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La Villa de Bavilliers (territoire de Belfort)

Découvertes récentes et nouvelle lecture des vestiges
Adeline Pichot, Séverine Blin, Loïc Daverat, Simon Goudissard et Axelle Murer
p. 177-204

Résumés

Si des vestiges antiques ont été identifiés à Bavilliers (Territoire de Belfort) depuis le xixe siècle, la nature des établissements qui s’y développaient restait sujette à de nombreuses questions. Des interventions archéologiques, souvent très réduites, ne permettaient pas de se faire une idée précise des modalités d’organisation du site antique. En 2016, une fouille préventive a été réalisée1. Elle a permis de révéler les communs d’un établissement rural gallo-romain. Grâce à ces découvertes et après avoir soumis la documentation ancienne à une relecture complète, il est possible de proposer de nouvelles hypothèses d’organisation du site et une révision complète de l’interprétation des vestiges en faveur d’une vaste villa.

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Texte intégral

I. Contexte géographique et historique

1La commune de Bavilliers, installée à 3 km au sud-ouest de Belfort (fig. 1) dans l’ensemble géologique des collines pré-jurassiennes (Le Martret, 2013, p. 187), est établie dans un vallon sur les bords de la Douce, petite rivière qui rejoint la Savoureuse 4 km plus au sud.

Fig. 1. Carte de situation du site de Bavilliers.

Fig. 1. Carte de situation du site de Bavilliers.

DAO P. Nouvel, Université de Bourgogne-Franche-Comté / UMR 6298 ArTeHiS.

2Le Territoire de Belfort, au débouché de la plaine d’Alsace entre les Vosges au nord et le Jura au sud, constitue un large couloir dénommé la « Porte de Bourgogne », qui permet de relier aisément la vallée du Rhin et le couloir de la Saône et du Rhône (Barral, 2011, p. 6). À l’époque romaine, cette position-clé pour la partie orientale de la Gaule, située en territoire séquane (Cramatte, Nouvel, 2013), était traversée par la voie dite du Rhin, selon l’Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger, qui reliait Lyon/Lugdunum à Kembs/Cambete puis Strasbourg/Argentorate par voie de terre en longeant le Rhin ou par voie fluviale (Joan, 2003, p. 112). Des voies secondaires desservaient l’ensemble du Territoire de Belfort, dont une devait probablement franchir la Douce par un gué à Bavilliers. Une voie antique a été observée au xixe siècle au lieu-dit le Breuil, près du cimetière de cette commune (Joan, 2003, p. 447).

3Les indices d’occupation d’époque romaine sur la commune s’échelonnent du ier au ive siècle (Le Martret, 2013, p. 195), le développement semblant atteindre son maximum au cours du iie siècle et pendant la première moitié du iiie siècle. Jusqu’à aujourd’hui, ces vestiges permettaient de supposer qu’une agglomération secondaire, revêtant probablement un rôle cultuel lié à des sources guérisseuses, s’y était développée (ibid., p. 189). La fontaine Saint-Ambroise (fig. 2) était réputée au xixe siècle pour sa limpidité et ses vertus thérapeutiques pour le soin des yeux. Elle est située non loin du mur est du cimetière, à proximité de plusieurs découvertes archéologiques.

Fig. 2. Opérations archéologiques de la commune de Bavilliers.

Fig. 2. Opérations archéologiques de la commune de Bavilliers.

DAO S. Blin, A. Le Martret et A. Pichot.

II. Histoire des recherches

II.1. Quelques mentions au xixe siècle

4Dès 1861, derrière l’église actuelle et au sud-ouest du cimetière, des tuiles et des vestiges maçonnés gallo-romains sont signalés. Plusieurs fragments de stucs, d’enduits peints, de tuiles et de céramiques, ainsi que des tesselles ont été mis au jour lors d’inhumations dans le cimetière.

  • 2 Les fragments dont M. Colney propose un relevé (Colney, 1983, p. 87, fig. 14), ont été déposés au (...)

5À seulement 5 m au nord de la fontaine Saint-Ambroise, le creusement d’une fosse a permis la découverte d’éléments architecturaux : une base, un fût de colonne et un chapiteau toscan en calcaire blanc (fig. 3)2. Le premier élément se compose d’une base et d’un fût de colonne lisse. Il conserve un lit d’attente très endommagé au centre duquel est aménagée une mortaise (longueur de la base : 0,60 m ; hauteur conservée : 0,29 m ; diamètre inférieur du fût : 0,42 m). Le second élément concerne une portion de fût de colonne lisse et un chapiteau de type toscan, alternant un haut cavet et une doucine peu développée sous un bandeau lisse. Le lit de pose, endommagé, présente une mortaise carrée en son centre. Le lit d’attente possède le même type de mortaise, qui témoigne d’un travail au tour (hauteur conservée : 0,29 m ; longueur de l’abaque : 0,56 m).

Fig. 3. Deux éléments architecturaux du site.

Fig. 3. Deux éléments architecturaux du site.

Photographies du Musée d’Histoire de Belfort.

6Dans l’hypothèse où les deux éléments proviendraient de la même colonnade, il conviendrait donc de restituer une colonne toscane d’un peu plus de 2,10 m de hauteur, présentant un fruit important au niveau du fût. Sans doute à raison, R. Billerey rapproche cette colonne, de dimension moyenne, d’un portique ou d’un aménagement destiné à monumentaliser la source. On connaît d’autres exemples de tels aménagements, une élévation en tout point similaire ayant par exemple été restituée pour le puits monumental découvert à l’arrière du théâtre de Mandeure (Blin et alii, 2016).

7Au xixe siècle, au lieu-dit le Breuil (fig. 2), des fragments de mosaïque, une statuette de Minerve en bronze et des monnaies d’Antonin ont par ailleurs été signalés lors de prospections (Joan, 2003, p. 447). Il ne reste pourtant aucune trace de ces éléments dans les collections locales.

II.2. Les travaux du xxe siècle

8Malgré les observations menées dès le xixe siècle, le caractère ponctuel des découvertes ne permet pas de fournir une restitution d’un plan d’ensemble des vestiges ou même de préciser la nature du site. Parmi les éléments de bibliographie consacrée au site antique, c’est la synthèse publiée en 2010 par R. Billerey qui constitue à l’heure actuelle la compilation la plus fournie et la plus complète, ainsi que l’analyse la plus pertinente concernant les diverses recherches. Malgré les difficultés inhérentes à la documentation disponible, liées notamment au caractère extrêmement fragmentaire des observations, R. Billerey parvient à proposer une vision actualisée du site, à partir des vestiges et des observations stratigraphiques patiemment accumulées au fil des sondages ou des suivis de travaux. Parfois très modestes, ces données n’en demeurent pas moins des témoignages utiles de certains dispositifs architecturaux : baie, seuil, système de chauffage, sol, etc.

9Les premières observations d’ampleur débutent dans les années 1970-1980, grâce aux fouilles de sauvetage et aux prospections réalisées dans la Grande rue François Mitterrand et la propriété Jeannez-Spadone (fig. 2, nos 2 et 3). Ces opérations (Billerey, 2010) permettent de découvrir, sur une surface de 2,8 ha (200 x 140 m), des fondations qui s’organisent selon un axe nord-ouest/sud-est, en particulier deux longs murs parallèles qui pouvaient délimiter une galerie de 60 m sur 4,20 m (fig. 2, n° 2 et fig. 4). Le long du mur nord-ouest sont accolées trois exèdres, ou larges niches rectangulaires (2,60 m de largeur et 0,65 m de profondeur), et deux petites niches semi-circulaires au nord et au sud (fig. 4, nos 4 et 9). Les fouilleurs ont interprété ces dernières comme des foyers ouverts, des cheminées encastrées dans le mur servant de chauffage (ibid., p. 63). Malgré l’importante rubéfaction des parois, elles ont pu faire partie du programme décoratif du mur avant d’être réutilisées pour chauffer la galerie, surtout que ce mur est également recouvert de fresques peintes sur son parement interne (nord-est) et d’un mortier de tuileau badigeonné de rouge à l’extérieur, autrement dit côté nord-ouest. Le parement interne (nord-ouest) du second mur de la galerie présente également des enduits peints et celui de sa face externe (nord-est) des fresques associées à un décor de stuc composé de pilastres, d’arcatures et de frises. Tous ces éléments ont été étudiés et publiés successivement par le laboratoire de restauration de Soissons et par R. Billerey et G. Becq (Billerey, 1987 ; 2007 ; 2010, p. 99-127). Sur le parement interne (nord-ouest) du second mur, ils restituent des panneaux peints qui atteignaient la hauteur remarquable de 7,80 m. L’étude stylistique des décors a permis de proposer une datation située entre la fin du ier et la première moitié du iie siècle (Billerey, 2010, p. 95).

Fig. 4. Plan des fouilles de sauvetage et prospections réalisées dans la Grande rue François Mitterrand et la propriété Jeannez-Spadone.

Fig. 4. Plan des fouilles de sauvetage et prospections réalisées dans la Grande rue François Mitterrand et la propriété Jeannez-Spadone.

Dessin R. Billerey, mis à disposition par l’auteur.

10Au sud de la galerie, cinq pièces forment ce qui est interprété comme une habitation, remaniée à plusieurs reprises (fig. 4, n° 1), à l’intérieur de laquelle se distingue, à l’extrémité ouest, une pièce sur hypocauste dont le sol est couvert d’une mosaïque encore en place, observée auparavant dans la seconde moitié du xixe siècle, puis successivement en 1969 et 1984 :

  • en juin 1969, des travaux de tout-à-l’égout provoquent la redécouverte des quatre pièces déjà identifiées sous la RN83–Grande Rue, ainsi que la mise au jour d’une nouvelle partie de la mosaïque sur hypocauste, actuellement exposée au musée de Belfort (Lerat, 1970, p. 346, fig. 1) ;
  • En septembre 1984, des travaux d’installation d’une conduite d’eau placée rue des Carriers ont permis de mettre au jour un nouveau fragment de cette mosaïque (Jacob, Jeannin, 1986, 44, p. 259, fig. 26).

11Les trois fragments conservés permettent d’apprécier un tapis polychrome à décor géométrique sur lequel se développe une alternance d’étoiles à huit branches et de carrés posés sur la pointe qui bordent des panneaux floraux délimités par un filet noir et une tresse à trois brins (fig. 5) : ce décor est datable de la deuxième moitié du iie siècle ou du début du iiie siècle.

Fig. 5. Vestiges de mosaïque découverts en 1969 et 1984, superposés à la restitution de R. Billerey.

Fig. 5. Vestiges de mosaïque découverts en 1969 et 1984, superposés à la restitution de R. Billerey.

DAO d’après Billerey, 2010, fig. 41, p. 59 et clichés Musée archéologique de Belfort.

