 2018). Dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour de Fontaine-Mâcon, on trouve en effet plusieurs cimetières du second âge du Fer : Barbuise Les Grèves de Bouligny ou Les Grèves, Le Guichet ; Nogent-sur-Seine Beaulieu ; Plessis-Barbuise La Bouverie ; Saint-Loup-de-Buffigny ; La Saulsotte Ferme de Frécul, Les Grèves, Le Bois Pot-de-Vin et Les Terres de Frécul. Toutes ces découvertes confèrent à cette région une importance toute particulière pour la compréhension des pratiques funéraires des populations sénones, malgré l’ancienneté de la grande majorité des fouilles qui limite de fait nos connaissances.
Fig. 3. Carte de répartition des cimetières et autres découvertes significatives du second âge du Fer fouillés dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour de Nogent-sur-Seine.
1. Saint-Aubin La Gloriette ; 2. Fontaine-Mâcon Les Hantes / Chemin des Brosses ; 3. Fontaine-Mâcon Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat ; 4. Fontaine-Mâcon Chemin d’Auxerre ; 5. Saint-Loup-de-Buffigny ; 6. Nogent-sur-Seine Beaulieu ; 7. La Saulsotte Les Terres de Frécul ; 8. La Saulsotte Le Bois Pot-de-Vin ; 9. La Saulsotte Les Grèves ; 10. La Saulsotte Ferme de Frécul ; 11. Barbuise Les Grèves de Bouligny ou Les Grèves ; 12. Barbuise Le Guichet ; 13. Plessis-Barbuise La Bouverie ; A. Villeneuve-au-Châtelot Les Grèves ; B. Pont-sur-Seine Le Gué Dehan, Zone 2 (infographie P. Pihuit).
6L’attractivité de ce pôle est renforcée par la découverte et la fouille entre 1976 et 1988 du sanctuaire de la Villeneuve-au-Châtelot Les Grèves (Piette, 1989 ; Bataille, 2008). Sans nul doute l’un des plus grands sanctuaires celtiques du quart nord-est de la France, le sanctuaire de la Villeneuve-au-Châtelot témoigne de la complexité et de l’évolution des rites et des pratiques religieuses qui s’y déroulèrent de l’extrême fin du ive siècle au milieu du ier siècle avant J.-C.
7Parmi les découvertes remarquables de ces dernières années, il convient de signaler, entre autres, celle de trois ponts en bois des iiie et iie siècles avant J.-C. à Pont-sur-Seine Le Gué Dehan, Zone 2 (Collas, 2018). Une statue féminine en bois d’if, de 95 cm de hauteur, a été mise au jour entre les pieux de fondation de ces structures monumentales. C’est l’autre découverte remarquable de ce site. Il s’agit d’un objet exceptionnel qui ne connaît actuellement pas d’équivalent direct, mais dont la fonction reste à définir.
8Ce cimetière a été fouillé le 20 mai 1939 par Maurice Menneret, cultivateur à Fontaine-Mâcon et père de Jean Menneret qui en informe Ivan Lachat, ancien président de la Société archéologique de Sens, dans une lettre manuscrite en date du 23 septembre 1951 (archives de la Société archéologique de Sens. Carton n° IV, P. Parruzot) :
« Sur le finage de Fontaine-Mâcon, à 40 mètres au nord du chemin des Brosses (voie très ancienne) dans un champ rapporté au nouveau cadastre dans la section B lieu-dit Les Hantes n° 981 [fig. 3], le propriétaire, Giloppé Marcel en le labourant en 1933 heurta des pierres au fond de la raie. Étant gênantes pour la facilité de la culture il les enleva […] sous ces pierres se trouvaient 2 squelettes n° 10 et 11, bout à bout. Il ne remarqua aucun objet et nivela le sol. ».
- 2 Dans sa lettre en date du 23 septembre 1951 adressée à Ivan Lachat, Jean Menneret dit avoir inform (...)
« Au début de Mars cette année 1939, il trouva encore quelques pierres qui ayant été enlevées recouvraient des ossements. M’ayant prévenu, je me rendis sur les lieux et mis a découvert 2 squelettes. Des sondages me permirent de repérer d’autres emplacements et dans des fouilles successives en mars et en avril, je mis à jour 9 emplacements dans un carré de 10m de côté. »2. (fig. 4).
9Le cimetière était situé entre 100 et 105 m d’altitude (fig. 5).
Fig. 4. Fontaine-Mâcon, Les Hantes / Chemin des Brosses (Aube).
Implantation cadastrale du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
Fig. 5. Fontaine-Mâcon, Les Hantes / Chemin des Brosses (Aube).
Plan de localisation topographique du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
10Treize sépultures à inhumation ont été découvertes et fouillées sur un espace relativement restreint d’une dizaine de mètres de côté. Aucun indice d’un éventuel enclos funéraire n’a été repéré autour des tombes, dans le périmètre du terrain prospecté (fig. 6).
Fig. 6. Fontaine-Mâcon, Les Hantes / Chemin des Brosses (Aube).
Plan de masse du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
- 3 Nous n’avons pas cherché à combler les manques, notamment en ce qui concerne les dimensions des fo (...)
11Sépulture 13
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : quelques pierres ont été retrouvées sur le crâne à 0,40 m de profondeur. D’autres avaient été disposées de chant le long de la partie supérieure gauche du défunt.
Squelette : aucune information disponible, hormis le fait que la tête était orientée à l’ouest.
Mobilier : néant.
12Sépulture 1bis
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : 2 m de longueur, 0,70 à 0,80 m de profondeur. Un demi-mètre cube de pierres a été enlevé de la fosse.
Squelette : néant.
Mobilier : néant.
13Sépulture 2
- 4 Les citations proviennent de la lettre que Jean Menneret a adressée à Ivan Lachat, le 23 septembre (...)
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : 1,80 m de longueur. Trois pierres posées de chant encadraient le crâne, à 0,35 m de profondeur. Le remplissage était composé d’une « terre noire au-dessous de ces ossements jusqu’à la craie 0,m60 sous d’autres ossements » (J. Menneret)4.
Squelette : aucune information disponible, hormis le fait que la tête était orientée au sud-sud-est.
Mobilier : néant.
14Sépulture 2bis
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : 2 m de longueur, 0,60 m de largeur, pour 0,60 m de profondeur. Le remplissage était composé d’une « terre noirâtre ».
Squelette : néant.
Mobilier : néant.
15Sépulture 3
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : 2 m de longueur, 0,80 m de largeur au niveau du crâne, pour 0,65 m de profondeur. Le squelette reposait « dans un coffrage ». Des blocs de grès posés de chant avaient été disposés le long des quatre côtés de la fosse.
Squelette : « Très peu d’ossements ». La tête était orientée au sud-sud-est.
Mobilier : néant.
16Sépulture 4
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : trois pierres posées de chant encadraient le crâne, à 0,35 m de profondeur.
Squelette : aucune information disponible, hormis le fait que la tête était orientée au sud-est.
Mobilier : néant.
17Sépulture 5
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : aucune information disponible.
Squelette : les ossements des jambes reposaient à 0,40 m de profondeur. La tête était orientée au nord-nord-est.
Mobilier : néant.
18Sépulture 6
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : aucune information disponible.
Squelette : aucune information disponible, sinon que les ossements des jambes reposaient à 0,40 m de profondeur. La tête était orientée à l’est.
Mobilier : néant.
19Sépulture 7
Fouilles de mars / avril 1939. Elle a été creusée au-dessus des sépultures 5 et 6.
Fosse : 2 m de longueur, 0,80 m de largeur. Le squelette reposait « dans un coffrage ». Des blocs de grès posés de chant avaient été disposés le long des quatre côtés de la fosse.
Squelette : « Un squelette assez bien conservé. Petites graines noires près jambe droite ». La tête était orientée au nord.
Mobilier : néant.
20Sépulture 8
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : aucune information disponible.
Squelette : un crâne a été dégagé à 0,70 m de profondeur.
Mobilier : néant.
21Sépulture 9
Fouilles de mars / avril 1939.
Fosse : 2,20 m de longueur, 0,80 m de largeur. Le squelette reposait « dans un coffrage ». Des blocs de grès posés de chant avaient été disposés le long de trois des quatre côtés de la fosse, à l’exclusion du petit côté des pieds.
Squelette : « Les avant-bras étaient placés sur le corps » (J. Menneret). La tête était orientée au nord-nord-est.
Mobilier :
- Torque à tampons en alliage cuivreux (fig. 7 et 8, n° 1). Jonc plein, lisse, de section circulaire ; décor gravé et poinçonné sur les extrémités du jonc et sur les tampons de forme conique. Diam. ext. : 134 mm. Situation : au cou. N° d’inventaire des Musées de Sens : 2016.0.ARC.227.
- Bracelet ouvert en alliage cuivreux (fig. 7 et 8, n° 2). Jonc plein, lisse, de section ovale, non décoré. Les deux extrémités se chevauchent sur 6,5 mm de longueur. Diam. ext. : 60 x 63 mm ; diam. jonc : 4,2 x 5 mm. Masse : 25,38 g. Situation : à l’avant-bras gauche. N° d’inventaire des Musées de Sens : 41.3.1.
- Bracelet fermé en alliage cuivreux (fig. 7 et 8, n° 3). Jonc plein, de section circulaire ; décor ondulé en très léger relief, usé, presque disparu, sur la face externe du jonc. Diam. ext. : 64 x 65 mm ; diam. jonc : 6 mm. Masse : 43,75 g. Situation : à l’avant-bras droit. N° d’inventaire des Musées de Sens : 2019.0.ARC.17.
Fig. 7. Fontaine-Mâcon, Les Hantes / Chemin des Brosses (Aube).
Mobilier de la sépulture 9 (alliage cuivreux) (d’après R. Diehl, inédit).
Fig. 8. Fontaine-Mâcon, Les Hantes / Chemin des Brosses (Aube).
Mobilier de la sépulture 9 (1-3 : alliage cuivreux).
22Sépulture 10
Fouilles de 1933.
Fosse : aucune information disponible.
Squelette : aucune information disponible.
Mobilier : néant.
23Sépulture 11
Fouilles de 1933.
Fosse : aucune information disponible.
Squelette : aucune information disponible.
Mobilier : néant.
24Aucune information ne nous est parvenue à propos de l’état des sépultures au moment de leur découverte. Il est néanmoins fort possible qu’elles aient été toutes pillées, à l’exception de la n° 9, la seule à avoir livré du mobilier. Reste aussi à envisager l’hypothèse de sépultures sans mobilier, bien que le phénomène n’atteigne jamais une telle proportion dans les cimetières des âges du Fer.
25Le torque et les deux bracelets, jusqu’alors « sans provenance », ont pu être clairement identifiés dans les réserves des Musées de Sens grâce à une planche de dessins réalisés par René Diehl, conservée dans les archives de la Société archéologique de Sens (carton n° IV, P. Parruzot).
26Le torque est de type T5.C2 à petits tampons coniques précédés d’une grosse bague (Baray, 2016, pl. 23 et 24). Les tampons pleins sont décorés de traits gravés rayonnant alternés de points estampés. Les extrémités du jonc qui précèdent les bagues sont ornées de lignes gravées (« larmes »), de pointillés et de cercles dessinant un visage humain stylisé (Guillaumet, 1981, p. 32, n° 68 ; Duval, 1983, p. 53, n° 39). Ce torque muni de tampons plus ou moins développés est caractéristique des productions de la première moitié du ive siècle avant J.-C. Des exemplaires comparables sont attestés, par exemple en Haute-Marne, à Hallignicourt et à Chamouilley (Charpy, Roualet, 1991, nos 145 et 146).
27Le bracelet porté au poignet droit, à jonc plein, est orné d’un décor ondulé en très faible relief sur la face externe. En fait, le décor est très usé et à peine perceptible, sinon en lumière rasante (fig. 8). Je ne lui connais pas de comparaison directe. Cependant, sa technique de décoration peut être rapproché de celle du bracelet de la sépulture 244 de Champ-Lamet à Pont-du-Château (Puy-de-Dôme ; Blaizot, Milcent, 2002, pl. XXXVIII, n° 46) qui porte un décor identique. Cette dernière parure s’en différencie cependant par un système de fermeture par tenon et mortaise caractéristique de La Tène A ancienne. C’est également à La Tène A ancienne qu’un bracelet de la sépulture E du « Grand tumulus » de Lantilly (Côte-d’Or), présentant un décor ondulé identique, mais orné d’un plateau ayant vraisemblablement porté un cabochon aujourd’hui disparu, a été daté (Chaume, 1999, fig. 7, D, n° 2).
28Le second bracelet, porté au poignet gauche, non décoré, est de type B8.A1b (Baray, 2016, pl. 47). De section ovale, les deux extrémités du jonc lisse se chevauchent. Les extrémités sont à vis-à-vis simple. Un bracelet comparable a été trouvé dans la sépulture 87 de Buchères Les Terriers (Aube ; Paresys, 2019, fig. 25, n° 3), datée de La Tène B1 récente. Il était associé, entre autres, à une fibule de type de Münsingen en alliage cuivreux et arc décoré d’un rinceau continu spiralé en faible relief.
29Des bracelets de ce type, plus ou moins massifs, sont également attestés en contexte La Tène A, à Sergines Le Gringalet, sépulture E12 (Yonne ; Parruzot, Delinon, 1979, fig. 20), et à Arc-sur-Tille Le Jardin d’Émile, rue de la Cras, sépultures 14 et 17 (Côte-d’Or ; Barral et alii, 2004, pl. XXI, nos 1-2). Les deux exemplaires de la sépulture 14 étaient associés à une fibule du prétendu type de Marzabotto en alliage cuivreux.
30Les caractéristiques typo-morphologiques et chronologiques du mobilier de la sépulture 9 des Hantes permettent de dater son ensevelissement de La Tène B1 ancienne / étape IVA.
31La distribution spatiale des sépultures ne laisse apparaître aucune organisation spécifique, de type regroupements « familiaux », par exemple. Elles semblent se répartir de manière aléatoire dans l’espace funéraire. Du reste, le fait qu’une seule d’entre elles ait livré du mobilier ne permet pas d’interpréter cet apparent désordre par d’éventuelles relations chronologiques entre les sépultures, même s’il est évident que ce critère a joué en partie puisqu’on observe au moins deux recoupements de tombes (sép. 5 et 6 recoupent la sép. 7). On remarquera cependant le relatif isolement de la sépulture 9, la seule dotée d’un mobilier en matière non périssable (ou à ne pas avoir été pillée). Réalité ou effet dû à l’étroitesse de l’espace couvert par les investigations archéologiques ?
32Toutes les sépultures sont à inhumation. Les défunts ont été disposés en décubitus dorsal, les membres supérieurs et inférieurs en extension. Aucune position particulière, ni aucune anomalie, n’ont été signalées par les fouilleurs.
33L’absence de données chronologiques ne permet pas d’interpréter l’amplitude des orientations observées. Malgré la faiblesse des effectifs, on peut distinguer deux groupes dominants : les défunts du premier ont la tête orientée au sud-sud-est (sép. 2 et 3) et au sud-est (sép. 4) ; ceux du second groupe l’ont au nord-nord-est (sép. 5 et 9). Les autres orientations ne sont attestées qu’une seule fois : ouest (sép. 1), est (sép. 6), nord (sép. 7).
34Nous manquons d’informations à propos de la forme des fosses. En ne disposant pas d’une description précise de chacune des fosses sépulcrales, nous ne pouvons nous fier sans critique à leur représentation, peut-être schématisée, sur le plan de masse du cimetière, seul document en notre possession. Quoi qu’il en soit, elles devaient se présenter selon le schéma classique dans les cimetières du second âge du Fer, c’est-à-dire sous la forme de structures quadrangulaires aux parois plus ou moins verticales, aux bords plus ou moins rectilignes, aux sommets bien marqués et au fond plat. Dans le cas contraire, on peut penser que les fouilleurs auraient signalé les éventuelles anomalies observées en cours de fouille. A priori, toutes les fosses des Hantes appartiennent au type 1 du Bassin parisien : fosse rectangulaire aux angles droits (variante 1a), aux sommets arrondis (variante 1b) ou aux sommets arrondis à une extrémité et aux angles droits à l’autre (variante 1c) (Baray, 2003, p. 108, fig. 17). Ce type représente plus de 72 % du corpus des fosses sépulcrales du Bassin parisien.
35La longueur des fosses varie de 1,80 à 2,20 m, la largeur de 0,60 à 0,80 m, tandis que la profondeur connaît une plus grande amplitude, de 0,35 à 0,80 m (fig. 9). Faute d’avoir pu disposer des données concernant la taille des squelettes mesurés in situ, il n’a pas été possible de tenter de la corréler avec celle des fosses et de vérifier si ces deux critères étaient ou non en adéquation.
Fig. 9. Dimensions des fosses sépulcrales des Hantes.
36La plus grande fosse a été réservée à la défunte de la sépulture 9, la seule qui soit parvenue jusqu’à nous dotée d’une parure complète. Les autres défunts, malgré un investissement comparable, n’ont apparemment reçu aucun mobilier en matière non périssable, à moins que leurs sépultures n’aient été pillées. Pourtant ils ont bénéficié, comme nous le verrons ci-après, des mêmes aménagements lithiques. Aussi hormis sa longueur légèrement plus importante, la fosse de la sépulture 9 ne se distingue pas véritablement des autres. La taille des fosses n’est pas toujours un bon critère discriminant pour qui voudrait y voir un marqueur d’opposition socio-économique.
37Des aménagements lithiques ont été signalés dans plusieurs sépultures. Ils correspondent à nos types 1, 3 et 5 (Baray, 2003, p. 120-127, fig. 19).
- Type 1 – pierre de calage longitudinal et/ou latéral. Les crânes des squelettes des sépultures 2 et 4 ont été encadrés par trois pierres posées de chant. Dans les fosses 3 et 7, les squelettes reposaient « dans un coffrage » de pierres. Des blocs de grès posés de chant avaient été disposés le long des quatre côtés des fosses. Le squelette de la sépulture 9 reposait également « dans un coffrage », mais les blocs de grès posés de chant avaient été disposés le long de trois des quatre côtés de la fosse, à l’exclusion du petit côté des pieds.
- Type 3 – association des types 1 (pierre de calage longitudinal et/ou latéral) et 2 (bloc(s) localisé(s) sur une ou plusieurs parties du squelette). Quelques pierres ont été retrouvées sur le crâne de la sépulture 1. D’autres avaient été disposées de chant le long de la partie supérieure gauche du défunt.
- Type 5 – blocage de blocs volumineux ou très volumineux au-dessus du squelette. Un demi-mètre cube de pierres a été enlevé de la fosse de la sépulture 1bis. Le classement de cette sépulture dans le type 5 est de pure conjecture, les fouilleurs n’ayant donné aucune précision supplémentaire permettant de comprendre le dispositif qui avait été utilisé par les fossoyeurs pour protéger le cercueil de cette sépulture.
38Si toutes les sépultures des Hantes n’apparaissent pas dans ce classement typologique, c’est parce que les fouilleurs ne nous ont laissé aucune information les concernant, et non parce qu’elles n’ont livré aucun aménagement lithique. Cela est particulièrement vrai pour les sépultures 10 et 11 dont les représentations sur le plan d’ensemble du cimetière indiquent très clairement qu’elles avaient été recouvertes d’une sorte de radier de pierres, relevant probablement de notre type 5.
39L’absence de signalement d’un quelconque aménagement lithique dans les sépultures 2bis, 5, 6 et 8 est sans nul doute due au fait qu’il s’agit dans tous les cas de sépultures presque totalement arasées. De la sépulture 8, par exemple, il ne subsistait plus que le crâne, sans aucune trace de la fosse sépulcrale.
40Aucune information concernant la signalisation individuelle des sépultures ne nous est parvenue. Toutefois, le fait que leur forte concentration sur un espace relativement étroit n’a engendré que deux cas de recoupement, les sépultures 5 et 6 ayant recoupé la sépulture 7, laisse à penser qu’elles ont dû être signalées en surface. Les fossoyeurs ont dû avoir une connaissance précise des ensevelissements précédents au fur et à mesure qu’ils creusaient une nouvelle fosse sépulcrale. Comment expliquer autrement que la plupart des sépultures n’aient pas été entamées par les nouvelles implantations ?
41Selon une note manuscrite, peut-être de la main de Pierre Parruzot, il semblerait que Louis Recorda, l’inventeur du site, ait découvert des indices de l’existence d’un probable enclos circulaire autour des sépultures : « À noter que Recorda pense, d’après des sondages (à la sonde) de l’hiver 1953-54, que les tombes seraient dans une enceinte circulaire » (archives de la Société archéologique de Sens, carton n° IV, P. Parruzot). Quoiqu’il en soit, le plan qui a été dressé à la même période par René Diehl et Pierre Parruzot, selon les indications fournies par Louis Recorda et Jean Menneret, ne signale pas d’enclos circulaire autour des sépultures. Cela dit, ce ne serait pas la première fois qu’une fouille menée selon les méthodes traditionnelles de l’époque, c’est-à-dire à la sonde et non pas à l’aide de grands décapages mécaniques, n’ait pas permis la détection et la mise en évidence de structures de signalisation monumentales. André Brisson en témoigne d’ailleurs dans un courrier adressé le 20 janvier 1947 à Robert Lantier, à propos des découvertes de Normée (Marne) et de Vert-la-Gravelle (Marne) :
« Nous sommes maintenant bien surpris de tout ce qu’on peut observer autour de nos cimetières gaulois. Depuis deux ans, nous avons remarqué tant de ces enceintes circulaires ou rectangulaire que l’on ne peut plus sonder sur un ancien cimetière, sans y trouver quelque fossé non encore observé. » (Lantier, 1947, p. 132).
42La parure de la sépulture 9 appartient au type 3A des assemblages du Bassin parisien (Baray, 2003, p. 287-288). Elle se compose d’un torque associé à deux bracelets portés à chacun des poignets. Les deux bracelets sont toutefois différents, contrairement à la norme en vigueur dans le milieu marnien du ve siècle avant J.-C. qui voulait qu’ils soient identiques. Cela étant, le port symétrique de la parure est néanmoins respecté et en adéquation avec la date proposée pour l’ensevelissement de la défunte de la sépulture 9. Le type 3A arrive en première position des parures avec torque attestées dans la moitié nord de la France, toutes périodes confondues, avec plus de 47 % (Baray, 2003, p. 287, tabl. LII).
43Le cimetière du Chemin des Ormeaux est situé à environ 1200-1300 m au sud-est de la dernière maison du village de Fontaine-Mâcon, parcelle 655 de la section C du cadastre de 1937 (fig. 10). Il a été fouillé en janvier et février 1938 par Maurice Menneret, Louis Recorda, laboureur dans le même village, et Jean Bourgeat, le patron de ce dernier. C’est Louis Recorda qui signala l’existence de ce cimetière en février 1937. Alors qu’il labourait au brabant, il remarqua des pierres, dans un terrain essentiellement calcaire dont la terre arable ne dépasse pas, en général, plus de 0,30 m d’épaisseur. La présence de ces pierres lui paraissant insolite, il en souleva certaines et découvrit des ossements humains, ainsi qu’un bracelet en alliage cuivreux et les restes de deux fibules en fer. Il fit part de sa découverte à Menneret. Ensemble ils entreprirent de fouiller la zone après la récolte (fig. 11). Les fouilles débutèrent le dimanche 23 janvier 1938 (notes manuscrites de Maurice Menneret, non datée ; notes dactylographiées d’Ivan Lachat, intitulée Notes sur les fouilles récentes de Fontaine-Mâcon, présentées à la séance du 3 mai 1938 de la Société archéologique de Sens. Archives de la Société archéologique de Sens, Carton n° IV, P. Parruzot ; Anonyme, 1938, p. XLIX ; Anonyme, 1946b, p. 138).
Fig. 10. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Implantation cadastrale du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
Fig. 11. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Plan de localisation topographique du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
44Sept sépultures à inhumation ont été fouillées à peu de distance les unes des autres. Elles n’étaient apparemment associées à aucun monument funéraire (fig. 12).
Fig. 12. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Plan de masse du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
45Sépulture 1
46Fouilles du dimanche 23 janvier 1938.
Fosse : « À environ 30cm du niveau du sol des pierres de grosseur variable pouvant provenir des environs formant un lit trapèze de 1,m20 à un bout, 0,m90 à l’autre et 2,m50 environ de largeur. Plusieurs lits de pierre suivant la grosseur, sans être placées régulièrement mais celles des rives étant plutôt placées sur le côté. » (J. Menneret).
Squelette : « À 0,m90 de profondeur on trouva les ossements des jambes assez bien conservés ; ceux du corps étaient visibles et ceux de la tête étaient en débris. Le corps était à demi assis, les os du bassin se trouvant à 1,m10 et ceux de la tête à 0,m80 de profondeur. » (J. Menneret).
Mobilier : néant.
47Sépulture 2
Fouilles du dimanche 23 janvier 1938. Elle était implantée perpendiculairement à la sépulture 1.
Fosse : 1,10 m de profondeur.
Squelette : « Les ossements [étaient] mieux conservés [que ceux de la sépulture 1]. » (J. Menneret).
Mobilier :
- Épée et fourreau en fer (fig. 13). Objet très mal conservé ; « une épée dans son fourreau dont la lame est de 64cm de long sans la poignée et à peine 5cm de largeur sans le fourreau. » (J. Menneret). Long. lame : 650 mm (d’après les indications du dessin de René Diehl). Situation : « À la gauche sur le corps. » (J. Menneret).
- Deux anneaux plats en alliage cuivreux (fig. 13 et 15). Jonc fermé, lisse, de section ovale, non décoré. Diam. ext. : 30 mm ; diam. int. : 14 mm. Situation : « À la droite du corps. » (J. Menneret) / « À la droite, on a trouvé, à hauteur de la ceinture, les deux annelets de bronze qui servaient à maintenir le baudrier. » (I. Lachat).
Fig. 13. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Mobilier des sépultures 2 et 4 (fibule et anneaux de suspension : alliage cuivreux ; épées et fer de lance : fer) (d’après R. Diehl, inédit).
48Sépulture 3
Fouilles du dimanche 30 janvier 1938.
Fosse : 2,50 m de longueur, 1 m de largeur, 0,70 m de profondeur, sous 0,30 m de terre arable. Des pierres occupaient la totalité de la surface de la fosse sépulcrale. « Celles des rives se trouvaient placées sur le côté et au milieu une bande où elles se trouvaient plus profond environ 30 cent. […] Le corps se trouvant placé sur la craie de chaque côté des pierres posées sur chant formaient comme un sarcophage mais celles de la voûte s’étaient effondrées sur le corps. » (J. Menneret).
Squelette : le squelette était assez bien conservé. « Les ossements de la tête étaient les moins bien conservés. » (J. Menneret). La tête était orientée au sud-est.
Mobilier :
- Torque ternaire en alliage cuivreux (fig. 14 et 15). Jonc de section circulaire portant un décor principal ternaire composé d’un anneau cantonné de trois grosses perles, et un décor secondaire, également ternaire, composé d’un nœud cantonné de deux motifs végétaux en relief ; système de fermeture par tenon et mortaise. Diam. ext. : 128 mm ; diam. jonc : 8 mm. Situation : « Près du cou » (J. Menneret) ;
- Bracelet ouvert et décoré en alliage cuivreux (fig. 14 et 15). Jonc plein, ouvert, de section ovale, portant un décor ternaire moulé de volutes symétriques donnant naissance à une palmette trilobée. Grand axe : 70 mm ; petit axe : 66 mm ; dim. jonc : 8 x 10 mm. Situation : « à peu près au milieu de l’avant-bras gauche » (J. Menneret) ;
- Fibule de type Dux en alliage cuivreux (fig. 14 et 15). Arc de section ovale, en ‘archet de violon’, décoré de deux renflements centraux non décorés, et de lignes convexes gravées ; pied orné d’une perle cantonnée de deux renflements, surmonté d’un appendice en forme de « bec » ; ressort à deux fois trois spires et corde interne ; ardillon cassé. Long. : 62 mm ; haut. : 20 mm. Situation : « près de l’épaule droite » (J. Menneret) ;
- Fibule de type Dux en alliage cuivreux (non dessinée ; fig. 15). Arc de section ovale, en ‘archet de violon’, décoré ; pied orné d’une perle cantonnée de deux renflements, surmonté d’un appendice en forme de ‘bec’ ; ressort à deux fois trois spires et corde interne. Long. : 60 mm. Situation : « près de l’épaule droite » (J. Menneret) ;
- Fibule de type Dux en alliage cuivreux (non dessinée ; fig. 15). Arc de section ovale, en ‘archet de violon’, décoré ; pied orné d’une perle cantonnée de deux renflements, surmonté d’un appendice en forme de ‘bec’ ; ressort à deux fois trois spires et corde interne. Long. : 65 mm. Situation : « près de l’épaule gauche » (I. Lachat)5.
Fig. 14. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Mobilier de la sépulture 3 (alliage cuivreux) (d’après R. Diehl, inédit).
Fig. 15. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Photographie du mobilier des sépultures 2 et 3 (alliage cuivreux ; fragment de la soie de l’épée de la sépulture 2 : fer) (cl. R. Diehl, inédit).
49Sépulture 4
Fouilles du dimanche 6 février 1938. Elle était située à 1,50 m au nord-est de la sépulture 3.
Fosse : 2,50 m de longueur, 0,80 m de largeur extérieure, pour 2,10 m de longueur et 0,50 m de largeur intérieure ; 0,80 m de profondeur ; « même disposition des pierres qu’à la 3e [sépulture]. » (J. Menneret).
Squelette : « Ossements assez bien conservés. Taille 1,m25 environ mâchoire inférieure cassée à 0,m20 au rebord ouest » (J. Menneret). La tête était orientée au nord-ouest.
Mobilier :
- Épée avec bouterolle (fig. 13). « épée de 0,m65 dans son fourreau mais en morceaux » (J. Menneret) ; objet en mauvais état de conservation ; soie entière renforcée par deux pièces de forme rectangulaire fixées à l’aide de deux petits rivets ; bouterolle à extrémité ajourée de forme non circulaire. Long. totale : 880 mm ; long. soie : 155 mm ; long. renfort extrémité soie : 33 mm ; larg. renfort extrémité soie : 8 mm. Situation : « à gauche du corps » (J. Menneret).
- Deux anneaux plats en alliage cuivreux (non dessinés ; fig. 16). Jonc fermé, lisse, de section ovale, non décoré. Diam. ext. : 29 et 30,4 mm ; diam. int. : 14,5 mm. Situation : « près de la poignée » (J. Menneret / I. Lachat).
- Fer de javelot (fig. 13 et 16). Empennage à base étroite fuselée convexe, à douille courte et pointe courte. Long. totale conservée : 142 mm ; long. douille : 44 mm ; diam. douille : 16 mm. Situation : « près de la tête et à gauche » (J. Menneret).
- Fibule de type Dux en alliage cuivreux (fig. 13 et 16). Arc de section ovale, en ‘archet de violon’, décoré de deux renflements centraux non décorés, et de lignes convexes gravés ; pied orné d’une perle cantonnée de deux renflements, surmonté d’un appendice en forme de ‘bec’ ; ressort à deux fois trois spires et corde interne ; ardillon cassé. Long. : 57,5 mm. Situation : « près de l’épaule gauche » (J. Menneret).
50Sépulture 5
Fouilles de février 1937 ; réouverture de la fosse sépulcrale le dimanche 6 février 1938. Elle était implantée perpendiculairement à la sépulture 4 et avait été la première fosse découverte et fouillée en février 1937.