12À une vingtaine de mètres à l’est de la galerie, plusieurs murs constituent un second ensemble d’au moins trois pièces (fig. 4, nos 10 et 11). L’observation de murs plus récents sur les vestiges antiques indique également des réaménagements postérieurs, liés à une occupation médiévale de ce secteur.

13À l’issue de ces travaux, l’emprise restituée du site antique semble ainsi se réduire à la zone ouest du village. Toutefois, les prospections aériennes que réalise P. Augé dans le courant des années 1990 permettent de modérer légèrement cette première proposition. Ses clichés mettent en évidence des anomalies de différents types (une structure quadrangulaire, une tache circulaire et un long tracé linéaire), qui se trouvent groupées dans les champs situés sur la rive droite de la Douce (Augé, 1992), soit à 200 m des substructions décrites plus haut (fig. 2, n° 4).

II.3. Les fouilles archéologiques récentes

14La fouille de diagnostic réalisée en 2004 au sud du cimetière, au lieu-dit Les Chenevières (fig. 2, n° 5), a permis de mettre au jour quelques murs d’un bâtiment (Chauvin, Mazimann, 2004). Ils présentent la même orientation que les structures fouillées sur la propriété Jeannez-Spadone et des éléments luxueux de décoration ont également été mis au jour (fragments de colonne et de marbre, dalles calcaires, tesselles de mosaïque). En décembre 2005, la réalisation de prospections géophysiques a montré que ces vestiges se prolongent vers l’ouest, toujours avec la même orientation (Favard et alii, 2006). Cependant, ces résultats restent difficiles à interpréter, car ils montrent un foisonnement de structures, certainement des murs se poursuivant sans doute dans les parcelles adjacentes, en particulier dans celle située à l’est du cimetière. Plus à l’ouest (fig. 2, n° 6), parallèlement à la Grande rue François Mitterrand, quelques segments de murs repérés suivent toujours l’orientation des structures antiques antérieurement dégagées, mais les données acquises ici sont moins lisibles (Marmet, Dabas, 2005 ; Favard et alii, 2006).

15Les fouilles préventives du 45 Grande rue François Mitterrand (fig. 2, n° 8), réalisées en 2009 par ANTEA Archéologie (Le Martret, 2011), ont mis au jour des éléments importants. Prescrites à l’occasion de la construction d’une boulangerie industrielle, elles sont à l’origine de la découverte d’un enclos carré au centre duquel a été retrouvée une pile destinée à supporter un monument (fig. 6). Deux voies antiques ont également été dégagées à proximité. Ce monument n’était pas isolé. En effet, bien qu’elles ne soient pas en lien avec le caractère éventuellement cultuel de cet ensemble, des structures d’habitat antiques ont été mises au jour à proximité (Goy, 2005) : deux murs, dont l’un long de 13 m, et cinq petites fosses.

Fig. 6. Plan de la fouille au 45 Grande rue François Mitterrand.

Fig. 6. Plan de la fouille au 45 Grande rue François Mitterrand.

DAO A. Le Martret.

16Au 57 Grande rue François Mitterrand, au printemps 2016, Ch. Gaston met en évidence des phases d’occupation romaine et médiévale sur une surface de 3 313 m² (fig. 2, n° 11). L’Antiquité est bien représentée – avec de nombreuses structures dans tous les sondages, datées entre 15 et 70 ap. J.-C. –, grâce au mobilier céramique (Gaston, 2016). Ces structures concernent un réseau de voirie et d’espaces de circulation, un réseau hydraulique ou d’assainissement constitué d’un caniveau couvert en pierre sèche, et surtout, d’un imposant canal maçonné dont les dimensions remarquables confirment qu’il s’agit d’installations monumentales, dans ce secteur probablement en relation avec la fontaine Saint-Ambroise, ainsi que plusieurs murs en petit appareil dont l’orientation est similaire aux constructions antiques mises en évidence dans ce secteur, un foyer domestique construit en terres cuites architecturales remployées et quelques fosses et trous de poteaux isolés.

17En guise de conclusion à cet état des connaissances, soulignons que toutes ces données attestent bien l’importance du site aux époques laténienne et romaine, notamment aux iie et iiie siècles. Toutefois, elles ne permettent pas de caractériser à elles seules le type d’occupation ou la fonction spécifique des bâtiments déjà mis au jour, hormis le possible sanctuaire ou mausolée : c’est la raison pour laquelle le site a fait l’objet de multiples interprétations.

18Dans les travaux régionaux concernant les agglomérations secondaires, le site est classé comme un vicus (Jacob et alii, 1986), mais il est parfois également qualifié de villa, de sanctuaire avec thermes (Mazimann, 2007a ; Billerey, 2010), ou encore de sanctuaire de frontière (Billoin, 2010). Plus récemment, les hypothèses se sont orientées vers une agglomération secondaire associée à un sanctuaire lié à des sources guérisseuses (Le Matret, 2013, p. 189). Dans le cadre du PCR « Agglocene », le cas de ce site a été discuté et l’hypothèse d’un établissement rural établie grâce à la structure des bâtiments occidentaux (une cour bordée d’une galerie), la présence possible de balnéaires (hypocauste) et l’apparat décoratif. L’ensemble cultuel dégagé en 2009-2010 correspondrait à un lieu de culte domanial, équipement assez commun dans ce genre de contexte, souvent repéré dans un enclos particulier (Nouvel, Venault, 2015, p. 71-72).

19Ces diverses propositions traduisent bien les difficultés d’interprétation autour de ce site, où les vestiges n’ont souvent fait l’objet que d’observations anciennes ou sur des fenêtres trop réduites. Les fouilles extensives réalisées récemment ont en revanche permis de renouveler les connaissances, du point de vue tant de la topographie du site que de son identification.

III. Les résultats des fouilles préventives menées en 2016

20Le projet d’aménagement d’un ensemble immobilier sur un terrain situé rue des Écoles (fig. 2, n° 10) a occasionné une fouille préventive qui a révélé, outre des structures en creux ou empierrements non datés et des indices d’habitat moderne, des alignements de bâtiments romains datés du ier au iie siècle (Pichot, 2016 et 2021). Les vestiges ainsi mis au jour constituent un ensemble important, dont l’organisation régulière montre une planification bien établie avant la construction (fig. 7). L’axe majeur est une voie orientée nord-est-sud-ouest qui traverse l’emprise de la fouille sur toute sa longueur.

Fig. 7. Plan de la fouille réalisée dans la rue des Écoles.

Fig. 7. Plan de la fouille réalisée dans la rue des Écoles.

DAO A. Pichot.

III.1. L’environnement géomorphologique

21Le site est implanté dans la vallée de la Douce, entre la rue des Écoles et la rivière elle-même. Ce cours d’eau traverse la commune d’Essert un peu plus au nord, point à partir duquel il perd son régime torrentiel pour devenir une rivière paisible. Il présente toutefois un caractère rare dans la région puisque ses eaux se perdent dans une des anfractuosités du relief karstique (Trou-la-Dame), avant de réapparaître à proximité de Bavilliers, sous forme d’une résurgence. Les vestiges archéologiques se trouvent en bordure de la rivière, sur sa rive gauche. L’ouest du terrain concerné par la fouille présente un léger pendage en direction du cours d’eau, qui a été canalisé au xixe siècle.

22Un paléochenal traverse l’emprise des vestiges du nord au sud, à l’extrémité ouest de l’emprise de fouille (fig. 6). Il a fait l’objet d’une coupe qui documente sa section sur une quinzaine de mètres de largeur, mais sa largeur maximale n’a pas été atteinte. En plan, il est matérialisé par une argile limoneuse sombre, riche en matière organique et en mobilier archéologique.

23Les niveaux basals, constitués d’argiles grises, évoquent des épisodes de stagnation répétés, propices à l’accumulation et à la préservation de la matière organique. Ces épisodes ont eu lieu durant la première moitié de l’Holocène, largement avant l’occupation antique du site.

24À l’époque romaine, ce chenal paraît avoir été déconnecté du cours d’eau principal, puisque son débit a alors fortement diminué. La reprise de l’alluvionnement est attestée par des alluvions grossières, qui charrient des éléments architecturaux antiques, par exemple des moellons calcaires, sur une distance probablement assez réduite, compte tenu de l’absence de lustre fluviatile à leur surface. Ces dépôts impliquent un débit important et pourraient avoir contribué à l’érosion des murs romains situés sur son parcours. Après cet épisode, le ralentissement du débit est à l’origine de plusieurs dépôts limoneux puis argileux.

  • 3 Deux de ces argiles grises ont fait l’objet de datations au radiocarbone ; elles datent de la fin (...)

25En sommet de séquence, des argiles grises attestent un nouvel abandon du chenal par le cours actif, à partir du xive siècle3, qui subsiste alors dans le paysage sous la forme de dépressions linéaires engorgées d’eau. Ces variations du tracé de la Douce se sont poursuivies, à proximité du site, jusqu’aux époques actuelles, si l’on considère les informations de la carte d’état-major et des photos aériennes de la première moitié du xxe siècle. La fouille a permis de confirmer le caractère toujours très humide du secteur, puisque le terrain est resté partiellement immergé pendant toute la durée du chantier.

III.2. Une voie

26Observée sur 60 m de longueur, une voie de 2 m de largeur se développe selon un axe nord-est/sud-ouest qui se dirige vers la rivière Douce (fig. 7, n° 04). Son mode de construction a pu être observé, malgré un état de conservation plus médiocre de son extrémité ouest et la présence de deux lacunes, l’une d’une vingtaine de mètres de longueur, témoignant d’une activité de récupération, l’autre beaucoup plus étroite, marquant l’emplacement d’un chemin récent. Elle est constituée d’un hérisson de dalles brutes ou grossièrement ébauchées, épais de 20 à 30 cm, sur lequel devait être déposé le matériau de la surface de roulement, ici disparu (fig. 8). La voie est encadrée de deux fossés bordiers (fig. 7, nos 03 et 05). Celui situé au sud ne subsiste que sur une très faible profondeur, atteignant au maximum 10 cm. Son remplissage ne contenait aucun mobilier. Il en est de même du fossé situé au nord, malgré une profondeur plus importante, atteignant 44 cm.

Fig. 8. Vue d’une portion du radier de la voie romaine de la rue des Écoles.

Fig. 8. Vue d’une portion du radier de la voie romaine de la rue des Écoles.

Photographie A. Pichot - ANTEA Archéologie.

27Ces fossés font office de drainage et d’évacuation des eaux, fonction renforcée par un troisième fossé (fig. 7, n° 06), situé plus au sud. Son tracé est moins régulier et il forme une légère inflexion au centre de la surface fouillée, avant de se diriger également vers la rivière. C’est la structure qui a livré les quantités les plus importantes de mobilier céramique, comparativement aux autres contextes étudiés.

III.3. Un aménagement hydraulique

  • 4 Pendant la fouille, il n’a pas pu être dégagé sur toute sa largeur, puisqu’une route bitumée empié (...)