Fosse : 2,40 m de longueur, 0,80 m de largeur, 0,80 m de profondeur. Des pierres avaient été disposées de la même manière que dans les fosses des sépultures 3 et 4.
Squelette : « Peu d’ossements » (J. Menneret). La tête était orientée au nord-est.
Mobilier :
- Bracelet fermé à trois anneaux ajourés en alliage cuivreux (fig. 16 et 17). Jonc plein, lisse, de section en ‘D’, portant trois anneaux ajourés à égale distance les uns des autres ; chaque anneau est cantonné de deux renflements plats ; jonc non décoré. Diam. ext. : 65 mm ; haut. jonc : 5 mm ; ép. jonc : 2 mm ; diam. ext. anneau : 12 mm ; diam. int. anneau : 6,5 mm. Situation : à l’avant-bras gauche.
- Fibule de type de Dux en alliage cuivreux (fig. 16 et 17). Arc de section ovale, en ‘archet de violon’, décoré de deux renflements centraux non décorés, et de lignes convexes gravées ; pied orné d’une perle cantonnée de deux renflements, surmonté d’un appendice en forme de ‘bec’ ; ressort à deux fois trois spires et corde interne ; ardillon manquant. Long. : 71 mm ; haut. : 23 mm. Situation : sur l’épaule gauche.
- Fibule de type de Dux en alliage cuivreux (non dessinée ; fig. 16). Arc de section ovale, en ‘archet de violon’ non décoré ; pied manquant ; ressort à corde interne ; ardillon brisé. Long. conservée : 68 mm ; haut. : 26 mm. Situation : sur l’épaule gauche.
- Fibule en fer (non dessinée, fig ; 16). Objet incomplet ; ressort à deux fois trois spires (« fragments de fibule », J. Menneret). Larg. ressort : 24,5 mm. Situation : sur l’épaule gauche.
Fig. 16. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Mobilier des sépultures 4, 5 et 7 (bracelet, fibules et anneaux de suspension : alliage cuivreux ; fibules et fer de lance : fer) (cl. R. Diehl, inédit).
Fig. 17. Fontaine-Mâcon, Chemin des Ormeaux / Le Seuvrat (Aube).
Mobilier de la sépulture 5 (alliage cuivreux) (d’après R. Diehl, inédit).
51Sépulture 6
Fouilles du dimanche 6 février 1938. Elle était située à 0,80 m au nord-est de la sépulture 4.
Fosse : 1,20 m de longueur, 0,65 m de largeur, pour 0,65 m de profondeur. Des pierres recouvraient la totalité de la surface de la fosse.
Squelette : « Pas d’ossements » (J. Menneret).
Mobilier : néant.
52Sépulture 7
Fouilles de Louis Recorda et de Jean Bourgeat, son patron, le vendredi 18 février 1938. Elle était située à 9 m au sud-est de la sépulture 5.
Fosse : 2,80 m de longueur, 1,20 m de largeur pour 1,30 m de profondeur. Les fouilleurs ont dégagé des pierres présentant une même disposition que celles qui avaient été aménagées dans les fosses des sépultures 3, 4 et 5.
Squelette : les ossements étaient en très mauvais état de conservation. L’individu mesurait 1,75 m environ, in situ.
Mobilier :
- Fibule en fer (non dessinée ; fig. 16). Objet incomplet ; arc en ‘archet de violon’ ; pied manquant ; ressort et ardillon brisés. Long. : 108 mm ; haut. : 37 mm. Situation : sur l’épaule droite.
53Les sept sépultures ont livré au total dix-huit objets, dont un torque, deux bracelets, huit fibules, deux épées, quatre anneaux de suspension et un fer de javelot. Treize de ces objets sont en alliage cuivreux, les autres en fer.
54Le torque de la sépulture 3 est de type T15.K1c, à décor ternaire principal composé d’un anneau cantonné de trois perles et d’un décor ternaire secondaire en léger relief composé d’esses opposées (Baray, 2016, pl. 38). Un torque comparable a été découvert dans la sépulture 5 de Courtavant Mont-les-Noix (Aube ; Piette, 1979, fig. 5, n° 1). Il était associé à trois fibules de type de Dux en alliage cuivreux. Trois autres exemplaires proviennent de la sépulture H.L. 53 de La Saulsotte Bois Pot-de-Vin (Aube ; Piette, Guillaumet, 1999, fig. 6), de la sépulture 25 de Gravon Le Chemin de l’Écluse (Seine-et-Marne ; Schèrer et alii, 1972, fig. 7), et d’une sépulture de Soisy-Bouy Les Grillons (Aube ; Marion, 2004, fig. 304). À l’exception de l’exemplaire de Gravon, qui était associé à deux fibules en fer de La Tène B2 / étape VA, dont une à pied long reposant sur le sommet de l’arc, mais sans s’y fixer, les deux autres l’étaient à des fibules de type de Dux de La Tène B1 récente / étape IVB.
55Les deux bracelets appartiennent à deux types différents.
56Le bracelet de la sépulture 3 est de type B10.B (Baray, 2016, pl. 53). Il est caractéristique des assemblages funéraires de La Tène B1 récente. À Semoutiers Champ du Pré, sépulture 6, un bracelet de ce type a été retrouvé avec des fragments d’au moins deux fibules en fer, dont une munie d’un pied de type de Münsingen (Haute-Marne ; Lepage, 1984, fig. 78, n° 13).
57D’autres bracelets présentant le même décor ternaire se distinguent néanmoins de l’exemplaire de Fontaine-Mâcon soit parce qu’ils sont fermés (B3.A2), soit parce qu’ils sont à système de fermeture à segment amovible. Dans tous les cas, ils proviennent toujours de contextes datés de La Tène B1 récente. L’exemplaire de type B3.A2 de La Saulsotte Bois Pot-de-Vin (Aube) sépulture 92.25 (Piette, Guillaumet, 1999, fig. 33, n° 4), était associé à une fibule de type Münsingen, deux de type de Dux ainsi qu’à un torque ternaire. Celui de la sépulture 297 de Pont-sur-Yonne Derrière les Écoles était associé à trois fibules du type de Münsingen (Yonne ; Baray, 1991, fig. 12, n° 12). Un bracelet de ce type, mais hors contexte, provient du cimetière de La Tournerie à Lailly (Yonne ; Baray, Delpierre, à paraître). Seul l’exemplaire de la sépulture 12 de Villeseneux La Barbière, au décor particulièrement usé, peut être daté de La Tène B2 (Marne ; Roualet, Kruta, 1980, pl. IX, n° 14968).
58Le bracelet à segment amovible de la sépulture 38A de Saint-Benoît-sur-Seine La Perrière formait avec un torque à décor ternaire de type T15.E1 un ensemble cohérent datable de La Tène B2 (Aube ; Millet, 2008, pl. 16, n° 2). L’exemplaire à segment amovible de la sépulture 72 de Bressey-sur-Tille Clair Bois n’était associé à aucun autre objet (Côte-d’Or ; Chaume, 2001, pl. 140, B).
59Le bracelet de la sépulture 5 est de type B6.A, fermé, à trois anneaux (Baray, 2016, pl. 45). Un bracelet du même type, mais dépourvu des renflements encadrant les anneaux, a été trouvé dans la sépulture 87 de Buchères Les Terriers (Aube ; Paresys, 2019, fig. 25, n° 1). Il était associé, entre autres, à une fibule de type de Münsingen en alliage cuivreux et arc décoré d’un rinceau continu spiralé en faible relief. L’ensemble peut être daté de La Tène B1 récente. Un second exemplaire provient de la sépulture 36 de Fère-Champenoise Faubourg de Connantre (Marne ; Brisson et alii, 1970, pl. VII, B), dont l’ensevelissement peut également être daté de La Tène B1 récente. Il y côtoyait un torque ternaire de type T15.K1e. Un bracelet de ce type était associé à un torque à tampons coniques et jonc torsadé et à une fibule de type de Münsingen à arc gracile finement strié dans la sépulture HL 110 de La Saulsotte Bois Pot-de-Vin (Aube ; Piette, Guillaumet, 1999, fig. 9). Ici ce ne sont pas des renflements plats qui encadrent les anneaux mais des sortes de bagues. Comme pour les deux contextes précédents, ce dernier peut être daté de La Tène B1 récente.
60Les fibules en alliage cuivreux des sépultures 3, 4 et 5 sont du type de Dux, à arc moulé et gravé ou types F10.J3d2 et F10.J3d3 (Baray, 2016, pl. 99 et 100). Elles appartiennent à la série classique de V. Kruta (1979, p. 90). Comme le second exemplaire à arc non décoré (F10.J3d1b) de la sépulture 5, elles ont connu une très large distribution sur la totalité de l’Europe celtique durant La Tène B1 récente, dont elles sont caractéristiques.
61On ne peut rien dire de la fibule en fer découverte dans la sépulture 5, dont seul le ressort nous est parvenu. En revanche, l’exemplaire de la sépulture 7, malgré son mauvais état de conservation et en l’absence d’un dessin (fig. 16), est caractéristique des dernières productions à pied libre de La Tène B2. La forme caractéristique de son arc en ‘archet de violon’ et sa taille importante sont deux critères typo-morphologiques renvoyant aux fibules à pied surmonté d’une grosse perle de forme globulaire de la fin de La Tène ancienne.
62Les fourreaux des épées des sépultures 2 et 4 étaient en très mauvais état au moment de leur découverte. Du fourreau de la sépulture 2, il ne subsistait plus que la partie centrale. La bouterolle et l’entrée avaient disparu. La soie de la poignée était brisée et n’a pas été récupérée. Les caractéristiques dimensionnelles du fourreau permettent néanmoins de classer cette arme parmi les productions de la fin La Tène ancienne. Avec une longueur d’au moins 650 mm, le fourreau, hors la poignée, est de la taille des épées de La Tène B1 récente, La Tène B2 ou de La Tène C1, dont la longueur varie de 650 à 700 mm, pour une largeur de 50 à 60 mm (Rapin, 1999, p. 51 ; Rapin, 2007, p. 243). Cette épée correspond au grand module des armes de poing de la fin de La Tène ancienne définie par André Rapin. Son association avec un système de suspension composé de deux anneaux à jonc plein de section ovale en alliage cuivreux est un critère chronologique supplémentaire pour dater l’ensevelissement de la fin de La Tène ancienne.
63Du fourreau de la sépulture 4 subsistait de nombreux fragments et surtout la bouterolle, qui, malgré son mauvais état de conservation, peut être identifiée comme étant du type 3A de Lejars : « à extrémité ajourée de forme non circulaire, variante A » (Lejars, 1994, p. 22). Cependant elle n’a pu être mesurée car elle est incomplète. En l’état, elle est néanmoins comparable aux bouterolles des fourreaux de La Tène B1 récente des sépultures 91 de Münsingen Rain (Berne, Suisse ; Hodson, 1968, pl. 42, n° 461a) et 10 de Saint-Sulpice En Pétoleyres (Vaud, Suisse ; Kaenel, 1990, pl. 30, nos 6-7). Ce type de bouterolle perdure à La Tène B2 (Écury-le-Repos Le Crayon, sép. 3, Marne, voir Roualet et alii, 1982, pl. I, n° 1963), jusqu’à La Tène C1 (Aure Les Rouliers, sép. 20, Ardennes, voir Rozoy, 1986, pl. 83 ; Saint-Maur-des-Fossés Boulevard de Bellechasse, sép. 1, Val-de-Marne, voir Leconte, 1991, fig. 5, n° 1). La présence dans la sépulture 4 d’une fibule de type Dux en alliage cuivreux permet cependant de trancher et de dater l’ensevelissement de La Tène B1 récente.
64La grande longueur du fourreau (au moins 680 mm) permet aussi de confirmer cette datation. Cette épée appartient indubitablement aux productions de grand module des dernières décennies du ive siècle avant J.-C., dont certaines panoplies ne comportent, comme ici, qu’un petit fer de lance et aucune trace d’un éventuel bouclier muni d’un umbo métallique (Rapin, 2000, p. 200-201). Ces panoplies se distinguent également par le maintien d’un système de suspension composé de deux ou trois anneaux, alors que les premières chaînes de suspension métalliques font leur apparition avant de se généraliser rapidement.
65Les anneaux de suspension en alliage cuivreux des épées des sépultures 2 et 4 sont du type V1.A (Baray, 2016, pl. 124). Ils sont pleins, de section ovale. Leur nombre varie de deux à quatre, bien qu’il ne soit pas rare de ne trouver qu’un seul exemplaire. Ils mesurent de 28 à 39 mm de diamètre externe. Ceux de la sépulture 2 de Fontaine-Mâcon mesurent 27 et 29 mm de diamètre externe. Les deux exemplaires de la sépulture 4 n’ayant pas été dessinés, il nous est impossible de donner leurs dimensions avec précision. Ils semblent avoir mesuré 29 et 30,4 mm de diamètre externe, d’après la photographie qu’il subsiste d’eux.
66Les anneaux de suspension de type V1.A sont attestés dès La Tène A ancienne / étape IIIA. Leur usage perdure jusqu’à La Tène B2, c’est-à-dire jusqu’à l’apparition des premières chaînes de suspension métalliques.
67L’association d’une fibule de type de Dux avec les deux exemplaires de la sépulture 4 permet de les dater de La Tène B1 récente.
68Le fer de javelot de la sépulture 4 est du type L1.A1, à empennage à base étroite fuselée convexe, à douille courte et pointe courte (Baray, 2016, pl. 126), ou type Ia de Rapin (Rapin, 1988, p. 133).
69C’est le type ubiquiste par excellence. Il est présent durant tout le second âge du Fer sur la plus grande partie de l’Europe celtique. Il est essentiellement attesté en contexte La Tène B2 / étape VA en territoire sénon, à Gravon Le Chemin de l’Écluse, sépulture 27 (Seine-et-Marne ; Schérer et alii, 1972, fig. 4), Villeperrot Le Haut des Longues, sépulture 26 (Yonne ; Prampart, 1979, fig. 17, f), Villeneuve-la-Guyard Prépoux, sépulture 12 (Yonne ; Mordant et alii, 1979, fig. 27, n° 4), Saint-Benoît-sur-Seine La Perrière, sépulture 9 (Aube ; Millet, 2008, pl. 6, n° 5). L’exemplaire de Fontaine-Mâcon fait partie du petit module du type. Il mesure moins de 200 mm de longueur totale, à comparer, par exemple, au 276 mm de celui de Saint-Benoît-sur-Seine (Millet, 2008, p. 125).
70La totalité des objets recueillis dans le cimetière du Chemin des Ormeaux est datable de La Tène B1 récente / étape IVB, soit de 365 à 325 avant J.-C.
71Les sept sépultures du Chemin des Ormeaux sont regroupées dans un espace plutôt réduit de 10,50 m de longueur par 6,50 m de largeur. Les faibles écarts entre les inhumations, ainsi que la forte homogénéité chronologique des ensevelissements, laissent à penser qu’elles appartiennent toutes aux membres d’une seule et même famille.
72Toutes les sépultures du Chemin des Ormeaux sont à inhumation. Les défunts ont presque tous été disposés en décubitus dorsal, les membres supérieurs et inférieurs en extension. Seul celui de la sépulture 1 a été enseveli « à demi assis » : « À 0,m90 de profondeur on trouva les ossements des jambes assez bien conservés ; ceux du corps étaient visibles et ceux de la tête étaient en débris. Le corps était à demi assis, les os du bassin se trouvant à 1,m10 et ceux de la tête à 0,m80 de profondeur. ». Cette position est un unicum en contexte funéraire classique des âges du Fer du Bassin parisien. Les seules inhumations assises actuellement répertoriées proviennent d’habitats contemporains, comme à Acy-Romance La Warde (Ardennes ; Lambot, Méniel, 2000, p. 61-84), ou de sanctuaires, comme au Mormont (Suisse ; Moinat, 2007, p. 6-7 ; Moinat, 2009, p. 5-8).