28Au nord de la voie, un aménagement hydraulique a été mis au jour (fig. 7, n° 01). Il correspond probablement à un canal de 7,50 m de largeur qui se poursuit au-delà des limites de la fouille4. Ce canal est apparu à une profondeur située entre 0,40 et 0,80 cm, directement sous un niveau de colluvion, et sa profondeur oscille entre 80 cm et 1,20 m. Le fond, plat, est recouvert de gravillons sur une épaisseur de 4 à 5 cm. Son comblement est composé d’une succession de quatre ou cinq dépôts de limon argileux contenant des moellons calcaires et des fragments de terre cuite.

29La paroi sud du canal est maçonnée. Cette maçonnerie mesure environ 0,70 m de hauteur et entre 0,35 et 0,50 m de largeur (fig. 6, n° 02). Elle est constituée de blocs et de dalles de calcaire bruts ou grossièrement ébauchés, simplement empilés, sans usage de mortier (construction en pierre sèche). Certains tronçons sont mal conservés et apparaissent comme un blocage de pierres très désorganisé. De nombreux éléments de cette construction ont d’ailleurs été retrouvés directement dans le comblement du canal, issus de la destruction progressive de celle-ci à la suite de son abandon et de l’absence d’entretien des berges du canal.

30La maçonnerie de la paroi sud du canal assurait manifestement le renfort de la berge méridionale, afin de stabiliser le terrain et d’éviter son érosion. Selon le rapport de diagnostic (Cayrol, 2004, p. 11), il n’existait pas de maçonnerie équivalente le long de la berge nord. D’après ces différentes observations, il est possible de restituer un canal dont la largeur serait d’un peu plus de 7 m, avec une profondeur en eau d’au moins 1 m, ce qui offre théoriquement des conditions suffisantes pour une activité de batellerie. En outre, le dispositif est ainsi associé à un aménagement de berge au sud et à une voie (supra, 3.2), qui pouvaient être employés comme chemin de halage. Bien qu’aucune embarcation ne soit attestée dans cette fouille, on peut proposer l’utilisation de barques à fond plat, employées couramment en Gaule pour divers usages y compris le transport de marchandises ou de charges lourdes. L’aménagement de berge (mur), ainsi que la voie située au sud, permettent sans doute de relier l’usage de ce canal aux bâtiments qui se développent directement dans le secteur méridional, sans qu’il soit possible toutefois de préciser la nature de ces activités.

III.4. Mur d’enceinte et bâtiments accolés

31Trois vastes bâtiments se répartissent à intervalles réguliers, tous les 30 m environ, le long d’un mur continu qui se développe parallèlement à la voie, visible dans l’emprise sur une longueur de 108 m. Deux bâtiments à pièce unique s’intercalent entre eux (fig. 7). Ils seront examinés ici d’est en ouest.

III.4.1. Le bâtiment A

32Le bâtiment A, situé le long de la berme de limite de fouille, n’a pas été entièrement dégagé. Son plan est toutefois semblable à celui du bâtiment C (infra, à voir pour le détail), auquel manque l’extrémité est (fig. 10). Il couvre un espace de 14,70 m est-ouest sur 14,36 m nord-sud, pour une surface de 211 m².

Fig. 10. Plan du bâtiment A de la rue des Écoles.

Fig. 10. Plan du bâtiment A de la rue des Écoles.

DAO A. Pichot.

33Le long mur de clôture est-ouest 24 forme la façade nord de cet édifice. Les murs porteurs 13, 23 et 75 forment une grande pièce (halle), dont la charpente était soutenue par les piliers 19 et 49. Les murs 22 et 36 scindent l’avant-corps en trois espaces de largeurs différentes. Si leurs fondations ne se distinguent pas de celles des murs porteurs, comme dans le bâtiment C, les assises en élévation subsistantes s’appuient contre celles des murs 23 et 24. Le mur interne 23 s’appuie contre le mur 75, qui s’appuie contre celui de clôture 24. Ces quelques éléments permettent de restituer les étapes du chantier de construction, même si ce dernier a pu se dérouler en un laps de temps très court (quelques semaines ou mois ?) : le long mur 24, structurant, a été construit en premier, puis sont venus s’appuyer contre lui les murs extérieurs du bâtiment, puis le mur 23 a été érigé, et enfin les murs 22 et 36.

34Les fondations sont d’une profondeur plus importante, de 0,51 à 0,98 m : entre 0,51 et 0,61 m pour les murs 13, 23 et 75, entre 0,54 et 0, 98 m pour les murs 22 et 36. Elles sont constituées de blocs de calcaire blanc de différentes tailles (centimétriques à décimétriques), liés au limon brun-gris meuble et homogène. Les blocs calcaires utilisés pour les rares assises observées sont équarris en moellons et agencés de façon à former un parement de chaque côté du mur, l’intérieur étant empli de pierres de plus petite taille et en vrac, en bourrage. Malgré la présence de ces assises, deux au maximum, il n’a pas été possible d’observer des sols ou des niveaux de circulation en place.

35La présence du mur 21, pratiquement parallèle au mur 22, situé à seulement 10 cm de distance au nord et 30 cm au sud, doublant d’abord ce mur 22 puis débordant de près de 5 m dans la pièce 1, n’est pas expliquée. Il recoupe l’espace de la pièce 1 du nord au sud, mais s’interrompt brusquement au niveau du pilier 19. Cette interruption est bien la conséquence d’une destruction, un arrachement étant visible à cette extrémité. Étant donnés la profondeur de ses fondations, creusées à près d’1 m de profondeur, et le soin apporté à sa réalisation, il est possible que ce mur corresponde à un état antérieur du bâtiment, voire à un autre édifice se développant hors de l’emprise de fouille vers l’est. Le mur 23 s’appuie contre le mur 21, ce qui indique bien que ce dernier est plus ancien.

36Plusieurs aménagements existent à l’intérieur de la pièce 1. Des trous de poteau ont été installés le long des murs 23 et 13 ainsi qu’un autre au milieu du mur 75 (côté interne), dans l’axe des piliers centraux. Ils ont la particularité d’être, pour la plupart d’entre eux, collés contre les fondations des murs. Ils devaient accueillir des poteaux verticaux venant en renfort de soutien de la charpente, voire des poutres horizontales pour le plancher d’un étage. Ces trous de poteau ne semblent pas se poursuivre vers l’est au-delà de l’axe du mur supplémentaire 21 (cf. supra). Deux autres trous de poteau sont situés à l’extérieur de la pièce 1, contre le mur 75. Ces ajouts sont interprétés comme des travaux de réfection ayant permis de renforcer la structure du bâtiment, qui montrait peut-être quelques signes de faiblesse. Le négatif d’une sablière basse traverse la pièce 1 de part en part au niveau du pilier ouest 49, quasi dans le prolongement du mur 36 (nord, entre pièces 2 et 3). Elle indique l’existence d’une cloison qui permettait de scinder la pièce en plusieurs espaces de vie ou de travail. Sa présence explique le mauvais état de conservation des fondations du pilier 49, qui aurait été perturbées par cette installation.

37Un foyer (14) est installé dans l’angle sud-est de la pièce 1, à 40 cm au nord du mur 13. Un trou de poteau se situe entre le mur et le foyer, antérieur à l’aménagement de celui-ci, mais le poteau et le foyer ont pu coexister puisqu’un pare-feu, constitué d’un bloc de calcaire blanc, le protégeait du feu. Ce foyer est composé de deux parties : une aire de chauffe (sole) matérialisée par des plaques en terre cuite, probablement des fragments de tegulae mais leur mauvais état de conservation ne permet pas d’en préciser la nature, posées directement sur le sol naturel (un limon brun foncé, compact et hétérogène), et un pare-feu constitué du bloc de calcaire.

38Ce bâtiment dispose également d’une cave (structure 20) accessible par une rampe, à l’est de la pièce 1. La partie excavée mesure pratiquement 4 m de longueur nord-sud ; elle n’a pu être observée que sur 1 m de largeur, mais se poursuit vers l’est hors des limites de fouille. Peu profonde – moins d’un mètre entre le fond et le niveau d’apparition des structures –, elle permettait probablement de conserver des denrées périssables ou d’entreposer des réserves. Étant donné sa situation dans la pièce, il est possible que l’extrémité sud du mur 21 ait été détruite afin de pouvoir installer l’accès à cette cave.

III.4.2. Le bâtiment B

39Le bâtiment B (fig. 9) mesure 9 sur 7,78 m pour une surface de 70 m². Ses fondations sont particulièrement larges et profondes (entre 0,48 et 0,67 m de largeur et entre 0,68 et 0,88 m de profondeur), ce qui permet de supposer qu’il disposait d’au moins un étage. Elles sont composées des mêmes pierres calcaires que celles des autres constructions et aucune différence n’a été remarquée concernant le mode de construction. L’absence d’assise en place et de niveau de sol ne permet pas de proposer de fonction précise à cet édifice.

Fig. 9. Vue aérienne des structures antiques et du paléochenal de la rue des Écoles.

Fig. 9. Vue aérienne des structures antiques et du paléochenal de la rue des Écoles.

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III.4.3. Le bâtiment C

  • 5 Pilier 249 : 82 x 88 cm ; pilier 304 : 94 x 96 cm ; entraxe : 8,10 m.

40Le bâtiment C, central, mesure 16,54 sur 13,95 m hors-tout, soit une surface de 231 m². Il est constitué de quatre pièces (fig. 11) : en façade nord, un espace rectangulaire encadré de deux petites pièces de plan carré, qui précèdent une grande pièce (halle) rectangulaire. À l’intérieur de cette dernière sont aménagées deux bases de pilier5. La profondeur de l’avant-corps est d’un tiers de la profondeur totale et l’espace 2, le plus large, correspond à une courte galerie de façade, certainement accès principal au bâtiment, qui permettait de desservir les pièces latérales 3 et 4 ainsi que la salle principale. Aucun aménagement de sol n’est conservé et il est difficile de restituer précisément les niveaux de circulations au sein du bâtiment.

Fig. 11. Plan du bâtiment C de la rue des Écoles.

Fig. 11. Plan du bâtiment C de la rue des Écoles.

DAO A. Pichot.

41Les murs sont pratiquement tous arasés jusqu’aux fondations, qui mesurent entre 0,31 et 0,45 m de profondeur. Dans l’angle nord-est du bâtiment, un épierrement (fondations incluses) a été pratiqué sur les murs 188, 232 et 229. Le mur 253 a également été entièrement épierré sur un peu plus de 2 m de largeur, en son milieu, lors de la fouille de diagnostic, ceci afin de le couper et d’observer ses fondations. La largeur des murs varie de 0,52 à 0,61 m. Pour cet édifice, les assises en élévation sont donc absentes, sauf quelques lambeaux formés de blocs calcaires et de mortier encore visibles sur les murs 229, 252 et 253. Les fondations sont moins bien conservées que celles du bâtiment A et ont toutes pu être réalisées lors de la même étape de construction, puisqu’on n’a pu observer aucune démarcation entre elles. Elles sont constituées de blocs de calcaire blanc, de tailles plus ou moins importantes (centimétriques à décimétriques), grossièrement ébauchés, lié au limon brun gris assez meuble et homogène. Le mur extérieur 229 et celui interne 231 ont les fondations les plus importantes, respectivement de 0,42 et 0,45 m de profondeur, ce qui s’explique par le fait qu’ils portaient, avec les murs 253 et 287, la charpente de couverture de la pièce 1, voire un étage. Les murs 253 et 287 sont très épierrés et il manque certainement une partie des substructures. Le mur de clôture et de façade 188 est peu fondé à ce niveau, il ne supportait que le toit à une pente de l’avant-corps du bâtiment.

42On peut supposer, d’après les éléments conservés, que la couverture de ce vaste édifice était en deux parties : un toit à deux pans pour la pièce 1, dont la panne faîtière serait orientée est-ouest, et un toit à un seul versant (appentis) pour l’avant-corps. Des ouvertures aménagées au-dessus du niveau de l’avant-corps auraient ainsi permis d’apporter de l’air et de la lumière dans la pièce 1, qui pouvait avoir un étage ou au moins des combles aménagés permettant d’entreposer des denrées, comme du grain par exemple. Il est également possible que la couverture de l‘ensemble ait été assurée par un seul toit à deux pans, le pan nord débordant afin de couvrir également la galerie de façade et les deux pièces accolées.

III.4.4. Le bâtiment D

43Le bâtiment D (fig. 9) mesure 12,80 sur 9,47 m, soit une surface de 121,21 m². Comme pour le bâtiment B, ses fondations sont larges et profondes (entre 0,52 et 0,92 m de largeur et entre 0,84 et 0,96 m de profondeur), il devait également comporter un ou plusieurs étages. Ses caractéristiques de construction sont semblables à celles du bâtiment B. Son plan diffère puisqu’il est rectangulaire.

III.4.5. Le bâtiment E

44Le bâtiment E, situé en zone inondable et dégagé sur une faible surface (67,21 m²), n’a pas pu être fouillé, mais son plan a été relevé. Les murs étaient très arasés et en mauvais état de conservation. Il reproduit selon toute vraisemblance un module semblable à celui utilisé pour les bâtiments A et C : une grande salle (à piliers ?) précédée par un avant-corps (galerie de façade entre deux pièces).

III.5. Les aires à l’arrière des bâtiments

45Au sud des bâtiments, plusieurs structures excavées ont également été mises au jour (fig. 12). Certaines ont été abandonnées au Haut-Empire, date connue grâce aux quelques tessons de céramique retrouvés dans leur comblement. Il s’agit notamment du fossé 149 (fig. 12, n° 11), qui suit le pendage naturel du terrain vers la rivière et permettait ainsi de drainer le terrain, mais également des fosses 163, 170, 322 et 429 (fig. 12, nos 7 à 10) dont les dimensions sont variées, mais dont le remplissage est assez semblable, caractérisé généralement par un limon brun gris compact, avec de nombreuses inclusions de charbon et fragments de terre cuite architecturale.

Fig. 12. Fosses, fossé et trous de poteau à l’arrière des bâtiments.

Fig. 12. Fosses, fossé et trous de poteau à l’arrière des bâtiments.

DAO A. Pichot.

46En revanche, les nombreux trous de poteau mis au jour ne contenaient aucun mobilier archéologique. Ils forment deux alignements qui correspondent à l’orientation du bâti, ils font donc certainement partie de l’organisation de l’espace arrière de ces bâtiments. Ils peuvent être interprétés comme des probables témoignages de clôtures légères ou de palissades servant à délimiter les jardins vivriers ou les vergers placés en arrière-cour, ou encore des dispositifs de parcage de bétail. Certaines fosses pourraient être identifiées comme des fosses de plantation. Cependant, les conditions de la fouille n’ont pas permis de confirmer ce point.

III.6. Interprétation des vestiges et fonction des espaces

47Les bâtiments présentent ici deux types de plans. Le premier type architectural, qui se définit par une grande salle précédée d’un avant-corps, constitué d’une galerie encadrée par deux pièces, est construit en série le long du mur de clôture. Des bâtiments de plan plus simple, constitué d’une pièce unique, viennent s’intercaler entre les premiers. Cet ensemble architectural semble correspondre aux communs d’un établissement agricole. En effet, de nombreuses villae présentent des communs semblables aux bâtiments dégagés en 2016 (Ferdière et alii, 2010). L’association de deux plans d’édifices différents dans les communs n’est pas rare dans le centre-est de la Gaule, même si l’utilisation d’un type unique semble souvent majoritaire (Nouvel, 2016, p. 320, fig. II3-85 ; Ferdière et alii, 2017, p. 34).

48Tous ces édifices correspondaient certainement à des fonctions variées, cependant très difficiles à restituer, compte tenu de l’absence de sol conservé et de la pauvreté du mobilier archéologique associé mis au jour. Plusieurs usages peuvent être envisagés, grâce aux observations réalisées sur des sites mieux documentés (Gaston, 2008, p. 258 ; Ferdière et alii, 2017, p. 36-41). Chaque bâtiment pouvait en outre accueillir des activités distinctes. Tout ou partie de ces édifices a également pu servir au logement des ouvriers agricoles et des familles accueillis sur le domaine. Le bâtiment A conserve des traces de cet usage dans la pièce principale, qui a fait l’objet d’une subdivision en espaces plus réduits. Ainsi, l’aménagement d’un foyer, d’une cave et la présence de récipients destinés aux activités culinaires et de stockage, dont un lot de pots de cuisson découverts dans la cave, apparaissent comme caractéristiques des contextes domestiques.

49La construction d’édifices en série selon une conception basée sur un alignement strict et la répétition d’un ou deux modules constitue une particularité bien connue des domaines agricoles, qui va de pair avec une production plus importante et une volonté de monumentaliser les domaines ruraux (Gaston, 2008, p. 253). Particulièrement bien identifié en Gaule et en Germanie, ce schéma d’organisation des villae à plan axial se caractérise par une vaste cour centrale autour de laquelle se répartissent à intervalle régulier des bâtiments le long des murs ou palissades de clôture (Ferdière et alii, 2010).

50La présence d’une voie aménagée le long du mur de clôture et à l’intérieur de la cour est attestée dans d’autres villae comme à Magny-Cours par exemple, où deux chemins d’une largeur comprise entre 2,50 m et 3,10 m ont été observés le long des ailes nord et sud (Segard, 2010, p. 52 et 102), mais également à Noyon, où une voie longe l’aile nord des communs de cette très grande villa (de Muylder et alii, 2015, p. 287). À Champlitte, sur le site du Paquis (Herve, 2013), on retrouve aussi deux voies perpendiculaires, de cinq et six mètres de largeur, qui bordent les constructions. Ces voies sont elles-mêmes longées par des canaux de deux mètres de large, qui évoquent encore plus précisément l’exemple de Bavilliers.

III.7. Datation des vestiges

51Les vestiges étaient très arasés au moment de leur dégagement. Très peu d’élévation des murs étaient conservées et aucun niveau de sol n’a pu être observé. La majeure partie du mobilier provient des niveaux de remblais des bâtiments A et B, ainsi que du comblement du fossé 27. Le nettoyage des murs des bâtiments C et D, ainsi que le remplissage de quelques trous de poteau et fosses situés dans la partie sud du site, ont livré de rares tessons de céramique. Malgré le passage régulier du détecteur de métaux à chaque étape de la fouille, les découvertes de mobilier métallique ont été peu nombreuses.

52Il n’a pas été possible de réaliser des plans phasés (construction, occupation puis abandon du site), cette étude présente donc simplement le mobilier découvert et propose une date d’abandon des bâtiments. Aucun élément ne permet pour l’instant de dater leur mise en place, ni celle du canal, ni de la voie.

III.7.1. Le mobilier céramique

  • 6 Treize tessons vernissés (5 NMI) sont attribuables à l’époque moderne.

53Le lot de mobilier céramique correspond à un nombre total de 925 tessons et de 178 individus, presque tous d’époque romaine6. Le mobilier est issu des bâtiments A et B, ainsi que du comblement du tronçon de fossé 27 situé à hauteur de ces deux mêmes bâtiments. Le reste du mobilier provient, de façon plus sporadique, du nettoyage des arases de murs des bâtiments C et D, du comblement de quelques poteaux et piliers de ces bâtiments, ainsi que du comblement de quelques trous de poteau et fosses disséminés dans l’espace ouvert situé au sud des bâtiments. Pour finir, on notera la présence d’une petite série de tessons découverts dans le comblement du paléochenal à l’ouest du terrain. L’analyse de ce mobilier permet d’établir que les récipients les mieux représentés sont les cruches, les pots, puis les coupes à collerette, les coupes et enfin les jattes et pots à cuire. L’assemblage destiné au service ainsi constitué compose 17 % (sur la base du NMI) de la vaisselle, tandis que les récipients destinés à la préparation et à la cuisson des aliments constituent 39 % du lot et que le stockage des denrées est évalué à 44 %.

III.7.1.1. La vaisselle destinée à la préparation des aliments et au service de la table

54Ces récipients sont principalement représentés par des coupes à collerettes, des écuelles ou des jattes. La forme la plus courante est la première, qui se décline en terra nigra (type Deru B2/ Schnitzler 42 dans Deru, 1996) ou encore en céramique commune. Cette forme constitue une imitation du type en sigillée Ritt. 12, qui connait un succès important à la fin du ier et au début du iie siècle entre Mandeure, le sud du l’Alsace et l’Ajoie, particularisme local déjà maintes fois évoqué (Murer, Roth-Zehner, 2009, p. 139) (fig. 13, n° 1). Ces formes sont notamment produites dans le four de Mandeure, rue de la Récille (Kuhnle et alii, 2006, p. 86, fig. 54, n° 1), ainsi qu’à Augst, Venusstrasse-Ost (Region 7C ; Schmid, 2008, p. 381, pl. 45 à 47).

Fig. 13. La céramique du site antique de la rue des Écoles.

Fig. 13. La céramique du site antique de la rue des Écoles.

DAO A. Murer.

55Une seconde forme récurrente, issue de ce même répertoire de la fin du ier s. (Murer, Roth-Zehner, 2009, p. 138), est également produite en terra nigra ou céramique commune. Il s’agit d’une jatte carénée dotée d’un bord en bandeau, présentée pour la première fois par J.-D. Demarez à la suite des fouilles réalisées dans l’Ajoie (Demarez et alii, 1999) et dont une production est attestée à Mandeure, rue de la Récille (Kuhnle et alii, 2006, p. 86, fig. 54, nos 3 à 5). Ces récipients ont fait l’objet de publications plus élargies à la suite de leur découverte dans des sites du sud de l’Alsace (Viroulet et alii, 2007 ; Murer, Roth-Zehner, 2009) (fig. 13, n° 2).