73À une exception près, les fosses sépulcrales du Chemin des Ormeaux se présentaient sous la forme de structures de plan rectangulaire, aux parois verticales ou sub-verticales, et fond plat. Seule celle de la sépulture 1 adoptait une forme trapézoïdale. Elle était plus large au niveau de la tête du défunt (1,20 m contre 0,90 m aux pieds) (fig. 18).
Fig. 18. Dimensions des fosses sépulcrales du Chemin des Ormeaux.
74Les fosses mesuraient de 1,20 à 2,80 m de longueur, 0,50 à 1,20 m de largeur pour une profondeur de 0,65 à 1,30 m sous le niveau du sol actuel. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la plus grande fosse, sép. 7, n’était pas associée au défunt le mieux doté en mobilier métallique. L’individu concerné n’était accompagné que d’une fibule en fer, alors que les deux guerriers des sépultures 2 et 4 ou la femme de la sépulture 3, qui avait été dotée d’une parure complète comprenant un torque, un bracelet et trois fibules, ont été ensevelis dans des fosses, certes imposantes, mais plus petites que celle de la sépulture 7. Que dire de la fosse de la sépulture 1, dont les dimensions sont comparables à celles des sépultures 2, 3 et 4, et qui n’a livré aucun mobilier en matière non périssable ? Aucune corrélation univoque n’existe donc entre la taille des fosses et la position socio-économique supposée des défunts.
75De même, aucune corrélation n’existe entre la taille des fosses et celle des défunts qui y ont été déposés. En effet, dans les deux seuls cas pour lesquels nous disposons de la taille du squelette in situ, il apparaît très clairement que celle de la fosse a été calculée bien plus largement que nécessaire (fig. 18). Dans la sépulture 4, le squelette mesurait 1,25 m alors que la fosse dans sa partie la plus étroite mesurait 2,10 m de longueur. De même, dans la sépulture 7, le squelette mesurait 1,75 m pour une fosse de 2,80 m de longueur. Or, dans les deux cas, la grande taille de ces fosses ne s’explique ni par celle exceptionnelle du défunt, ni par l’importance du mobilier d’accompagnement, puisqu’elles n’ont livré que des objets qui ne nécessitaient pas un espace supplémentaire pour y être déposés. L’armement du guerrier de la sépulture 4 ne représente pas un encombrement tel qu’il eut fallu tailler une si grande fosse. Cela est encore bien plus vrai pour ce qui est de la sépulture 7 qui n’a livré qu’une fibule comme tout mobilier en matière non périssable. À moins d’envisager l’existence de dépôts en matière périssable (fourrures, dépôts de nourriture, fleurs, meubles en bois…) qui n’auraient laissé aucune trace, la grande taille de ses deux sépultures au regard de celle des défunts qui y ont été déposés ne peut s’expliquer que si l’on considère l’encombrement du contenant en matière périssable, autrement dit l’encombrement du cercueil. De nombreux exemples pris dans l’ensemble des cimetières du Bassin parisien indiquent en effet clairement que c’est le type de contenant qui influe avant tout sur la longueur et la largeur de la fosse, donnant ainsi parfois l’impression que le squelette « flotte » dans l’espace (Baray, 2003, p. 218). La taille particulièrement importante des fosses de ces deux sépultures doit sans nul doute s’expliquer par celle des cercueils qui y ont été déposés.
76Des aménagements lithiques, correspondant à nos types 3 et 5 (Baray, 2003, p. 120-127, fig. 19), ont été observés dans toutes les sépultures du Chemin des Ormeaux :
- Type 3 – association des types 1 (pierre de calage longitudinal et/ou latéral) et 2 (bloc(s) localisé(s) sur une ou plusieurs parties du squelette). La description de l’aménagement lithique de la sépulture 1 laisse à penser qu’il pouvait s’agir d’une sorte de coffrage en pierre au sein duquel le cercueil contenant le défunt avait été déposé : « À environ 30cm du niveau du sol des pierres de grosseur variable pouvant provenir des environs formant un lit trapèze de 1,m20 à un bout, 0,m90 à l’autre et 2,m50 environ de largeur [il faut sans doute lire longueur, plutôt que largeur]. Plusieurs lits de pierre suivant la grosseur, sans être placées régulièrement mais celles…. …. [mots illisibles] étant plutôt placées sur le côté. ».
77La sépulture 3 présentait un aménagement du même type : « Celles des rives se trouvaient placées sur le côté et au milieu une bande... [mot illisible] se trouvaient plus profond environ 30 cent. […] Le corps se trouvant placé sur la craie de chaque côté des pierres posées sur chant formaient comme un sarcophage mais celles de la voûte s’étaient effondrées sur le corps. » (J. Menneret). Jean Menneret signale que les sépultures 4, 5 et 7 présentaient une « même disposition des pierres » que celle de la sépulture 3.
78Bien que Jean Menneret ne nous dise rien de l’aménagement dont a pu bénéficier la sépulture 2, il ne fait guère de doute qu’il a été du type 3 comme le laisse voir le dessin du plan de la sépulture (fig. 12).
- Type 5 – blocage de blocs volumineux ou très volumineux au-dessus du squelette. Dans la sépulture 6, « des pierres recouvraient la totalité de la surface de la fosse ».
79Aucune signalisation monumentale de type enclos funéraire n’a été mise au jour autour des sept sépultures du Chemin d’Auxerre. Cela dit, il est possible qu’un enclos quadrangulaire ait été aménagé autour des sépultures ; enclos qui n’aurait laissé aucune trace au sol. Le recours à des haies vives n’ayant laissé aucune trace archéologiquement interprétable ou à une palissade dont les fondations n’auraient pas entamé le substrat encaissant sont deux possibilités souvent évoquées pour expliquer l’existence de ces groupements de sépultures plus ou moins importants. La répartition spatiale de ces sept sépultures semble avoir été contrainte par une délimitation aujourd’hui disparue.
80Le port de la parure et des accessoires vestimentaires par les défuntes du Chemin des Ormeaux renvoie à des pratiques culturelles largement usitées dans les autres cimetières du territoire sénon et plus généralement de l’Europe celtique. Les assemblages reconnus dans les sépultures 3, 5 et 7, les seules concernées, s’intègrent aisément dans la classification des ensembles funéraires avec ou sans parures annulaires établie pour les cimetières des âges du Fer du Bassin parisien (Baray, 2003, p. 285-290, tabl. LII et LIII).
- Parure de type 2A : à torque et bracelet seuls. La parure ou assemblage de bijoux de la sépulture 3 est du type 2, associant un torque et un bracelet. Plus précisément, il s’agit d’une parure de type 2A, le bracelet étant porté au poignet gauche. Ce type de parure est particulièrement fréquent à compter du milieu du ive siècle avant J.-C., soit La Tène B1 récente / étape IVB, époque à partir de laquelle le port unique d’un bracelet est attesté dans près de 69 % des sépultures et qui plus est de préférence au poignet gauche (type 2A) (Baray, 2003, p. 249, tabl. LII). C’est aussi de La Tène B1 récente que j’ai proposé de dater l’ensevelissement de la défunte de la sépulture 3.
81Le dépôt de trois fibules dans cette sépulture est également conforme à la tendance générale observée à l’échelle du Bassin parisien. C’est en effet dans les contextes datés entre La Tène B1 ancienne / étape IVA et La Tène C2 / étape VIA que l’on trouve 85 % d’entre eux (ibid., p. 255).
- Parure de type 16 : à bracelet seul. Le port d’un unique bracelet pour toute parure, comme dans la sépulture 5, constitue la norme tout au long des deux âges du Fer, avec près de 58 % des sépultures ayant livré des parures (ou assemblages de bijoux) non associées à un torque (Baray, 2003, p. 287, tabl. LIII). C’est à partir de La Tène B1 récente (étape IVB du Bassin parisien) que le port unitaire du bracelet s’impose définitivement sur le port binaire. Près de 69 % des sépultures de La Tène B1 récente, B2, C1 et C2 n’ont livré qu’un seul bracelet, alors que 55 % du total des sépultures du Hallstatt D, de La Tène A et de La Tène B1 ancienne en ont livré deux (ibid., p. 249). Quand il n’y avait qu’un seul bracelet, ce dernier était porté indifféremment au poignet gauche ou au poignet droit au cours de La Tène B1 récente (ibid., tabl. LIII). L’exemplaire du Chemin des Ormeaux, que l’on date de La Tène B1 récente, était porté au poignet gauche.
82Le défunt portait également deux fibules au niveau de l’épaule gauche. C’est à partir de La Tène B1 ancienne / étape IVA que les dépôts à deux fibules augmentent véritablement (ibid., p. 255).
83Le port d’une unique fibule pour tout accessoire vestimentaire comme cela a été observé dans la sépulture 7 du Chemin des Ormeaux n’est pas un fait isolé, bien au contraire. En effet, la domination du nombre des fibules uniques par sépulture se maintient du Hallstatt D1 / étape IIA à La Tène D2. Dans l’ensemble du Bassin parisien, 64 % des sépultures ne comptent qu’une seule fibule, toutes périodes et toutes régions confondues (ibid., p. 255).
84Les épées des guerriers des sépultures 2 et 4 avaient été disposées le long de leur jambe gauche, la pointe en bas, la poignée à hauteur de l’avant-bras/main. Cette pratique n’est attestée que dans 9 % des sépultures du Bassin parisien, toutes périodes confondues, du Hallstatt D1 / étape IIA à La Tène C2 / étape VIA (Baray, 2003, p. 293, tabl. LV). Au cours du second âge du Fer, la position de la poignée de l’épée est indiquée dans deux cas au niveau du bras, à Villeseneux La Barbière, sép. 1 : La Tène B2 / étape VA (Marne ; Roualet, Kruta, 1980), et à Bromeilles Mainville, sép. 33 : La Tène C1 / étape VB (Loiret ; Willaume et alii, 1977) ; et dans deux autres cas au niveau de l’avant-bras : Longvic-lès-Dijon Les Quétinières, sép. 6 : La Tène A récente / étape IIIB (Côte-d’Or ; Barral, Depierre, 1993), et Villeperrot Le Haut des Longues, sép. 18 : La Tène B2 / étape VA (Yonne ; Prampart, 1979). Il est remarquable que cette pratique ait été adoptée par les deux guerriers du Chemin des Ormeaux alors qu’elle est quasiment absente de l’ensemble des cimetières du Bassin parisien. Comme on le voit dans les rares cas inventoriés, il s’agit plutôt d’une pratique récente : La Tène A récente (1 sép.), La Tène B1 récente (sép. 2 et 4 du Chemin des Ormeaux), La Tène B2 (2 sép.) ou La Tène C1 (1 sép.).
85Le défunt de la sépulture 4 avait également été doté d’une lance dont le fer a été retrouvé à gauche de son crâne, la pointe vers le haut. Cette position est, à l’inverse de celle des épées, plutôt bien attestée dans les cimetières du second âge du Fer du Bassin parisien, où elle représente plus de 24 % des dépôts connus (Baray, 2003, p. 294, tabl. LVI). C’est cependant au cours de La Tène A ancienne qu’elle est la plus fréquente, les périodes récentes, et plus particulièrement La Tène B1 récente, date retenue pour l’ensevelissement de la sépulture 4 du Chemin des Ormeaux, sont plutôt dominées par les dépôts à la droite du crâne.
86Le cimetière du Chemin d’Auxerre était situé dans la parcelle 1406 de la section D du cadastre de 1953 (fig. 19 et 20).
Fig. 19. Fontaine-Mâcon, Chemin d’Auxerre (Aube).
Plan de localisation topographique du cimetière (d’après R. Diehl, inédit).
87Une partie des informations nous est fournie par une lettre de Jean Menneret adressée à Pierre Parruzot, en date du 21 janvier 1952 (Archives de la Société archéologique de Sens,. carton n° IV, P. Parruzot). Dans une autre lettre datée du 15 février 1941 adressée à Louis Alphonse Marie Sergent, président de la Société archéologique de Sens, Jean Menneret rapporte les conditions de la découverte de la sépulture 1 du Chemin d’Auxerre, par Louis Recorda, laboureur : « En labourant un champ [au] lieu-dit le Chemin d’Auxerre (sur le finage de Fontaine Mâcon cadastre section D)... [mot illisible] mon camarade Recorda Louis remarqua qu’à un endroit le soc du brabant touchait des pierres au fond … [mot illisible] labour. Comme c’est déjà lui qu’a découvert en 1938 les sépultures près le Chemin des Ormeaux ; par pressentiment il se rendit compte de la nature des pierres et ayant … [mot illisible] disposition, reconnu que ce devait être une sépulture. Le soir il me fit part de ses découvertes et me dit qu’il pouvait faire la fouille le dimanche 16 [février 1941]. » (archives de la Société archéologique de Sens, carton n° IV, P. Parruzot ; voir également Anonyme, 1946c, p. 186).
88Le 5 janvier 1952, Louis Recorda sonda le fossé en deux endroits (fig. 20). Fossé qu’il avait repéré, non pas en photographie aérienne, mais en observant « la fonte, plus rapide sur les sols profonds, des gelées blanches qui recouvrent les labours certaines nuits d’hiver » (Diehl, 1955, p. 510). Ce dernier avait un profil en ‘V’. Il mesurait 0,85 m de profondeur, dont 0,60 m de parois creusées dans la craie du côté est et 0,70 m de creusées dans la craie du côté ouest, sous 0,10 m de terre (lettre manuscrite de Jean Menneret adressée à Pierre Parruzot, en date du 21 janvier 1952. Archives de la Société archéologique de Sens, carton n° IV, P. Parruzot).
Fig. 20. Fontaine-Mâcon, Chemin d’Auxerre (Aube).
Plan de masse du cimetière et coupe stratigraphique du remplissage du fossé de l’enclos quadrangulaire (d’après R. Diehl, inédit).
89L’enclos a ensuite été fouillé du 10 au 17 août 1952, sous la direction de Pierre Parruzot. Le fossé formait un quadrilatère de 11 à 11,40 m de côté. Les mesures ont été prises sur l’arête médiane du fond du fossé, d’angle en angle : fossé nord : 11,30 m ; fossé est : 11,30 m ; fossé sud : 11 m ; fossé ouest : 11,40 m. Le fossé avait été taillé dans la craie sous 0,30 m en moyenne de terre arable. Une coupe y a été effectuée. Le profil du fossé affectait la forme d’un triangle :
« - du fond jusqu’à 0,m50 au-dessus du fond (pentes inclinées de part et d’autre à 60° environ) sur l’horizontale. Pente 150 %
- puis les parois s’inclinent vers l’horizontale (pente 90 % - angle = 40° environ sur 25cm de hauteur.
- profondeur totale du fossé sous surface du sol : 0,95 à 1m.
- profondeur sous surface du sol au niveau du changement de pente des parois : 0,45 à 0,50 ; largeur du fossé à cet endroit : 0,m65
- profondeur sous surface du sol à la hauteur de la craie : 0,m20 à 0,25 ; largeur du fossé à cet endroit : 1,m20
- lit de pierre s’étalent sur 0,m80 de large ; épaisseur : 0,m25
- partie supérieure au niveau de la surface de la craie
- partie inférieure au niveau de la rupture de pente des parois du fossé. » (notes manuscrites de Pierre Parruzot. Archives de la Société archéologique de Sens, carton n° IV, P. Parruzot).
90L’enclos était situé sur la lisière sud de la parcelle 1406 qui comportait, à environ 180 m à l’est de la R.N. n° 374, une borne cadastrale. L’angle sud-ouest du fossé (au fond du fossé) se trouvait à 12,30 m à l’est-nord-est de cette borne. La sépulture 1 a été découverte à 7,80 m au nord de cette même borne (à 9 m environ à l’ouest de l’enceinte). Les quatre autres sépultures (nos 2 à 5) avaient été implantées le long du bord de l’aire interne de l’enclos quadrangulaire.
91Les cinq sépultures sont toutes à inhumation ; quatre d’entre elles occupaient l’aire interne de l’enclos quadrangulaire (fig. 20).