56D’autres jattes en céramique commune s’apparentent à des formes produites à Augst, Mandeure et Avenches durant le dernier tiers du ier s. et le premier tiers du iie siècle (Schmid, 2008, pl. 31 et 32). Toutes présentent une panse tronconique et un bord rentrant épaissi parfois mouluré. La première forme est comparable au type AV. 235/4 (Castella, Meylan-Krause, 1994) produit dans les ateliers avenchois du milieu du ier au milieu du iie siècle, avec son bord rentrant épaissi, mouluré côté externe. La partie sommitale du bord est ornée de traits incisés (fig. 13, n° 3). La seconde jatte est dotée d’un bord rentrant épaissi souligné de deux moulures sur sa partie sommitale (n° 4) ; elle s’apparente au type Bolliger E 5 répertorié sur le site de Mandeure, Champ des Fougères (Bolliger, 2010). Un troisième type, comparable au type AV. 236, est doté d’un bord légèrement rentrant et d’un marli horizontal (n° 5). On recense également une jatte de type AV. 237, à bord rentrant mouluré (n° 6), forme produite dans l’atelier de Mandeure, rue de la Récille (Kuhnle et alii, 2006, p. 86, fig. 54, n° 2), ainsi que dans les ateliers de Mathay, Champ des Isles (Lame, Mazimann, 1990, p. 43, fig. 3, n° 4). La dernière jatte constitue une variante du type AV. 238 : le bord est allongé, fin, doté d’une lèvre simple arrondie, et souligné par deux moulures côté externe, au niveau de la carène (fig. 13, n° 7).

III.7.1.2. Les vases de stockage

57Cette catégorie est représentée par des récipients aux morphologies héritées des répertoires de La Tène finale. La forme la plus fréquente (AV. 74/ Bolliger P24) est un pot à panse piriforme et bord éversé dont l’épaule peut être soit ornée de moulures, soit plus simplement dotée d’un ressaut marqué (fig. 13, nos 8 et 9). Elle est produite à Augst, Venusstrasse-Ost, durant tout le ier et le premier tiers du iie siècle (Schmid, 2008), ainsi qu’à Mandeure, dans les ateliers de Mathay, Champ des Isles (Lame, Mazimann, 1990, p. 43, fig. 3, n° 6) et de la rue de la Récille à Mandeure (Kuhnle et alii, 2006, p. 87, fig. 55 nos 3, 4 et 5).

58Deux pots de type (AV. 64/ Bolliger P 31.1) sont produits dans les fours du site du Champ des Isles à Mandeure du début du ier au début du iie siècle (Lame, Mazimann, 1990, p. 43, fig. 3 n° 7). Ils sont dotés d’une panse piriforme et présentent un bord éversé présentant un sillon externe (lèvre bilobée) (fig. 13, n° 10).

III.7.1.3. La vaisselle de cuisine

59Elle se décline en pots et marmites, réalisés en céramique tournée ou non. La forme dominante est le pot à bord mouluré rentrant ou formant un marli horizontal de type Vind. 24 (fig. 13, n° 11). À l’instar de celles présentées plus haut, elle est également héritée de La Tène finale et reconnue dans les ensembles du territoire rauraque et de la région de Mandeure depuis le ier siècle jusqu’au plus tard la première moitié du iie siècle.

60Les marmites sont héritées des répertoires mandubien et avenchois ; elles sont dégraissées à l’aide de coquilles calcaires et dotées de parois tronconiques et de bords simples ou rentrants (fig. 13, nos 12 et 13) ; leur morphologie est à rapprocher des types AV. 223/224 ou Bolliger E 17, recensés sur le site de Mandeure, Champ des Fougères (Bolliger, 2010, pl. 8, vol. 3).

III.7.1.4. Une durée d’occupation réduite

61L’homogénéité du mobilier permet de préciser que la chronologie de l’occupation s’inscrit dans une fourchette relativement réduite, qui couvre le dernier tiers du ier et un peu plus du premier tiers du iie siècle. Les éléments concernés sont tout à fait caractéristiques des assemblages datés de cette période, découverts ces dernières années au sein du secteur formé par l’extrême sud du territoire rauraque (campagne d’Augst-Augusta Raurica) et le nord du territoire Séquane (région de l’Ajoie et de la périphérie de Mandeure-Epomanduodurum), le site de Bavilliers étant à la jonction de ces deux sphères d’influence économique. Le corpus offre également de très bons parallèles avec les productions de la région d’Avenches-Aventicum.

62Une grande partie du mobilier prélevé dans les contextes mis au jour au niveau des bâtiments A et B présente d’importantes traces de chauffe témoignant d’un incendie qui se serait propagé au moins à l’un des deux bâtiments.

III.7.2. L’instrumentum

63Comme nous l’avons mentionné plus haut, malgré un usage régulier du détecteur de métaux, peu d’objets datants ont été découverts. En effet, si au total quarante-quatre éléments métalliques on été recensés, la majorité correspond à des clous de menuiserie à la tête ronde. Les autres éléments de mobiliers plus spécifiques ont pratiquement tous été mis au jour hors contexte. Ce corpus très restreint n’a pas permis de réaliser une étude complète.

64Parmi les artefacts remarquables mais hors contexte, un as de Claude et un autre de Domitien, ainsi que trois fibules indiquent une fourchette chronologique réduite (fig. 14). Ainsi, une fibule « à queue de paon » est datable de la fin du règne d’Auguste au troisième quart du ier siècle (fig. 14, n° 2), celle à arc partagé s’inscrit dans le deuxième quart du ier siècle et le début du iie siècle (n° 1) et celle en forme de tutulus du dernier tiers du ier à la fin du iie siècle (fig. 14, n° 3).

Fig. 14. Mobilier métallique de la rue des Écoles.

Fig. 14. Mobilier métallique de la rue des Écoles.

Dessin O. Chifflet et A. Tenud.

65Les cinq éléments de meules en grès et en granit ont pratiquement été tous découverts hors structure, au cours du décapage. Seul un fragment a servi en réemploi comme calage dans un trou de poteau du bâtiment A (st. 89).

66Un fragment de catillus et deux de metae sont en granit. Deux fragments proviennent d’un moulin manuel, avec un diamètre respectif de 37 et 45 cm, mais le dernier est le secteur d’une meta (diamètre 60 cm) d’un moulin à traction animale.

  • 7 Information de L. Jacottey qui a repris l’étude des meules de ce site pour sa thèse de doctorat ; (...)

67Deux autres fragments sont en grès et conglomérat, avec des diamètres de 46 et 48 cm. Ces dimensions sont en accord avec la datation générale de la céramique, puisque selon la typo-chronologie des meules, le pic de représentation des éléments dont le diamètre est de 46 cm est placé au ier siècle de notre ère en Gaule et c’est à partir du ier siècle qu’apparaissent des meules d’un diamètre supérieur à 40 cm en territoire séquane (Jaccottey et alii, 2011, p. 293). Le dernier fragment en grès et conglomérat est un secteur de catillus provenant d’un moulin hydraulique (diamètre 75 cm). Cela attire l’attention sur la présence d’un tel équipement sur le site, qui a pu fonctionner avec le canal installé au nord des bâtiments. Ce catillus est comparable aux exemplaires régionaux dans cette roche, dont le matériau provient de la haute vallée de la Savoureuse7.

IV. Relecture des découvertes plus anciennes

68Grâce aux découvertes effectuées en 2016, l’identification d’une grande villa à Bavilliers est désormais assurée, même si cette interprétation était admise depuis 2015 (Nouvel, Venault, 2015, p. 71-72). Elles renouvellent les connaissances sur le site, tout en apportant un éclairage neuf sur l’organisation générale des vestiges.

IV.1. Le monument central

69L’édifice découvert en 2009 se présente sous la forme d’un enclos de 32 m de côté délimité par un mur en petit appareil de moellons calcaires (fig. 5). L’entrée, identifiée dans le mur nord-est de l’enclos, conserve l’emplacement d’un seuil récupéré, probablement en grand appareil. Une autre fondation identifiée le long du mur sud-est de l’enclos pourrait convenir à un dispositif différent. Elle se distingue de la précédente par un niveau de moellons posés de chant de 5,75 m de longueur sur 2,4 m de largeur. Cette fondation a été interprétée dans un premier temps comme un seuil. Toutefois, les techniques de construction mises en œuvre témoignent d’une fondation très puissante pour un seuil d’entrée et surtout elle ne se situe pas dans l’axe de la pile centrale, contrairement à l’entrée située à l’est. Cette fondation pouvait supporter des assises de grand appareil, qui signalent probablement l’emplacement d’un monument accolé contre le mur d’enclos à l’extérieur.

70Au centre de cet enclos est conservée une imposante fondation grossièrement carrée, dont les côtés mesurent entre 4,50 m et 4,90 m de longueur. La réalisation de cette pile est à la fois complexe et robuste. Dans un premier temps, un creusement quadrangulaire de 1,55 m de profondeur a été effectué. En son centre, soixante-quatre pieux de chênes (d’une longueur de 1,60 à 2,08 m) ont été enfoncés dans le substrat argileux de façon à stabiliser le terrain. Ils forment un carré de 3,15 m de côté, sur lequel a été déposé un radier d’une épaisseur de 1,15 m en moyenne. Ce dernier est composé de deux niveaux successifs : plusieurs rangs superposés de dalles calcaires posées de chant, puis un niveau de moellons scellé par l’application d’un mortier (fig. 15). Pour finir, la base du monument, constituée de blocs de grand appareil entièrement récupérés lors du démontage de la construction, a été installée (Le Martret, 2011, p. 45-46). Les pieux en bois employés dans la fondation du monument central ont fourni une datation par dendrochronologie en 122-123 après J.-C. L’étude des cent vingt-six monnaies trouvées au cours de la fouille indique que la fréquentation des lieux s’est étendue jusqu’au milieu du iiie siècle, tandis que le démontage de l’ensemble paraît intervenir vers la fin du ive siècle (Le Martret, 2013, p. 198-201).

Fig. 15. Coupe du radier de fondation du monument central.

Fig. 15. Coupe du radier de fondation du monument central.

Photographie A. Le Martret - ANTEA Archéologie.

  • 8 Ces éléments ont été mis au jour lors de la fouille de diagnostic dans un foyer situé dans l’angle (...)