92Sépulture 1
- 6 Toutes les orientations sont données par rapport au nord géographique.
Fouilles du 10 février 1941.
Fosse : 1,90 m de longueur, 0,80 m de largeur, 0,35 m de profondeur dans la craie, sous 0,20 m de terre arable (fig. 21). « Des blocs de grès plats ont été retrouvés sur chant de chaque côté du squelette. Des grès avaient été disposés à plat à 0,30 ou 0,40 m au-dessus du fond de la fosse. Des pierres de 20 à 25 cm ont été disposées sur 0,10 m d’épaisseur au-dessus du défunt. ».
Squelette : « Que des débris, aucune indication. » La tête était orientée au sud-sud-ouest (axe tête-pieds 34,5 grades)6.
Mobilier :
- Torque fermé en alliage cuivreux (fig. 22). Jonc légèrement déformé (ovalaire), fermé, lisse, de section circulaire, non décoré ; anneau tangent au jonc, non décoré, de section circulaire ; reste d’un jet de coulée sur la partie opposée à l’emplacement de l’anneau. Grand axe : 138 mm ; petit axe : 128 mm ; dim. ext. anneau : 25 x 28 mm ; diam. jonc : 5 mm. Situation : au cou.
- Fibule en fer (informe, donc pas de dessin ni photo). Fragment d’une fibule. Situation : non précisée.
Fig. 21. Fontaine-Mâcon, Chemin d’Auxerre (Aube).
Plans et coupes des sépultures (d’après R. Diehl, inédit).
Fig. 22. Fontaine-Mâcon, Chemin d’Auxerre (Aube).
Mobilier de la sépulture 1 (alliage cuivreux) (d’après R. Diehl, inédit).
93Sépulture 2
Fouilles de Louis Recorda du 30 décembre 1951 (extrait de la lettre adressée à Pierre Parruzot par Jean Menneret, le 1er janvier 1952).
Fosse : 2,20 m de longueur, 0,60 m de largeur aux pieds, subsistant jusqu’à l’aplomb du fossé au sud, 0,05 m de profondeur dans la craie, sous 0,25 m de terre arable, soit une profondeur totale de 0,30 m (fig. 21). Quelques pierres recouvraient en partie le squelette.
Squelette : « Très mal conservé. » / « quelques os longs (bras – jambes). » Les membres supérieurs étaient disposés le long du corps. Il mesurait 1,75 m in situ. La tête était orientée au sud (axe tête-pieds 13 grades).
Mobilier :
- Torque à tampons en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, lisse, de section circulaire ; décor géométrique réalisé par gravure et poinçonnage de part et d’autre de l’ouverture ; extrémités élargies décorées de petites stries. Diam. ext. : 123 mm ; diam. jonc : 5 mm. Situation : au cou.
- Bracelet ouvert en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, de section losangique ; décor de stries parallèles le long des deux arêtes sommitales ; motif ondulé en léger relief le long de l’arête externe. Larg. : 54 mm. Situation : à l’avant-bras droit.
- Bracelet ouvert en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, de section losangique ; décor de stries parallèles le long des deux arêtes sommitales ; motif ondulé en léger relief le long de l’arête externe.
- Larg. : 54 mm. Situation : à l’avant-bras gauche.
Fig. 23. Fontaine-Mâcon, Chemin d’Auxerre (Aube).
Mobilier des sépultures 2 et 3 (alliage cuivreux) (d’après R. Diehl, inédit).
94Sépulture 3
Fouilles du 5 janvier 1952. La sépulture était située le long du fossé sud à 1,30 m et 1,50 m dans l’enceinte (extrait de la lettre adressée à Pierre Parruzot par Jean Menneret, le 21 janvier 1952).
Fosse : 1,75 m de longueur, 0,60 m de largeur, 0,50 m de profondeur dont 0,15 m dans la craie (fig. 21). Quelques pierres ont été dégagées sur le dessus de la fosse.
Squelette : « Des débris, pas d’indication. » / « Ossements en très mauvais état. » La tête était orientée à l’ouest-nord-ouest (axe tête-pieds 134,5 grades).
Mobilier :
- Torque à jonc torsadé en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, de section carrée, torsadé ; rivet de forme pyramidale cannelée, partie supérieure plate présentant une cupule destinée probablement à recevoir une incrustation de corail. Diam. ext. : 223 mm ; diam. jonc : 8 mm. Situation : au cou.
- Bracelet fermé en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, lisse, de section ovale. Diam. ext. : 70 mm ; haut. jonc : 7 mm ; ép. jonc : 5,5 mm. Situation : à l’avant-bras droit.
- Bracelet ouvert en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, lisse, de section ovale ; décor de stries obliques sur l’arête supérieure du jonc ; système de fermeture à tenon et mortaise. Grand axe ext. : 57 mm ; haut. jonc : 5 mm ; ép. jonc : 3 mm. Situation : à l’avant-bras gauche.
- Anneau de cheville ouvert en alliage cuivreux (fig. 23). Jonc plein, lisse, de section ovale ; décor de stries obliques sur l’arête supérieure du jonc ; système de fermeture à tenon et mortaise. Grand axe ext. : 62 mm ; haut. jonc : 4 mm ; ép. jonc : 2,5 mm. Situation : à la cheville droite.
95Sépulture 4
Fosse : 2 m de longueur, 0,80 m de largeur, 0,10 m de profondeur dans la craie sous 0,25 m de terre arable, soit une profondeur totale de 0,35 m (fig. 21).
Squelette : « Seul un fragment de la calotte crânienne a été retrouvé. ». La tête était orientée au nord-est (axe tête-pieds 257 grades).
Mobilier : néant.
96Sépulture 5
Fouilles des 21 ou 22 février 1953.
« Par cette lettre je vous signale que M. Bourgeat a envoyé votre ami Recorda labourer il y a 3 ou 4 jours le champ du chemin d’Auxerre. Le midi il est revenu avec un torque dont je vous joins le dessin plus ou moins bien fait… C’est la charrue qu’il l’a mis à la surface. Il n’a pas vu de bracelets. Maintenant au milieu de l’enceinte il a marqué une place (peut-être encore une tombe). » (extrait de la lettre du 25 février 1953 adressée à Pierre Parruzot par Jean Menneret).
Fosse : 2,10 m de longueur, 0,57 à 0,60 m de largeur, 0,10 m de profondeur dans la craie, sous 0,25 m de terre arable, soit une profondeur totale de 0,35 m (fig. 21).
Squelette : « Seul le bout du tibia a été retrouvé. ». La tête était orientée à l’est-nord-est (axe tête-pieds 272 grades).
Mobilier :
- Torque fermé en alliage cuivreux (fig. 24). Jonc légèrement déformé (ovalaire), fermé, lisse, de section ovale, non décoré ; anneau tangent au jonc, non décoré, de section circulaire. Grand axe : 150 mm ; petit axe : 142 mm ; dim. ext. anneau : 22 x 24 mm ; diam. jonc : 6 mm. Situation : en dehors de la sépulture, à 6,30 m de celle-ci, à proximité du fossé (fig. 20). Son appartenance à la sépulture 5 n’est pas certaine, même si elle est fortement probable, le torque se trouvant dans le sens des labours.
- Bracelet en alliage cuivreux (fig. 24). Objet incomplet ; jonc, non décoré, de section ovale. Grand axe : 58 mm (?) : petit axe : 46 mm (?) ; dim. jonc : 4 x 6 mm. Situation : sous une pierre au niveau du bras gauche.
Fig. 24. Fontaine-Mâcon, Chemin d’Auxerre (Aube).
Mobilier de la sépulture 5 (alliage cuivreux). La sépulture 6 n’existe pas ; le torque qui a été retrouvé en surface du décapage appartient très certainement à la sépulture 5 (d’après R. Diehl, inédit).
97Les cinq sépultures ont livré au total onze objets, dont quatre torques, cinq bracelets, un anneau de cheville et une fibule. Tous les objets sont en alliage cuivreux, à l’exception de la fibule qui est en fer.
98Les quatre torques appartiennent à trois types différents.
99Les torques des sépultures 1 et 5 sont presque identiques. Hormis la présence d’un très léger renflement visible sur le jonc, à l’opposé de l’anneau, formant un décor (sans doute les restes d’un jet de coulée), et la taille plus importante de ce dernier, ils présentent les mêmes caractéristiques typo-morphologiques : des anneaux de section circulaire, non décorés, sont placés sur des joncs pleins, lisses, de section circulaire, sans décor secondaire. Un torque portant un anneau provient de la sépulture 1015 de Gouaix La Haute Grève (Seine-et-Marne ; Séguier et alii, 2010, fig. 64). Il a été daté de La Tène A, sans plus de précision. À la différence des exemplaires de Fontaine-Mâcon, l’anneau présente une forme plutôt en oméga prolongé par des pattes serpentiformes, le tout étant fixé par brasure et non venu de coulée.
100Un torque du même type provient de la collection Bergeron des fouilles de Montigny-Lencoup, La Justice (Seine-et-Marne ; Guillaumet, 1979, p. 40). Il est muni d’un appendice sub-triangulaire fixé par brasure. Un second exemplaire provenant du même cimetière, mais appartenant à la collection Lamarre, porte un appendice en oméga également fixé par brasure (Guillaumet, 1979, p. 42). Ces deux torques, à l’instar de celui de la sépulture 1015 de Gouaix, peuvent être datés du ve siècle avant J.-C.
101Le torque de la sépulture 2, à extrémités élargies décorées de cercles oculés et de lignes gravées, ouvert à vis-à-vis simple, à jonc plein lisse, de section circulaire, est du type T2.A3 (Baray, 2016, pl. 23) ou forme 8 de J.-J. Charpy (Charpy, 2013, 120 et 127, fig. 10). Les nombreux exemplaires inventoriés se répartissent dans une zone couvrant le sud du département de la Marne, l’Aube, la Seine-et-Marne, le nord de l’Yonne et l’ouest du Loiret. Des exemplaires excentrés ont même été mis au jour jusque dans l’Oise. L’analyse typo-chronologique de la composition des assemblages funéraires des contextes de découverte permet de toujours les dater de La Tène A ancienne / étape IIIA : Bromeilles Mainville, sépulture 30 (Loiret ; Willaume et alii, 1977, pl. XI, 6) ; Bucy-le-Long La Herronnière, sépulture 455 (Aisne ; Desenne et alii, 2009, fig. 237, n° 4) ; Cély-en-Bière La Longue Raie-Les Grillons (Seine-et-Marne ; Griffisch et alii, 2008, fig. 264-265) ; Fontaine-la-Gaillarde La Grande Chaume, sépulture 41 (Yonne ; Baray, 1995, pl. 30, n° 3) ; Gouaix La Haute Grève, sépulture 1016 (Seine-et-Marne ; Séguier et alii, 2010, fig. 65, n° 1) ; Larchant Les Groues, sépultures 12, 23, 47 (Seine-et-Marne ; Mathéry, 2017, fig. 42, nos 4-5 ; fig. 43, nos 1-2 ; fig. 49, nos 4-5) ; Larrey, sépulture 15 (Côte-d’Or ; Chaume, 2001, pl. 106, A, n° 1) ; La Saulsotte Bois Pot-de-Vin, sépultures HL. 107 et HL. 135 (Aube ; inédites) ; Soudé-Sainte-Croix Le Champ-la-Bataille, sépulture 19 (Marne ; Charpy, 1992a, pl. 7).
102Le torque torsadé de la sépulture 3 appartient au type T14.B, à jonc plein de section carrée décoré d’une torsade serrée et à fermoir à rivet (Baray, 2016, pl. 5). Plutôt rares, on n’en comptait en 1996 que huit exemplaires (type 31 de C. Breton), soit 2 % de l’ensemble des torques à jonc torsadé de Champagne (Breton, 1994, tabl. 6 ; Breton et alii, 2009, p. 274). Il s’agit toujours de torques de grand diamètre, à l’instar de l’exemplaire de Fontaine-Mâcon qui mesure 223 mm de diamètre externe, alors que le diamètre externe du torque de la sépulture 2 ne mesure que 122 mm. La carte de répartition signale leur dispersion depuis l’Aisne, avec quatre exemplaires à Bucy-le-Long La Herronière (Aisne), jusqu’à Chouilly Les Jogasses (Marne), selon une ligne contournant la Montagne de Reims, en passant par Bruyères-sur-Fère (Aisne) et Dormans (Marne ; Breton, 1994, carte 17 ; Breton, 1995, fig. 14). Trois de ces torques sont attestés à La Tène A ancienne / étape IIIA, à Chouilly Les Jogasses, sépulture 36 (Marne ; Hatt, Roualet, 1981, pl. VIII, n° 1255bis), et à Bucy-le-Long La Héronnière, sépultures 10 et 449 (Aisne ; Desenne, 1991, pl. 85, n° 4 ; Desenne et alii, 2009, fig. 229, n° 2).
103Cinq des six bracelets recueillis se répartissent en trois types différents. La petite taille du fragment de bracelet de la sépulture 5 ne permet pas de conclure à l’existence ou non d’un système de fermeture. En l’absence de décor visible, il n’a pas pu être classé dans un type déterminé ni daté.
104Ce bracelet a été retrouvé au poignet droit de l’inhumée de la sépulture 3. Il ne porte aucun décor. Il ne présente aucune caractéristique typo-morphologique susceptible de nous aider à le dater.
105Les deux bracelets en alliage cuivreux de la sépulture 2, à section losangique, décorés de stries et d’une ondulation en léger relief, ne connaissent pas de comparaisons directes. Cela est dû au fait que les bracelets à section losangique sont tout aussi rares que les décors ondulés. S’il est possible de trouver quelques bracelets à section losangique au cours de La Tène A ancienne, plus particulièrement dans la région chalonnaise (Bretz-Mahler, 1971, p. 62, pl. 67), il faut se reporter sur certaines fibules de La Tène B1 ancienne pour trouver des décors ondulés comparables, comme sur un exemplaire sans origine provenant de la Marne (Charpy, Roualet, 1991, n° 136) ou de Dommarien, en Haute-Marne (ibid., n° 148). L’association section losangique et décor ondulé se retrouve apparemment sur un bracelet de La Tène A ancienne de Saint-Memmie (ibid., pl. 67, n° 3).
106Ce bracelet provient de la sépulture 3. Les deux extrémités du jonc s’emboîtent l’une dans l’autre, contrairement au système de tenon et mortaise où l’une des deux extrémités pénètre dans l’autre. Ce type de bracelet est très rare. Je ne connais qu’un seul exemplaire en Champagne. De section également ovale, son jonc ne porte pas de décor. Il provient de la sépulture 3 de Soudé-Sainte-Croix Le Champ-la-Bataille (Marne ; Charpy, 1992a, pl. 9, n° 7). Il était associé à un torque à petits tampons moulés et ornés de stries parallèles, de La Tène A ancienne.
107Un unique anneau de cheville était porté à la cheville droite par l’inhumée de la sépulture 3. Il est du même type que le second bracelet de cette même sépulture, à système de fermeture par emboîtement. Comme ce dernier, il porte un décor de petites stries obliques sur une des deux arêtes du jonc. Le grand axe du profil externe du bracelet et celui de l’anneau de cheville ne sont pas identiques. Le premier mesure 56 mm de longueur contre 62 mm pour celui de l’anneau de cheville. À ma connaissance, cet anneau de cheville est un unicum, je ne lui connais aucune comparaison typologique et morphologique. Il doit appartenir à cette petite série de bracelets détournés de leur fonction première et utilisés comme anneau de cheville. On peut citer les exemplaires à tampons (type A4) de La Tène B1 récente / étape IVB de Belan-sur-Ource, sépultures 1 et 2 (Côte-d’Or ; Joffroy, 1955, pl. XX, nos 2 et 4), Vernois-lès-Vesvres Forêt de Chamberceau, tumulus 115, sépulture 1 (Côte-d’Or ; Ratel, 1979, fig. 5, n° 1) ou Nod-sur-Seine Voisin, sépulture C (Côte-d’Or ; Brulard, 1906, pl. II, n° 7).