71La responsable d’opération propose de restituer un monument de type colonne à Jupiter. Cette identification se fonde sur la découverte d’un pendant de harnais en forme de croissant de lune (lunule) et d’un faisceau de foudre en alliage cuivreux, qui pouvaient appartenir au groupe sculpté8 (Le Martret, 2013, p. 197). La lunule mesure 5 cm de long et 3,7 cm de haut, auxquels s’ajoute 1,1 cm d’attache (fig. 16). Une lunule pend au front du cheval du cavalier à l’anguipède de Tongres en Belgique (Mertens, 2000, p. 36-47). Le fragment de foudre est long de 26 cm, composé de trois segments de 10 cm, 5,2 cm et 14,3 cm, formant deux coudes en angle droit (fig. 17). Il se rapporte au foudre (faisceau d’éclairs) brandi par la statue de Jupiter. Des vestiges métalliques comparables ont été découverts en association avec des groupes statuaires dédiés à Jupiter dans plusieurs autres contextes, tels que le sanctuaire du Wasserwald en Alsace (Flotté, Fuchs, 2000, p. 316), dans un puits à Heidelberg en Allemagne (Ludwig et alii, 2010, p. 88-92) ou dans le sanctuaire de Bad Bubendorf en Suisse (Strubin, 1977, p. 308-314). À cette liste s’ajoute la découverte récente d’un fragment de foudre en alliage cuivreux en association avec un groupe à Jupiter à l’anguipède dans le sanctuaire de la villa de Steinbourg (Gervreau, 2016, vol. 4, p. 90 et 112). Il existe également des exemples de fana qui s’inscrivent au sein d’une villa, comme à Richebourg dans les Yvelines (Barat, 1999, p. 145-148).

Fig. 16. Applique de harnais en forme de lunule.

Fig. 16. Applique de harnais en forme de lunule.

Dessin V. Gaillard – ANTEA Archéologie.

Fig. 17. Fragment de foudre en alliage cuivreux.

Fig. 17. Fragment de foudre en alliage cuivreux.

Dessin V. Gaillard – ANTEA Archéologie.

72Ce monument central peut également avoir eu une fonction funéraire, mais il n’est cependant par comparable au complexe funéraire établit dans la cours de la villa de Biberist-Spitalhof, en Suisse, dans le troisième quart du iie siècle (Ferdière et alii, 2010, p. 362). Cette zone funéraire a permis d’ensevelir les cendres d’un homme d’une cinquantaine d’années, d’un nourrisson et d’un individu de sexe féminin, à en juger par le mobilier funéraire (Schucany, 2006, p. 113-129). Ces personnes appartenaient certainement à la famille du propriétaire, elles étaient accompagnées d’un mobilier très riche. Deux fosses votives ainsi que des fragments de bouteilles en verre carbonisé témoignent d’offrandes en mémoire des défunts.

73Cet important monument a été précédé par une occupation construite en matériau léger. Un fossé et deux trous de poteau (nos 33 et 52 fig. 18) sont datés du règne d’Auguste, grâce à des céramiques de La Tène D2 et à une monnaie d’Auguste trouvés dans leur comblement. Ce sont les seuls vestiges assurément antérieurs au monument en grand appareil. Cependant, un semis d’un peu moins de cinquante trous de poteau reste non daté en l’absence de marqueur chronologique assuré, leur position stratigraphique permettant tout de même de les distinguer de la dernière phase d’occupation, puisqu’ils sont apparus sous le niveau de démolition du sanctuaire (Le Martret, 2011, p. 23).

Fig. 18. Le monument central de Bavilliers, avec hypothèse de restitution d’un premier état en bois (en vert).

Fig. 18. Le monument central de Bavilliers, avec hypothèse de restitution d’un premier état en bois (en vert).

DAO A. Le Martret et hypothèse de restitution S. Blin.

74Les alignements de trous de poteau identifiés sur la façade nord-est de l’enclos dessinent ainsi deux lignes de quatre poteaux qui présentent une orientation commune, parallèle aux alignements formés par les trous de poteau sur le côté sud-ouest. Les lignes de poteaux des côtés nord-ouest et sud-est sont placées à 90° par rapport aux précédents. Ces différentes données permettent d’inscrire cet ensemble dans un plan de masse quadrangulaire et régulier, dont les dimensions sont légèrement inférieures à celles de l’enclos du iie siècle (fig. 18). Le dispositif sur le côté nord-est peut ainsi être identifié comme un porche d’entrée. La présence du seuil d’entrée sur la façade est du sanctuaire, dans sa version maçonnée, confirme d’ailleurs cette identification. Tous ces éléments forment ainsi le plan d’un premier édifice en bois, avec une galerie périphérique et un porche d’entrée, dont les caractéristiques techniques et l’orientation correspondent à celles des fana. La reprise en pierre de ce premier monument s’accompagne d’une modification des axes directeurs de l’espace sacré, avec une rotation de 10° environ vers l’est.

  • 9 Paunier, 1996, mais c’est dans un autre ouvrage (Rychener, Della Casa, 1999) qu’il est assurément (...)

75Ce qui caractérise cet ensemble dans sa dernière phase de construction est sa position au centre du domaine, ainsi que les dimensions particulièrement imposantes de l’enclos (32 m de côté) et de la fondation de la pile (3,15 m de côté). Le site de Neftenbach, situé non loin de Winterthur, fournit un exemple de villa à plan axial qui présente à peu près au centre de ses communs un enclos maçonné. Il délimite un espace carré de 13,2 m de côté, tandis que la partie centrale est occupée par une fondation sur pieux d’environ 2 m de côté, l’ensemble étant daté de la première moitié du iie siècle9. La villa de Steinbourg, dans le nord de l’Alsace, comporte également un enclos maçonné de 7 à 8 m de côté au centre duquel prend place une fondation de 2,44 par 2,53 m de côté destinée dans ce cas à une colonne à Jupiter (Gervreau, 2016, vol. 1, p. 384-403). Cette dernière a été presque entièrement récupérée, mais de nombreux fragments du groupe sculpté ont été mis au jour dans ce secteur et l’ensemble est daté du iie siècle.

IV.2. La partie résidentielle

76L’espace résidentiel de la villa correspond certainement aux vestiges fouillés dans les années 1970 et 1980 (voir 2.2. Les travaux du xxe siècle) à l’ouest de la commune. Ils semblent s’organiser autour d’une longue galerie mesurant plus de 60 m de longueur et 4,20 m de largeur. Elle est ponctuée d’exèdres rectangulaires plates – deux visibles – ne dépassant pas 0,65 m de profondeur sur 2,6 m de longueur. Leur présence indique que la galerie n’était pas ouverte de ce côté, comme un portique, mais qu’elle pouvait l’être sur son côté sud-est.

77Les décors pariétaux de ce mur à exèdres sont composés de plusieurs ensembles et en particulier de compositions à réseaux géométriques, qui permettent d’envisager qu’elles recouvraient initialement les parois, voire les plafonds. Ainsi, le premier décor, composé de disques rouges placés sur une trame carrée droite ou oblique – les deux sont envisagées par R. Billerey (Billerey, 2010, p. 70-71) –, est associé à des vestiges d’une plinthe de couleur verte qui incite à l’interpréter comme un décor de paroi (fig. 19 à gauche). En revanche, le deuxième décor, qui présente un système de réseau de cercles sécants, pourrait aussi bien convenir à une paroi qu’à un plafond, où il est d’ailleurs fréquemment employé, d’après le corpus comparatif publié par R. Billerey (ibid., p. 74) (fig. 19 à droite). La succession de motifs placés sur des trames géométriques normalisées permet de couvrir de grandes surfaces, ce qui a sans doute guidé le choix de cette composition.

Fig. 19. Restitution des compositions sur trame oblique et sur système à cercles sécants découvertes dans la galerie ouest.

Fig. 19. Restitution des compositions sur trame oblique et sur système à cercles sécants découvertes dans la galerie ouest.

D’après Billerey 2010, fig. 22 et 26, p. 71 et 73.

  • 10 Comme à Lisieux (Normandie), dans les thermes de Mandelieu (Alpes maritimes), à Eu/Bois l’Abbé (Se (...)
  • 11 L’ouvrage d’Y. Dubois propose une étude approfondie de cet espace qualifié d’ambulatio à abside et (...)

78Les exèdres rectangulaires bénéficiaient en revanche d’un décor nettement différent. Les parois à fond blanc sont simplement soulignées de bandeaux et de filets de couleur rouge (fig. 20 à gauche). Ces derniers permettent de créer une partition de la paroi en différentes zones, elles-mêmes probablement divisées en panneaux. Cet agencement apparaît fréquemment dans les pièces à fond blanc, qu’ils s’agissent de pièces secondaires ou de plus grand prestige, entre les ier et iiie siècles10. Les remontages de R. Billerey ont permis de restituer une plaque dont les bandeaux soulignent un angle à 30°. Ce dernier a été interprété dans un premier temps comme un décor soulignant un escalier, en se fondant, à raison, sur l’exemple de la domus de la place des Épars à Chartres (Billerey, 2010, p. 66). Comme pour l’exemple de Chartres, qui a d’ailleurs été revu récemment dans ce sens par Cl. Allag (Allag, 2016, p. 567-577), il est plus probable que cette plaque corresponde à l’embrasure de fenêtres hautes situées dans les exèdres, qui étaient destinées à éclairer la galerie (fig. 20 à droite). En effet, on identifie désormais avec plus d’assurance les vestiges de ce type de dispositif, qu’il s’agisse de fenêtre basse, haute ou encore de soupiraux (ibid., p. 567-577). Dans notre cas, la présence de fenêtres viendrait en outre compléter l’aménagement général de cette galerie ponctuée d’exèdres rectangulaires, qui présente plusieurs points de comparaisons intéressants avec celle de la villa suisse d’Orbe-Boscéaz11.

Fig. 20. Plaques à fond blanc mis au jour dans l’exèdre LO10 de la galerie ouest.

Fig. 20. Plaques à fond blanc mis au jour dans l’exèdre LO10 de la galerie ouest.

D’après Billerey, 2010, fig. 11, 12 et 16, p. 68 et 69 et hypothèse de restitution d’une fenêtre ou d’un trompe trompe-l’œil (DAO S. Blin).

79Le mur nord-est de la galerie était orné de chaque côté par un riche décor. Les remontages et les premières restitutions établis par le CEPMR (Allag, Blanc, 2006 ; Barbet, 2008, p. 31, fig. 16 et p. 289-290, fig. 448-450) ont été repris et amendés par R. Billerey, qui a proposé une publication exhaustive de ces ensembles (Billerey, 2010, p. 78-127). À l’intérieur de la galerie, une grande guirlande de feuillage vert est accrochée par de gros nœuds dont s’échappent d’amples rubans, qui se déploient en zigzag le long de la guirlande (ibid., p. 78-98). Un clipeus (ou bouclier circulaire) aux dimensions remarquables (0,8 m de diamètre) camoufle partiellement le nœud, il présente une bordure jaune décorée de rinceaux ou de postes ; le centre n’est malheureusement pas conservé et ne permet donc pas de préciser s’il s’agit d’une imago clipeata (fig. 21). L’entablement, qui assure la transition avec la partie supérieure, est représenté sous la forme d’une fausse moulure surmontée d’une bande jaune à ondulations. Au-dessus, deux panneaux à fond rouge sont séparés par une bande noire bordée de jaune.