108Aucune photo ou dessin du fragment de la fibule en fer de la sépulture 1 n’a été conservé. Aucune classification typologique ni aucune attribution chronologique ne peuvent donc être proposées.
109Hormis le fragment de fibule en fer, non datable, les dix autres objets des sépultures du Chemin d’Auxerre se rapportent tous, quand une datation précise a pu être proposée, à La Tène A ancienne / étape IIIA, soit entre 475 et 440 avant J.-C.
110Conformément aux normes culturelles dominantes au cours des ve et ive siècles avant J.-C., les défunts du Chemin d’Auxerre ont tous été inhumés entiers.
111A priori, tous les défunts avaient été disposés en décubitus dorsal, les membres supérieurs et inférieurs en extension. Aucune information contraire ne nous est parvenue, sinon le relevé de la sépulture 4 dans laquelle seul un fragment de calotte crânienne a été recueilli. Or, la présence d’une sorte de marche interne dans la partie basse et orientale de la fosse a incité René Diehl à proposer un relevé en plan du défunt en décubitus latéral droit (fig. 21), la position du squelette épousant la forme incurvée de la partie basse de la fosse. Bien que parfaitement plausible, rien ne permet cependant de valider cette proposition.
112Les corps avaient été orientés de manière aléatoire autour d’un probable tertre funéraire occupant l’aire interne de l’enclos quadrangulaire (voir infra). Comme il arrive toujours en pareil cas, l’orientation des défunts se calque sur la forme circulaire du monument au pied duquel ils ont été ensevelis, d’où la grande variabilité et l’absence d’axe privilégié (Baray, 2003, p. 71-76). La norme ici est l’absence de norme. Le choix de l’orientation est laissé au hasard. On note un crâne au sud-sud-ouest (sép. 1), un au sud (sép. 2), un à l’ouest-nord-ouest (sép. 3), un au nord-est (sép. 4) et un à l’est-nord-est (sép. 5).
113La longueur des fosses varie de 1,75 à 2,20 m, la largeur de 0,57 à 0,80 m, tandis que la profondeur connaît une faible amplitude, de 0,30 à 0,50 m (fig. 25). Les très faibles profondeurs des fosses 2, 3, 4 et 5 s’expliquent sans nul doute par leur creusement à la base d’un tertre funéraire qui a dû occuper à l’origine l’aire interne de l’enclos quadrangulaire (voir supra). Si l’on ne retient que la profondeur des fosses qui entamèrent la craie encaissante, c’est-à-dire qui ne furent pas comprises dans la masse tumulaire, ces dernières varient de 0,05 à 0,25 m. Il a fallu de peu, d’un labour plus profond, pour que certaines d’entre elles ne disparaissent à tout jamais.
Fig. 25. Dimensions des fosses sépulcrales du Chemin d’Auxerre.
114Le défunt de la sépulture 2 mesurait 1,75 m in situ. Il avait été déposé dans une fosse de 2,20 m de longueur, la plus grande de ce petit cimetière. La grande taille du défunt comme de celle de la fosse me semble en parfaite adéquation. En effet, une fois soustrait l’espace nécessaire pour introduire aisément le cercueil dans la tombe, soit au moins 0,10 m à chaque extrémité de la fosse, auxquels il faut ajouter les 0,10 m d’épaisseur du cercueil, à imaginer que ce dernier ait été de type monoxyle, on comble aisément les 0,45 m qui séparent la taille du squelette et celle de la fosse sépulcrale.
115Trois des cinq sépultures ont livré des aménagements lithiques destinés à protéger et/ou caler les cercueils en bois. Ils sont de deux types (Baray, 2003, p. 120-127, fig. 19) :
- Type 2 – bloc(s) localisé(s) sur une ou plusieurs parties du squelette. Quelques pierres recouvraient en partie les squelettes des sépultures 2 et 3.
- Type 3 – association des types 1 (pierre de calage longitudinal et/ou latéral) et 2 (bloc(s) localisé(s) sur une ou plusieurs parties du squelette). Le défunt de la sépulture 1 avait été enfermé dans un véritable coffrage de pierre : « Des blocs de grès plats ont été retrouvés sur chant de chaque côté du squelette. Des grès avaient été disposés à plat à 0,30 ou 0,40 m au-dessus du fond de la fosse. Des pierres de 20 à 25 cm ont été disposées sur 0,10 m d’épaisseur au-dessus du défunt. ».
116Quatre des cinq sépultures ont été implantées sur l’aire interne de l’enclos quadrangulaire (sép. 2 à 5). Seule la sépulture 2 l’a été parallèlement à un côté du fossé, les trois autres adoptèrent une position oblique par rapport au côté du fossé à proximité duquel elles ont été creusées. Ensemble, elles dessinent une sorte de cercle autour d’un espace vide, comme si l’aire interne du monument avait été recouvert d’un tumulus de forme circulaire à la base duquel les sépultures auraient été installées. Une telle configuration spatiale n’est pas sans rappeler celle que l’on a pu observer dans d’autres monuments funéraires arasés des âges du Bronze (enclos circulaires) ou des âges du Fer (enclos quadrangulaires). En effet, l’arasement de la masse tumulaire au sein de laquelle d’autres sépultures, notamment l’éventuelle sépulture centrale, ont pu être implantées aboutit toujours à la disparition des sépultures centrales et à la conservation de tout ou partie des sépultures périphériques. Parce que plus profondément creusées dans le substrat encaissant que les sépultures situées dans la masse tumulaire, les sépultures périphériques ont plus de chance d’échapper à toute destruction et à nous parvenir plus ou moins intactes. C’est sans doute ce qui s’est passé au Chemin d’Auxerre où les seules sépultures positionnées sur le bord de l’aire interne du monument sont conservées. Leur très faible profondeur va d’ailleurs dans ce sens (voir supra). Si l’on compare la profondeur de la sépulture 1 (0,35 m), implantée en dehors de l’enclos quadrangulaire, à celle des sépultures 2, 3, 4 et 5 (de 0,05 à 0,25 m), implantées sur son aire interne, il apparaît clairement que ces dernières ont été bien moins profondément enfouies. Cette différence s’explique vraisemblablement par l’existence d’un tertre qui recouvrait les sépultures et complétait artificiellement leur remblaiement.
117Tout laisse à penser que nous sommes ici en présence d’un monument dont l’aire interne a été recouverte à l’origine d’un tumulus de forme circulaire. Ce type de signalisation monumentale, destinée à honorer un individu ou une famille en particulier, est courant en Europe celtique à compter du début du second âge du Fer.
118Le fait que la sépulture 1 ait été découverte isolément en dehors de l’enclos funéraire est un phénomène très courant dans les cimetières du second âge du Fer du territoire sénon. On y trouve en effet des sépultures regroupées au sein de monuments funéraires, d’autres regroupées au sein d’un espace non délimité, mais qui l’a sans doute été à un moment donné de l’histoire du cimetière (par des haies vives n’ayant laissé aucune trace au sol, par exemple), et enfin des sépultures plus ou moins isolées réparties aléatoirement à la surface du cimetière. C’est notamment le cas à Villeperrot Le Haut des Longues (Yonne ; Prampart, 1979, fig. 8), à Gouaix La Haute Grève (Seine-et-Marne ; Séguier et alii, 2010, fig. 44) ou encore à Courtempierre Les Genièvres (Loiret ; Drwila, 2009, fig. 6). Dans tous les cas, il faut envisager l’existence de signalisation individuelle pour les sépultures isolées, sous la forme d’une petite butte de terre, d’une stèle en bois ou de pierres fichées dans le sol. La rareté des recoupements entre sépultures en témoigne indirectement.
119Quatre des cinq sépultures sont celles d’individus portant des parures féminines, comprenant notamment un torque ; aucune sépulture de guerrier n’a été mise au jour. Ce petit ensemble, bien que sans nul doute incomplet (voir supra), se distingue par cette prédominance de sépultures féminines. Aussi toute proportion gardée, il peut être comparé au petit cimetière de Le Chêne Le Chemin de l’Huître (Aube) qui n’a livré que quatre sépultures, toutes féminines (Kaurin, Seguin, 2013). Deux avaient été implantées sur l’aire interne d’un enclos quadrangulaire, les deux autres à l’extérieur, sans signalisation monumentale.
120La manière dont ces quatre défuntes portaient leurs parures annulaires renvoie à quatre types différents de la classification du port de ce type d’objets (Baray, 2003, p. 285-290, tabl. LII et LIII) :
- Parure de type 1A : à torque seul. La défunte de la sépulture 1 n’avait été dotée que d’un torque passé autour du cou. Le port d’un torque comme seule parure annulaire représente 19 % des assemblages des parures annulaires avec torque, toutes périodes confondues (Baray, 2003, p. 287, tabl. LII). C’est principalement durant le premier âge du Fer, et plus particulièrement durant le Hallstatt D3 / étape IIC que l’on trouve le plus grand nombre de sépultures dotées d’un torque comme unique parure (parure de type 1A). Encore bien représenté au cours de La Tène A ancienne / étape IIIA, comme à Fontaine-Mâcon, le phénomène se maintient ensuite, mais à des niveaux très bas, tout au long du second âge du Fer, jusqu’à la disparition des torques au cours de La Tène C1.
- Parure de type 2A : à torque et bracelet seuls. En associant le torque découvert dans les labours à quelques mètres de la sépulture 5 (voir supra) et le fragment de bracelet qui y a été recueilli, nous obtenons une parure de type 2A, à torque et bracelet seuls ; le bracelet était porté à l’avant-bras gauche. Ce faisant, la défunte s’est distinguée de la très grande majorité des femmes de son époque (La Tène A ancienne / étape IIIA) qui arboraient de préférence une paire de bracelets, toujours identiques, et portés à chacun des avant-bras. Ce n’est en effet qu’à partir du milieu du ive siècle avant J.-C. ou La Tène B1 récente / étape IVB qu’a été adopté le port d’un unique bracelet au poignet gauche, alors que c’est le poignet droit qui avait été privilégié entre le second quart du ve siècle et le milieu du ive siècle avant J.-C. (de La Tène A ancienne à La Tène B1 ancienne ; Baray, 2003, p. 249 et 287, tabl. LII). La défunte de la tombe 5 de Fontaine-Mâcon, dont l’ensevelissement a été daté de La Tène A ancienne, s’est ainsi démarquée des normes culturelles de son époque, à moins qu’il ne faille y voir le résultat de la disparition d’une partie de son mobilier, suite à l’arasement de sa sépulture ?
- Parure de type 3A : à torque et deux bracelets. La parure de la sépulture 2, un torque et deux bracelets identiques portés aux poignets, est de type 3A (Baray, 2003, p. 287, tabl. LII) (voir supra ce qu’il a été dit de la parure de type 3A découverte dans la sépulture 9 des Hantes).
- Parure de type 6A : à torque, à deux bracelets et un anneau de cheville. La parure de la sépulture 3 est exceptionnelle. Alors qu’elle est attestée au cours du Hallstatt D / étapes IIA à IIC, à un faible taux (seulement 5,2 % du total des parures), elle disparaît à partir de La Tène A ancienne / étape IIIA (Baray, 2003, p. 289). Or, contrairement à ce qui a pu être observé sur l’ensemble des cimetières du Bassin parisien, la sépulture 3 nous offre un premier contre-exemple : l’ensevelissement de la défunte a été daté de La Tène A ancienne / étape IIIA.
121L’absence de donnée anthropologique concernant l’âge au décès des deux inhumés des sépultures 1 et 5 ne me permet pas de les associer de manière certaine à trois sépultures d’immatures ayant également livré un torque orné d’un anneau comme unique motif décoratif. Il aurait été intéressant de pouvoir confirmer, grâce à ces deux nouveaux cas, l’association remarquable des torques de ce type à des sépultures d’immatures. Les trois torques ont été retrouvés dans les sépultures 109 de Marolles-sur-Seine Le Carreau Franc (Seine-et-Marne ; Baray, 2018, fig. 1), 1015 de Gouaix, La Haute Grève (Seine-et-Marne ; Séguier et alii, 2010, fig. 64, n° 1), et 8 de Barbey, Le Chemin de Montereau (Seine-et-Marne ; Ginoux, Gouge, 2018, fig. 2). Il s’agit dans les trois cas d’un torque en alliage cuivreux, fermé, à jonc rond, lisse, orné d’une protubérance dont la forme permet seule de les distinguer : un anneau en oméga prolongé sur le jonc par des pattes serpentiformes à Gouaix ; un anneau non ajouré à Marolles-sur-Seine ; un anneau surmonté d’une perle et cantonné de deux perles à Barbey. S’agit-il d’un emblème spécifique qui aurait été réservé aux immatures avant leur reconnaissance sociale par la communauté et leur passage dans le monde des adultes ? Il est impossible de répondre à cette question tant le nombre de cas inventoriés reste faible pour le moment. Toutefois le petit diamètre du torque de la sépulture 1 est conforme à celui des trois torques d’immatures cités précédemment. Il est également conforme à celui des torques associés à des sépultures d’enfants, comme a pu le mettre clairement en évidence É. Millet pour les découvertes des régions du Rhin moyen et supérieur (Millet, 2008b).
122Cela dit, dans la mesure où il s’agit toujours de torques fermés qui ne pouvaient être enlevés que par cisaillage, on peut penser qu’ils ne devaient l’être qu’une fois les cérémonies de passage initiatiques accomplies ; ils n’étaient dès lors plus portés par les adultes. En revanche, en cas de décès prématuré, les torques étaient laissés autour du cou des jeunes défunts, ce qui explique qu’ils soient toujours retrouvés entiers et fermés.
123Marqueur identitaire autant que social, ces torques devaient être porteurs d’une charge symbolique particulièrement forte, comme l’indique clairement leur association récurrente avec le monde des guerriers, qu’il s’agisse des textes antiques qui en font mention (Polybe, II, 29, 8 ; Tite-Live, VII, 10, 11), de la statuaire du premier (Hirschlanden, Glauberg, Marduel, Grézan, Sainte-Anastasie) et du second âge du Fer (Nîmes, Glanum, Constantine, Roquepertuse, Entremont, Vachères) d’Europe occidentale, que des monnaies celtiques (Denier CALEDV ; denier ATEVLA / VLATOS ; potin au personnage courant…). En revanche, à de très rares exceptions près (Bouqueval, Fossé à deux Guëulle, Val-d’Oise, sép. 13 ; Vrigny, Mont-de-Vannes, Marne, sép. 25), ce sont les sépultures féminines qui livrent les torques. Symbole de puissance et de statut social élevé, le torque marque par sa présence dans la tombe la place éminente du défunt ou de la défunte dans la société. Associé à des sépultures d’immatures, peut-être était-ce également le cas à Fontaine-Mâcon, il signale ostensiblement la transmission héréditaire du pouvoir ou, à tout le moins, d’une position sociale élevée dans la société.
124Le port d’anneaux de cheville est un phénomène assez rare dans une grande partie de la moitié nord de la France de La Tène A à La Tène C1 incluse (Bassin parisien, Normandie, région centre) (Kruta, 1985, p. 27-50 ; Leman-Delerive, 1987, p. 33-41 ; Charpy, 1991, p. 75-125 ; Charpy, Roualet, 1992, p. 190-196 ; Guillier, 1994, p. 87-101 ; Baray, 2003, p. 250-251 et 289-290). Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut estimer à trente-trois le nombre de ces sépultures féminines. Elles se répartissent entre la Montagne de Reims au nord et les sources de la Marne et la plaine dijonnaise au sud (fig. 26). La plupart d’entre elles sont cependant localisées dans le sud du département de la Marne, la moitié orientale de l’Aube et le nord de la Haute-Marne.
Fig. 26. Carte de répartition des anneaux de cheville.
1. Barbuise Vieilles Grèves de Bouligny (Aube), sépulture de 1867 ; 2. Le Chêne Le Chemin de l’Huître (Aube), sépulture 3 ; 3. Fontaine-Mâcon Chemin d’Auxerre (Aube), sépulture 2 ; 4. Luyères Les Vermillonnes (Aube), sépultures 15 et 17 ; 5. Saint-Benoît-sur-Seine La Perrière (Aube), sépultures 21 et 42 ; 6. Trouans Fosses-Ribaudes II (Aube), sépulture 1 ; 7. Arc-sur-Tille (Côte-d’Or) ; 8. Belan-sur-Ource (Côte-d’Or), sépultures 1 et 2 ; 9. Bellenod-sur-Seine La Farge (Côte-d’Or), tumulus – sépulture 4 ; 10. Nod-sur-Seine Champs du Rupt au Cerf (Côte-d’Or), sépulture C ; 11. Vernois-lès-Vesvres Forêt de Champberceau Côte-d’Or), tumulus 115 – sépulture 1 ; 12. Nogent-en-Bassigny Forêt de Marsois (Haute-Marne), sépulture 4 ; 13. Saint-Dizier La Fosse aux Loups (Haute-Marne) ; 14. Corroy Au-dessus des Roseaux (Marne), sépulture 10 ; 15. Gourgançons Poplainnaux (Marne), sépulture 2 ; 16. Loisy-sur-Marne La Vigne aux Morts (Marne), sépultures 6, 13, 14 et 20 ; 17. Pleurs Les Buttes (Marne), sépulture 10 ; 18. Pogny Grand-Mont (Marne), sépultures 5 et 6 ; 19. Sillery-Verzenay Le Champ de la Guerre (Marne), sépulture 6 ; 20. Somsois La Perrière – La Guillière (Marne), sépultures 9, 15 et 18 ; 21. Soudé-Sainte-Croix Le Champ-la-Bataille (Marne), sépultures 11 et 17 ; 22. Torcy (Aube), silo ; 23. Bar-sur-Seine (Aube) ; 24. Dampierre (Aube) ; 25. Dienville (Aube) ; 26. Isle-Aumont (Aube) ; 27. Mailly-le-Camp (Aube) ; 28. Méry-sur-Seine (Aube) ; 29. Pont-Sainte-Marie (Aube) ; 30. Ramerupt (Aube) ; 31. Auberive Grand-Combe (Haute-Marne) ; 32. Cusey (Haute-Marne) ; 33. Esnoms (Haute-Marne) ; 34. Perrogney (Haute-Marne) ; 35. Rouelles (Haute-Marne) ; 36. L’Épine (Marne) ; 37. La Croix-en-Champagne (Marne) ; 38. Margerie-Hancourt (Marne) ; 39. Marolles (Marne) ; 40. Sarry (Marne) ; 41. Vitry-le-François Les Marvis (Marne). Rond noir : en contexte funéraire ; étoile blanche : en silo ; rond blanc : hors contexte (infographie P. Pihuit).
125Plusieurs observations peuvent être faites à propos des sépultures ayant livré ce type de parure et sur la manière dont les anneaux de cheville sont portés (fig. 27) :
Fig. 27. Sépultures ayant livré des anneaux de cheville.
Seul l’inventaire des parures et des accessoires vestimentaires a été reproduit ici (le signe ** signifie que la sépulture a livré deux anneaux portés chacun à une cheville ; *d : un anneau porté à la cheville droite ; *g : un seul anneau porté à la cheville gauche). Le classement des communes suit celui chronologique des sépultures qui ont été découvertes sur leur territoire respectif.
- elles sont généralement l’exception dans les cimetières, mis à part Fontaine-Mâcon (une sur cinq sépultures), Le Chêne Le Chemin de l’Huître (Aube ; une sur quatre), Sillery-Verzenay Le Champ de la Guerre (Marne ; une sur six), Pogny Grand-Mont (Marne ; deux sur six), et Nod-sur-Seine Voisin (Côte-d’Or ; une sur six) : trois sur vingt-six à Somsois La Perrière - La Guillière (Marne) ; une sur quinze sépultures à Pleurs Les Buttes (Marne) ; deux sur trente à Soudé-Sainte-Croix Le Champ-la-Bataille (Marne) ; quatre sur les vingt sépultures ayant livré du mobilier à Loisy-sur-Marne La Vigne aux Morts (Marne) ; une sur au moins quatorze à Corroy Au-dessus des Roseaux (Marne) ; une sur trente-six à Gourgançons Poplainnaux (Marne) ; deux sur quarante-cinq à Saint-Benoît-sur-Seine La Perrière (Aube) ; deux sur vingt et une à Luyères Les Vermillonnes (Aube) ; une sur vingt à Trouans Fosses-Ribaudes II (Aube) ;
- à l’exception de la sépulture de Fontaine-Mâcon, que je date de La Tène A ancienne, toutes les autres sépultures avec anneaux de cheville se répartissent entre la seconde moitié du ive siècle et le iiie siècle avant J.-C., soit de La Tène B1 récente à La Tène C1 (fig. 27) ; un peu moins de la moitié d’entre elles date cependant de La Tène C1 ; la datation de la sépulture 3 de Le Chêne, de la transition La Tène B2/C1, indique clairement que le port des anneaux de cheville est un phénomène de mode qui touche avant tout les populations du iiie siècle avant J.-C. Dans les régions voisines comme la Haute-Marne et la Lorraine, les anneaux de cheville apparaissent à partir de La Tène B1 récente et perdurent jusqu’à La Tène B2 (Leroy, 1993, p. 266, fig. 10 ; Charpy, 1992, p. 154, fig. 6a-b) ;
- les anneaux de cheville sont majoritairement portés par paire : seules sept des trente-trois sépultures ont livré un seul anneau de cheville, soit 21,2 % d’entre elles ; une seule en a livré trois ;
- quand ils sont portés à l’unité, ils le sont indifféremment à la cheville gauche (Torcy ; Gourgançon ; Corroy) ou à la cheville droite (Loisy-sur-Marne ; Fontaine-Mâcon). Pour Venceslas Kruta, « le port d’un seul anneau de cheville représente incontestablement une anomalie par rapport à l’usage courant et il est probablement l’expression de la situation particulière de la défunte » (Kruta, 1985, p. 42). Le petit nombre de cas connus avec certitude comme l’étalement chronologique des découvertes (voir supra), ne permet pas, à notre sens, d’abonder dans le sens de Venceslas Kruta. Il convient de rester prudent et de se contenter pour l’heure de constater le phénomène sans vouloir absolument l’interpréter dans un sens ou un autre. Trop de critères manquent à l’analyse, ne serait-ce que l’âge des défuntes, pour pouvoir le corréler éventuellement avec la manière dont les anneaux de cheville sont portés, à l’unité ou par paire. Les données ethnographiques indiquent en effet que le port des parures répondait généralement à des codes dont une des clés étaient l’âge des femmes selon qu’elles étaient encore dans l’enfance, jeunes adultes, adultes ou très âgées. À cela il faut encore ajouter le fait que ces femmes pouvaient être célibataires, mariées ou veuves, toutes considérations sociales intervenant vraisemblablement dans le port de certains bijoux et sur la manière de les porter ou de les assortir avec d’autres bijoux formant la parure de chacune d’entre elles ;
- les anneaux de cheville sont rarement associés au port d’un torque, comme c’est le cas à Fontaine-Mâcon, à Somsois La Perrière - La Guillière, sépulture 18 (Marne ; Kruta, 1985, fig. 4), à Barbuise Vieilles Grèves de Bouligny, sépulture de 1867 (Aube ; Le Clert, 1898, p. 54-55), à Saint-Benoît-sur-Seine La Perrière, sépulture 42 (Aube ; Millet, 2008a, pl. 17-18), à Trouans Les Fosses-Ribaudes II, sépulture 1 (Aube ; Charpy, 1992b, pl. 29, n° 110), à Le Chêne Le Chemin de l’Huître, sépulture 3 (Aube ; Kaurin, Seguin, 2013, fig. 72), à Saint-Dizier La Fosse aux Loups (Haute-Marne ; Lepage, 1984, fig. 89, nos 1-8), à Nod-sur-Seine Voisin, sépulture C (Côte-d’Or ; Brulard, 1906, pl. II, n° 12), ou à Torcy, silo (Aube ; Villes, 1991), soit 21,2 % des sépultures en ayant livré ;
- les anneaux de cheville sont dans vingt-deux cas sur trente-trois associés à d’autres parures annulaires, comme des torques, des bracelets, des brassards ou des bagues ;
- les anneaux de cheville ne sont les seules parures annulaires que dans six des trente-trois sépultures inventoriées ;
- dans cinq cas, il s’agit du seul mobilier en matière non périssable ayant été associé aux défuntes ;
- hormis les sépultures 5 de Pogny et 3 de Le Chêne, toutes les autres sépultures ont livré une à trois fibules, à l’instar de l’écrasante majorité des sépultures du second âge du Fer de la moitié nord de la France (Baray, 2003, p. 255). Les sépultures ayant livré quatre ou plus de quatre fibules sont très rares. En revanche, comme à Fontaine-Mâcon, datée de La Tène A ancienne, très nombreuses sont celles qui n’en ont livré aucune. Les sépultures du ve siècle et de la première moitié du ive siècle avant J.-C. livrent en effet moins de fibules que celles qui sont datées de la seconde moitié du ive siècle et du iiie siècle avant J.-C. ;
- la présence d’éléments non périssables dans la fabrication des ceintures répond également aux mêmes considérations chronologiques. Rares au cours des périodes anciennes du second âge du Fer, ils ne deviennent véritablement fréquents qu’à partir de la seconde moitié du ive siècle avant J.-C. C’est toutefois au cours de La Tène B2 et de La Tène C1 qu’ils sont les plus nombreux. Leur présence dans vingt et une des vingt-neuf sépultures à anneaux de cheville datées de la fin du ive siècle et du iiie siècles avant J.-C. s’explique ainsi aisément.
126Aucun des trois cimetières étudiés ici n’a connu une occupation antérieure au premier quart du ve siècle avant J.-C. Fondés ex nihilo, ces cimetières ne font pas suite à des occupations plus anciennes des âges du Bronze, par exemple, comme cela a pu être si fréquemment observé dans le territoire sénon.
127Ils n’ont été occupés que durant La Tène ancienne. Aucune sépulture de La Tène C1, La Tène C2 ou La Tène D n’a été découverte. Il s’agit donc d’occupations de courtes durées qui s’échelonnent du premier quart du ve siècle au premier quart du iiie siècle avant J.-C., soit de La Tène A ancienne à La Tène B2. Chaque cimetière connaît cependant son propre rythme d’occupation. Ils ne sont pas entièrement synchrones les uns des autres.
128Le cimetière du Chemin d’Auxerre est occupé à La Tène A ancienne, soit entre 475 et 440 avant J.-C. Les cinq sépultures mises au jour et fouillées à proximité ou dans l’aire interne de l’enclos quadrangulaire datent de cette période. Il s’agit là d’un ensemble chronologique particulièrement homogène dont on n’a pas d’équivalent dans le reste du territoire sénon. Habituellement les sépultures de cette période sont rares et dispersées au sein d’ensembles chronologiques bien plus récents, généralement datés de la seconde moitié du ive siècle et du iiie siècle avant J.-C.
129Alors que les premiers enclos quadrangulaires apparaissent à l’extrême fin du Hallstatt D3 (Baray et alii, 1994, p. 137-139 ; Baray, 1999, p. 119 ; Baray, 2003, p. 180 ; Baray, 2009, p. 77-78, fig. 22-23), ceux de petite taille (type A72, voir Baray et alii, 1994, fig. 100 : de 9 à 15 m de côté ; moins de 12 m à Fontaine-Mâcon), ne font leur apparition que dans le courant du ve siècle avant J.-C., sur quelques rares sites, notamment à Charmoy Sous les Ormes, enclos 7 (Yonne ; Carré, 1979, fig. 1), à Courtavant Les Grèves de Bouligny, enclos A (Aube ; Piette, 1979, fig. 8), et à Gouaix La Haute Grève, enclos 2 (Seine-et-Marne ; Séguier et alii, 2010, fig. 160). La fondation d’un enclos quadrangulaire à une date si ancienne à Fontaine-Mâcon mérite donc d’être soulignée. Comme signalé précédemment, il est possible que ce monument ait été édifié pour y recevoir la sépulture centrale d’un individu éminent aux yeux de sa communauté, sépulture ayant été détruite au moment de l’arasement du tertre funéraire.
130L’estimation de la durée d’occupation des Hantes est impossible à déterminer puisqu’une seule sépulture sur les treize qui ont été découvertes et fouillées a livré du mobilier. Les autres, peut-être pas forcément toutes, ont été vraisemblablement pillées anciennement. Toujours est-il que ce petit cimetière, si l’on se réfère à la dynamique d’occupation des deux autres, a pu connaître une durée d’occupation relativement courte, de l’ordre d’une ou deux générations, guère plus. La sépulture 9, la seule à avoir livré du mobilier, date de La Tène B1 ancienne, soit de la première moitié du ive siècle avant J.-C. Or, les témoins de cette étape chronologique sont généralement plutôt rares dans l’ensemble des cimetières du territoire sénon.
131Le cimetière du Chemin des Ormeaux présente une parfaite homogénéité chronologique. Toutes les sépultures ayant livré du mobilier datent en effet de La Tène B1 récente / étape IVB (fig. 28).
Fig. 28. Chronologie des occupations des cimetières de Fontaine-Mâcon.
132Les sépultures des trois petits cimetières de Fontaine-Mâcon sont à inhumation ; aucune sépulture à crémation n’a été découverte et fouillée.
133Les informations disponibles, comme les relevés en plan des sépultures, montrent clairement que les défunts ont été disposés en décubitus dorsal, les membres supérieurs et inférieurs en extension. Deux seules anomalies ont été relevées par les fouilleurs à propos de la sépulture 1 du Chemin des Ormeaux (position à « demi assise », voir supra) et de la sépulture 4 du Chemin d’Auxerre (position en décubitus latéral droit, voir supra).
134De la présence quasi systématique d’aménagements lithiques dans la très grande majorité des sépultures de ces trois cimetières, on déduit que la plupart des défunts ont été ensevelis dans des cercueils. Les blocs de grès ou les rognons de silex entourant les squelettes ou les recouvrant délimitent les espaces internes qui avaient été ceux occupés à l’origine par les cercueils. On peut en conclure, sans trop de risque d’erreur et malgré l’absence d’analyses anthropologiques in situ, que la décomposition de la majorité des inhumés des cimetières de Fontaine-Mâcon s’est faite en espace vide.
135Aucune orientation privilégiée n’apparaît à la lecture de la figure 29. Que ce soit au sein d’un même cimetière ou sur l’ensemble des trois cimetières de Fontaine-Mâcon, les défunts ont été positionnés différemment les uns par rapport aux autres, aucune règle n’ayant visiblement présidé à leur orientation. Si au sein de l’enclos quadrangulaire du Chemin d’Auxerre, les orientations semblent avoir été déterminées par la forme circulaire du tumulus central au pied duquel les inhumés ont été ensevelis, comme c’est fréquemment la règle en pareil cas, elles paraissent totalement aléatoires aux Hantes et au Chemin des Ormeaux. Cette impression est du reste largement confirmée à la lecture des plans des trois cimetières (fig. 6, 12 et 20).
Fig. 29. Orientation des défunts des cimetières de Fontaine-Mâcon.
136À une exception près, les fosses sépulcrales des trois cimetières de Fontaine-Mâcon se présentaient sous la forme de structures de plan rectangulaire, aux parois verticales ou sub-verticales, et à fond plat. Seule celle de la sépulture 1 du Chemin des Ormeaux adoptait une forme trapézoïdale.