Fig. 21. Restitution des enduits peints de la galerie est (à gauche), et (à droite) la même avec les compléments apportés par R. Billerey.

Fig. 21. Restitution des enduits peints de la galerie est (à gauche), et (à droite) la même avec les compléments apportés par R. Billerey.

CEPMR 1999, DAO d’après cliché Musée archéologique de Belfort et dessin Billerey, 2010, fig. 14, p. 88.

80À l’extérieur de la galerie, le long mur était recouvert d’un décor mixte composé de stucs et d’enduits peints. Dans un sondage réalisé au pied du mur, un lot important de fragments de stuc tombés au pied de la paroi a permis de restituer deux pilastres surmontés d’un chapiteau à palmette et kymation ionique soutenant un entablement ainsi qu’un fronton bordé de corniches. Ces dernières présentent une riche ornementation composée de billettes surmontées d’un rang de perles et de pirouettes, puis d’un anthemion à ruban en S reliant des bouquets de feuilles de chênes et de glands successivement dressés ou pendants (fig. 22). Un fronton triangulaire a été restitué (fig. 23). Ces décors architecturaux étaient accompagnés de peintures dont les remontages ont permis de confirmer les relations entre les parties architecturées et les zones peintes. Vu la fragilité de ces décors, il est probable que cette paroi ne donnait pas directement sur l’extérieur, mais qu’elle était protégée par un portique. Ce dernier pouvait prendre appui sur un mur dont il ne resterait qu’une portion, observée sous la Grande rue lors des travaux du xixe siècle. Ce mur n’est pas parfaitement parallèle à la galerie sur le plan publié par R. Billerey (fig. 4), mais il provient d’une carte ancienne qui ne se superpose pas exactement aux relevés plus récents.

Fig. 22. Vestiges du décor de stuc de la galerie est.

Fig. 22. Vestiges du décor de stuc de la galerie est.

D’après Billerey, 2010, ph. 5, 9, 10, 12 et fig. 29, p. 107, 111, 114, 116.

Fig. 23. Reconstitution du fronton triangulaire en stuc.

Fig. 23. Reconstitution du fronton triangulaire en stuc.

Dessin R. Billerey, Billerey, 2010, p. 112, fig. 28.

81De tels éléments peints et stuqués – plus rares – sont fréquemment mentionnés dans les études concernant les décors pariétaux des Gaules et Germanies (Allag, Blanc, 2006 ; Allag et alii, 2008 ; Barbet, 2008, p. 31, fig. 16 et p. 289-290, fig. 448-450), qui, selon des critères stylistiques, s’accordent à placer ce type particulier de décor dans le courant du iiie siècle. Cette datation n’est pas contredite par les compositions à réseaux découvertes dans la galerie ouest (datation entre 190 et 250 ap. J.-C. selon Barbet et alii, 1997, 23j ; Barbet, 2008, p. 323), qui pourraient donc appartenir au même chantier d’aménagement. Le caractère exceptionnel de ces ensembles décoratifs à clipei, ainsi que les dimensions restituées – 4 m de largeur pour les plaques d’enduits peints et 2,80 m pour l’édicule stuqué –, ont tout d’abord orienté les comparaisons et les interprétations vers des complexes monumentaux de la sphère publique : les hypothèses d’attribution à un sanctuaire (Joan, 2003 ; Billerey, 2010), à un nymphée (Barbet, 2008, p. 290) ou plus généralement à un monument public (Allag, Blanc, 2008, p. 512) ont ainsi été envisagées. L’apport principal de R. Billerey est la restitution de grandes têtes de bovidé, qui complètent le décor au-dessous des clipei (fig. 21 à droite). Il estime également, d’après les hauteurs des différents panneaux peints, que le mur s’élevait à 7,80 m de hauteur (Billerey, 2010, p. 95).

IV.3. Proposition d’un plan pour la villa

82En s’appuyant sur les données issues des fouilles et des prospections, ainsi que sur celles de la topographie, nous pouvons proposer un plan de la villa (fig. 24). Cette hypothèse n’a cependant pas valeur de restitution définitive, puisqu’elle ne se fonde que sur un nombre très partiel de données vues en fouilles. Elle vise à cerner la topographie et le rapport entre eux des différentes composantes de cet établissement, en acceptant toutefois une part d’incertitude.

Fig. 24. Plan des vestiges antiques et hypothèse de restitution de l’ensemble de la villa.

Fig. 24. Plan des vestiges antiques et hypothèse de restitution de l’ensemble de la villa.

DAO S. Blin, A. Le Martret et A. Pichot.

83La façade principale de la partie résidentielle, située en position dominante sur une colline à l’ouest de la commune, sous la partie des habitations les plus anciennes du village, pouvait se développer sur pratiquement 140 m de longueur. Vers le nord-ouest, nous avons restitué la même longueur de galerie que celle fouillée au xxe siècle, en se basant sur un axe qui passerait au centre du monument quadrangulaire. Cette limite au nord correspond également à une rupture de pente assez importante au niveau de l’église Saint-Ambroise. Les autres limites de la résidence sont pour l’instant hypothétiques, faute de données.

  • 12 Cette hypothèse a déjà été présentée par le projet collectif de recherche RURALIA (Nouvel et alii, (...)
  • 13 Si la cour régulière semble être le modèle le plus courant dans cette partie du territoire séquane (...)

84Pour la partie agricole, sa limite a été placée juste après le dernier pavillon reconnu durant les fouilles de 2016, c’est-à-dire au pied de la colline du Châtelet. L’aile sud et ses communs sont connus maintenant, mais l’aile nord reste plus énigmatique. Son tracé a donc été restitué à partir de l’angle de la partie résidentielle et en proposant deux possibilités : une cour régulière avec deux ailes parallèles12 ou une cour trapézoïdale13. L’ensemble de cette partie agricole dessinerait donc un vaste quadrilatère, trapèze ou rectangle, de près de 400 m de longueur (EO), doté de petits côtés mesurant entre 160 m et 200 m de longueur.

  • 14 Voici les surfaces des plus grands établissements ruraux du territoire Séquane : Thoraise (Doubs)  (...)

85Si l’on suit cette hypothèse de reconstitution, le domaine se développerait sur une surface de 2,2 ha pour la partie résidentielle et au minimum sur 6,4 ha pour la partie agricole. Cela placerait la surface totale de cette villa à plus de 8,6 ha, ce qui en ferait la plus vaste actuellement connue dans le Territoire de Belfort. Cette surface ne constitue pas une exception dans le corpus suprarégional, étant donné que les domaines ruraux des territoires séquane et helvète sont parmi les plus étendus de Gaule14.

86Le schéma d’organisation de l’établissement, tel qu’il est esquissé ici, correspond à des modèles d’organisation relativement bien connus dans le corpus de ces très grands établissements qui se développent selon un plan axial et dotés « de pavillons de tailles et de plans répétitifs, distincts les uns des autres » (Ferdière et alii, 2010). De manière classique, la partie résidentielle se situe sur une zone plus élevée que le domaine agricole, qui se développe en contrebas (Nouvel, 2017, p. 683-732). L’orientation générale de la villa selon un axe est-ouest permet de mettre en place de manière très efficace cette distinction entre les deux parties du domaine. Cette configuration extrêmement fréquente se retrouve en effet sur de nombreux autres domaines, par exemple la villa de Larry à Liéhon en Moselle (Ferdière et alii, 2010, p. 367 et pl. 6 ; Laffite, 2016).

  • 15 Nous pouvons citer la liste établie par P. Nouvel : Môlay, Ougney-Vitreux, Bourbonne-les-Bains, Ar (...)

87Concernant la partie agricole, selon cette hypothèse de reconstitution, les pavillons sont alignés le long des grands côtés et ici accolés au côté extérieur du mur bordant de part et d’autre la cour agricole. Dans le corpus comparatif, cette configuration apparaît aussi courante que celle qui consiste à disposer les bâtiments à l’intérieur avec leur mur arrière accolé contre le mur de clôture. Parmi les exemples de la cité des Séquanes, cette disposition se retrouve sur de très nombreuses villae de plan similaire15.

IV.4. Chronologie de l’établissement

88Comme nous l’avons vu précédemment, les vestiges les mieux datés à Bavilliers sont ceux du monument central, le très probable sanctuaire dédié à Jupiter, construit dans sa version monumentale à parti des années 122-123. Sa fréquentation a pu commencer dès le règne d’Auguste, puis elle se serait prolongée jusqu’à la seconde moitié du iiie siècle et sa démolition n’aurait eu lieu qu’à la fin du ive siècle (Le Martret, 2013, p. 198-201). Selon l’étude de la céramique et des fibules, l’occupation du site de la rue des Écoles a commencé pendant la période flavienne (69-96) et s’est poursuivie au moins jusqu’au début du second tiers du iie siècle (130). Cependant, ces dates ne concernent que les quelques bâtiments que nous avons fouillés. Elles ne permettent pas de préciser le temps de fonctionnement de la partie agricole dans son ensemble, qui était beaucoup plus vaste que la portion mise au jour. Dans la partie résidentielle, les fresques, datées de la fin du ier ou de la première moitié du iIe siècle (Billerey, 2010, p. 95), sont contemporaines de l’occupation des bâtiments agricoles.

89Il est ainsi probable que la villa ait connu plusieurs phases de travaux : un premier état en matériau léger à partir du règne d’Auguste, dont seul le monument central est connu ; une phase de monumentalisation des bâtiments résidentiels et des communs à la fin du ier siècle ou au début du iie siècle, puis la reconstruction complète du monument central à partir de 122-123.

Conclusion

90Les vestiges étudiés à Bavilliers répondent bien aux critères fondamentaux de la définition d’une villa que sont « la double présence de bâtiments résidentiels dotés d’installations de confort et d’infrastructures importantes destinées à l’exploitation agricole du domaine » selon la définition proposée par P. Ouzoulias (Ouzoulias, 2013, p. 254), et cela même si le terme de villa peut recouvrir plusieurs concepts différents (Reddé, 2017a et 2017b, p. 15).

  • 16 Pour des observations récentes sur ces parcelles menées à l’occasion d’une opération de diagnostic (...)

91Cependant, le plan de cette grande villa reste lacunaire et en grande partie restitué. Bien des points doivent encore être éclaircis et pourraient très probablement être précisés grâce à des prospections géophysiques. Les parcelles exemptes de construction situées entre l’emprise de la fouille menée en 2016 et la fontaine Saint-Ambroise présentent de ce point de vue des surfaces exploitables pour ce type d’intervention16. Les possibilités de vérification sur le long côté opposé ou même sur la bordure la plus à l’est restent en revanche plus réduites, compte tenu de la densité des constructions existantes, mais de nombreux jardins demeurent accessibles, au moins pour de telles investigations non destructrices.