137Les fosses mesuraient de 1,20 à 2,80 m de longueur, de 0,57 à 1,20 m de largeur, pour une profondeur variant de 0,30 à 1,30 m sous le niveau du sol actuel. La moyenne des profondeurs s’établit à 0,61 m. Les longueurs s’inscrivent dans la classe des fosses de taille moyenne du Bassin parisien (1,50 à 3 m), tandis que les largeurs se répartissent entre la classe des fosses petites/moyennes (0,10-1 m) et la classe des fosses larges (1,10 à 1,70 m) (Baray, 2003, p. 110-111). Aucune fosse trop étroite au regard de la taille du défunt ou inversement trop grande n’a été mise au jour. Elles ont toutes été taillées aux dimensions du cercueil et des aménagements lithiques qui avaient été prévus pour caler et/ou protéger ce dernier. Presque aucune information univoque ne nous est parvenue à propos des défunts — âge et sexe des défunts, leur taille —, ce qui ne me permet pas de tenter de corréler leurs caractéristiques propres et la taille des fosses dans lesquelles ils ont été ensevelis. Cela dit, les fouilleurs n’ont, à aucun moment, signalé l’existence de fosses soit sous-dimensionnées, soit surdimensionnées au regard des restes humains qui y ont été découverts. Pourtant, comme nous l’avons vu supra, dans deux des sépultures du Chemin des Ormeaux (sép. 4 et 7), les seules pour lesquelles nous disposons de la taille in situ des squelettes, les fosses ont reçu des dimensions bien plus importantes que celles des défunts qui y ont été ensevelis. Nous ne pouvons donc pas nous fier au silence des sources sur le sujet pour en conclure trop rapidement que les dimensions des fosses avaient été calculées à la bonne taille et à l’économie.
138Comme indiqué précédemment, la présence d’aménagements lithiques autour et/ou au-dessus des squelettes a été fréquemment observée dans les sépultures des trois cimetières de Fontaine-Mâcon. Le classement typologique de ces aménagements renvoie à nos types 1, 2, 3 et 5 (Baray, 2003, p. 120-127, fig. 19) (fig. 30). La présence quasi systématique d’aménagements lithiques dans les sépultures des trois cimetières de Fontaine-Mâcon peut être mise en corrélation avec celle de contenants en bois (cercueils monoxyles ou en planches), même si aucune donnée matérielle (restes de bois, par exemple) n’a semble-t-il été recueillie au cours des fouilles. De nombreux exemples pris dans l’ensemble des cimetières du Bassin parisien ou dans le reste de l’Europe celtique indiquent clairement l’existence d’un rapport direct et univoque entre présence d’aménagements lithiques et l’existence à l’origine de contenants en bois qui servaient à caler et/ou à protéger (Baray, 2003, p. 120-127).
Fig. 30. Aménagements lithiques des sépultures des cimetières de Fontaine-Mâcon.
- Type 1 – pierre de calage longitudinal et/ou latéral. Ce type n’est attesté que dans cinq des onze sépultures des Hantes. Il s’agit d’un système de calage destiné à bloquer les cercueils dans le fond des fosses sépulcrales. Il peut être limité à un côté ou un secteur de la fosse, comme dans les sépultures 2 et 4, ou être présent le long des longs côtés ou plus exceptionnellement sur la totalité ou la quasi-totalité du pourtour de la fosse, comme ce fut apparemment le cas pour les sépultures 3, 7 et 9.
139Ce type est largement attesté dans les sépultures du Bassin parisien durant une grande partie du second âge du Fer (Baray, 2003, p. 126, tabl. XXII).
- Type 2 – bloc(s) localisé(s) sur une ou plusieurs parties du squelette. Le type 2 n’est représenté que dans deux sépultures du Chemin d’Auxerre. Il est du reste plutôt rare au cours du second âge du Fer. C’est à la fin du premier âge du Fer, en Champagne, qu’il connaît ses plus hauts effectifs, ce qui le place en tête des différents types toutes périodes confondues (Baray, 2003, p. 126, tabl. XXII).
- Type 3 – association des types 1 (pierre de calage longitudinal et/ou latéral) et 2 (bloc(s) localisé(s) sur une ou plusieurs parties du squelette). C’est le type le mieux représenté dans les trois cimetières de Fontaine-Mâcon, tout en étant plus fréquemment attesté dans celui du Chemin des Ormeaux. En effet, six des sept sépultures de ce cimetière ont bénéficié d’un tel aménagement, tandis qu’une seule l’a été dans les cimetières des Hantes ou du Chemin d’Auxerre.
140De tous les types d’aménagement lithique observés dans les cimetières des deux âges du Fer de la moitié nord de la France, c’est sans nul doute le plus complexe, celui qui demande le plus gros investissement en temps et en énergie pour son élaboration. C’est un système de protection complet de la dépouille du défunt. Calé et protégé sur les côtés, le cercueil est ensuite totalement recouvert d’une chape de pierres protectrice pouvant peser plusieurs dizaines de kilos. Véritable coffrage de pierres, ce système a été associé à des défunts relevant apparemment de niveaux socio-économiques très différents. Au Chemin des Ormeaux, les guerriers (sép. 2 et 4) ou la femme dotée d’une parure complète avec torque, bracelet et fibules (sép. 3) sont concernés, comme l’ont été les défunts n’ayant livré qu’une parure incomplète (bracelet et fibules, sép. 5) ou une simple fibule en fer (sép. 7), voire aucun objet en matière non périssable (sép. 1).
- Type 5 – blocage par blocs volumineux ou très volumineux au-dessus du squelette. Le type 5 n’est attesté que dans trois sépultures des Hantes et dans une seule du Chemin des Ormeaux. Ce système peut être considéré comme uniquement destiné à protéger le cercueil d’éventuelles intrusions (animaux ou pilleurs). Ce sont généralement d’énormes blocs de grès qui sont mobilisés pour son édification, des blocs pouvant peser chacun plusieurs dizaines de kilos. On ne possède aucune information sur le nombre ou la masse des blocs utilisés à Fontaine-Mâcon, mais on dispose en revanche des données publiées par J.-Y. Prampart, par exemple, à la suite de ses fouilles de Pont-sur-Yonne Derrière les Écoles. Deux blocs mis au jour dans la sépulture 301 pesaient 50 et 80 kg chacun (Prampart, 1980, p. 6) ; il pouvait y en avoir plusieurs de cette masse dans le remplissage de la même fosse.
141Le recours aux données nouvelles publiées depuis ma synthèse de 2003 sur le Bassin parisien ne fait que confirmer les conclusions auxquelles j’avais abouti à l’époque : le type 5 est adopté à partir de l’étape IIIA (La Tène A ancienne), mais ce n’est qu’à l’étape VA, soit La Tène B2, qu’il connaît son plein développement (Baray, 2003, p. 127). Les découvertes de Fontaine-Mâcon s’inscrivent dans ce schéma évolutif global. Le type 5 est attesté aux Hantes, probablement associé à des sépultures de La Tène A ancienne (la seule sépulture datée, la n° 9, l’a été de La Tène A ancienne), et au Chemin des Ormeaux dans des contextes de La Tène B1 récente / étape IVB.
142Cependant, comme nous l’avons vu à propos du type 3, aucune corrélation n’est apparue entre les différents types d’aménagement utilisés et la position socio-économique supposée des défunts, ni leur âge ou leur sexe. Les immatures comme les adultes, les hommes comme les femmes, tous sont susceptibles d’avoir bénéficié d’un aménagement quelconque de leur tombe. Le choix du type retenu devait être libre et dépendre uniquement des familles ou des fossoyeurs chargés des ensevelissements, sans considération économique, sociale ou culturelle (fig. 30).
143Sur les vingt-cinq sépultures fouillées, une seule, la sépulture 4 du Chemin des Ormeaux, a fait l’objet d’un aménagement de banquettes sur la totalité de son pourtour interne. Comme on l’a vu précédemment, cette fosse se distingue du fait de la taille du squelette (1,25 m in situ) qui semble bien petite au regard de celle de la fosse dans laquelle il a été découvert : 2,10 m de longueur et 0,50 m de largeur dans sa partie étroite et 2,50 m de longueur et 0,80 m de largeur à l’ouverture, soit une banquette de 0,20 m de largeur sur les petits côtés de la fosse et de 0,15 m sur ses longs côtés. C’est un aménagement de type 4 : « banquettes périphériques » (Baray, 2003, p. 127).
144Associées à un guerrier dont l’ensevelissement a été daté de La Tène B1 récente / étape IVB, les banquettes sont rares dans l’ensemble des sépultures du Bassin parisien, puisque seules 2,5 % d’entre elles en ont livré (Baray, 2003, p. 129). « À partir de l’étape IVA [La Tène B1 ancienne], les tombes à banquettes sont toutes attestées sans exception, dans des cimetières bourguignons et champenois du sud, en dehors de la zone du Marnien classique. Il est significatif que ce soient ces cimetières qui livrent le plus fort taux d’enclos quadrangulaires de la zone étudiée [Bassin parisien] » (ibid., p. 130). Bien qu’aucun enclos n’ait été repéré et fouillé au Chemin des Ormeaux, un l’a néanmoins été au Chemin d’Auxerre, à environ 1000 m au sud-ouest (cf. fig. 2).
145Conformément aux normes culturelles en vigueur dans les communautés celtiques de la Culture du Jura, entre le vie et la fin du iiie siècle avant J.-C., on ne trouve pas de dépôts de récipients en céramique dans les sépultures à inhumation des trois cimetières de Fontaine-Mâcon (Baray, 1991, 1999, 2003 ; Baray et alii, 2007). On ne trouve pas non plus de nécessaires de toilette (pince à épiler, cure-oreille, scalptorium, rasoir, paire de forces), ou de dépôts alimentaires sous la forme de restes osseux d’animaux. Le mobilier funéraire se limite aux parures, aux accessoires vestimentaires et aux armes, c’est-à-dire aux biens personnels des défunts (fig. 31) ; ceux dont ils ne peuvent se séparer ou que les vivants ne peuvent s’approprier sous peine d’enfreindre un quelconque tabou (Baray, 2003, p. 245). Ces objets forment la « part du mort », autrement dit les objets lui ayant appartenu ou étant entrés en contact avec lui lors de la cérémonie funèbre et qui doivent impérativement être détruits ou lui être consacrés. Pour des périodes plus récentes, l’idée apparaît en filigrane chez César à propos de la description qu’il donne de l’enterrement d’un chef (Guerre des Gaules, VI, 19) et dans le Testament du Lingon (Le Bohec, 1991, p. 41 sq. ; Le Bohec, 1993, p. 30 sq.) : le mort emporte avec lui tout ce qu’il aime et tout ce qui ne peut être transmis à ses héritiers. Cette pratique peut être comparée à ce que Tacite nous dit de celles des Germains du ier siècle après J.-C. : « Quand le bûcher est élevé, on n’y entasse ni étoffes ni parfums : on n’y met que les armes du mort ; quelquefois le cheval est brûlé avec le maître. » (Tacite, La Germanie, XXVII ; trad. Goelzer, 1922). Les sources juridiques d’époque médiévale prévoient que l’individu « vivant dans l’au-delà […] conserve tant pour sa seconde vie que pour ses funérailles, des droits imprescriptibles sur une partie de sa succession : pour l’homme, la Heergewäte (armes, équipement, cheval d’armes), pour la femme, la Gerade (vêtements et parures) » (Salin, 1951, p. 124 ; voir également Dierkens, 1981, p. 43).
Fig. 31. Mobilier des sépultures des cimetières de Fontaine-Mâcon (ac : alliage cuivreux ; f : fer).
146De fait, le nombre d’objets par sépulture est bien plus limité que dans les sépultures de la culture de la Marne-Moselle où les dépôts sont bien plus variés et nombreux : récipients en céramique servant de contenants aux aliments solides ou aux boissons nécessaires au dernier voyage du défunt, nécessaires de toilettes et/ou outils divers, voire dépôt d’un char pour les sépultures des membres éminents de l’aristocratie locale.
147Hormis les trois fibules en fer, dont on signalera le très mauvais état de conservation qui ne m’a pas permis d’en déterminer la typologie, et bien entendu les épées, leur fourreau et le fer de javelot, tous les autres objets sont en alliage cuivreux. Le fer n’est guère utilisé dans tous ces contextes dont les plus récents datent de la seconde moitié du ive siècle avant J.-C.
148Aucune parure en verre ou en lignite n’a été découverte.
149Chacun des trois petits cimetières de Fontaine-Mâcon présente un sex ratio spécifique. Le choix des défunts qui furent ensevelis dans chacun d’entre eux est différent, autant qu’il est possible d’en juger à partir d’une seule sépulture avec mobilier sur les onze découvertes et fouillées aux Hantes. Cela dit, à en juger d’après la nature du mobilier d’accompagnement et en absence d’analyse anthropologique, on trouve au Chemin des Ormeaux au moins deux hommes (sép. 2 et 4) et deux femmes (sép. 3 et 5), alors qu’il ne semble s’agir que de femmes au Chemin d’Auxerre. Quatre des cinq sépultures de ce site ont en effet livré un torque, emblème par excellence du genre féminin en contexte funéraire. Les choix qui présidèrent au « recrutement » de ces deux derniers sites sont à l’opposé les uns des autres. Au Chemin des Ormeaux, des individus des deux sexes, avec un probable enfant (sép. 6), représentant peut-être un seul groupement de type familial, comme nous en connaissons de très nombreux au sein des cimetières du second âge du Fer du territoire sénon et ailleurs en Europe celtique :
- sép. 2 et 4 : deux guerriers ;
- sép. 1, 3, 5 et 7 : au moins une femme (sép. 3), et trois autres adultes, dont peut-être au moins une seconde femme (sép. 5) ;
- sép. 6 : un enfant.
150Au Chemin d’Auxerre la raison d’être de ce regroupement de femmes dans un même espace funéraire est difficile à comprendre en l’absence d’individu masculin. Les cas de figure comparables sont très rares. Je n’en connais qu’un seul parmi les fouilles récentes. C’est celui du petit cimetière de Le Chêne, dont j’ai déjà évoqué l’existence. Les quatre sépultures de ce cimetière sont toutes féminines, dont deux sont dotées d’un torque (sép. 2) ou de deux torques (sép. 3).
151Comme on le voit, malgré une absence presque totale de documents écrits permettant une bonne connaissance des contextes de découvertes, j’ai néanmoins pu extraire de ceux existants ainsi que de l’excellent dossier iconographique monté par Pierre Parruzot et René Diehl, des données intéressantes touchant aux pratiques funéraires de petites communautés d’agriculteurs-éleveurs du ve siècle et de la seconde moitié du ive siècle avant J.-C. en territoire sénon. Ces nouvelles connaissances peuvent se résumer aux six points suivants :
- probable sépulture assise ou demi assise (sép. 1) dans le cimetière du Chemin des Ormeaux ;
- datation du ve siècle avant J.-C. de l’édification d’un enclos quadrangulaire de type A72 (cimetière du Chemin d’Auxerre) ;
- attestation du port d’un unique anneau de cheville à la cheville droite (sép. 3 du Chemin d’Auxerre), dans un contexte daté de La Tène A ancienne ;
- port de l’épée du côté gauche des inhumés, contrairement aux normes culturelles dominantes des populations celtiques du ve au ier siècle avant J.-C. (cimetière du Chemin des Ormeaux) ;
- existence d’un cimetière apparemment composé uniquement de sépultures féminines, dont quatre des cinq fouillées renfermaient un torque (cimetière du Chemin d’Auxerre) ;
- existence de petits cimetières n’ayant connu, en attendant d’éventuelles nouvelles découvertes, qu’une seule et unique phase d’occupation : ve siècle avant J.-C. pour les deux cimetières des Hantes et du Chemin d’Auxerre ; seconde moitié du ive siècle pour le cimetière du Chemin des Ormeaux.
152Comme souvent en pareil cas, il serait sans nul doute nécessaire de reprendre des fouilles de contrôle sur ces trois sites afin d’en déterminer l’état de conservation, la chronologie et l’ampleur des occupations.