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Notes

1 Le diagnostic archéologique a été réalisé en octobre 2004 (Cayrol, 2004). La fouille a ensuite été menée par Adeline Pichot (société ANTEA Archéologie), au printemps 2016, sur une surface de 6 800 m2 (Pichot, 2016). Dans le cadre de l’étude et de la reprise des interprétations concernant ce site, nous avons bénéficié de l’aide d’Annick Richard, du Service régional de l’Archéologie (Besançon), de Michel Dabas, du laboratoire AoROC, de Jérôme Marche, du Musée de Belfort, et d’Anaïg Le Martret, du bureau d’étude Eveha, ainsi que des connaissances de Jean-Pierre Mazimann et de la relecture d’Alain Ferdière et de Pierre Nouvel pour la R.A.E. : nous tenons à tous les remercier pour leur soutien.

2 Les fragments dont M. Colney propose un relevé (Colney, 1983, p. 87, fig. 14), ont été déposés au Musée de Belfort (base, inv. 2015.7.104 et chapiteau, inv. 2015.7.105), sauf l’élément de fût qui a disparu. R. Billerey a publié un dessin de la base et du chapiteau, accompagné d’une restitution de la colonne (Billerey, 2010, p. 187, fig. 37).

3 Deux de ces argiles grises ont fait l’objet de datations au radiocarbone ; elles datent de la fin du Moyen Âge et du début de l’Époque moderne (390 ± 30 BP, soit 1441-1631 AD (95,4 %) et 635 ± 30 BP, soit 1285-1398 AD (95,4 %)).

4 Pendant la fouille, il n’a pas pu être dégagé sur toute sa largeur, puisqu’une route bitumée empiétait sur la surface prescrite ; il avait en revanche pu être observé sur toute sa largeur lors du diagnostic, alors que la route n’avait pas encore été aménagée (Cayrol, 2004, p. 11).

5 Pilier 249 : 82 x 88 cm ; pilier 304 : 94 x 96 cm ; entraxe : 8,10 m.

6 Treize tessons vernissés (5 NMI) sont attribuables à l’époque moderne.

7 Information de L. Jacottey qui a repris l’étude des meules de ce site pour sa thèse de doctorat ; voir également Jaccottey, Rollier, 2016.

8 Ces éléments ont été mis au jour lors de la fouille de diagnostic dans un foyer situé dans l’angle sud-est de l’enclos pour le premier et dans le remblai de l’aménagement central pour le second (Billoin, 2010, p. 23).

9 Paunier, 1996, mais c’est dans un autre ouvrage (Rychener, Della Casa, 1999) qu’il est assurément interprété comme un espace sacré.

10 Comme à Lisieux (Normandie), dans les thermes de Mandelieu (Alpes maritimes), à Eu/Bois l’Abbé (Seine maritime), à Augst insula 29 (Suisse), etc. Voir l’ensemble des comparaisons dans Billerey, 2010, p. 66.

11 L’ouvrage d’Y. Dubois propose une étude approfondie de cet espace qualifié d’ambulatio à abside et exèdres dans la villa romaine : Dubois, 2016, en particulier p. 232-234.

12 Cette hypothèse a déjà été présentée par le projet collectif de recherche RURALIA (Nouvel et alii, 2019, p. 374).

13 Si la cour régulière semble être le modèle le plus courant dans cette partie du territoire séquane, il existe également quelques exemples de cour trapézoïdale : voir les différents plans possibles dans Nouvel, 2020, p. 25-37 et Nouvel et alii, 2019, p. 76-78.

14 Voici les surfaces des plus grands établissements ruraux du territoire Séquane : Thoraise (Doubs) : 10,8 ha ; Arlay (Jura) : 10,5 ha ; Môlay La Corvée Haute (Jura) : 15 ha ; St-Aubin Mazeret (Jura), 9,6 ha ; Vitreux-Pagney (Jura) : 10 ha ; Bourbonne-les-Bains La Mazelle (Haute-Marne) : 10,2 ha ; Chassey-lès-Montbozon (Haute-Saône) : 13,1 ha, Port-sur-Saône (Haute-Saône), 15,4 ha ; Vellexon (Haute-Saône), 10 ha. Ces données proviennent du projet collectif de recherche RURALIA (Nouvel et alii, 2019 et Nouvel et alii, 2020). Voir également Ferdière et alii, 2010, p. 388. En Suisse, la villa d’Yvonand se développe sur 600 m de longueur pour 220 m de largeur, soit 13,2 ha (Dubois, Paratte, 2001).

15 Nous pouvons citer la liste établie par P. Nouvel : Môlay, Ougney-Vitreux, Bourbonne-les-Bains, Arpenans, Barges, Champlitte-la-Ville, Port-sur-Saône, La Villeneuve-Bellenoye, Arlay, Vitreux-Pagney, Chassey-lès-Montbozon, Vellexon (Nouvel et alii, 2019, voir les fiches des sites par ordre alphabétique).

16 Pour des observations récentes sur ces parcelles menées à l’occasion d’une opération de diagnostic, voir par exemple Gaston, 2016, qui propose une relation entre les structures hydrauliques qu’il a mises au jour et l’aménagement de la Fontaine Saint-Ambroise.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Carte de situation du site de Bavilliers.
Crédits DAO P. Nouvel, Université de Bourgogne-Franche-Comté / UMR 6298 ArTeHiS.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 883k
Titre Fig. 2. Opérations archéologiques de la commune de Bavilliers.
Crédits DAO S. Blin, A. Le Martret et A. Pichot.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 866k
Titre Fig. 3. Deux éléments architecturaux du site.
Crédits Photographies du Musée d’Histoire de Belfort.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 951k
Titre Fig. 4. Plan des fouilles de sauvetage et prospections réalisées dans la Grande rue François Mitterrand et la propriété Jeannez-Spadone.
Crédits Dessin R. Billerey, mis à disposition par l’auteur.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 634k
Titre Fig. 5. Vestiges de mosaïque découverts en 1969 et 1984, superposés à la restitution de R. Billerey.
Crédits DAO d’après Billerey, 2010, fig. 41, p. 59 et clichés Musée archéologique de Belfort.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Fig. 6. Plan de la fouille au 45 Grande rue François Mitterrand.
Crédits DAO A. Le Martret.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 423k
Titre Fig. 7. Plan de la fouille réalisée dans la rue des Écoles.
Crédits DAO A. Pichot.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 544k
Titre Fig. 8. Vue d’une portion du radier de la voie romaine de la rue des Écoles.
Crédits Photographie A. Pichot - ANTEA Archéologie.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 657k
Titre Fig. 10. Plan du bâtiment A de la rue des Écoles.
Crédits DAO A. Pichot.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 980k
Titre Fig. 9. Vue aérienne des structures antiques et du paléochenal de la rue des Écoles.
Crédits htttp://www.balloide-photo.com.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 630k
Titre Fig. 11. Plan du bâtiment C de la rue des Écoles.
Crédits DAO A. Pichot.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 725k
Titre Fig. 12. Fosses, fossé et trous de poteau à l’arrière des bâtiments.
Crédits DAO A. Pichot.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 666k
Titre Fig. 13. La céramique du site antique de la rue des Écoles.
Crédits DAO A. Murer.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 489k
Titre Fig. 14. Mobilier métallique de la rue des Écoles.
Crédits Dessin O. Chifflet et A. Tenud.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 726k
Titre Fig. 15. Coupe du radier de fondation du monument central.
Crédits Photographie A. Le Martret - ANTEA Archéologie.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Fig. 16. Applique de harnais en forme de lunule.
Crédits Dessin V. Gaillard – ANTEA Archéologie.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 726k
Titre Fig. 17. Fragment de foudre en alliage cuivreux.
Crédits Dessin V. Gaillard – ANTEA Archéologie.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 667k
Titre Fig. 18. Le monument central de Bavilliers, avec hypothèse de restitution d’un premier état en bois (en vert).
Crédits DAO A. Le Martret et hypothèse de restitution S. Blin.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 762k
Titre Fig. 19. Restitution des compositions sur trame oblique et sur système à cercles sécants découvertes dans la galerie ouest.
Crédits D’après Billerey 2010, fig. 22 et 26, p. 71 et 73.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Fig. 20. Plaques à fond blanc mis au jour dans l’exèdre LO10 de la galerie ouest.
Crédits D’après Billerey, 2010, fig. 11, 12 et 16, p. 68 et 69 et hypothèse de restitution d’une fenêtre ou d’un trompe trompe-l’œil (DAO S. Blin).
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 581k
Titre Fig. 21. Restitution des enduits peints de la galerie est (à gauche), et (à droite) la même avec les compléments apportés par R. Billerey.
Crédits CEPMR 1999, DAO d’après cliché Musée archéologique de Belfort et dessin Billerey, 2010, fig. 14, p. 88.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 911k
Titre Fig. 22. Vestiges du décor de stuc de la galerie est.
Crédits D’après Billerey, 2010, ph. 5, 9, 10, 12 et fig. 29, p. 107, 111, 114, 116.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 436k
Titre Fig. 23. Reconstitution du fronton triangulaire en stuc.
Crédits Dessin R. Billerey, Billerey, 2010, p. 112, fig. 28.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-23.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Fig. 24. Plan des vestiges antiques et hypothèse de restitution de l’ensemble de la villa.
Crédits DAO S. Blin, A. Le Martret et A. Pichot.
URL http://journals.openedition.org/rae/docannexe/image/15953/img-24.jpg
Fichier image/jpeg, 732k
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Pour citer cet article

Référence papier

Adeline Pichot, Séverine Blin, Loïc Daverat, Simon Goudissard et Axelle Murer, « La Villa de Bavilliers (territoire de Belfort) »Revue archéologique de l’Est, Tome 71 | 2022, 177-204.

Référence électronique

Adeline Pichot, Séverine Blin, Loïc Daverat, Simon Goudissard et Axelle Murer, « La Villa de Bavilliers (territoire de Belfort) »Revue archéologique de l’Est [En ligne], Tome 71 | 2022, mis en ligne le 01 octobre 2022, consulté le 29 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/rae/15953

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Auteurs

Adeline Pichot

Responsable d’opération ANTEA Archéologie, UMR 7044 Archimède (Strasbourg).

Séverine Blin

Chargé de recherche au CNRS, UMR 8546 AOROC.

Loïc Daverat

Responsable d’opération ANTEA Archéologie.

Simon Goudissard

Géomorphologue ANTEA Archéologie.

Articles du même auteur

Axelle Murer

Responsable d’opération et céramologue ANTEA Archéologie, UMR 7044 Archimède (Strasbourg).

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Droits d’auteur

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